Cher lecteur, en tant que divinité, jamais, je n’aurais pu croire me tromper. M’égarer sur le chemin de l’aveuglement.
Et pourtant, les humains que j’ai pu croiser lors de mes longs périples vers les bras du sommeil éternel m’ont tous un jour dit : L’erreur est humanoïde. Mais quel sens donné à cela ?
Le regard que j’ai pu porter sur les erreurs de tout un chacun, fut longtemps teinté d’une perspective différente.
Pour moi, être divin marchant à leur côté, cette notion d’erreur, de fourvoiement, de faute n’existait pas. Comment le divin pouvait-il se tromper ? Faire des choix aux conséquences dévastatrices ?
Cependant, cette erreur particulière, m’a ouvert les yeux sur la fragilité de la vie et la responsabilité qui pèse sur mes épaules. Malgré tout, les erreurs restent des leçons, des opportunités de comprendre les complexités de l’existence.
Peu importent les actes me permettant de soulager ma conscience, le mal est fait. Je suis responsable de la mort de milliers de personnes et jamais rien ne réparera cette erreur.
L’obscurité, sombre et oppressante, s’étendait comme un voile impénétrable. Elle m’enveloppait de son étreinte glaciale. Chacun de mes souffles résonnait dans le silence pesant du cachot, amplifiant la sensation de solitude et de désespoir de mon être. Les murs de pierres, humides et froids, semblaient se renfermer lentement. L’enfermement me faisait perdre la tête.
J’imaginais une faible lueur, provenant d’une torche. Elle vacillait. Elle projetait des ombres inquiétantes sur les murs. Je la voyais grossir, s’épanouir sous un vent qui n’existait pas. Puis, elle s’enflamma avec force, étreignant le froid de sa mortelle chaleur. Cette lumière, bien que fugace, m’apportait du réconfort. Pourtant, rien de cela n’était réel.
J’étais assis, sur le sol de terre battu, laissant le froid lécher mes chairs. Mes yeux s’habituant à l'obscurité, scrutaient les ténèbres dans l’espoir d’apercevoir le moindre signe de mouvement. Le tintement de mes chaînes était mon seul compagnon à travers cette épreuve. Mais en était-ce seulement une ?
Me recroquevillant sur moi-même dans l’espoir de conserver une maigre chaleur, je ressassai encore l’erreur que j’avais commise. Je laissais la colère du Seigneur Alkan marteler mon esprit. Puis sa condamnation, cette expiation forcée due a mon comportement pusillanime. Atalante m’avait ouvert la porte vers une nouvelle voie. Cette voie aussi pleine de bon sentiment, de force et de courage, m’avait rendu amnésique. Je m’étais laissé aveugler par mon hybris, défiant ses ordres sans voir le précipice qui m’attendait. J’en avais oublié les ordres de mon mentor.
Perdu dans l’euphorie de ma découverte, j’avais laissé ma naïveté lui offrir les prémisses d’une avanie que je savais cruelle. Moi, l’être de lumière aux ailes brisée, ne pouvant évoluer dans les ténèbres, me retrouvait enchaîné à elle par ma bêtise. Comment ai-je pu croire qu’il me pardonnerait mon insubordination ? Ce cachot me rappelait amèrement qu’on ne se jouait pas du divin. On ne peut faire confiance au divin.
La lumière m’aveugla. Protégeant mes yeux de mes maigres bras, la douceur d’une couverture sur mes épaules m'offrit la chaleur que les ténèbres m’avaient prise. Je me sentis soulever de terre. Ses bras si réconfortants m’enveloppèrent de leur force. Je n’osais regarder mon bourreau dans les yeux. Je ne voulais pas lui donner la satisfaction de m’avoir une nouvelle fois brisé par sa folie. Les voix de Dama Ashante et de Khae me parvinrent et je retrouvai la liberté dans ce long vestibule aux éclats noirâtre.
M’extirpant des bras du Seigneur Alkan, je me précipitais vers la sortie de son palais. L’hiver avait laissé sa place au printemps. La réalité me frappa, je venais de passer trois mois enfermé dans le cachot.
L'air frais et vivifiant emplissait mes poumons. Les rayons du jeune soleil printanier caressaient doucement mon visage. Devant moi, un paysage verdoyant s'étendait à perte de vue. Fleurs éclatantes et bourgeons naissants. Oiseaux chantant joyeusement, célébrant l'arrivée de la nouvelle saison. J'étais émerveillé par cette renaissance. La victoire de la vie était évidente partout où je regardais. Les arbres bourgeonnaient, les fleurs éclataient de couleurs vives, et la nature semblait chanter une symphonie de renouveau. Chaque souffle d'air frais, chaque rayon de soleil, chaque chant d'oiseau était une célébration de la vie sur le néant de l’hiver. Je me sentais revigoré, prêt à affronter les défis à venir avec une nouvelle vigueur.
Le bain fut un délice, le repas pantagruélique. Face aux critiques du seigneur Alkan, je fis preuve d’une remarquable équanimité. Je faisais fi de ses remontrances, préférant m’enquérir du bien-être des petites gens de son peuple, qui attendaient mon retour parmi eux. Je ne pouvais, en cet instant, me résoudre à répondre aux offensives verbales de mon mentor. L’ombre qui sommeillait en mon sein vibrait, réagissant aux diatribes virulentes du seigneur Alkan. Je tentais avec calme de la contenir, la peur de la laisser reprendre le contrôle de mon être me tiraillait. L’imposture de mes déclarations, aux milieux des ruines de Atalante et leurs véracités, se devaient d’être la seule et unique vérité. Comment réagirait-il en apprenant que l'énergie divine de l’Isis noir était en éveil ? Qu’elle, selon ses désirs, pouvait s’emparer de mon corps pour officier la plus sombre des violences ?
La vérité était que cette puissance, longtemps endormie, s’était réveillée avec une force inouïe. Chaque pulsation de cette énergie noire résonnait en moi, menaçant de déchirer les dernières barrières de ma volonté.
Je savais également que le moment de la vérité allait survenir. Pour moi, perdu dans les affres d’un destin que mes semblables m’avaient imposé, les cieux s’assombrissaient. Une tempête se préparait, reflet de la tourmente qui grondait en moi. L’Isis noir, avec sa puissance dévastatrice, avait ordonné Sa puissance avait répondu. Maintenant plus que jamais, je devais être prête à affronter cette force, à la maîtriser ou à connaître l’enfermement éternel en essayant.
À suivre
J’ai beaucoup aimé l’introspection du personnage, c’est vraiment bien écrit et ça plonge dans une ambiance captivante. On ressent bien la tension intérieure du personnage (ça m’a fait penser à l’allégorie de l’homme dans la caverne, lol).
J’ai trouvé le passage du printemps à la fin du chapitre très fort : on passe de la joie et du renouveau à « ha ben non, ça va pas être la joie ». Cette alternance d’émotions est vraiment prenante.
C’est un plaisir de lire ton univers. Continue comme ça, hâte de découvrir la suite ! 😊 D’ailleurs, j’en voulais un 2ème chapitre tout de suite, là, maintenant… j’attends !!!
Petite remarque : on parle un peu des mêmes thématiques dans nos écrits, notamment les fabulations (contes, mensonges) divines racontées aux créatures « humanoïdes ». Où c’est moi lol
J'avoue avoir quelques difficultés à retranscrire les émotions de Lostris sur Odyssée. Dans l'histoire principale, elle est sûre d'elle et totalement folle. Dans Odyssée, elle découvre les mondes et se comporte encore comme une princesse captive qui n'avait jamais quitté le sanctuaire. Décrire les sentiments de quelqu'un qui ne connait rien des mondes extérieurs et qui est plein apprentissage de la vie en général est assez compliqué.
Le prochain chapitre est sur le point d'être publié !
Oui, je crois bien que le mensonge divin est monnaie courante dans le fantastique ! Non que cela déplaise, le noble mensonge est assez répandu dans nos sociétés, nous pouvons donc utiliser ce point moral pour essayer de faire passer ce message aux travers de nos œuvres.
A bientôt
Je comprends que ce ne soit pas simple. Mais tu y arriveras. Tes chapitres sont à chaque fois (très) descriptifs, que ce soit l’environnement ou les émotions. Il te manque peut-être une certaine perspective, mais ça va aller… Il suffit de faire preuve de patience.
Bonne semaine