Je flottais. Je ne savais depuis quand. Je me sentais bercée par un cocon enivrant de douceur. Je me laissais emporter par des vagues de sérénité. Des embruns solaires réchauffaient mon visage. Leurs effluves caressant ma peau. Je pouvais ressentir chaque rayon de lumière pénétrer mon corps. Ils m'apportaient une sensation de bien-être et de réconfort. Cela m'avait tant manqué. Le monde autour de moi, était baigné d'une lumière dorée. Chaque détail empreint d'une douceur matinale.
Je ne souhaitais n'être dérangée dans cette béatitude sous aucun prétexte. Alors, je fis vœu de paix, m'embourbant plus profondément dans cette offrande chaleureuse.
Une étrange sensation s'empara subitement de moi. Elle me sortit de cette torpeur. Perplexe, je ressentis le contraste de cet élément ô combien vital pour moi, avec son contraire. Longeant mes jambes pour envelopper ma chaire dans de désagréables picotements, un froid mordant et humide, imprégnait mes vêtements. Une dualité entre confort et inconfort se créait. Non certaine d'être confronté à la réalité, je délaissais cet état d'inconscience, pour revenir vers la réalité.
Étais-je encore dans un songe destiné à me tromper sur l'existence de ma condition ? Quel maléfice m'offrait le refuge flamboyant de la lumière ? L'inhospitalité glaciale de l'eau ? Moi l'être immortel dont les affres se voulaient malédiction, ne pouvait pas le rêver ! Et je ne rêvais pas. Cette sensation n'était pas réelle. J'ouvris lentement mes yeux encore engourdis par le sommeil.
Fixant le ciel, quelques secondes de répit m'apportèrent l'éclaircissement nécessaire à la compréhension de la situation. Là où se dressait encore une épaisse couche de nuage grisâtre qui obscurcissaient les cieux, le ciel, bleu, sans nuages, lumineux et emplit de chaleur s'étend à perte de vue. Je me redresse promptement. Sans comprendre, mon regard fit le tour de l'endroit. La panique s'empara de moi.
J'étais allongée au milieu des ruines. Nul bruit ne venait troubler la quiétude du son apaisant des cascades non loin, et le clapotis de flaques d'eau. Des pierres éparpillées et des pans de mur jonchaient le sol ou s'étendaient d'immenses crevasses.
Je me souvenais vaguement avoir été dans un temple sous l'eau. Je me revis arpentant une vaste salle, écrivant dans mon carnet ce que mes yeux contemplaient. L'histoire tragique de ce monde m'avait convaincu de la nécessité pour ma santé mentale, de voyager et de découvrir ce que l'univers pouvait offrir. Puis le souvenir de ces deux hommes. Des soldats du Clan des Ombres. La peur. L'effroi de leurs voix sur mon esprit. La chaleur de mon sang coulant sur mes vêtements. Puis plus rien. Les ténèbres m'avaient saisi aussi limpidement que de l'eau. Que s'était-il produit ? Où se trouvaient donc mes bourreaux ?
Je me relevai. Seule l'exploration de ces ruines pouvait m'aider à comprendre ma présence en ce lieu. Les réponses se trouvaient forcément cachées parmi les débris et les vestiges. Avec une détermination renouvelée, je commençai à fouiller les environs, prêt à découvrir de nouveau secrets.
Ce que je vis lors de cette recherche me hante encore aujourd'hui. Je ne fus pas sûr, au premier abord, de comprendre ce qui se déroulait sous mes yeux.
L'un des hommes, flottait dans les airs. Il tentait maladroitement de fuir quelque chose ou quelqu'un. Ses mouvements désordonnés trahissaient une panique intérieure. Il jetait des regards frénétiques autour de lui, cherchant désespérément une issue. Soudain, une ombre menaçante fit son apparition à l'horizon. Se rapprochant à une vitesse alarmante, l'homme redoubla d'efforts. Ses tentatives restant vaines. La peur se lisait dans ses yeux. Chaque battement de son cœur résonnait dans le silence oppressant. Lorsqu'elle atteignit l'homme, elle l'entoura doucement au lieu de l'engloutir. Elle le souleva avec une délicatesse inattendue.
L'ombre n'était pas ordinaire. Elle vibrait d'une énergie mystérieuse, ses contours changeant constamment comme une flamme dans le vent.
Subitement sa force se fit implacable. Je vis l'homme se tordre de douleur, ressentant les effets d'une forte énergie se rependre en lui. Chaque fibre de son corps brûlait sous l'effet de cette force sombre. L'ombre magique, loin d'être bienveillante, se délectait de sa souffrance, tordant et distordant sa réalité. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que le cri silencieux de sa victime dans l'immensité du vide.
L'homme retomba à terre. Ses yeux révulsés. La vie venait de le quitter, entièrement consumée par cette chose donc j'ignorais totalement tout.
Aussi étrange que pouvait être cette situation, la peur ne guidait pas mon esprit. Cette ombre dont la malveillance venait de m'être servi sur un plateau, ne m'effrayait pas. Son énergie était familière, son existence protectrice et chaleureuse. Elle s'avança vers moi. Elle m'entoura doucement. Elle se frotta contre moi avec une tendresse féline. Je cru l'entendre ronronner, émettant une chaleur réconfortante qui apaisa ses craintes. Comme un chat protecteur, l'ombre magique veillait sur moi.
C'est un son des plus désagréable qui s'imposa à mon esprit. Une vague de chaleur tel un claquement résonna dans ma tête. Nulle douleur ne l'accompagnait, malgré les effets d'un manque de pratique dans la magie mentale. Un grésillement se fit d'abord entendre, puis une voix lointaine. Faible et incompréhensible, elle fut remplacée par les échos de paroles dont la teneur était incompréhensible. Elle venait enfin de prendre possession de mon esprit, non sans quelques difficultés à ajuster sa puissance sur un corps divin. Et enfin, je compris. Cette ombre, insolente et autoritaire, m'avait sauvé dans le temple.
Affolé par la peur de comprendre, je gravis les ruines. L'ascension me fut facile, l'ombre me suivant sans tenter la moindre action néfaste envers moi. Je restais bouche bée, face à l'évidence. L'ombre avait détruit le temple. Le malaise n'en était pas un. L'ombre s'était emparée de mon corps. La force prodigieuse qu'elle avait déployée avait changé radicalement la topologie du paysage. La mer s'était retirée. La ville engloutie attendait à nouveau sous le soleil de nouveaux visiteurs. Le paysage, désormais méconnaissable, s'étendait à perte de vue. Les vagues avaient laissé place à une vaste étendue de sable et de rochers. Les bâtiments submergés, libérés de leur prison aquatique, se dressaient comme des fantômes du passé.
Les rues, étaient maintenant envahies par une végétation luxuriante. Des plantes marines, transportées par les courants, avaient trouvé un nouveau foyer parmi les ruines. Le silence régnait en maître, seulement troublé par le souffle d'un nouveau vent.
Au centre de la ville, une grande place pavée, autrefois lieu de rassemblement, était à présent recouverte de sable fin. Une fontaine, miraculeusement intacte, continuait de jaillir.
C'était impensable. Qui était cette ombre ? D'où venait-elle ? Quel pouvoir possédait-elle pour mouvoir un corps divin ? Comment avait-elle réussi à redonner de la vie à ce monde déchu ? La réponse me fut douloureuse.
Moi qui pensais que son endormissement en mon sein était naturel, je me trompais. Elle n'avait jamais dormi. Elle attendait patiemment son heure pour répondre à un ordre de son ancien maître.
Elle était mon chien de garde, toujours vigilante. Elle était mon bras armé, prête à frapper à tout moment. Elle était ma seule compagne, fidèle et inébranlable. L'énergie de l'Isis noir flottait devant mes yeux, et elle m'invitait à plonger avec elle dans les vastes flots des ténèbres.
Plus qu'une présence se devant rassurante et bienveillante, elle allait devenir, dans un futur proche, la cause de nouveaux maux. Une nouvelle malédiction. Que je maudis à cet instant le Seigneur Judal de m'avoir imposé ce nouveau tourment ! Puisse-t-il brûler dans les flammes éternelles de l'énergie sacrée !
Je tendis neanmoin la main, attirée par elle. Un frisson parcourut mon corps. Une connexion se forma. L'ombre vibra, réagissant à mon toucher. Lentement, je fermais les yeux et me laissai guider par cette force obscure.
Fin.
Le début est très descriptif (de l’histoire, de l’Odyssée), et l’arrivée de l’action apporte une belle dynamique tout en restant poétique ! Cependant, le vocabulaire très soutenu, même s’il est agréable (j’apprends plein de mots au passage, lol 😅), ralentit un peu le rythme par moments. Les descriptions sont superbes, mais elles prennent, parfois... le pas sur l’action.
La forme magique qui la protège, c’est une sorte de familier ?
Petite remarque : j’ai relu chaque chapitre et... on ne voit jamais le nom de la « princesse » ! Du coup je ne peux la voir autrement que comme Atalante
Continue comme ça, c’est un vrai plaisir de suivre ton univers ! 😊
Merci pour ton retour. J'écris avec un langage soutenue car c'est une divinité qui raconte son histoire. Je part du principe que le langage du divin est plus soutenue que la populace 😝
L'ombre n'est pas un familier. C'est précisé : "l'énergie divine de l'Isis noir flottait devant moi".
Voir les chapitres dédiés aux Isis et aux Isis noir et blanc dans l'encyclopédie divine : l'énergie divine d'un Isis acquiert une conscience qui lui est propre à la mort de son porteur.
En effet, il n'est nul part mentionné le prénom de Lostris. Je vais remédier à cela
A bientôt
A bientôt