Un escalier de pierre, un couloir étroit et obscur et les relents d’une antique magie noire. Sans peur ni doute, je descends au plus profond de cet antre infernal. Les accords de cette funeste énergie qui s’enchevêtrent aux suintements des parois, guide mes pas.
Ma descente vers ses bas-fonds s’accorde au rythme de ces vagues énergétiques qui envahissent chaque recoin. Elles s’étirent, s’installent, s’emparent de l’espace. Cette puissance qui pulse à chaque marche est irrésistible. Je ne lutte pas, je ne me détourne pas. Comme une main invisible, elle devient maîtresse de mes propres pensées. Elle m’envoûte et m’hypnotise.
Car là, est le plus grand mensonge des ténèbres. Séduisante, elle nous enferme dans la plus parfaite des illusions. Une façade de bienveillance et de facilité, qui cache l’oppression du fond de son sein. Manipulatrice, réconfortante, chaleureuse, telle une étreinte, pour mieux nous dominer. Promesse de puissance, de liberté ou de connaissance pour mieux nous aliéner. Car les ténèbres mènent à la folie.
Mais ne vous trompez pas ! De la lumière, il faut également se méfier. Si douce, si pure, si parfaite. Elle peut éblouir, aveugler et imposer sa volonté sous des airs de pureté. Dans son éclat, l’ombre d’une vérité cachée peut se tapir et tout anéantir. Et que reste-t-il à celui qui de trop près de la lumière s’est brûlé les ailes ?
Pourtant, c’est de cette dualité trompeuse, d’un équilibre parfait entre ces deux éléments que la vie peut croître et évoluer. Car la vie, dans sa complexité, naît souvent de ces tensions opposées. C’est dans leur danse, qu’elle trouve sa richesse et à sa capacité à se transformer.
Cette mise en garde, je la perçois. Séduction trompeuse ou éblouissement intense, l’ombre et la clarté se confrontent en moi. Chacune me murmure sa vérité. Chacune m’offre son propre piège. Toutefois, au milieu de leurs tensions, je l’entrevois. Cette voie, fragile, mais vrai. Une interaction, une source d’évolution et de transformation. Et même si ces deux opposés, toutefois si complémentaire, cachent leur vérité dans la nuance de leurs extrêmes, il faut se parer de vigilance et d’acceptation pour en saisir toute l’essence. Car cette danse entre ombre et lumière, cache bien plus qu’une simple dualité. Au-delà de sa métaphore, c’est un message. Une invitation à embrasser la complexité de la vie. À vivre !
Mais revenons-en à cet escalier de pierre qui semble s’enfoncer inexorablement vers un portail menant aux enfers. Au bout de ce chemin, une salle immense s’étend. Un caveau ? Non, une simple pièce aux murs de pierre grisâtre, sans ouverture. Juste une entrée, seulement une sortie. Je lève ma main, et fais apparaître une sphère de lumière. Elle grésille sous les assauts de la pénombre. Des résidus de magie noire qui en ce lieu paraît irréelle, suintent des parois, du sol. Cette énergie obscure s’agglutine, et forme un rempart écœurant, presque vivant. Elle m’empêche d’avancer. Par-delà ces effluves nauséabonds, je ne ressens rien d’autre qu’un sortilège qui s’effrite, comme emporté par l’ombre d’un éclat vacillant.
L’aura que dégage le lieu est en revanche oppressante. J’essaie de traverser cette funeste force, mais elle se fait furie. Elle avance vers moi, me force à reculer et tente de me happer. L’énergie de l’Isis noir vibre dans ma poitrine. Elle veut quitter mon corps et se mêler à cette noirceur. Je la sens vorace, prédatrice. Ses furieux appels me vrillent l’esprit. Elle m’arrache toute volonté. Elle me force à abdiquer. Elle a faim de ténèbres.
Dans cette lutte, je ne fais guère attention à cette mélasse poisseuse qui s’avance. Et tandis que je blâme violemment l’énergie de l’Isis noir, elle se replie violemment, m’arrachant un cri de douleur. Ses appels se font murmures tandis qu’une lueur se forme. Des chandelles luminescentes apparaissent et illuminent la noirceur. Ces sont des âmes. Elles hantent subitement l’endroit, insidieuses et néfastes. Comme si elles furent arrachées de leur enveloppe charnelle dans une agonie interminable, leur essence tourmente l’espace. Elles brouillent la réalité comme un voile spectral. Je les aperçois. Pareilles à des feux follets, elles rampent sur le sol, escaladent les murs. Elles tentent désespérément de s’accrocher à la moindre trace de ce qui pourrait rappeler la chair humaine.
Une odeur familière, âcre et dérangeante, émane du sol, bien que je ne parvienne à identifier la substance qui s’y repend. Je m’avance, chassant de ma main, ces âmes qui, dans leur désespoir, s’agrippent à ma peau. Elles frémissent, palpitent. Elles ne sont plus que fragments perdus cherchant un corps ou renaître. Elles ne connaissent pas le repos et ne le connaîtront jamais. Ces âmes ne rejoindront pas le flot infini de l’énergie créative. Elles sont captives de ce monde.
Elles s’agglutinent en masse. Des milliers de petites boules flamboyantes convergent vers moi. C’est une vague tourmentée et incessante. Elles hurlent silencieusement. C’est un cri que seule mon âme perçoit. Une plainte chargée de souffrance et de désespoir. Je ressens leur détresse s’accrocher à ma peau. C’est froid, angoissant.
Mais je ne peux arrêter ma marche. Je souffre avec elles, car je ne peux leur offrir la libération de leur tourment. Je puise dans mes forces pour avancer. Je laisse l’énergie de l’Isis noir tourbillonné autour de moi. Elle se fait chien de garde pour protéger ma lumière de ces attaques.
Au centre de la salle, une marque intrigante capte mon regard. C’est un appel silencieux, chargé d’un pouvoir magique ancien. Il y avait quelque chose ici, quelqu’un. Une énergie puissante, palpitante, presque imperceptible. Je m’abaisse à sa hauteur. Elle dresse une barrière entre moi et les âmes qui s’écartent, effrayées par l’étrange énergie. La brûlure qui saisit mon bras lorsque ma main se pose sur le sol froid ne me laisse guère le doute. C’est une empreinte magique. Pas celle du passé, c’est bien plus sombre, bien plus sinistre. Ce n’est pas antique, mais maudit. C’est la malédiction d’un mage puissant ayant trouvé la mort ici-bas. C’est un message qu’il laisse, qui me murmure sa légende oubliée. C’est le témoignage d’un pouvoir qui ne pratique plus, un acte sacrilège si terrible, qu’il a marqué cet endroit à jamais.
A suivre