Le commisaire divisionnaire Joseph Alarin avait quarante-deux ans, et fumait en général trois cigares par jour. Des bons cigares, ce qui semblait une importante dépense mensuelle, tandis que Serge préférait dormir dans la rue que payer un loyer. Chacun ses priorités, pensait-il. Il se força tant bien que mal à se concentrer sur le commissaire et ce qu'il disait;
-Cette découverte est accidentelle, mais le ministre a fait pression. C'est simple : Soit tu te tais, soit tu parles et tu disparais mystérieusement.;
Serge déglutit de travers : Ce ministre agissait comme un criminel ! Alarin reprit son discours comme s'il n'vait pas vue la réaction ébahie du capitaine.
-De notre côté, il nous a ordonné de tout nier en bloc si nous ne voulons pas voir diffuser des dossiers sur toutes nos bévues, ce qui contient aussi celle de 1972.Non, ce n'est pas qu'une rumeur, et oui, c'était bien de ma faute.
Dans la brigade, la "bévue de 1972" était quasiment un mythe. Certains racontaient qu le commissaire Alarin, alors chargé d'interventions, avait abattu la totalité des otages lors du braquage d'une banque en les prenant pour les braqueurs, puisque ces derniers les avaient revêtus de cagoules noires de manière à ce qu'ils soient tous habillés identiquement. Arthur Poirant, alors ministre de la Sécurité Intérieure, avait étouffé l'affaire et mis en scène une explosion de gaz. En un mot comme en mille, si l'affaire venait à s'ébruiter, Alarin pouvait dire adieu à sa carrière et endurerait la critique de l'opinion publique.
-Ah, et au cas où tu serais quand même tenté de parler, lui annonça le commissaire du ton d'un prestidigitateur qui s'apprête à faire jaillir une colombe de sa manche, tu es muté à Aigreville. Ne me regarde pas comme ça, c'est aussi Poirant qui a insisté, ajouta-t-il en voyant l'expression assassine de Serge.
Serge dut se retenir à son fauteuil pour ne pas tomber. Ce n'était pas une colombe qui avait surgi de la manche du commissaire, mais un vautour assoifé de carnage, un corbeau friand de drames. Aigreville. Le cauchemar de tous les policiers dotés d'instinct de survie. Là-bas, les vieilles dames transportaient des pistolets pour aller faire leurs courses, et les caissiers préparaient un Taser en cas de braquage. Même dans les écoles, il arrivait parfois que les enfants attaquent les instituteurs au couteau. Il paraissait qu'une fois, ce n'était pas un couteau qu'avait utilisé l'enfant de six ans, mais une grenade. Si il devait rester longtemps là-bas, il n'aurait aucun autre choix que de rejoindre une des centaines d'organisations criminelles qui y résidaient ou de faire place nette et nettoyer toute la ville de sa violence. Il aurait aussi la possibilité de faire tomber Poirant avec cette histoire de détournement de fonds, mais cela signifierait aussi de révéler le carnage de 1972 et toutes les autres fois ou Serge et son équipe souillaient les scènes de crime -Contempler et usiter d'un fauteuil vert, par exemple. Soit il mourrait seul, soit ils tombaient tous.
Serge choisit la première option, et se mit en route le jour même, à la demande du ministre.
J'aime que notre Capitaine soit pas blanc-bleu, c'est plus intéressant qu'un ptrotagoniste bien sous tout rapport.