Ailes perdues

Elle est née avec une paire d’aile.

Cette paire n’était pas très jolie,

Elle faisait même un peu peur.

Mais elle lui permettait de voler à travers les cieux,

Bien haut,

Bien loin de la terre.

La nature n’avait pas été ingrate avec cette enfant,

Elle lui avait offert un beau visage,

Deux yeux perçants d’un bleu azur,

Des yeux profonds,

Des yeux tendres.

Son sourire était doux comme le miel,

Un sourire tout chaud,

Un sourire d’étoiles.

Elle était belle,

Elle l’est toujours,

Mais cette beauté a perdu quelque chose,

Elle a perdu ses ailes.

Une fois perdues pour de bon,

Elle crue étouffée, enchaînée à la terre,

Au milieu des autres,

Envahie par les autres,

Par leurs peurs,

Leurs remords,

Leurs chagrins.

Elle se sentit si lourde,

Qu'elle crût mourir.

Elle avait perdu la légèreté que lui offrait la vue du ciel :

Le recul de la hauteur.

À présent elle gisait à terre.

Pourtant, lui, l’a vu voler,

Pour lui elle vole de son pas léger parmi les siens,

Elle brille au milieu des autres,

Même au sol elle semble voler haut,

Bien haut,

Il n’arrive pas à l’atteindre, lui qui vole,

Elle vole bien trop vite pour lui,

Elle déborde de lumière,

Il lui suffit d’un seul de ses regards,

    pour s’y perdre,

    pour y fondre comme neige au soleil.

Comme Icare il a voulu s’approcher de ce soleil,

Pour finir par s’y brûler.

Elle pleure,

Il pleure,

Quand est-ce que tout a commencé ?

À qui la faute ?

Il hurle : « À qui ? »

Elle pleure : « Je ne sais pas. »

Non, ils ne veulent pas savoir,

Car ils n’étaient que des oisillons,

Perdus au milieu des grands,

Ils les ont avalés à peine sortie de l’œuf,

Ils les ont blessés,

Elle a perdu ses ailes,

Lui, elles ont été piétinées,

Et il n’a même pas pu crier.

À qui la faute ?