Un an et demi avant :
Dans la voiture qui le mène à Saint Denis, il se laisse bercer par le roulis et la musique de son mp3. Crystal et Amel tiennent très bien conversation sans lui. Le paysage défile, le piano dans ses oreilles égraine des notes délicates et tristes. Enfoncé dans son siège, il se perd en contemplation. Il déménage pour plusieurs mois, sa valise dans le coffre, sa guitare sur le siège d'à côté, il aurait aimé partir ailleurs.
Quand ils arrivent enfin, il fait nuit, il n'a pas vu le temps passer. Il aura fallu pourtant un peu plus d'une heure et demie pour relier les deux villes.
- Hou lala qu'il a l'air triste, à croire que je t'enlève de force ! se moque gentiment Crystal.
- Je suis un peu fatigué.
- J'espère que la « gaaaaîté » va te revenir quand tu vas voir notre appartement !
Les premiers temps, se sont déroulés sans vraiment d'accrocs, il a été très bien accueilli par l'équipe du restaurant, rien à dire. Les autres employés sachant qu'il était un ami de la "patronne" n'auraient de toute façon pas pu être désagréables. Au fur et à mesure des jours qui passent les questions fusent cependant sur cet étrange personnage. Décrit au départ tel un bout entrain à l'humour caustique et léger, Yann va en décevoir pas mal.
L'intéressé ne s'en préoccupe pas et d'ailleurs, il ne cherche pas du tout à s'intégrer. Transparent, il ressemble plus à une doublure qu'à un personnage actif du lieu. Il fait ce qu'on attend de lui sans y prendre de plaisir et sans vraie curiosité.
Ses réactions restent mornes, même lorsqu'il découvre son nouveau lieu de travail. Une grande cuisine qui change de celle du Pueblo, un bar moderne et très club, une réelle liberté d'action, une nouvelle formation, rien ne parvient à le sortir de son état taciturne.
Bien que Yann ait été embauché afin de s'occuper du bar, des remplacements au service ont été prévus. Ils se dérouleront les jours où personne ne pourra assurer sa formation et ce, le temps qu'il se soit familiarisé vraiment avec la réalisation des cocktails.
L'apprentissage se fera cependant rapidement, contre toute attente et malgré le peu d'entrain du concerné. Yann apprend vite, très vite, il est telle une éponge qui absorbe l'information et le geste comme si sa vie en dépendait. Puis, le travail lui permet de ne pas trop réfléchir, il se plonge à corps perdu dedans.
Il n'y a pas que les locaux qui le changent de son ancien job, la clientèle visée est également très différente. Toujours des vacanciers, certes, mais une population presque exclusivement gay et friquée. En d'autres circonstances, il en aurait été ravi, rien de mieux en effet pour nourrir même visuellement son appétence relationnelle et sexuelle. Seulement Yann se languit et n'essaie même pas de faire bonne figure.
L'emménagement dans la chambre à été rapide, il n'a presque rien amené de chez lui. Sur place, il y a un lit et une armoire, il s'imagine n'avoir besoin de rien de plus que de pouvoir ranger ses vêtements et dormir. Sa guitare posée au fond du couloir, ne sera que rarement sortie de sa housse. Il partage l'appartement avec Crystal et Amel, même s'il aurait préféré être seul, surtout en ce moment.
Crystal s'applique à le mettre à l'aise mais c'est raté, la trop grande mélancolie du garçon l'empêche de réagir positivement. Yann ne rêve que de Paris, tout en se persuadant que l'espoir est vain. Dans ces conditions, comment s'approprier ce nouveau lieu, ce nouvel emploi, le rendre sympathique pour s'y sentir bien et avoir envie d'y vivre ?
*
Alcey, le grand black au sourire ravageur, le type beau gosse qui porte les plus longs faux cils de toute la boite, le seul, l'unique barman " flair " de ce restaurant, s'apprête à craquer.
Deux mois qu'il forme Yann, soixante jours à supporter sa triste mine. Ce mec là, lui fout le bourdon.
Le club lui a plut de suite, sans doute à cause de l'ambiance joyeuse, pour ne pas dire "gaie" ! Il est hétéro, il n'en a rien dit. Avait-il peur de la discrimination pour cette embauche ? Oui, définitivement oui, il aime se travestir, il aime les paillettes, mais... il aime les femmes aussi. Merde, c'est un problème réel ? Il semblerait qu'ici ce soit le risque. Alors il simule, ça n'est pas la première fois.
Et il était assez content de son choix jusqu'alors. Le boulot est sympa, tout à fait l'image du barman qu'il avait toujours eu en tête, la fête en plus. Malheureusement depuis que cette étrange créature du nom de Yannick Paillet est arrivée, son univers a perdu de sa couleur. Ce n'est pas seulement de devoir bosser à côté d'un gars faisant sans arrêt une tête d'enterrement qui lui pèse. C'est de s'apercevoir que cette mauvaise humeur se répand telle une trainée de poudre. Il n'y a qu'à voir Crystal pour le comprendre. Cet être magnifique de joie de vivre, toujours au top, est, depuis son retour de Saint-Pierre aussi accablé que désolé pour son nouvel employé.
Alcey a bien compris que Yann était un ami et tenté du même coup de prendre son mal en patience sans rien dire au début. Seulement aujourd'hui alors que le personnage se présente devant lui, une fois de plus, aux bords des larmes et ce, sans raison, il décide de réagir.
- Excuse- moi tu ne peux pas faire une autre tête ?
- Quoi ?
- Savoir réaliser des mélanges, retenir les recettes, être organisé, rapide, ok ! C'est super bien, tu es même assez doué pour ça. Mais ici on vent de la joie, des vacances arrosées. Le barman c'est un séducteur, un psy, un médium, un danseur, un jongleur. Si t'es pas content d'être derrière le bar, le client le ressent. Si t'es pas motivé pour faire le spectacle, t'as rien à foutre ici !
- Je n'suis pas là pour jouer les clowns, répond hargneux l'androgyne.
- Écoute Crys t'as vendu comme étant le nouveau...
- Je sais pas ce que Crystal t'as dit, moi je suis cuisinier et serveur, j'ai juste besoin d'apprendre le métier de barman pour poursuivre ma formation professionnelle hôtelière. Ça s'arrête là.
- Hé bha mon gars, le métier de barman c'est pas tirer la gueule derrière son zinc. Tu veux apprendre commence déjà par le sourire.
- ...
- Et ensuite tu devrais goûter ce que tu prépares, c't'un minimum ! Et par-dessus le marché, torche-toi une bonne fois pour toute et oublie-le !
- Pardon ?
- J'te l'ai dit, les barmans sont un peu spy, puis y'a pas besoin d'aller chercher plus loin quand on t'observes on comprend de suite c'qui va pas ! Trouve-toi un autre gars, ici c'est pas c'qui manque.
*
Ils ricanent dans les escaliers, se trainent jusqu'à la chambre, Yann ne touche quasi plus pied à terre. Il se doute que sans Alcey, il serait sûrement resté dormir dans la remise, incapable qu'il aurait été de monter les marches.
Comme prévu pas de Crystal ni de Amel en vu. À l'heure qu'il est, ils sont certainement en charmantes compagnies. Le weekend, ces deux là ne sont quasiment jamais là.
Un rire nerveux prend Alcey lorsqu'il abandonne Yann en le jetant sur le lit. Il se couche à côté de lui, a le tournis, s'imagine déjà le réveille du lendemain et une grimace affectée déforme son expression jusque là goguenarde.
- Putain j'en tien une bonne, lâche-t-il
- Hihihihi ! M'en parle pas. Tu peux rester dormir si tu me promets de pas me violer pendant mon sommeille !
- T'es con...
- Ha oui je suis une connasse, je sais.
- Suis hétéro hein, même bourré !
- Ha, chéri le nombre de gars qui disent ça et qui diraient pas non, si tu savais !
- ...
- Puis toi, t'es un hétéro spécial. Pourquoi est-ce que tu traines qu'avec des gays d'abord hein ?
- ...
- Un hétéro qui aime s'habiller en nana c'est quand même un peu étrange moi je dis chéri.
- Je suis un putain de névrosé pervers c'est pour ça !
- Hihihi, bienvenu au club ! Et t'y a jamais pensé ?
- Quoi ?
- Essayer un mec.
- Beurk ! Et toi tu as déjà essayé avec une fille ?
- J'ai tenté mais elle a pas voulu de moi...
Le ton a changé, Alcey se retourne pour l'observer dans la pénombre.
- Sans rire ? Toi t'as essayé de baiser une nana ? Et elle t'as repoussé ? Pourtant les meufs elles adorent les gays, t'es pas tombé sur la bonne.
- Faut croire que non....
- Woo t'as l'air méga deg' !
- ...
- L'truc tu vois, si j'veux vraiment être honnête avec toi. Moi, les mecs, ouais ça m'est déjà arrivé d'y songer, affirme Alcey. On a tous des fantasmes un peu malsains, sauf que je connais la différence entre ce qui est bien et la limite à pas dépasser.
- Ha je vois le genre, tu trouves que coucher avec un mec quand t'es un mec c'est malsain, on est tous des déviants c'est ça ?
- Nan, vous, vous êtes gay, c'est normal d'être attiré par des mecs, moi je suis hétéro.
- Hihihi ! Tu m'amuses chéri, si tu es attiré par des mecs, c'est que t'es peut-être bi mon chou.
- Je suis pas attiré par des mecs ! Qu'on soit clair, si je me balade tranquille dans la rue, jamais ma teub' se relève devant un mec. Même s'il est bien foutu ou quoi, jamais mon gars ! Sans ça oui, je me serais posé la question. Par contre je te donne pas trente secondes pour que j'explose mon calcif' à la vue d'une bombasse ! Ça mon pote c'est être hétéro ! Après quand t'es seul, en manque ou que t'es bourré pas net, dans les vapes ou en plein rêve de cul, j'avoue que l'idée s'est imposée à moi parfois, mais voilà...
- C'est juste ton corps qui se lâche quand ton cerveau arrête de le brimer, t'es un refoulé !
- Arrête tes conneries, quand je dis que c'est pervers c'est parce que je rêve pas que je me tape un mec par amour ou qu'un mec me fait des trucs parce qu'on se plaît. C'est.... que des trucs avilissant tu vois ? Genre je traite mal le gars et c'est toujours un gars qui ressemble à...
Il se tourne vers Yann une fois encore.
- À une tapette quoi, pas un mec super beau, canon et tout, nan je défonce un gars voilà ! Ou j'imagine qu'il me suce par obligation. Et des fois c'est une meuf aussi, genre salope. J'crois que c'est juste une façon de canaliser une certaine violence. Je fais marcher mon imagination de la même manière quand je joue à un bon shoot them up* derrière mon ordi et que je bute tout le monde. C'est des trucs que dans la vraie vie je ferais jamais. C'est juste un fantasme. Et pour que je reste un mec bien, tranquille et tout, ça doit le rester. Le rêve de viole par exemple, soit y'a un gros pervers dangereux qui sommeille en moi, soit j'ai raison, je suis pas le seul à en rêver. Je crois que presque tout le monde a au moins imaginé ça une fois, même les nanas. Mais y'a un monde entre le fantasme et la réalité. Y'a que si tu le réalises, que là oui, t'es un malade pervers. C'est comme avoir envie de tuer des petits vieux.
- T'es un gars pas net en fait !
- Tsss !
-Si je suis ton raisonnement, on ne t'a jamais sucé ?
- Pffff si... Je sais que c'est autorisé. Cela dit, je t'avoue que je laisse pas la fille que j'aime me pomper le dard, c'est trop avilissant et les meufs, elles aiment pas ça.
- T'es bête toi, qu'est-ce que tu racontes, ta copine te suces pas ? Elle en a jamais eu envie ?
- C'est moi qui veux pas. Les plans cul ok, si ça les amuse, pas la future mère de mes mômes. Je la respecte.
- Et elle est pas frustrée la pauvre ?
- Qu'est ce que tu racontes ? Tu crois que sucer ça plait aux nanas ? T'es ouf' toi ! Nan elles le font pour faire plaisir. Moi y'a d'autres trucs qui me plaisent, elle a pas besoin d'aller jusque là. C'est dégueu.
- Han qu'il est grave celui là.
- T'aimes ça toi, sucer des queues, honnêtement ?
- Chéri, la première fois que j'ai dû embrasser quelqu'un sur la bouche, je me suis dit : " Haaa nan je vais pas aller mettre ma langue dans sa bouche, c'est plein de bave, berk ! " Au départ tu le fais pour plaire à l'autre, puis tu te rends vite compte que c'est assez excitant finalement et ça te reste en mémoire. Cette excitation, chaque fois que tu songes à embrasser, elle te revient et tu éprouves du même coup, toi-même, du plaisir à le faire. Pour la fellation c'est pareil !
Le silence plane quelque instant, Alcey digère les informations aussi bien qu'il le peut avec le nombre de grammes d'alcool qu'il a dans le sang.
- C'est juste c'que tu dis, hééé t'es réfléchi mec ! Tu crois que y'a des nanas qui aiment vraiment sucer des queues pour elle-même, comme on embrasse ?
- J'espère même que la plupart ne le font pas si elles n'aiment pas ça ! Moi j'adore sucer une belle queue, c'est super excitant.
- Faudrait que j'demande à ma copine son avis sur la question.
- Tu vois que tu peux très bien être sucer par un mec si t'en a le fantasme, ça fait pas de toi un cinglé.
- Hum...
- De même que tu peux baiser un mec, si vous êtes d'accord tout les deux, l'important c'est le consentement des deux parties.
- Ouais, ça me fait bizarre de réfléchir à ça quand même. Tu sais j'ai pas de problème dans ma vie. J'ai pas de manque ou quoi, avec ma copine c'est le super pied au plumard. Coucher avec un mec en temps normal, ce serait limite vraiment me forcer.
- Je t'ai jamais dit de le faire par obligation, juste que si un jour ça te botte, t'as pas de raison de pas tenter. Je t'ai vu embrasser des gars des dizaines de fois, j'ai pas eu l'impression que ça te déplaisait.
- Là c'est différent, moi au départ je te l'ai dit, je voulais rentrer dans le milieu, pas besoin de coucher pour persuader ton entourage que t'es pédé, suffit de rouler des baloss. Mais j'te jure que la première fois que j'ai foutu ma langue dans la bouche d'un mec, j'ai dû me vider totalement la tête pour pas lui gerber dessus.
- T'es un grand malade, si tu détestes ça, arrête ! Ça y'est c'est bon, ici tu vas pas être virer, on prostitue pas les employés hahaha !
- Nan mais maintenant ça va et même c'est un plaisir, ça me fait trop marrer en fait même si ça m'excite pas. C'est pour ça que ça me parle ce que tu as dit t'aleur' sur le premier baisé. J'me souviens pas de ce que j'ai ressenti avec ma première meuf.
- Je trouve toujours ça fou que t'ais été jusque là pour trainer avec les gays, tu t'imaginais quoi ? Que c'était plus fun ?
- C'est pas de l'imagination, bon je généralise pas mais ici on s'amuse, c'est la fête, y'a une ouverture d'esprits qui est agréable, que j'ai pas retrouver ailleurs, même toi ce soir, on peut discuter de tout. Puis personne me demande pourquoi j'aime me travestir, personne se fout de ma gueule.
- Ta copine elle prend ça comment ?
- J'ui ai pas dis, tu penses bien.
- C'est triste de pas pouvoir être soi-même avec la personne qu'on aime.
- C'est moi qui ai un problème avec ça, je crois qu'elle le prendrait bien, elle est cool et même sûrement elle s'amuserait à me looker.
- Je me sens vraiment moi quand je porte du maquillage.
- Moi pas, je me sent, plus...Je sais pas comment l'expliquer, c'est un peu un déguisement tout en restant important, faut que ce soit bien fait, c'est du sérieux. Je me trouve différent, beau, original, c'est presque magique, je veux pas qu'on me confonde avec une fille. Moi je suis un drag-queen, pas une meuf ! Toi des fois j'avoue que je sais pas.
- Personne ne sait chéri, même pas moi, avoue Yann.
- Moi je garde ma voix et ma démarche de man. Tu comprends j'adore que les gens se disent " woua ce mec il gère, il est trop magnifique ! " Voilà je suis un mec, un mec habillé en drag' et c'est ça que j'aime, pas qu'on me confonde.
- Tout les goûts sont dans la nature, assure Yann comme pour lui-même.
Alcey se lève.
Faut que j'aille pisser, je crois que je vais en profiter pour prendre une douche, on crève ici.
- C'est l'alcool.
Alors qu'il se débarrasse de son teeshirt en un seul geste, Yann admire son corps musclé parfait, qui à présent luit sous la lune.
- Si j'me fous à poile devant toi tu vas bander ? lui demande aussitôt Alcey.
- Je bande déjà mon chou.
- Haa ça craint, je vais me rincer avant que tu ne me sautes dessus !
- Si tu veux je peux venir te frotter le dos !
- Nan ça ira merci, je crois me souvenir que t'es maqué toi, aussi.
Yann se renfrogne.
Bientôt l'eau de la douche coule. La sonnerie d'un SMS vient de résonner, Gabriel, encore. Yann se lève à son tour, les effets du punch s'estompent un peu trop vite à son goût. Devant le frigidaire ouvert, il s'interroge, poursuivre à la vodka, ou se noyer dans la bière ?
- J'aime la Russie !
- Tu continues ? T'es malade tu vas être dead !
Alcey, juste une serviette autour de la taille débarque pied nu sur le carrelage froid de la cuisine. Yann tangue, la nouvelle rasade d'alcool transparent va-t-elle avoir raison de lui ? Ses yeux ont du mal à rester ouverts et ses jambes ne le porteront bientôt plus.
- Hola, viens, j'te recouche et laisse cette bouteille, t'as assez bu mon pote.
Mais Yann ne la lâche pas.
Ils sont allongés sur le dos, tout les deux sur son lit, dans le noir.
- Vous avez quel genre de problème toi et ton copain ? le questionne Alcey.
- Il m'a abandonné ici.
- Je croyais que vous étiez toujours ensemble.
- Oui, enfin, non, j'en suis plus très sûr.
- Va y explique.
- Il vit à Paris.
L'autre se retourne incrédule.
- Ha bon et vous vous êtes rencontré où ?
- Il est venu ici en vacances, explique Yann avec une moue.
- Ha merde.
Une larme coule sur la joue de Yann, celle-ci brille suffisamment pour que l'autre s'en aperçoive.
- Et tu l'aimes. Ok, je pige maintenant. Y'a longtemps ?
- On est resté ensemble ici pendant presque quatorze semaines, il est parti, il y a cinq mois, en me promettant que je pourrais le rejoindre.
- C'est long.
- Et j'attends, je suis con hein ?
D'un geste, les doigts de Yann frôlent ceux d'Alcey.
- Je t'ai déjà raconté comment je suis arrivé ici ? l'interroge le black en prenant soin d'éloigner sa main de celle de Yann.
- Non.
- Je suis tombé fou amoureux d'une fille sur internet et j'ai tout plaqué pour venir la rejoindre, si ça, c'est pas être con haha !
- Et ça à marché ?
- Ça à pris du temps, pour m'organiser, je te raconte pas ce que ça m'a couté en billet d'avion, j'avais pas une tune. J'ai mis des mois, moi aussi à pouvoir bouger et sérieux, j'avais trop peur qu'elle trouve un mecton ici. Je l'appelais tout les jours.
- Et tu l'as rejointe.
- Oui.
- C'est ta copine ?
- Non.
- ...
- Mais je regrette pas, elle et moi on a vécu une folle passion pendant presque deux ans, vraiment c'était une fille géniale.
- Tu as fais du chemin quand même dans un sens. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?
- L'amour s'est essoufflé, c'est tout et puis j'ai rencontré ma copine actuelle, ça a précipité les choses.
- Ha.
- Et toi, tu ne vas pas le rejoindre ?
- Je ne trouve pas de travail là-bas, qui dit pas de travail, dit pas d'appartement. Gabriel prétend qu'il cherche. J'ai plus d'illusions, seulement je ne suis pas prêt à raccrocher totalement, j'ai besoin encore d'entendre sa voix.
- Tu peux pas vivre un peu chez lui ? s'étonne le barman.
- Il a dix neuf ans et vit avec sa famille, c'est à priori hors de question.
- Putain le gamin quoi. T'es vraiment un ouf' !
- ...
- Tu l'as déjà trompé ? Je me suis toujours demandé si cette nana n'avait pas été voir ailleurs, elle. Moi je me suis tapé plein de meufs de mon côté avant de la rejoindre. Je sais que c'est nul mais bon, j'ai des besoins.
- Et ta copine actuelle, tu l'as déjà trompée ?
- Nan.
- Jamais ?
- Nan mec, je suis trop sérieux avec elle.
- Ça fait combien vous deux ?
- Bientôt trois ans, on se fiance officiellement l'année prochaine quand elle aura terminé ses études.
- Donc ça fait trois ans que tu ne t'es pas fais sucer, pour un mec qui a des besoins tu gères bien tes pulsions haha ! Si tu veux, je peux t'aider...
- Le bâtard, comment il tente de m'embrouiller haha ! Désolé mon gars je suis plus assez bourré là !
Yann lui tend la bouteille sans un mot.
- T'es sérieux là ?
- Si t'as besoin de ça pour te trouver une excuse va y.
Alcey hésite quelques secondes, avant de finalement lui prendre la bouteille des mains.
- Haaan vais-je réussir à te pervertir ?
Le black ne lui répond rien et se contente de vider presque un quart de votka en quelques gorgées précipitées. Sa tête s'embrume, celle de Yann est déjà dans les nuages.
- Alors ? questionne le tentateur.
- Fait c'que tu veux, si c'est trop zarb t'arrête.
- Haha putain d'hétéro, tous les mêmes ! Si tu veux que je te suce va falloir me le demander.
- Je vais rien te demander, c'est toi qui a envie de mon gros engin, s'pèce de démon.
Yann laisse ses doigts se promener lentement sur l'entre jambe de son voisin de literie.
- Elle n'est pas si grosse, tu es un vantard.
Alcey reste silencieux, se mordant la lèvre et attrapant les draps du lit entre ses paumes, quand Yann entame un léger va-et-vient. Son souffle s'accélère, il sert les lèvres. Yann stoppe le mouvement pour attraper un préservatif et du lubrifiant dans le tiroir de la table de nuit.
- Qu'est-ce que tu fous ? Mon ami j'ai tellement envie que j'en ai mal au ventre, lâche Alcey malgré lui en le regardant verser quelques goutes de liquide dans le condom.
Pour toute réponse, Yann se présente à lui, le préservatif entre les lèvres, le torse bombé et le sourire en coin.
- Tu réussis à m'exciter avec un préso, c'est le truc qui me donne envie de débander d'habitude, t'es une créature de l'enfer.
- Pourquoi l'enfer, ça ne pourrait pas être le paradis ? demande-t-il en retirant le bout de latex de sa bouche.
- Ça, je te le dirais après.
- Alors tu veux ?
- T'es vraiment un casse-couille, oui là, ça te va ? Va y pompes-moi !
Un sourire de victoire cette fois, se dessine sur le visage de Yann qui n'en attendait pas plus pour remettre la capote lubrifiée et chaude dans sa bouche. Le black hésite entre lever les yeux plafond et observer la scène.
Les doigts fins de Yann glissent sur cette verge brune, la bouche fiévreuse l'enveloppe à son tour bientôt complètement. Alcey est subjugué parce qu'il voit autant que par ce qu'il ressent. Cette dextérité féline, cette douceur calculée, le tout offert avec une impitoyable certitude, celle de parvenir sans aucun doute à lui procurer un plaisir unique. La langue de l'androgyne roule autour du gland, puis descend le long du frein. Alcey s'étonne de tout ressentir.
- Bordel t'as la technique toi, comment tu fais ça ? C'est pareil que si y'avait pas ce truc !
Son sexe touche la gorge du rouquin et celui-ci réussit à lécher les testicules en même temps, lui provoquant un gémissement incontrôlé. Les mains du black se plaquent sur la tête du jeune homme ivre qui finit par un va-et-vient rapide.
- Ha putain c'est trop bon... Haaa....
Alors que les doigts de Alcey plongent dans les petits cheveux courts de Yann, les siens s'aventurent dans son intimité.
- Non pas là arrête ! le repousse-t-il.
Malgré ses hésitations, au bout de quelques minutes, Alcey s'abandonnera finalement totalement, laissant à Yann le soin de lui prodiguer toute les caresses désirées.
- Je me sens bizarre Yann, c'est bon, mais je me sens vraiment... je vais jouir...C'était vrai, les mecs sont vraiment plus doué que les nanas.