(Faiblesse foudroyante)

 

Le playback est en route. Yann, bêtement debout, le masque fermé,  débite le texte parlé sans l'effort de donner le ton. Il n'a pas vraiment de prouesse à réaliser, dans ce morceau-ci c'est Uzu qui se charge totalement de la partie la plus compliquée. Lui parle, et Uzu lui répond en chantant.

Simple, il n'a donc aucune raison pour avoir l'air si crispé, quel est le problème ?

La guitare enregistrée s'adoucit et le piano les enveloppe à la manière d'une chaude couverture. L'atmosphère est très perturbante pour le bassiste qui essaie tout ce qu'il peut afin de ne pas se relâcher. Cette ambiance chaleureuse et intime le dérange et sa tête lui tourne carrément. Il ne doit pas se laisser aller. Il ne faut pas que le chanteur devine son malaise. Il ne doit pas savoir qu'il a été fouiné. Ne surtout pas montrer à quel point il est mal d'avoir appris ce que jamais il n'aurait dû savoir.

Uzu l'examine, il étudie sa posture, son comportement, le moindre tic. Il s'interroge sur la façon dont le jeune andro baisse les yeux, sur le rose foncé de ses joues, les tremblements légers mais omniprésents de ses mains. Le calme étrange qu'il affiche aujourd'hui, chaque fois qu'ils se retrouvent face à face ou juste seuls ensemble, l'inquiète un peu. À cause des paroles de Marie et des avertissements de Gabriel, il cogite.

-  Avais-je de la merde dans les yeux pour ne pas voir que son comportement avec moi est suspect ? Est-ce que je m'en aperçois à présent parce qu'elle a mis le doigt dessus ou bien est-ce que Yann a vraiment changé tout juste aujourd'hui ? Parfois j'aimerais comprendre à quoi tu penses, ce que tu as vraiment dans la tête.

Le japonais vient de parler directement dans le micro coupant la chanson sans même s'en émouvoir. La musique se poursuit sans eux. Yann le fixe, alarmé, une bouffée de chaleur monte en lui. Il ne dit rien, de toute façon, y'a-t-il quelque chose à répondre ?

- Je n'arrive vraiment pas à te cerner et tu ne ressembles pas du tout au portrait que les autres me font de toi. Ou bien tu es vraiment très fort pour abuser ton monde.

- ...

- Aujourd'hui c'est pire que d'habitude. J'ignore si c'est à cause de la discutions que j'ai eu avec ton amie Marie. Depuis c'est vrai que je me pose davantage de questions, ou si tu es vraiment plus bizarre que d'ordinaire.

Yann pince ses lèvres, la sueur coule le long de son front et dans son cou. Sa migraine s'accentue, il a de plus en plus de mal à avalé sa salive et ses jambes flageolent.

- On est là pour travailler, glisse-t-il simplement, prenant sur lui de remettre le playback au début et tentant de faire taire cette souffrance de son corps qui augmente.

Il ne comprend pas trop ce qui lui arrive. Ce rhume qui couvait depuis quelques jours déjà, est-il en train d'exploser en force ? Chacune de ses cellules le lui crie. À moins que ça ne soit psychosomatique, une réaction à son désarroi lui-même motivé par cette découverte presque intolérable sur le passé de cet ami qui lui fait face.

Il a un hoquet de surprise quand la main de l'autre se pose sur son épaule, le stoppant alors qu'il faisait mine de retourner à son micro.

- Yann si tu as un problème, tu peux m'en parler. Avec Liam ça va ? Tu as des nouvelles de ta formation en pâtisserie ? Avec ton amie Marie tout se passe bien ?

Le bassiste relève la tête, la voix de Uzu est à l'image du personnage, douce, agréable, attentionnée. Ce garçon est gentil avec Yann, depuis le début et ce, malgré les médisances de certain. Il arrive même à être sympathique, envers et contre son comportement et au mépris du fait qu'il risque sa place, auprès de Gabriel à cause de lui. Uzu est un mec bien, quelque part Yann se dit qu'il est le type de personne à le réconcilier avec le genre humain. Honnête sans être parfait, ne cachant pas ses failles et assumant ses erreurs. Un gars directe et juste.

À l'instar, l'injustice vécue par Uzu lui apparait encore plus terrible. Il relâche son attention, le masque de l'impassible s'effrite sans qu'il s'en rende compte. Yann montre tout à coup, une expression bouleversée et douloureuse.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est quoi cette mine tragique ? s'interroge l'asiatique.

Uzu est si proche que Yann peut respirer l'odeur de fleurs de ses cheveux, ça le trouble comme à leur première répète. Dans un geste qui se veut réconfortant, sans réfléchir de quoi ça peut avoir l'air et encore moins aux conséquences, Yann le prend dans ses bras. Il n'y a là, rien de calculé, juste un élan naturel soufflé par son empathie et le trouble qui s'empare à présent de lui.

Aussi préoccupé par les problèmes de Yann, qu'il peut l'être, Uzu se retrouve tout de même déconcerté, voir embarrassé par ce soudain débordement d'affection. Il se demande s'il doit lui rendre l'accolade. Pantois, il hésite à refermer les bras sur ce corps qui lui parait soudain frêle et anormalement chaud. Yann se dégage avant qu'il n'ait pris de décision.

- Heu, Yann ?

- Pardon.

- Est-ce que ça va ? Dis-moi si je me mêle de ce qui ne me regarde pas mais tu m'inquiètes vraiment.

Yann lui sourit, pâle.

- Ne sois pas si gentil avec moi.

- Je le perturbe... Marie a raison, je ne suis pas capable de faire la différence entre l'amour et l'amitié.

Il doute.

-  Il est attiré par moi ? C'est de là que vient sa nervosité ? Qu'est-ce que tu ressens pour moi ?

La question prend Yann au dépourvu, il se trouvait à mille lieux de s'attendre à ça, il ne se sent pas très bien, ses idées se brouillent et il a comme une envie de vomir.

- Que... Quoi ? bredouille-t-il, incapable de mettre ses idées en place.

- Je m'inquiète pour toi. Tu comptes pour moi, si mes questions sont indiscrètes pardonne-moi, c'est normal quand on apprécie quelqu'un et que l'on souhaite l'aider, de chercher à le comprendre non ?

Yann sourit, il fait évidement rapidement un parallèle avec son propre comportement. Il est possible que Uzu soit prêt à entendre l'aveu de cette enquête dont le résultat l'a tant mis mal-à-l'aise.

- Tu sais, tu comptes beaucoup pour moi aussi et je...

Il se stoppe voyant Uzu froncer les sourcils et se rapprocher davantage.

- Est-ce que j'ai vu juste ? Marie et Gabriel avaient donc raison ? Non, c'est autre chose, il a l'air... bizarre. 

Il a besoin d'en avoir le cœur net.

Uzu relève une mèche couverte de sueur collée sur la figure de Yann, caressant du bout de ses doigts son front au passage.

Le jeune bassiste n'a plus d'yeux que pour les lèvres brillantes qui se rapprochent dangereusement. Que ce passe-t-il ? Tout se met à tourner. Il ne panique même pas, c'est le noir complet dans son esprits, son cerveau se vide comme avalé par un trou noir. Le bruit des battements de son cœur envahit ses oreilles, lui secoue les tempes, résonne dans sa cage thoracique. Il n'a conscience que d'une seule chose : un drame se prépare ! Une question vient : qui en est la cause ? Il n'a pourtant rien fait pour ça. Si, il l'a pris dans ses bras ! Pour quelle raison ne bouge-t-il pas ? Yann reste statique sans comprendre, son corps est paralysé. Pourquoi ne réussit-il pas à reculer ? L'idée même de s'enfuir, de repousser le japonais lui paraît bientôt inutile, trop tard. Le mal est déjà fait avant même qu'il se produise. Les yeux noirs de velours le couvent, le nez court de Uzu le frôle et le contacte velouté tant redouté finit de l'asservir. La bouche du japonais se pose, délicate sur sa figure.

Tel un vampire Uzu aspire ce qui reste en Yann de force vitale. Du moins, c'est l'impression qu'a ce dernier. Il constate que son corps se dérobe sous lui, sans pouvoir réagir. Ses doigts se glacent, son regard se trouble.

Il flotte, l'air est glacé. Non il ne flotte pas, il tombe ! Tous ses muscles se tendent en un sursaut presque électrique. Ses yeux sont fermés, il n'a pas la force de les rouvrir. Son souffle est court et son palpitant s'emballe. Il a la sensation que sa tête va exploser, l'impression qu'on lui enfonce une aiguille dans le nez et c'est le noir total.

- Ya...dé....bou...A

- Di...Bi ?

On lui parle ? Les sons qui lui parviennent sont aussi entrecoupés et nasillard que sur une mauvaise radio. Il y a quelque chose de râpeux contre sa joue. Il tente de bouger, impossible, ses membres refusent de lui obéir. Grelotter est le seul mouvement dont qu'il est capable pour le moment. Quelque chose de chaud glisse sur sa joue. Son épaule gauche se soulève, il ne sait comment.

- Yaa....U.. en..en ?

Un bruit sourd claque dans sa tête puis la sensation que ses oreilles se débouchent d'un coup. La lumière l'éblouie.

Gabriel se penche, soucieux.

- Il ouvre les yeux !

- Reculez-vous un peu, laissez le respirer. Yann, tu m'entends ? l'interroge Steph.

- ...

- Nan, ne bouge pas et laisse ça sur ton nez, tu saignes, le préviens le clavier au petit soin pour lui.

- Vous êtes sûr qu'on ne devrait pas appeler le SAMU ? interroge, lointaine, derrière le malade, la voix de Liam.

- Respire lentement, tu as de la fièvre, est-ce que tu te souviens de ce qui s'est passé ? le questionne toujours Steph

S'il se souvient ? Il n'a pas besoin de chercher loin pour remarquer Uzu debout, crispé, dans un coin du studio.

- Tu t'es écroulé d'un coup. J'avais vu qu'il n'allait pas bien, on parlait et son expression s'est figée, il s'est mis à blanchir, s'est couvert de sueur. Yann, c'était impressionnant !

Il n'a quand même pas rêvé si ? C'est quoi se délire ? Non, ça n'était pas son imagination !

- Impressionnant mon cul !

Uzu se montre bel et bien angoissé et trop peu naturel. Il ment, il l'a embrassé, Yann en est persuadé. Quelque chose se brise en lui. Il se tourne vers Gabriel qui a sa tête inquiète des mauvais jours. Il y aurait de la colère que ça ne l'étonnerait pas. Et puisque son regard accroche celui de son ex, pourquoi celui-ci n'en profiterait-il pas pour lui passer un savon ?

- Qu'est-ce t'as foutu ? D'puis combien d'temps t'as pas mangé ? Quand on saigne du nez c'est d'l'anémie qu'ça s'appelle !

- Gab' calme-toi, ça sert à rien là, s'interpose toujours le plus vieux de la bande.

- Non, nous avons mangé ensemble ces derniers temps, le défend Liam.

- Ouais bha, s'il s'sentait pas bien fallait pas v'nir ! Là il fout en retard tout l'monde et pendant c'temps là on paie le studio !

Yann sait que la colère de Gabriel n'est en réalité motivée que par sa peur. Il ne lui en tient pas rigueur, chaque fois que Gabriel s'inquiète à son sujet, il se met toujours en rogne, c'est invariable.

- Gabriel qu'est-ce qui te prend ? Calme-toi ! l'interrompt Uzu. Yann ça va mieux ?

La condescendance du chanteur, pour le coup, l'écœure.

Il s'assoie, sa tête tourne, il frissonne malgré les bouffées de chaleurs qui l'envahissent.

- Est-ce que tu penses que ça va aller ?

La main fraiche de Liam s'applique sur son front, Yann entendait sa voix mais ne l'avait pas repéré derrière lui. Il aime cette main et cet air protecteur.

- Il a vraiment beaucoup de fièvre, ça m'inquiète, insiste son ange gardien.

Maintenant Yann le dévore des yeux.

- Ramène-le chez toi, je crois que ça vaut mieux, suggère le chanteur.

A-t-il remarqué le regard agressif de Yann ? Il baisse les yeux en tout cas.

- Je veux bien un peu d'eau, réclame Yann. Je vais aller m'assoir dans le grand studio, j'aimerais rester encore un peu.

- Tu es sûr ? insiste Steph.

Gabriel n'attend pas que Yann réponde ni même qu'un autre réagisse, un coup de coude bien placé lui suffit pour virer proprement Liam de son chemin et aider Yann à se relever.

- Ok casse-couille, sort-il. Tu restes, mais tu t'tiens tranquille, j'veux pas d'emmerdes avec le studio !

- Ouais pour être clair, si tu dois crever, fait le ailleurs haha ! balance Math à la porte. Bah alors ? T'as eu un cours circuit ? ajoute-t-il.

- Il a sûrement choppé une saloperie, affirme Uzu.

- Ouais, c'est sûrement ça ! persifle Yann à son intention.

Est-ce que c'est la fièvre ? Yann se trouve dans un état second, il ne comprend rien à cette répète. La musique l'ensevelit sous une épaisse couche de purée de sons informe. Sa tête est aussi lourde qu'une enclume.

- Tu pleures ? Yann tes yeux coulent tous seuls. Tu as mal quelque part ? Tu es sûr de ne pas vouloir aller voir un docteur ? l'interroge Liam d'une douceur infinie.

Il ne répond pas, son attention est fixée sur le japonais.

- Il s'est passé quelque chose avec Uzu ? insiste le blond.

La question raisonne, Yann se souvient que Liam est à côté de lui. Sa tête glisse sur les genoux de son voisin de gauche. La surprise du blond remplace sa curiosité et coupe court à tout projet d'interrogatoire en règle. Ses doigts s'enfoncent dans les cheveux aux racines rousses.

La musique se stoppe. Gabriel interroge Liam du regard.

- Je crois qu'il s'endort.

Le leader quitte alors la scène sur le champ pour venir s'accroupir devant le couple assis par terre.

- Yann ?  Yann, tu d'vrais rentrer maint'nant hein ?

- Humm...

- Liam va t'ramener, on r'fra une répète dans deux jours, pour préparer l'concert ok ?

Yann hoche la tête et laisse son ex l'aider à se relever.

Dehors, la nuit est déjà là.

 

*

Uzu est assis par terre au milieu des CD, les cartons envahissent tout le salon.

- Qu'est-ce tu fous ? l'interroge Gabriel au travers de l'ouverture de la cuisine.

- Je m'instruis, j'ai l'air d'un idiot quand vous vous mettez tous à parler musique, je n'y connais rien.

- Mouhaha ! C'est vraiment toi ça ! C'est pas en lisant les jaquettes de CD que tu vas comprendre que'que chose à la musique, couillon !

- Je vais quand même pas écouter tout ça !

- Laisse-moi deux minutes, que les p'tites purées d'Hugo soient en boîte et j'te conseille ok ?

- Ça roule.

Il fouille, il cherche. Il n'a trouvé que cette activité pour éviter de songer au déroulement de l'épisode de la veille.

- C'était un smack sur le front, rien de plus. Je voulais vérifier sa fièvre, de la même manière que pour Hugo. Pourquoi m'a-t-il toisé de cette façon ?

Ce qui le contrarie surtout, c'est de ne pas avoir pu éclaircir les choses avec le concerné. Il n'a qu'une peur c'est que Yann ai tout compris de travers et n'aille le répéter.

- Et puis qu'est-ce qui lui a pris de s'écrouler comme ça, d'un coup ? C'est inquiétant.

Le regard noir que lui a lancé le rouquin en rouvrant les yeux est incrusté dans son esprit. C'est la deuxième fois que Yann le dévisage avec une telle dose d'amertume, la première est loin déjà. Il se souvient de celle-ci comme du coup de poing qui lui avait succédé. Hors là, il avait des raisons. Il aimerait comprendre ce qu'il se passe dans la tête de cet énergumène.

- Ce malaise, c'est vraiment pas de veine.

- T'en a foutu un, d'bordel ! annonce Gabriel en venant finalement le rejoindre.

- J'essaie d'en ranger une partie dans ta CD thèque, j'ai retiré les trucs qui restaient de ta sœur mais j'ai bien peur que tout ne rentre pas.

- Ouais cherche pas, ici c'est l'tétris, tu bouges les trucs d'un endroit pour les r'mettre ailleurs ! J'fais qu'ça, moi aussi j'empile.

Gabriel s'allonge de côté sur le tapis, au milieu des galettes et commence à éplucher les disques.

- Tien ça c'est cool, The Mescaline Babies écoute le titre "Bitch, Please !" trop trop excellent ! Et ça aussi " dancing with myself " de Billy Idol un classique, j'adore ! Tien et du  the Cure c'est bon c'truc là, tu peux test' au hasard et si tu veux un truc dans l'ton d'ta voix t'as du Thomas Azier  là et du IAMX.

- Hola c'est bon j'arriverais jamais à me rappeler de tout !

- On s'en fiche de ça, écoute juste ! Imbibe-toi comme une éponge. T'inquièt' y'a pas d'interro après !

La musique tourne, Uzu l'entend au départ d'une oreille distraite.

- Et comment va Yann ? Tu m'as pas dit.

- C'con là tiendra jamais d'bout d'main soir.

- C'est à ce point là ? C'est alarmant non ? On sait ce qu'il a ?

- Liam a appelé le doc cette nuit, paraît qu'c'est une angine microbienne, un truc dans l'genre, ch'ais pas quoi, il n'a qu'une forte fièvre un mal de gorge carabiné et des maux de tête. Il lui a prescrit des anti-bio à la pénicilline.

- Ha quand même. Et tu l'as trouvé mieux qu'hier ?

- Nan... il était carrément dans l'coma. J'ai même pas pu lui parler. En plus y'avait Marie.

- Ha ! C'est cool ça, si elle s'occupe de lui.

- Mouais, m'enfin vu elle m'porte pas particulièrement dans son cœur, pour l'approcher c'tait pas vraiment évidement. Puis ton ex qui lui tourne autour comme une mouche sur un pot de miel, c'est écœurant, bref.

- C'est bien pour Yann d'avoir des gens autour de lui non ?

- Hummffff ! On peut pas parler d'aut' chose que d'Yann ? Ça m'gave !

En réalité Gabriel se croyait habitué à voir Yann malade. Il ne s'agit pas de la première grippe, ou du premier accident. Son ex a le don d'éprouver son corps parfois jusqu'à l'abattement. Combien de fois l'a-t-il vu s'effondrer pour une raison ou pour une autre ? Yann n'est pas de ceux qui prennent soin de leur corps. Malgré cela, la vue de son ex ordinairement si remuant, cloué ainsi au lit, l'a passablement secoué. Cette fois s'estimer de trop par-dessus le marché ne l'a pas rassuré. Il savait déjà qu'il ne pourrait pas aider à grand-chose, il digère difficilement de s'apercevoir que même dans cet état, Yann n'a plus besoin de lui. Ça devrait le rassurer, ça l'exaspère.

La voix de Uzu commençant à s'élever sur "Where is my mind" des Pixies, ranime Gabriel, qui réagit en attrapant rapidement sa guitare afin d'accompagner son amant.

- C'est chouette ça, annonce juste le japonais.

- Héhé ! T'as les paroles dans l'livret. Ha ! Attend, j'ai une version de  Placebo, ça va t'faire délirer ! Déjà tien, écoute la voix.

Gabriel scrute son amant, attend une réaction, les yeux brillants et le sourire figé.

- Heu ouai... c'est sympa.

- C'est tout ce que ça t'inspire ?

- Nan mais oui, je trouve ça bien, on pourrait la reprendre en répèt' non ?

- PFfff !

- Quoi, j'ai dit une connerie ?

- Non...

Uzu mate le livret d'un des CD du groupe, machinalement, et là, il se fige sur la photo du chanteur.

- C'est le chanteur ça ?

Le sourire de Gabriel réapparait.

- Ouais et r'garde cette photo là !

- On dirait une fi...

En tombant sur la deuxième photo, il ne termine pas sa phrase, une lueur vient d'apparaître sur son expression.

- Mais, il ressemble à...

Il se tourne vers la chaine hifi et appuie sur le replay, ses yeux s'agrandissent au son de la voix.

- Ha bha ça y'est, l'ampoule vient d's'allumer ? raille Gabriel. T'es long à la détente hein !

- C'est carrément Yann ! ? Enfin je veux dire, non c'est pas lui mais wouaa ! C'est confondant dit donc, la voix, le physique.

- C'est fou hein ? Bon Yann est un peu plus fin, plus p'tit. Et quand il a ses ch'veux roux, c'est moins probant, puis sa voix est plus enraillée aussi.

- Oui, c'est sûr mais quand même.

- Tu comprends pourquoi j'voudrais surtout jamais d'lui comme chanteur, pas envie qu'on m'sorte que j'fais du Placebo.

- Faut peut-être pas exagérer, ta musique à pas la même couleur.

- Mort de rire, tu t'mets à parler en pro.

- Tu te fiches de moi ?

- Un p'tit peu hihi, se moque Gabriel en roulant sur lui. J'ai envie d'te manger !

- Tu ne penses qu'à ça ma parole ! feint de râler Uzu qui déjà se penche au-dessus de la tête tout juste posée sur ses genoux, pour l'embrasser.

Ses yeux se noient dans le vert de ceux de Gabriel, ses mains se promènent sur les joues mal rasées, un doigt s'attarde sur les lèvres pulpeuses déjà entrouvertes, de son amant. Quand l'image de Yann lui revient subitement en mémoire.

Il se crispe.

- Qu'est-ce t'as ?

- Rien désolé, je suis un peu fatigué, laissons tout ça là, je rangerais demain, allons nous coucher.

Il sont à peine relevé que Gabriel l'attrape par derrière, cachant son nez dans le cou de son cher petit ami.

- J'ai trop envie d'toi, j't'aime...

Uzu se retourne et l'étreint avec douceur.

- Tes déclarations seront encore meilleures sur l'oreiller.

- J'ai pas envie d'dormir.

- Je te laisse t'occuper de moi.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez