Aparté [NOUVELLE VERSION]

— Comment t’appelles-tu ?

Le garçon leva un regard méfiant vers lui. Ses cheveux blonds encadraient un visage crasseux.

— T’es qui ?

— Je m’appelle Nils, je suis arrivé il y a quelques jours. Et toi ?

Le garçon ne répondit pas tout de suite, mais Nils lui adressa un sourire confiant, patient, qui finit par le convaincre.

— Alexander.

Leur poignée de main scella le début de leur amitié.

Altaïs les guidait entre les arbres en courant. Nils restait sur ses gardes, mais depuis leur passage dans le Grand Temple, le souvenir de l’expression terrifiée du jeune homme ne quittait plus son esprit. Il ne savait pas ce qui avait poussé Alexander à se lancer dans cette quête absurde – ou plutôt, il se doutait que sa décision était liée à la période où le jeune homme avait été le Protecteur attitré du prince, sur laquelle il était toujours resté très secret. Et désormais sa magie imprégnait celle d’Altaïs, comme si elle pouvait le protéger du reste du royaume.

Avant le régicide, Alexander était vivant et faisait preuve d’une insolence, d’une envie de liberté que Nils lui enviait parfois, lui qui s’était toujours plié à ce qu’on attendait qu’il soit. Mais après cette tragédie, il avait vu Alexander s’éteindre au fil des mois, son caractère ensoleillé s’était assombri. Parce qu’il avait échoué à protéger la royauté ?

Foutaises.

Alexander avait des compétences indiscutables, mais il ne tenait pas la royauté en assez haute estime pour que son échec le ronge. Pourtant, si le jeune homme n’avait pas rejoint l’armée de bon cœur, Nils pensait qu’il s’y était accoutumé, que sa place lui convenait. À quel moment s’étaient-ils suffisamment éloignés pour qu’il ne perçoive plus ce qui hantait son ami ?

Pourquoi n’avait-il pas été plus attentif ?

Nils commençait à entrevoir un fragment de vérité à travers Altaïs, ce prince accusé de tous auquel Alexander avait offert sa loyauté. Même s’il n’approuvait pas le choix du jeune homme, Nils avait fait le sien. Parce qu’il ne pouvait pas perdre Alexander. Parce qu’il avait besoin de comprendre, et pour cela, ils devaient retrouver le Protecteur et lui administrer le remède.

— Nous ne sommes plus loin, murmura Altaïs.

Il scrutait les bois, le corps tendu par l’appréhension, contourna un bosquet givré. À cet instant, Nils perçut quelque chose dans l’air, les traces d’une magie qu’il connaissait bien. Il bondit sur Altaïs et le plaqua contre un chêne, une main posée sur sa bouche. Altaïs se débattit brusquement, les yeux écarquillés, mais Nils lui indiqua une direction d’un geste du menton. L’appréhension enfla dans sa poitrine, tandis qu’il demeurait immobile, tous ses sens aux aguets.

Il avait reconnu la silhouette d’Alexander, adossée contre un tronc. Et au-dessus de lui, l’adal le surplombait de toute sa hauteur.