Après la pluie vient la neige.

Notes de l’auteur : Bonjour !
Un nouveau chapitre j'espère qu'il vous plaira ! N'oubliez pas l'avis du lectorat c'est ce qui fait avancer un auteur, soyez bienveillant !

Bonne lecture !

Lorsque le réveil sonne, Tim soupire à l’idée de sa nouvelle journée de boulot dans sa petite librairie de quartier. Se lever, se préparer, ranger les étagères, enregistrer les nouveaux arrivés et passer le balai, et le tout avant l’ouverture. La librairie Marguerite est son fardeau quotidien, mais aussi sa plus grande fierté. Ce petit immeuble d’époque, ses briques rouges, et ses détails marqués par le temps. C’est là que Tim veut faire sa vie, pour le meilleur comme pour le pire. Et pour l’instant, le seul bien qu’il a c’est cette machine à café barista à grains que lui ont offert ses locataires. Plutôt que de la mettre dans sa cuisine, il a choisi de la placer derrière son comptoir. Une idée de génie !

Premièrement ça l’oblige à se lever de son lit, de se mettre présentable en vitesse pour pouvoir descendre et boire son premier café de la journée. Stratégique comme réveil. Même le week-end il y a toujours des tâches à faire.

Deuxièmement, ce petit coin café lui permet d'accueillir comme il se doit ses invités, auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices, conteurs ou conteuses. Et d’offrir au club littéraire du mercredi soir une boisson chaude. Surtout quand nous sommes à la période de l’année où la burine londonienne est remplacée par une neige qui n’a rien d’agréable. Elle bouche les rues, crée une gadoue glacée presque meurtrière, et lorsqu’elle fond inonde les rues.

La neige ne fait rêver que les touristes qui s'extasient devant Big Ben pris dans une tornade d’eau gelée. Et les enfants qui ne voient que le blanc immaculé tomber du ciel gris. Pour Tim, la neige après les fêtes de noël est un déficit financier énorme… À cause du mauvais temps, les gens qui ont reçu des livres qui ne leur plaisent pas les laisseront dormir sur des étagères avec l’idée que peut-être un jour ils les liront. Et ça c’est pas bon pour Tim. 

Le calcul est le suivant: toute personne qui veut offrir un livre à Noël, sans idée spécifique, en achète un d'entrée de gamme: les poches. Si ce dernier ne plait pas, celui ou celle qui l’a reçu a un délai de quinze jours pour le faire échanger. Tim s’arrange donc pour avoir les dernières sorties qui cartonnent en boutique, en grand format. Et par ce petit stratagème, un client qui arrive fait un bon de retour, avec son bon prend un livre grand format qu’il pense acheter moitié prix grâce au bon. Et Tim encaisse plus de bénéfice qu’au départ. C’est un coup de chance s’ils en prennent deux, voire des saga entières. Le miracle des restes de Collector relié. De toute façon les livres de poche se vendent toute l’année.

Mais avec la météo actuelle, ce n'est pas possible. Il ne lui restera plus qu’à mettre une petite annonce sur les réseaux sociaux en disant que les derniers exemplaires collector d’une saga fantastique sont chez lui. Des fans viendront sûrement.

Heureusement dans la vie de Tim il y a d’autre petite joie autre que son café, même s'il adore prendre celui de l'après-midi avec Madame Tomson sur la petite terrasse couverte de l’arrière-cour, qu’il vente ou qu’il pleuve !

Non, l'autre petit plaisir de Tim n’est pas composé de caféine. Il s'agit d’un de ses locataires. Il l'entend d'ailleurs dévaler les escaliers de la résidence. Pile à l’heure. 

– Timmy ? Timmy ? La porte !

“Timmy” se dépêche d’ouvrir la porte qui coince un peu, faute d'entretien. Derrière elle se tient un petit garçon à la tête blonde, les yeux bleus et des joues toute rondes. Elias, dit Elly, cinq ans, adore se faufiler de son appartement pour descendre à la boutique, et ce en prenant l’escalier alors que l'ascenseur marche très bien. Elly sort de chez lui pour venir voir son voisin préféré. Tim a toujours une boîte de gâteaux quelque part derrière son comptoir, et il sait même faire un chocolat chaud sur sa machine à café. 

A peine la porte est-elle ouverte que le bambin se jette sur Tim, les bras enroulés autour des jambes de l'adulte, il trouve très drôle le fait qu’à chaque fois Tim perd son équilibre. Quelque matin Time tombe à la renverse, et là c’est le fou rire garanti. Une fois la joie de la retrouvaille passée, les deux compères se postent derrière le comptoir pour déguster le petit déjeuner, dont le second café de Tim. Il est 7 heures 30, la boutique n’ouvre pas officiellement avant 8 heures, mais la pancarte est déjà retournée sur la porte. Dans la rue, les commerces du quartier s’activent eux aussi à être prêts pour l’ouverture. L'animation des camions de livraison et les premiers passants.

En parlant d’animation Madame Tomson passe par la porte  accompagnée de scones sortis du four. 

– Tenez les garçons, et Elly tu en apporteras un à ton père, dit-elle avant de partir au marché. 

Un scone plus tard, il est 7 H 45. Et Elias, comme promis, en a mis un de côté, un seul et unique scone pour son père. Scone qu’il emballe soigneusement dans un morceau de sopalin. Et le voilà reparti. Le quart d’heure de joie est terminé. Tim débarrasse les tasses sales sur un plateau qu’il devra remonter ce soir, enlève les quelques miettes autour de sa bouche et sur le plan de travail, lisse sa chemise et se tient prêt pour ses premiers clients. Qui n’arriveront pas avant 10 heures, et ce seulement si Madame Virgo, qui vit deux rues plus loin, décide de sortir de chez elle aujourd’hui. Ce qui, vu le temps, ne risque pas d'arriver. La neige fondue sur le trottoir ne serait pas raisonnable pour les articulations de l’octogénaire. Alors bon, Tim prie sa bonne étoile pour que quelqu’un vienne à la boutique et reparte avec une pile de livres monstrueuse, ce qui, soyons d'accord, est peu probable.

8 H 10 la porte s’ouvre à nouveau, tenue par un bras large et musclé. Dans l’embrasure, Elly a troqué son pyjama contre une salopette jaune et un hoodie blanc. Et bien sûr les bottes de neige pas du tout assorties à sa tenue. Mais c’est ce qui fait son charme. Derrière le petit, se trouve son père avec qui il n’a de commun que les yeux. Tim se demande bien comment une armoire à glace pareille peut avoir un fils aussi adorable. Sûrement qu’il tient de sa mère.

Monsieur Samuel Anderson, vit ici depuis cinq ans, et même si Elly est un ange, son paternel lui est à peine agréable, selon l’avis très -pas du tout- objectif de Tim. Et pour cause, les deux hommes passent leur temps à se chamailler depuis leur rencontre. Une histoire pour laquelle, l’un comme l’autre, ne se rappelle pas l'événement qui a mis le feu aux poudres. Pour eux c’est comme une habitude. Il ne se passe pas un jour sans qu’ils se lancent des piques.

Le petit Elly ne s’en formalise pas plus que ça. Il dit bien quelquefois que son papa devrait être plus gentil avec Timmy, mais bon son conseil passe par une oreille pour ressortir par l’autre. Il passe totalement à la trappe. Mais comme les habitudes ont la vie dure, si on disait aux deux hommes de se faire un câlin comme à la maternelle, et se demander pardon afin de se réconcilier, l’un et l’autre préfèreraient se pendre. 

Mais avant d’en arriver à de telles extrémités, Elly est toujours là pour faire tampon entre eux. La présence du petit les empêche bien souvent de monter dans les graves. Non pas qu’ils iraient jusqu’à utiliser leur point. Et Sam en bon boxer et ex-militaire mettrait K.O notre petit libraire. Le tout en quelque fraction de seconde. Tim connaît pourtant le profil de son locataire, mais quitte à jouer avec le feu autant y mettre toute sa fierté.

Timothy trouve dans Samuel quelque chose de dangereux, le style de mec qui plait à tout le monde pas responsable pour un sous et qui est, parce que dans le monde tout va dans ce sens, hétéro. Il y a certains points sur lesquels Tim est revenu depuis ces dernières années.

Oui Monsieur Anderson, américain, à un look de bad boy, du moins c’était le cas lorsqu’il est arrivé à Wildford House, une semaine après leur installation il les a croisé dans les escaliers. Ce foutu ascenseur ne sert à rien, même les Tomson du haut de leurs quatre vingt ans ne l'utilisent pas. Sam tenait Elias dans les bras, habiller dans une veste en jean noir abimer, avec en décoration un magnifique oeil au beure noir. Il n’en a pas fallu plus à Tim pour faire de fausses allégations. Il n’a, aujourd’hui, toujours pas l’explication de pourquoi Sam était dans cet état. Il n’avait pas encore ouvert son club et payait son loyer en cache tous les mois. Ce soir-là Tim, lui, avait choisi son camp, s’il y arrivait la moindre chose à Elias il serait le premier à aller parvenir les autorités. Mais le temps lui a appris que jamais, au grand jamais, Samuel Anderson ne fera du mal à son fils. Il a rapidement compris qu’il avait eu des préjugés hâtifs en premier lieu, ils se sont dézippés bien vite, lorsqu' un matin Sam est venu tambouriner à sa porte  cherchant le moyen de locomotion le plus rapide pour se rendre aux urgences pédiatriques de l'hôpital le plus proche. Sam, à cette époque-là, n’était pas encore véhiculé, et Elias quatre mois était brûlant de fièvre. Au-delà de la panique, Tim a bien vu l’attachement fort qu’avait Samuel pour son fils. L’homme qu’il avait devant lui aurait donné le monde pour que son fils soit en bonne santé, même si ce n’était qu’un petit rhume.

Alors depuis, il garde les ressentis qu’ils partagent tous les deux. Parce qu’il n’y a pas que Tim qui a eu des a prioris sur Sam, l'envers est aussi vrai. Lorsqu'il a visité cet appartement, Samuel s’est retrouvé devant un homme plus jeune que lui qui était son propre patron et propriétaire. Il l’a d’abord vu comme le fils à papa, né avec une cuillère en argent dans la bouche, le genre de gamin qui a toujours pu compter sur les petits sous de ses parents. Le genre arrogant qui n’a qu’à claquer des doigts pour avoir quelque chose. Sam se souvient de la période où après être entré au collège, il voulait s’acheter des comics et il a passé des semaines à récupérer le moindre sou pour pouvoir se les payer et le tout avec de la petite monnaie. Il a dû commencer à travailler à l’âge de 15 ans pour pouvoir subvenir à ses activités. Et puis après le lycée il s’est engagé. Il a passé sa vie à travailler. 

Et comme pour Tim, le temps lui a permis de voir que Monsieur Wildford n'était pas un flemmard, qu’il tenait à faire marcher son affaire. Qu’il y était impliqué à cent pour cent. Tim se lève tous les jours, même le dimanche pour s’occuper des livres, les réorganiser, ranger le stock, flâner entre les étagères. Il est tellement impliqué dans le métier du livre que le mercredi, Tim ferme entre 14 heures et 15 heures pour aller faire une lecture de conte à l’école du quartier. Il est méticuleux dans le choix de son livre, pour que ce dernier plaise aux plus grands comme aux tout petits. Et il le sait car il a assisté à une des sessions lors d’une journée “parents à l’école” quand Elias est entré en maternelle. Il raconte l’histoire et fait vivre les personnages. Elias a toujours adoré les histoires de Tim. À 19 heures tous les soirs il descend pour une histoire depuis maintenant presque un an. L’argument de Elly était que son papa était “trop nul” pour raconter des histoires, il doit bien admettre qu’il a perdu sur ce point là. La littérature ça n’a jamais été son truc, les histoires pour enfant non plus apparemment. 19 H 15 le petit remonte, ils passent le moment du coucher ensemble. Il le borde, lui dit combien il l’aime, même s'il est nul pour les histoires, puis Sam lui caresse les cheveux jusqu’à ce qu’il s’endorme. Il a terriblement peur du jour où il ne pourra plus le faire.

Il a bien conscience que son fils grandira, et deviendra un homme, mais l’image du nourrisson de quelques heures qu’il a tenu dans ses bras lui reste profondément ancré dans le crâne. C’est peut-être la plus folle décision qu’il ait pris dans sa vie mais il n’en regrette aucune seconde. Pour rien au monde il ne reviendrait en arrière.

Si, peut-être quelque chose en fin de compte. Le choix de son appartement. Bien qu’il ne soit pas cher, et que ses voisins soient cool, il a fait la connaissance de Marc, Madame Tomson (qui est Mamie Tomson pour Elly), et les étudiants qui sont arrivés à peu près en même temps que lui sont comme des frères et sœurs. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais il y a ce foutu marbre gris dans la cuisine, il ne peut plus se voir ce plan de travail. Déjà parce que il n’aime pas la matière, ensuite parce que… ça ne va pas avec la déco. Bon il n'est pas très pointilleux, mais les meubles de cuisine sont en bois brute, du chêne et du marbre. Pas pour lui. Ensuite c’est dangereux, Sam a tout de même un petit qui court dans tous les sens, les coins de ce foutu truc font bien mal quand il rencontre ses cuisses, alors la tête de son fils ! Et puis il y a Tim.

Cet homme le fait littéralement tourner en bourrique. Entre souffler le tiède et le froid, le chaud n’est jamais au rendez-vous. Pas plus tard que cette semaine, Tim lui a fait tout un cinéma parce qu’au lieu de dire bonjour en partant un matin, Sam lui a juste fait un signe de tête. Bien évidemment que ça a déclenché un cataclysme. Un tremblement de terre habituel à Wildford House. Mme Tomson en rigole, les étudiants râlent parce qu’ils n’arrivent pas à réviser dans le calme, et Elly décrète qu’il faut que tout le monde soit gentil. Marc arrive bien sûr après la guerre et se moquera de lui lorsqu’il apprendra les raisons de cette énième prise de tête. À se demander qui sont les enfants dans cet immeuble.

En regardant les flocons tombés sur son pare-brise, Sam se dit qu'il ne sera jamais à l’heure pour l’ouverture de la salle. Si la vie londonienne lui paraissait fastidieuse lorsqu’il a débarqué ici, aujourd’hui il se dit qu’il préfère la pluie à la neige. 

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