‘‘Les histoires des autres nous fascinent. Les autres content les histoires avec banalité.’’
Mercredi 09 janvier 2013, 13h15, hôpital de Moret-Bailly :
Une nouvelle scène s'écrivait dans cette immémoriale histoire. La question étonnante du docteur Alexender rendit Rokoujou muet, convalescent sur son chevet. Alexender connaissait les flammes, alors qu'on leur avait informé qu’aucun Humain n’était censé avoir connaissance de l’existence des Honmas*. Perplexe, Alexender comprit les questions indirectes que lui envoyait Rokoujou part son regard. Cependant, il décida de ne pas y répondre. Il attendait plutôt la réponse de son patient, et celle-ci n'était pas vraiment ce à quoi il s'attendait :
« - De quoi vous parlez Docteur ?
– Ah non ! Tu ne vas pas me la faire Rokoujou, tu as très bien compris ! Je t'ai retrouvé dans des gravas d'un bâtiment désaffecté le long de la route, il était censé être abandonné. Je n'aurais rien dit si je n'avais pas vu tes blessures se refermer aussitôt. Il y a autre chose qui me chiffonne. Même si tu te trouvais dans ce bâtiment lors de son écroulement, tu avais une blessure qui ne correspondait pas vraiment à ce qu'on pourrait avoir après un tel accident.
– Docteur, vous voulez en venir où ?
– Tu t'es battu avec un Honma, et ne le nie pas... minute, Rokoujou tu es sûr que tu vas bien ? Demanda Alexender fronçant les sourcils et observant le visage de son patient.
– Oui, pourquoi ça Docteur ?
– Docteur... se murmure-t-il. Je vois, bien, je vais te laisser.
– Attendez, vous êtes au courant depuis longtemps ?
– Évidemment oui ! S’exclama-t-il en s’emportant vers un agacement grandissant. Je me suis porté garant de ta bonne santé, et voilà qu’on ne m’informe pas que tu as obtenu ta flamme. Je vous jure, ce type m’a encore oublié, cette tête de piaf !
– Attendez Docteur, vous parlez de qui ? Demanda Rokoujou en se levant de son lit.
– Plus tard les questions. Rejoins-moi dans mon bureau dans une heure, j’ai des perfusions à changer et un rendez-vous au dixième étage. Je ne te montre pas le chemin n'est-ce pas ?! Dit-il en sortant de la chambre. »
Se retrouvant seul avec ses questions, Rokoujou s’asseyait de nouveau sur le lit et méditait sur ce qu’il venait d’apprendre. Un silence étrange s’imposa dans sa chambre, mais aussi dans tout le bâtiment. Seuls les bruits de pas, des petits murmures, les portes qui s’ouvraient, étaient audibles. Les infirmiers et infirmières naviguaient d'une salle à une autre pour faire leur boulot, les patients attendaient leur soin, d’autres reprenaient des forces, les visiteurs qui montaient voir leur famille, des amis. Des policiers montants vers les plus hauts étages posaient des questions au peu de personnes qui voulaient les croiser, le temps passait... … et au-delà de ça, dehors, quelqu’un observait les lieux d’un peu plus loin caché sur un toit. En contact téléphonique, il affirma une chose, sa voix faisait comprendre qu’il s’agissait d’un jeune adulte, d'une vingtaine d'année :
« - Tout est prêt Master. Les éléments sont en placent. On peut entamer la 2ème phase. »
Un silence. Comme on en faisait rarement. Le genre qu’on ne voulait pas abandonner, car trop précieux avec sa disparition. Une chaleur s’empara du ciel et écartait les nuages maussades. Ce qui aurait dû être une rayon de soleil, fut remplacé par une roche. Fendant l’air, elle fut imperceptible jusqu’à son point de chute. Elle percuta de plein fouet l’hôpital à son dixième étage. Le bâtiment trembla et fit résonner la catastrophe dans son entièreté. Rokoujou s’était solidement agrippé à son lit. Un nouveau silence qu’il n’interprétait pas comme une fin en soi. La tête encore prise dans ses questions et bousculée par l’assourdissante calamité, il se leva, enfila son gilet vert et sauta par la fenêtre ouverte. Ses flammes le menaient jusque sur le toit du bâtiment. Il se trouvait sur la partie la plus haute, s’élevant à plus de trente étages. Déjà habitué par ces incessantes pluies de météorites qui le visait lui et son entourage, il avait déjà serré ses poings en les illuminant de ses flammes de vertes. Cinq nouvelles roches tombant du ciel, ces météorites embrasés, il était le seul présent à pouvoir les arrêter. S’abattre dans des rues désertes passait encore, sur des maisons à moitié vide fut à la limite du raisonnable, mais sur un hôpital engorgé de malade et de leur soignant, les bornes étaient largement dépassées. En sachant qu’elles étaient intentionnellement envoyées par ce Master, Rokoujou ne fit faire qu’un tour à son sang avant de se jeter dans la mêlée.
En bas, la foule se dispersait en sortant du bâtiment. Le peu de policier présents dirigeaient l’évacuation. On se bousculait et se hâtait plus les météorites explosaient au-dessus de leur tête. En contre sens, les amis de Rokoujou venaient d’arriver accompagnés de Yuki. La féline parlante avait deviné la présence de Rokoujou sur le toit et ordonna aux autres d’aller le rejoindre. Elle-même et ses collègues des Empires allaient se charger d’éloigner un maximum les Humains de la zone. On allait l’arraché à son devoir et l’assaillir de question, mais de nouvelles explosions les firent se décider plus vite qu’ils ne le pensaient. Si Yuki leur avait fait cette demande, c’était sans aucun doute car à ce moment précis, ils seraient plus utiles là-haut. Leur ascension les mena sur la partie du toit la plus basse de l’hôpital, séparé d’une dizaine d’étage de Rokoujou. Uchikina n’avait pas attendu pour le rejoindre, mais les autres s’étaient sentit obligé de rester lorsqu’une roche s’abattit de leur côté.
Rassuré de voir un allié le rejoindre, Rokoujou s’approchait d’Uchikina en continuant d’abattre le danger qui ne semblait pas vouloir se calmer :
« - Tu es tout seul ?
– Non, les autres sont plus bas. Répondit Uchikina bien plus ravageur que son ami pour défendre.
– Vous étiez où tout ce temps ?
– On était crevé hier, tu nous excuseras.
– Je ne vous en veux pas, je me demandais c’est tout. Vous avez des nouvelles des autres ?
– Justine est rentrée chez elles. Nozomi a dit qu’elle passerait ici dans la journée. Tes trois potes : Florient, Thomas et Anthony, étaient pris en charge par l’hôpital et les Démons, introuvables.
– Et Shisu et Odo ?
– Introuvables aussi. Annonça Uchikina dans un dernier effort qui laissa la place au calme.
– Et Yuki, elle est où ?
– Elle aide à évacuer l’hôpital et à déserter la zone. Ils vont faire ça en une petite minute qu’elle nous a dit. Des météorites c’est pas rien, si on n’était pas là pour les détruire, ce serait à eux de le faire, et ça prendrait sur le temps d’évacuation.
– J’y crois pas, soupir-t-il. Pourquoi on en est arrivé là ? On n’a rien demandé nous.
– C’est seulement maintenant que tu te poses la question ?! Fallait y réfléchir avant de se lancer dans la bataille avec les Démons Miraculés. Tu sais, on ne t’en veux pas non plus, c’est juste qu’on trouve ta nouvelle personnalité… trop spécial, on n’est pas habitué à avoir un Rokoujou… comme ça.
– Eh, ça veut dire quoi ‘‘comme ça’’ ? S’écria-t-il. »
La pluie de roche passée, ils furent rejoints par le reste du groupe. Sezuni, Kotai et Ko, voulant s’organiser pour chercher des potentiels blessés à travers les points d’impacts des météorites. Trois emplacements étaient en très mauvaises états selon Kotai. Rokoujou partageait son inquiétude quant à la situation d’Alexender. Ce dernier lui avait bien dit qu’un rendez-vous l’attendait au dixième étage. L’hôpital était grand, impossible d’être certain qu’il fut pris dans les explosions. Cinq personnes pour composer trois groupes, quelqu’un allait fatalement se retrouver seul. Sans concessions, Kotai se lançant dans le vide en assurant ses compagnons qu’il irait très vite vérifier le dixième étage. D’après ses observations, ce fut celui-ci qui aurait subit le moins de dégâts.
Lâché dans le vide, Kotai s’approchait du dixième étage où la fumée avait cessé de jaillir. Très vite, une forte odeur vint prendre ses narines. Ce qu’il pensait avoir reconnu comme étant l’odeur de la mort l’étonna. Même s’il y avait des victimes, quelque chose comme de la peau carbonisée ou un arrière-goût ferreux typique du sang, c’était ce à quoi il s’attendait. Pourtant, la mort était la première à se présenter à lui. A peine eut-il posé le pied dans les ruines d’une chambre de cet étage, qu’un corps se démarquait. Décapité et le torse troué. Ce simple constat lui fit tourner les yeux et la tête, ravalant une salive au mauvais goût de vomit. Cet homme eut une mort douloureuse, mais était-ce vraiment l’œuvre d’une météorite ? Aucun objet spécifique n’entourait le cadavre pour expliquer son état. Kotai alla dans le couloir noircit par l’explosion. Le brûlé, elle était là cette odeur. Mis à part la chambre par laquelle il était arrivé, le reste semblait intact. Il y avait peu de chambre vide dans cet hôpital en temps normal, il était étonné de ne pas voir plus de victime. Dans un sens, ça le rassurait. Pour continuer sur de bonnes nouvelle – espérait-il – il voulut vérifier les pièces adjacentes, qui aurait pu piéger ou blesser quelqu’un dans la panique. Il tourna une poignet et la porte se fracassa d’un coup contre lui. Un autre coup sur la tête et l’inconscience.
Un râle rauque et étouffé, ce fut ce genre de bruit qui résonna dans les oreilles du reste du groupe. Rokoujou et Uchikina s’étaient aventurés vers le vingtième étage. Ici, la météorite avait séparé le couloir en deux, annihilant les chambres qui se trouvaient sur son passage. S’il y avait des personnes présentes à ce moment, il ne devait plus rien rester d’elles. Cette sensation étrange d’avoir une odeur dominante qui ne devrait pas l’être, elle régnait. En apparence, aucune victime. Pour s’en persuader, ils se séparaient chacun d’un côté du couloir divisé. Ce râle les avait inquiétés. Même si elle ne se voyait pas, une victime se trouvait sûrement dans le coin. Rokoujou arrivait du côté des ascenseurs. Les portes de l’un d’eux étaient ouvertes, les câbles étaient encore là et la cage se retrouvait coincée entre deux étages. On avait arraché son plafond, sûrement pour aider des civils à en sortir. Il rebroussa son chemin sans apercevoir cette main qui s’extirpait de l’ascenseur, arme à feu en main. Il avait rejoint le couloir divisé où Uchikina l’attendait de son côté.
« -T’as trouvé quelqu’un ? Demanda Rokoujou.
- Rien du tout. C’est comme si il n’y avait jamais eu personne. Il y a juste cette odeur qui me dérange.
- Pareil. Kotai ne nous a pas encore rejoint, je me demande s’il a trouvé quelque chose. »
Pour continuer cette conversation, Uchikina voulu sauter le gouffre pour rejoindre son ami, mais le râle glauque reprit et une liane verte s’étendit brusquement depuis l’obscurité en-dessous de lui, venant érafler son flanc droit. Son élan coupé, il tombait à l’étage inférieur. Rokoujou l’avait aussitôt rejoint dans cette chambre pavé de débris. La blessure qu’on avait infligée à Uchikina n’était pas grandiose, elle le piquait, rien de grave. Un haut de cœur leur prit quand le râle survenu derrière eux. Ce qu’ils pensaient être un cri de détresse, s’était transformé en un danger morbide. Une silhouette humanoïde se dessinait vers le fond de la pièce. En s’exposant à la lumière, ils ne surent comment réagir. L’appellation de monstre leur parcourut l’esprit. De la taille d’un homme, une peau verdâtre aux allures de moisies, une longue liane en guise de bras droit et une tête qu’on assimilerait à une plante carnivore. Elle s’ouvrait en quatre sur une multitudes de rangées de dents, où dégoulinait une bave visqueuse. En ouvrant cette gueule, une voix étranglée s’en échappait :
« - Je sens une bonne flamme~~. C’est vous~~.
- Cette chose… parle. Disait Rokoujou dans son dégout.
- J’ai un message pour vous~~.
- Non ! Un message de ta part n’annoncera rien de bon ! S’écria Uchikina les yeux écarquillés, paralysé dans son désir de fuir.
- On a votre ami~~.
- J’ai peur qu’il parle de Kotai. Déclarait Rokoujou tout bas à son ami.
- M’en parle pas. Déjà que ce truc me fout la gerbe.
- Suivez-moi~~.
- Pour se faire avoir aussi !? Dans tes rêves ! Cria Rokoujou »
Son cri fut précédé par une boule de flamme de sa part qui éventra le corps du monstre. Sa peau paraissait flasque et un sang noir, pourris, dégageant cette odeur pestilentiel qu’ils avaient repéré plus tôt, venait de lui. Ainsi troué, Uchikina se disait que ce n’était peut-être pas la meilleur idée de le tuer, s’il avait dit la vérité et que ce monstre avait des congénères, alors ils n’avaient plus de moyen de retrouver Kotai. Une petite déception qu’on vint briser. Trois griffes verdâtres et acérés balayaient la vue du jeune aux cheveux bouclés qui reculait d’un grand pas, évitant de perdre la moitié de sa vue. Ses flammes de glace vinrent immobiliser le monstre encore en vie. Uchikina n’en revenait pas. Malgré le trou béant à la poitrine, ce monstre n’était pas encore tombé. Pire encore, ces griffes menaçantes qu’il était persuadé d’avoir vu et qui devaient faire office de main gauche à la créature, n’était plus. Il avait ses cinq doigts.
« - Qu’est-ce que tu es bon sang ? Enchérit Rokoujou.
- Vous êtes des jeunes Honmas~~. Quelle innocence~~. On nous appelle : Octingens~~.
- Yuki ne nous a pas parlé de ça… se disait Uchikina.
- Comment on est censé le tuer ? Se demandait Rokoujou hésitant à approcher.
- Le temps que vous trouviez mon point faible~~. On va s’amuser un peu~~. »
Des flammes noirs jaillissaient de son corps pour se défaire de la glace d’Uchikina. Une créature aux apparences immortelles, clamant haut et fort qu’un point faible existait sans qu’ils puisse le deviner. Rokoujou y reconnu un peu de soi, de ce qu’il était. Son syndrome lui octroyait cette même assurance, celle de pouvoir vivre sans se soucier de mutiler son corps. Il savait où se trouvait son propre point faible, mais qu’en était-il pour un Octingen ? Un indice évident. Le torse était à exclure. Il voulait se concentrer sur la tête du monstre. En la fixant, ce dernier émit un rire étranglé perturbant, même s’il semblait évident qu’il riait de bon cœur, son écho fit douter les deux amis. Était-ce une souffrance ou une joie pour l’Octingen de s’adonner à cette chasse ? Ils n’en étaient pas sûr, mais Rokoujou fut un peu plus dégouté quand la tête du monstre se mit à s’ouvrir tel une fleur qui éclot. Elle laissait place à la tête d’un Humain, la peau pâle et l’orbite de ses yeux vides. Des marques noirs grimpaient sur son cou et dessinaient le reste de son corps prisonnier. Ils venaient de comprendre l’absence de cadavre évident dans l’immeuble. Les victimes étaient devenues des Octingens. Comme le Shinkei qui leur avait retourné le cerveau, quelque chose d’autre avait transformé ces Humains en monstre, et Uchikina accusait sans considération les flammes noires qui s’échappaient naturellement du corps de l’Octingen. Autant effrayé qu’écœuré, Rokoujou se jeta sur le monstre, l’index tendu, visant entre les deux yeux. Son don Pierce lui permit de traverser le crâne du monstre qui s’effondra aussitôt. Une grande inspiration et un soupir grave, Rokoujou avait arrêté de respirer le temps d’une attaque. La voix d’Uchikina lui criant de faire attention le fit regarder le corps de l’Octingen. Ce dernier se mit à luire avec ses flammes noires, elles s’intensifiaient un peu plus et gonflaient le cadavre. Un saut pour reculer évita à Rokoujou d’être prit dans l’explosion du corps de son adversaire. Après leur mort, les Octingens explosait.
Encore un peu secoué par cette rencontre particulière, Uchikina voulu appeler les autres pour s’assurer de leur situation. Ko décrocha à son appel et lui apprit que de leur côté aussi, ils avaient fait la rencontre d’un Octingen. Sezuni s’était retrouvé avec une entaille assez grosse à l’épaule. Elle n’était pas en danger, mais la douleur la rendait… exécrable, avouait Ko d’une voix dépitée. Ces deux altercations les décida à se rassembler au plus vite, en rejoignant l’endroit où aurait été Kotai, le dixième étage.
Une fois là-bas, ils ne trouvaient pas une seule trace de leur dernier ami. Tout portait à croire que les Octingens avaient raisons. Ils avaient réussi à prendre Kotai en otage. De nouveau, une voix étranglée résonnait dans l’immeuble et leur adressa la parole :
« - Mes chers invités ~~ ! Bienvenu chez moi ~~ ! Vous êtes convié, en tout bien tout honneur, à répondre à mon invitation à dîner ~~ !
– Dîner ? Mais il est à peine 14h ! Fit remarquer Sezuni pour plaisanter.
– Silence ~~ ! L’un de vos amis a déjà répondu par la positive et se trouve avec moi en ce moment ~~. Qu’attendez-vous pour le rejoindre ~~ ?
– Qui es-tu ? Toi aussi tu es un Octingen ? Demanda Rokoujou.
– Pas exactement ~~. Le Master nous a informé de votre arrivée ici,~~ il m’a demandé de prendre soin de vous~~. J’étais un Octingen, mais voyez-vous, l’évolution fait des miracles ~~. Lorsque la flamme d’un Octingen grandit suffisamment, il peut évoluer et devient supérieur aux Octingens normaux~~. Il y a cinq stade d’évolution et j’en suis déjà au premier ~~. L’évolution a fait de moi un Fhumiat* ~~ ! Maintenant venez ! »
À ces derniers mots, une centaine d’Octingens apparurent de nulle part et firent deux colonnes dans le couloir, l’une en face de l’autre afin de former un passage prédéfini qui devait mener les invités du Fhumiat, vers lui. Un dernier Octingen arriva, sa présence appuyée d’un petit képi bleu sur son crâne de plante. Se distinguant des autres et saluant le groupe d’ami d’une courbette, il les invita à le suivre à travers le chemin qu’avaient formé les autres Octingens. Il commença à avancer et Rokoujou le suivit. Les autres furent étonnés, mais remarquant que Rokoujou ne se retournait même pas pour leur dire d’emboîter le pas, ils le firent sans poser de questions et avançaient. Ko regardait les Octingens devant lesquelles ils passaient, ils les observaient. Sezuni se plaignait d’avoir mal au pied à force de marcher, oubliant presque la blessure qu’elle avait à l’épaule et Uchikina essayait de faire comprendre à Sezuni de faire moins de bruit. Elle n’en voyait pas l’utilité, cela le rassurerait, fit comprendre ce dernier. Le chemin tourna vers une chambre plongée dans l’obscurité, on ne pouvait pas distinguer à plus d’un petit mètre à l’intérieur, bien qu’étant une simple chambre elle semblait infinie. L’Octingen guide entra, il posa un arrêt et un regard vers ses visiteurs en guise de dernière invitation à le suivre. Rokoujou continua sans broncher et ses amis qui terminaient la file furent surpris par la fermeture brutale de la porte, les plongeant dans le noir total. Personne ne paniqua longtemps, Ko alluma une flamme rouge pour les éclairer, son feu étant l’élément qui émettait le mieux la lumière parmi leur flamme respective. Continuant à avancer, Rokoujou disparu tout à coup de devant Sezuni en laissant s’échapper un cri qui s’éloignait de plus en plus vers le bas. En allant à l’avant du groupe, Ko découvrit un trou béant dans le sol. Ni leur guide, ni Rokoujou n’étaient devant, ils étaient donc forcément tombés dans ce trou :
« - C’est un piège, on est d’accord ?! Lança Ko.
– Je dirais même plus : It’s A Trap ! S’exclama Uchikina.
– C’est pas le moment ! S’exclama Sezuni pas très rassurée.
– Après j’ai envie de dire, on n’a pas trop le choix. Ajouta Ko.
– Je dirais même plus-
– Ta gueule Uchikina. L’interrompit Sezuni. Juste, ta gueule.
– J’essaie de décompresser, de rigoler un peu.
– Bah vas-y rigole là ! Lui cria Sezuni en le poussant dans le trou.
– Ah ouais, t’es violente toi. Aller chacun son tour. Reprit Ko en donnant une tape dans le dos de Sezuni la faisant tomber aussitôt dans le trou. Bon voyage. »
Ko fut le dernier à sauter. Une chute d’environ cinq étages. Pliant les genoux à l’atterrissage, il vit Sezuni qui était tombée sur Uchikina, lui-même sur Rokoujou qui grognait et se plaignait du poids. Il se releva en dégageant les deux autres et regarda son ami Ko qui était resté fixé sur quelque chose devant lui. Rokoujou suivit son regard et se figeait dans le même état. Sezuni et Uchikina ne tardaient pas à les rejoindre dans cette démarche immobile. Ce qu’il y avait devant eux avait de quoi surprendre et méritait qu’on s’arrête deux secondes pour comprendre ce qu’il se passait. Le lieu où ils avaient atterrit n’avait rien à voir avec l’hôpital. C’était une salle gigantesque, le plafond était si haut qu’on ne pouvait pas le distinguer dans la pénombre, tout comme chaque mur de cette pièce. Ce qui attira le plus leur attention, c’était la présence d’un gigantesque Octingen, mesurant au moins quinze mètres de haut et étant obèse. Il était en train de mordiller un petit os faisant office de cure-dent. Il regarda les cinq amis et leur adressa la parole :
« - Ah, vous voilà ~~. J’espère que ma réception n’était pas trop brutale~~.
– L’atterrissage n’était pas très agréable, sinon ça va. Fit comprendre Rokoujou.
– Mais tu avançais sans rien dire aussi, t’es chelou toi ! S’exclama sa petite sœur.
– Parce que t’avais une meilleure solution !?
– Allons, mes chers~~. Nous sommes ici pour passer un bon moment~~. Reprit le Fhumiat.
– Un bon moment ? Se demanda Ko.
– Laissez-moi d’abord vous montrer votre ami~~. »
En s’écartant, il laissa place derrière-lui à une marmite presque aussi grande que lui, quelque chose semblait bouillir et dégager un gaz à l’odeur plutôt nauséabonde. Surplombant ce liquide à l'apparence mortelle, Kotai, attaché juste au dessus de cette cuve. Malgré l’odeur, il restait inconscient, attaché par les mains. Troublé, Uchikina se demanda à voix haute :
« - Ne me dites pas que les ingrédients c’est nous, ne me le dites pas.
– C’est nous les ingrédients. Affirma Rokoujou.
– Je viens de te dire de ne pas le dire ! Pleurnicha Uchikina.
– Évidemment que vous êtes mes ingrédients~~. Je vous prépare une échelle juste ici pour que vous puissiez monter sans problème~~.
– Parce que tu crois qu’on va se laisser faire ?! Clama Ko.
– Bien sûr~~. Je suis un Fhumiat, ma taille est dix fois supérieure à la normal car je suis sur le point de passer un nouveau stade, de devenir un Strinus*~~. Vous n’avez clairement aucune chance contre moi~~. Alors pourquoi s’obstiner à combattre ?! Vous allez mourir de toute façon~~. Mais si jamais vous ne voulez vraiment pas y aller de votre propre chef~~. Je vais devoir vous y forcer~~. Plongez le petit en premier~~ ! Ordonna-t-il en parlant de Kotai. »
Sur cet ordre, Rokoujou et Ko s’étaient élancés vers le haut de la marmite, mais la main gigantesque du Fhumiat les stoppa et les renvoya violemment à leur point de départ. Un rire dérangeant semblant être un mélange entre un étranglement et un vomissement, le Fhumiat était fier. Les liens de Kotai furent défaits et ils ne pouvaient rien faire pour empêcher sa chute.
Tout se mit à trembler d'un coup, la marmite bascula et tomba vers le reste de la pièce, le sol éclata en mille morceaux, une sorte de liquide orange en sortait suivi de la silhouette de quelqu’un. Le liquide bouillant se répandit dans la pièce et ils purent l’éviter en usant de leur propulsion de flamme. Ils revinrent sur la terre ferme une fois tout le liquide évacué ils ne savaient où. Une nouvelle personne était là, c’était celle qui venait d’arriver par le nouveau trou. Le liquide orange qui était sortit en même temps, créait une sorte de vapeur sur le sol qui fondait à vu d’œil. À l’odeur, Rokoujou pu en conclure qu’il s’agissait d’un acide très puissant, mais pourquoi autant d’acide se retrouverait ici.
La marmite renversée, Kotai sauvé, le Fhumiat énervé, un nouvel allié ? La nouvelle arrivante attrapa Kotai par la capuche de son gilet et le traîna jusqu’aux pieds de ses amis, dévoilant aussi son visage. Leur sauveuse miracle présentait un visage et un corps étrange. Aussi grande que Ko, la moitié droite du haut de son crâne n’était que de l’os, l’orbite de son œil était distinctement visible et ses cheveux roux poussaient tout de même sur cette surface osseuse, un ressentit étrange amplifié par une peau très blanche. Des cheveux roux plutôt longs et coiffés en deux couettes, ses yeux, bien que l’un des deux ressortent un peu de son orbite, étaient plutôt petits et de couleur marron. Elle avait un air narquois, une sorte de mépris moqueur se lisait sur son visage. Son crâne n’était pas la seule partie de son corps qui présentait seulement de l’os. Son avant bras gauche et son biceps droit avaient les mêmes caractéristiques en plus d’avoir quelques brûlures aux extrémités. Il en allait de même pour sa jambe droite, affublée de peau du tibia jusqu’aux orteils. Elle portait juste un robe blanche à bretelle descendant jusqu’aux genoux. Sa tenue se concluait par des sandales beiges dans le style romain. Son apparence mortuaire laissa dans un premier temps, Rokoujou et ses amis, dans un état de paralysie, un choc visuel qui ne manqua pas de les faire crier au bout de cinq secondes de blanc. Ils reculaient un peu et restaient stoïques face à elle. Elle continua de les fixer de son air supérieur, mais le Fhumiat se manifesta :
« - Eh ! Jeune fille~~. Je ne me rappel pas t’avoir invité~~… Hum, dis-moi, tu as de jolie os à ce que je vois~~. Je fais toujours bouillir mes ingrédients jusqu’à l’os, que dirais-tu de te joindre à moi~~ ?
-T’as un problème gros tas ?! Lança-t-elle indifférente.
- Gros tas~~ ? Pour qui te prends-tu sale race ~~ ?
- Chef~~ ! S’exclama un Octingen au pied du Fhumiat. Je crois qu’il s’agit de cette femme~~. Elle possède la flamme Acean~~. Et est redoutée de tous les plus puissants Chefs~~.
- Je me fiche bien de savoir si elle est redoutée ou pas~~ ! Elle n’a pas à me parler sur ce ton~~ ! Femme, je vais t’apprendre le respect~~ ! »
La jeune femme créa une petite boule de flamme orange au creux de sa main et la lança nonchalamment vers le Fhumiat. Au début, la petite boule était très lente, mais en un instant elle dépassa toute perception visuelle et traversa le Fhumiat de part et d’autre dans le torse. Un simple trou se formait dans un premier temps, puis ce dernier s’agrandissait d’un seul coup. Avec un énorme trou au milieu du torse, le Fhumiat traînait la patte désormais. La femme se retourna de nouveau vers Rokoujou et ses amis. Kotai se réveilla à ce moment et se releva doucement en se frottant la tête. Il regarda à sa gauche et vit la jeune femme à moitié osseuse et la première chose qui lui vint à l’esprit fut :
« - Wouah… c’est génial.
– Sois surpris au moins ! S’écriaient ses amis.
– Je suis surpris, mais c’est cool. Comment vous vous êtes fais ça ? Euh, vous êtes qui au juste ?
– Laisse tomber, ça ne te regarde pas. Répondit-elle.
– Un prénom au moins ?
– Leylana. Mon arrivée est un simple hasard, j’avais faim et j’ai senti la flamme de ce Fhumiat. Ça devrait être suffisant pour aujourd’hui.
– Manger ? La flamme ? Tu… manges des flammes ? Demanda-t-il hésitant.
– Ça m'arrive. Maintenant dégagez.
– Tu... tu m'es familière...
– Dans tes rêves. »
Le Fhumiat poussa un autre cri qui n’était pas dû à l’action de Leylana ou qui que ce soit d’autre de humain ici, mais à cause d’une liane d’Octingen venu se planter dans son énorme crâne. Un Octingen venait de l’attaquer. Il n’y avait aucune raison pour que cela arrive, néanmoins, l’Octingen en question commençait à pousser des hurlements de douleur. Il semblait résister à quelque chose. Cet Octingen était celui qui avait le képi bleu, qui avait servit de guide. Se tortillant dans tous les sens et n’ayant pas fait assez de dégâts au Fhumiat pour le tuer, il s’excusa platement tout en se tenant la tête. Il luttait de plus en plus violemment. Ses excuses mêlés à ses cris laissaient un doute sur ce qui lui arrivait. Il dévoila que l’humain qu’il avait en lui se débattait. Cette phrase fit poser des questions à Rokoujou, les humains était-ils encore en vie même après leur transformation en Octingen ? Leylana le regarda en entendant sa question posée à lui-même et elle lui répondit :
« - Quand un humain se transforme en Octingen, il reste conscient encore trois jours après. C’est très rare qu’un humain se débatte, car il faut savoir quoi faire et quand. Il faut connaître les flammes et les Octingens, or pour un humain c’est impossible. Donc l’humain qu’il possède est très spécial. »
La forme de l’Octingen commençait à fondre et à laisser place au corps vaporeux de l’humain à l’intérieur. La peau verte disparaissait et la tête fut arrachée. Ce qui sortait de la carcasse était un homme vêtu de sa blouse blanche à moitié déchirée tout comme le reste de ses vêtements. Essoufflé, il nettoya la buée sur ses lunettes légèrement tordue et se releva dévoilant son visage qui ne manqua pas de surprendre le groupe d’ami :
« - Docteur Alexender !
– Oui. Se susurrait-il. Ça a marché, mon dieu, oh mon dieu, merci mon ami merci. Continua-t-il en joignant les mains vers son visage.
– Alexender, vous allez bien ? Lui demanda Uchikina en s’approchant avec ses amis.
– Je vais bien oui, ça fait combien de temps que la météorite est tombée ?
– Je sais pas, une demi-heure je dirais, pourquoi ? Répondit Rokoujou.
– Parfait. Plus tard les questions, sortons d’ici.
– On veut bien, mais par où ?
– Eh les gamins. Lança Leylana. Là-bas y a une porte. »
En pointant du doigt un bout de la pièce, ils purent remarquer la présence évidente d’une porte d’où venait une forte lumière blanche. Le Fhumiat se redressait malgré sa blessure et en voulait encore plus à la vie de Leylana. Il prépara une boule de flamme noire, mais avant qu’il ne pu la lancer, un carreau d’arbalète fut tiré, traversant son crâne qui implosa dû à l’acide injecté dans sa tête. C’était Leylana la responsable de ce tir, l’arbalète qu’elle tenait se dissipa dans des flammes orange. Le Fhumiat désormais mort, son corps explosa et balaya tous les Octingens aux alentours. Leylana s’aventura dans la déflagration alors que le Doc menait les jeunes vers la sortie. Ils passèrent la porte et atterrirent chacun à un endroit différent.
Alexender se retrouva à l’extérieur de l’hôpital, sur le parking à l’arrière. L’endroit était complètement désert et il était le seul à être arrivé là. Il chercha tout de même du regard si les jeunes n’étaient pas loin. Personne, il était bel et bien seul… mais pas tout à fait. Un seul Octingen arriva devant lui et dévoila le visage humain qu’il cachait sous son apparence de plante carnivore. Le visage humain qui se découvrit au Doc, il le reconnaissait, ressemblant à Rokoujou, il y vit pourtant une autre personne :
« - Kevin !?
– Salut Alexender~~ … ça va bientôt faire 13 ans~~.
– Non… tu es censé…
– Être mort~~ ?! C’est vrai, mais dommage pour toi, le corps et l’esprit de ton ami sont à moi maintenant~~. »