Atalante - partie VII

Par Luvi

Des voix s'élevaient de part et d'autre de ma position. Lointaines et soudainement si proches, elles martelèrent mon esprit, portées par les réminiscences d'un passé pourtant si récent, que je tentais d'occulter intérieurement.

Mon cœur battait à tout rompre. Chacune de ses pulsations résonnait comme un tambour de guerre dans ma poitrine. La douleur qui accompagnait mon existence depuis le funeste jour où cette immortalité m'avait été imposée, se réveillait au rythme de la folie qui s'insinuait en moi. Et quelle folie que cette peur qui me paralysait. Mes jambes refusaient de bouger, semblant enracinées dans le sol. Mon esprit vacillait et mon pouvoir se faisait.

Des illusions autour de moi se mouvaient, prenant des formes grotesques et menaçantes. Je pouvais presque sentir leur souffle glacial sur ma nuque. Leurs murmures amplifiaient mon angoisse. Je savais que je devais fuir, mais mes pensées étaient embrouillées, ma raison noyée par la terreur.

Recroquevillée sur moi-même, je pleurais silencieusement. Mes larmes, traçant des sillons brillants sur mes joues, disparaissaient dans de fins tourbillons d'étincelles. Chaque sanglot étouffé, paraissait résonner dans l'obscurité, tel écho de ma douleur intérieure. J'entourai mes genoux de mes bras, comme pour me protéger de ces ombres menaçantes qui m'entouraient. Mais les voix continuaient de murmurer, et moi, perdu dans les limbes de ma faiblesse, je n'avais pas la force de les combattre.

Le souvenir de Hanios, mon medjaï, qui avait donné sa vie afin que mon être puisse fuir ces mêmes ennemis qui se trouvaient en contrebas, s'imposa à moi. J'avais si honte de moi. Il était mort pour me permettre d'être libre, et je n'avais pas su me saisir de cette chance. Même aujourd'hui, alors que le seigneur Alkan, m'avait insufflé les prémisses d'une force me permettant de supporter ma condition, je laissais la faiblesse de mon être dicté sa loi. Dans ce moment de vulnérabilité, je me sentis plus seule que jamais, perdue dans cet océan de peur et de désespoir. Pourtant, au fond de mon cœur, une petite lueur d'espoir persistait, une étincelle qui refusait de s'éteindre malgré l'obscurité environnante.

Soudain, La froideur d'une lame caressa ma gorge, me faisant sursauter. Comme si le monde entier conspirait pour me terrifier, mon esprit se referma face à la menace potentielle à ma droite. Je fermai les yeux, essayant de me concentrer sur ma respiration, de retrouver un semblant de calme dans ce chaos intérieur. Mais la voix implacable qui s'éleva, me rappela que je ne pouvais échapper à mon passé, peu importe combien je le souhaitais.

- Qu'avons-nous là ? Eh banar ! Envoi donc un message au général Forn ! Dis-lui que nous venons de trouver le plus beau des trésors ! L'Isis des Neuf Royaumes !

Le visage de Forn s'imprima dans ma rétine. J'entendis son rire gras résonner dans ma tête. La terreur que lui et ses compagnons m'avaient inspiré dans ce petit temple du sixième Méros, acheva ma raison. Fuir était la seule chose que je pus faire. Je me relevais et bousculant l'homme, je m'entaillais la gorge sur son épée.

Courant à en perdre l'haleine sur l'unique accès vers la liberté, je titubais, le sang coulant abondamment de ma plaie. J'osais me demander, par quel maléfice, cette blessure ne se refermait pas. Mais je n'avais pas le temps de me focaliser sur les raisons qui privaient mon pouvoir de guérison de faire son œuvre. Je devais fuir et vite.

L'adrénaline me poussa à continuer ma course folle, tandis que j'entendais la voix de mon ennemi hurler quelques ordres à ses camarades en contrebas. Je titubais soudainement, sentant une force mystérieuse me plaquer au mur. La douleur qui me saisit fut insupportable, et je hurlai. Mon cri résonna contre les parois Ma bouche s'emplit d'un liquide chaud et amer.

Une épée s'enfonçait dans ma chair, m'empêchant de continuer ma fuite vers cette liberté qui m'appelait de toutes ses forces. Je serrai mes dents et, avec un effort surhumain, tenta de la retirer. Tandis que ma conscience me hurlait son avertissement, un pied s'abattit sur le pommeau de l'épée.

La souffrance explosa dans tout mon corps, me laissant à moitié consciente. Le monde autour de moi, devint flou. Seules la froideur de la pierre contre mon dos et le goût métallique du sang dans ma bouche, m'empêchèrent de sombrer.

Un rire cruel s'éleva. Un doigt me fit relever la tête, et je le vis. Des yeux d'un jaune criard, injecté de minuscules veines noirâtres, se perdant sur un visage gras et blanchâtre d'où s'échappaient des relents nauséabonds d'alcool. L'énergie qu'il dégageait, n'était pas en reste. Sombre, glacial et emplit d'envie meurtrière et de massacre. L'un des hommes du clan des ombres, la silhouette imposante dans son armure sombre. Il se tenait devant moi, la main sur la garde d'un poignard qu'il cachait dans sa veste.

Amorphe et sans espoir, je le laissai caresser mon visage. Puis, il m'empoigna violemment le bras gauche. Je sentis mon épaule se démettre dans un désagréable craquement, tandis qu'il redessinait les contours de mon glyphe de son doigt. Une étincelle de victoire dans le regard, il se pencha à mon oreille.

- Mon maître t'a cherché longtemps. Dit-il d'une voix glaciale. "Il sera ravi de savoir que je t'ai enfin trouvé."

Malgré la douleur intense qui me submergeait, je tentai de me redresser. Je savais que cet homme n'était pas là pour m'aider, bien au contraire. Il me fallait trouver un moyen de m'échapper, mais mes forces m'abandonnaient rapidement. Il posa une main ferme sur l'épée plantée dans mon ventre. "Tu ne peux pas fuir ton destin, murmura-t-il en l'enfonçant un peu plus profondément. Son acolyte se posta à ses côtés, le regard malveillant.

De petite taille, la magie qui coulait en lui, semblait moins dangereuse que celle de son compagnon. Pourtant, la dangerosité qui se dégageait de lui, me projeta dans le désespoir. « Alors c'est elle la divinité que le maître recherche ? On dirait un agneau terrifié devant des loups !

- Grande sera la récompense qui nous attend ! Quels sont les ordres du général Forn ?

- Nous devons la maintenir captive jusqu'à l'arrivée du maître !

- Du maître ? Il se saisit de mon visage. « Tu entends ça ? Tu es si important pour lui, qu'il se déplace pour t'accueillir !

Je baissai la tête, vaincu. Le Seigneur Alkan m'avait prévenu, et moi, aussi peureuse et naïve que je pouvais l'être, n'avait pas su prendre ses avertissements au sérieux. Je m'étais fourvoyé en pensant être en quiétude au sein de son palais. Mais ces dernières années, n'en furent que plus cruelles. Le déni dans lequel je m'étais consciemment enfermé, vola en éclat. La dure réalité de ces mondes et de ma condition, m'explosa en pleine figure.

J'entendis les deux hommes rirent aux éclats, la victoire en leur main. Cinq ans s'étaient écoulés depuis le jour de ma rencontre avec leur maître. Cinq longues années où ce peuple se languissait amèrement de sa défaite. Et bien que je pusse aisément fuir et anéantir ces créatures malveillantes, la terreur de le savoir bientôt face à moi, m'acheva. Je m'inclinais, battu, sachant que sous peu, les ténèbres sonneraient la fin de mon existence. Mais c'était sans compter sur elle, qui attendait sagement cacher dans mon être. À ce moment-là, j'ignorai encore, qu'elle serait mon sauveur et ma malédiction.

Mon ventre se mit soudainement à vibrer. Doucement, puis avec force et fracas. Tout mon corps fut pris de tremblement. Un crissement s'empara de mon esprit. Puis un feulement, incompréhensible. Des grésillements empoignèrent mon esprit, me forçant à boucher mes oreilles. Puis l'épée se désagrégea subitement. Des lampées de magie noires s'élevèrent et m'engloutirent. J'eus le temps d'apercevoir le visage marqué par la peur de mes ennemis avant de sombrer dans un profond sommeil sans rêve.

À suivre.

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