− Dans deux jours, je pourrais sans doute le retrouver, se dit Solal alors qu’il vient de boucler son set.
Il est content de lui bien qu’il n’est pas été vraiment à fond dans ce qu’il faisait tant l’idée de revoir Aimé l’obsède. Il y a pensé tout son séjour. Résultat : Solal se sent frustré à tous les niveaux. Pendant son temps libre, il a commencé à travailler sur le chant qu’il a perçu chez cet homme aux notes d’or. Il est hyper emballé par ce morceau qui mélange une sensation d’érotisme et de fuite. Tout comme la soirée en question. Du coup, Solal repense à cette soirée non stop, cela le met aux abois sur le plan sexuel. Malheureusement, les rencontres qu’il a fait pendant son séjour à l’étranger n’ont pas réussi à l’apaiser durablement : simplement car ces gens ne sont pas Aimé et c’est lui qui veut et personne d’autre.
Dans l’avion qui le ramène à Rennes, Solal liste les lieux où il pourrait retrouver celui qu’il cherche. Il va commencer par le Platinium, le lieu de leur rencontre puis il ira voir dans les bars du centre ville et les autres discothèques de la ville. Une petite voix lui chuchote que si ça se trouve, Aimé n’habite pas du tout dans le coin et qu’il pourrait ne jamais le revoir. Solal repousse systématiquement cette idée tellement, elle l’effraye. Si en trois semaines d’absence, il n’a pu oublier Aimé, il ne le fera jamais. Son envie dévorante de découvrir ces airs n’avait jamais été aussi forte ces dernières années. D’ailleurs, il sort des titres qui marchent bien mais, selon lui, ils n’ont rien d’extraordinaires. Ils sont plaisant, pas transcendant. Surtout que c’est la première fois qu’il rencontre une coloration comme la sienne depuis l’apparition de son don. Elle lui permet de savoir un peu d’un coup d’œil quel type de personnalité lui fait face. Ces teintes dorées lui sont inconnues, Solal n’arrive pas à savoir où situer cet éclat dans le spectre du chant d’une personne . Il pressent qu’il va devoir creuser pour découvrir la particularité d’Aimé. Pour commencer, il va devoir le convaincre de le revoir même en journée. Et pour une fois, il ne veut pas choper sa mélopée à la sauvette avec un rapport brusque et trop court dans les toilettes d’une boite ou un bar. Il sait que Aimé vaut mieux que cela. Solal est enfin de retour dans son appartement. Il s’accorde un sommeil réparateur avant de partir en chasse.
Aimé est très surpris de ne toujours pas parvenir à oublier la danse avec Solal. Il a même retenu son nom. Contrairement à ce qu’il pensait, il ne l’a pas recroisé en trois semaines. Au fond de lui, il a peur d’avoir fait une erreur car il ressent un je-ne-sais-quoi à propos de cette rencontre. C’est sans doute le regard que Solal lui a offert qui était peu commun. Il n’a pas eu l’infime sursaut au moment où il a vu la cicatrice, si immonde, qui lui barre la joue gauche. Alors que tous autres ont cette réaction de dégoût, ils arrivent plus ou moins à le cacher rapidement. Et il n’y a rien à faire, elle ressort très bien sur sa peau noire. D’ailleurs, il n’a jamais compris pourquoi, elle a si mal cicatrisé. La maudite a ruiné tous ses projets. Aimé respire profondément. Il ne faut pas qu’il s’appesantisse sur le sujet, cela lui mine le moral. Surtout, qu’il est en pleine préparation pour se rendre au Platinium avec le fol espoir de le recroiser. S’il ose, il demandera à la barmaid, elle doit connaître les habitués et ceux qui se permettent de lâcher des démos de Solaria ne courent pas les rues.
Dans la file pour entrer dans la boite, Aimé scrute la foule. Devant lui, certains se font rembarrer, il se demande sur quoi se base les gorilles à l’entrée pour refouler les uns ou les autres. Ce n’est pas qu’une question de physique sinon il se verrait refuser l’accès plus souvent. Quoique vu sa carrure et sa stature, il sait qu’il en impose. Une fois à l’intérieur, Aimé ne traîne pas il se dirige directement vers la salle principale. Il observe avec attention les gens. Bien qu’ils ne les connaissent pas, il repèrent des habitués qui viennent sans doute se libérer de la routine de la semaine. Pour ça part, Aimé a besoin de sa dose de danse et de musique, ce sont ses deux euphorisants naturels. Sans cette rencontre qui l’a laissé défiguré, il serait devenu la vedette d’une troupe de danse.
Aimé choisit une place non loin du bar et commence à se détendre, à l’écoute la musique. Il attend le morceau qui lui parle pour s’élancer sur la piste ou une invitation. Et elle ne tarde pas, Dakota, qu’il croise souvent l’invite. Elle est une danseuse accomplie. Ils épousent le rythme entraînant de Daft Punk. C’est un bon morceau joyeux, Aimé apprécie son rythme. Sa partenaire murmure les paroles. Ils sont en harmonie et les autres danseurs se sont poussés et admirent leur performance. Aimé remarque que ce phénomène est régulier et cela ne fait que alimenter sa tristesse concernant la danse et les refus qu’il a essuyé. Il est prêt à parier que personne ne fait plus attention à son visage. Il secoue mentalement la tête et se concentre sur le plaisir que son corps éprouve à se mouvoir avec la sensation de baigner dans le son. Dakota ne parle pas, elle est elle aussi de celle qui se font happer totalement par la musique. Aimé a souvent l’occasion de danser avec elle, cependant il ne connaît rien de sa vie. Elle semble avoir la même politique que lui concernant les échanges sur la piste de danse. Elle est heureuse de savoir que régulièrement, elle peut partager un moment intense de danse brillamment exécutée en compagnie de ce bel homme. C’est comme-ci les chorégraphies lui permettaient de retirer son masque de tristesse qu’il affiche en dehors.
Un nouveau morceau démarre. Aimé se fige quelques secondes, il lui semble reconnaître la patte de Solaria bien que ce morceau ne colle pas tout à fait à son style. Un imitateur ? La chanson est percutante. Elle recèle un sentiment de frustration que Aimé comprend bien. Une fois encore, la musique a pris le dessus et il met du temps à réaliser qu’il a changé de partenaire de danse. Un immense sourire éclaire son visage quand ses yeux accrochent ceux de Solal.