Vendredi 22 novembre, 17h10. Il fait si froid dehors qu’une croûte de givre recouvre les vitres. Le Diable entre en grelottant dans la pièce chaude où Elizabeth l’attend, pour changer.
LE DIABLE
Bonjour bonj… Oh, mais où est donc passé votre beau tapis blanc ? Au pressing ? Mais pourquoi donc ? L’un de vos malotrus de patients a vomi dessus, c’est ça ? Non ? Des traces de boue ? Heureusement que ça ne peut pas être à cause de mon cataplasme, il était pratiquement sec.
Blague à part. J’avoue avoir eu quelque peu mauvaise conscience après notre session de la dernière fois vis-à-vis du respect de la propriété d’autrui et patiti et patata. Eh oui, comme vous pouvez le constater, je sais parler et écouter en même temps. Vos mots ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. Et comme je ne suis pas aveugle non plus, je vois bien que vous n’avez plus de tapis. Tout ça à cause de mon cataplasme.
Vous pouvez donc vous réjouir d’une heureuse coïncidence. Je vous ai apporté pas moins de DEUX surprises pour faire amende honorable. Fermez les yeux. Je dois aller chercher la première surprise dans la salle d’attente. J’ai dû l’y laisser car elle est tellement grosse que vous auriez tout de suite remarqué que j’avais une surprise et donc ce n’aurait plus été une surprise. (Il sort pour réapparaître, ployant sous le poids d’un énorme rouleau posé sur ses épaules.)
Hop. TADA ! Surprise ! (D’un geste, il déroule un magnifique tapis.) Plus blanc et plus moelleux que son prédécesseur. Je l’ai commandé exprès pour vous à l’usine qui produit les tapis pour devant les feux de cheminée dans les James Bond. Ignifuge si ça fait des étincelles. Y’a pas mieux comme qualité. (Il lui jette un coup d’œil pour voir si elle est impressionnée.) Voulez-vous l’essayer et vous allonger dessus ? Pourquoi pas ?
Nom d’une pipe ! Vous avez raison, il manque le feu de cheminée ! Pas de problème, laissez-moi faire. Allumer le feu est un de mes talents cachés, vous voyez ? PSCHHHH... (Le Diable étend les pattes et un beau feu se met à crépiter dans un coin de la pièce.) TADA !
Maintenant que nous avons du feu nous pouvons... Pardon ? Mais oui, comme vous avez raison, nous devons parler sérieusement. De la deuxième surprise, ou plutôt de la troisième, car je crois vous avoir sacrément surprise avec mes talents de pyromane. « Jamais deux sans trois », et en effet, les trois surprises fonctionnent ensemble à merveille. TADA ! (Rapide comme l’éclair, il ôte sa cape.)
C’est OK si vous tombez dans les pommes sur le tapis devant le feu. La vue de mon torse nu est pour la plupart des femmes une grande stu... (DING DONG).
Non, Madame, je ne remettrai pas ma cape avant que vous n’ayez vu la surprise ! Comment ça, je dépasse les limites ? C’est pourtant vous qui vous êtes plainte de mes poils noirs la semaine dernière ou non ? Je suis donc allé me faire épiler le dos et le torse rien que pour vous. Brrrr… C’est pour ça que je sens plus le froid, d’ailleurs. Voulez-vous bien vous rapprocher et toucher comme ma peau est lisse et douce à présent ?
Ah ça ? Ce n’est rien. (Des plaques noires et laineuses parsèment le torse glabre du Diable.) Ce sont juste les endroits qui sont restés quand j’en ai eu assez de toute cette cire collante. En plus, je ne voulais pas être encore en retard. La petite esthéticienne a bien essayé de me retenir, mais je lui ai bien fait comprendre que j’avais un autre rendez-vous plus important. J’espère que vous vous sentez honorée du fait.
(La porte s’ouvre, le Diable se réenroule vite dans sa cape.) Hé, oh, mais que faites-vous là ? Comment ça, c’est votre tour ? Je n’ai pas fini, hein, dites-lui, vous, que nous n’en avons pas fini ! C’est une honte d’interrompre comme ça la séance d’autr… Ah, bon c’est moi qui interromps sa séance maintenant ?
OK, OK. Je vois que vous avez des choses à vous dire en privé, je ne voudrais surtout pas vous déranger. De mon côté je vais retourner voir la petite esthéticienne, elle sait me comprendre elle, au moins !
Il part en leur jetant un clin d’œil entendu.
Et dans ce chapitre, j'aime bien le fait qu'il soit également attentif "enfin" je dirais presque cette pauvre Elisabeth qui doit quand même le supporter