Dans le froid vif au dehors, les rapaces nocturnes guettaient. Leurs yeux fixes et voraces devinaient à travers la fenêtre leurs proies, repas gigotant et insouciant. Les prédateurs attendaient, se léchant les plumes, que l’humaine au dedans lâchât ses petits, qu’elle soignait tendrement sans soupçonner les regards intrusifs au travers des carreaux.
Dans la maison, l’humide chaleur déposait une buée bienvenue sur la vitre et ses gouttelettes composaient un faible écran. La femme, penchée sur le nid, couvait les nouveaux-nés du regard. Sifflant une berceuse improvisée, elle calmait l’enthousiasme des petits serpents tout neufs, agités et éblouis par la lumière. Les plus fous escaladaient, frénétiques, ses poignets, s’enroulaient sur ses chevilles sans égards pour les fragiles œufs. Ils se lovaient sur eux-mêmes, frétillaient dans le nid épais tressé par leurs corps emmêlés.
Au creux de leurs œufs, leurs bienheureuses sœurs et frères somnolaient, lovés dans la semi-conscience d’avant naissance. Le son et le contact de leurs turbulents aînés ne les gênaient pas. Ils baignaient dans le lait tiède et opaque d’un plein contentement. Rien à voir, rien à manger, rien à faire. Seulement être.