La première chose qu’il vit en entrant ce fut l’imposante table en bois polie par les ans. Bizarrement, il avait cru qu’elle serait…ronde. Déformation chevaleresque. Voilà ce que c’est que d’être nourri depuis son plus jeune âge aux exploits du roi Arthur et des guerriers de sa clique.
La table rectangulaire occupait une grande partie de la pièce, et à son bout trônait un grand siège depuis lequel une vieille dame au regard ensorceleur le scrutait : Awena. Comme s’il avait eu affaire à Méduse, il évita de plonger dans la noirceur de ses yeux, dont il avait déjà eu un aperçu. Il fixa d’abord timidement le sol, avant peu à peu de lever la tête, toujours en s'interdisant de porter son attention vers l'endroit où se trouvait son arrière grand-mère. Pourtant, la curiosité n’était pas loin de l’emporter sur la peur d’être pétrifié.
Et puis, ce n’était pas très poli d’ignorer une vieille parente, qui vous offrait l’hospitalité.
Sa mère s'approcha de lui.
« Chère Awena, le voici ! » Elle le prit délicatement par les épaules pour le mener à une distance raisonnable de la maîtresse des lieux. C'était la seule à être assise. On aurait dit une reine, qui accordait audience aux gens de son royaume. Il ne lui fit pas pour autant la révérence.
« Bonjour, arriva-t-il à prononcer, mais sans enthousiasme et en gardant les yeux baissés »
« Il est impressionné, précisa Marie pour excuser son fils. D’habitude, il est plus bavard. Vous ai-je déjà dit qu’il était à haut potentiel intellectuel ?
- De prime abord, ça ne saute pas aux yeux ! dit d’un ton sec une voix comme venue d’outre-tombe. »
Merlin aurait bien voulu lui clouer le bec, mais sa langue et tous ses membres semblaient comme paralysés. Etait-ce le début du processus de pétrification ?
« Et puis ce qu’il est …petit ! », asséna Awena avec un air de dégoût ou de déception, il ne savait pas très bien.
Petit. Ce mot rompit le charme et il osa la regarder dans toute sa laideur. Mais à vrai dire, elle n’était pas si laide que ça. Des rides profondes sillonnaient un visage anguleux, qui avait dû être beau autrefois. Les yeux profonds et la merveilleuse chevelure éclipsaient le reste de sa physionomie. On ne s’attardait ni sur son nez fin, ni sur ses lèvres presque effacées. Son corps très mince, semblait aussi fragile que du verre.
Merlin et sa mère regagnèrent leurs places. Etrangement, les invités étaient installés sur de grands bancs, tandis qu’à chaque extrémité de la table se dressait un siège imposant. L’un d’entre eux étant occupé par Awena, Merlin supposait que l’autre était réservé au défunt mari de sa vieille parente. Il fut un peu surpris quand il découvrit qu’il était destiné à un convive très particulier.
Sapristi y prenait ses aises, tandis que Merlin et sa famille semblaient avoir perdu une bonne dizaine de centimètres sur leur "banquette" inconfortable. Awena avait tout loisir de les toiser, et de leur rappeler ainsi qui régnait sur le manoir.
« Sapristi, es-tu bien installé ? »
Le félin ronronna. On aurait dit un vieux couple.
« Tu vois, elle aime les animaux, c’est rassurant, non ? » lui murmura sa mère.
Les animaux peut-être, mais les petits garçons, pas sûr !
Sans cesse au cours du repas, la blessure au sujet de sa petite taille fut ravivée. Il fallut lui apporter trois coussins pour le rehausser afin qu’il puisse atteindre sa nourriture. Awena ne l’épargna pas, demandant à plusieurs reprises : « Vous êtes sûrs qu’il a neuf ans ? ».
Toujours sceptique, elle se fit répéter trois fois sa date de naissance. Elle ne retint que le 21 juin. Alors, Awena ne put s'empêcher de commenter comme pour elle-même: "Le solstice d'été, évidemment ! C'est parfait !" tout en affichant un étonnant petit air de contentement. Etait-elle ferrue d'astrologie ? Merlin semblait en tout cas avoir marqué des points. Personne ne saisit pour autant en quoi cette date était parfaite. Tout le monde se garda bien de le demander. Leur hôtesse ne s'en montra pas pour autant plus aimable. Bientôt, on n'entendit plus que le bruit des couverts. Repas chaud, ambiance glacée !
Lilwenn eut beau se mettre en quatre, le petit garçon trouva que tout avait un goût amer.
A bientôt
La voilà enfin notre singulière grand-mère ... elle n'a pas fini de livrer ses surprises et de distiller ses piques. J'espère que tu découvriras avec plaisir la suite. A bientôt.
A bientôt.
L'écriture est toujours aussi amusante et agréable !
Je te remercie pour tes impressions de lecture régulières et encourageantes. A propos de Sapristi, je ne divulgâcherai rien, mais tu ne crois pas si bien dire. A bientôt !
Encore un très bon chapitre, mais ( il y a de petits mais ) le père est totalement absent c'est dommage. On voit qu'Awena tolère plus ou moins Merlin, mais on ne sait pas ce qu'elle pense de Marie et son mari. J'aurais aussi bien voir son comportement avec la cuisinière, tout ça aurait permis de brosser un portrait plus complet d'Awena, mais je suis sans doute trop gourmande et trop pressée.
Je continue ma lecture avec plaisir :)
Désolée de n'avoir pas répondu plus tôt à ton commentaire, merci pour tes impressions, j'en prends note pour améliorer la présentation du personnage. A bientôt.
A bientôt !
Merci pour tes remarques pertinentes, je n'ai peut-être pas été assez claire sur la place du père et je vais relire la description d'Awena. Soulagée que son arrivée "retardée" soit réussie. A bientôt.
A bientôt pour la suite !
Merci infiniment pour tes impressions. Je note que la touche bretonne te plait, je vais essayer de la développer.
A bientôt.