D’habitude, Merlin se souvenait de ses songes, bons ou mauvais. Mais le plus souvent il faisait de doux rêves, dans lesquels il était grand, mince et courageux.
Cette nuit là, sa mère voulut rester jusqu’à ce qu’il s’endorme. Un long voyage, une nouvelle vie, une chambre inconnue, une arrière-grand-mère revêche, ça faisait beaucoup pour un jeune garçon.
« C’est inutile tu sais, je n’ai plus quatre ans ! »
Il espérait qu’elle insiste pour finir par céder.
« La bonne nouvelle, mon cœur, c’est que tu es en vacances. On a un peu anticipé sur le calendrier, mais vu tes résultats, on peut se le permettre. Demain, grasse matinée. »
Elle lui déposa un baiser sur la joue avant de sortir.
Merlin fit honneur à une des spécialités culinaires locales, en se tournant et se retournant toute la nuit dans son petit lit qui grinçait. Tantôt il avait chaud, tantôt il avait froid, et les heures s’écoulaient lentement sans qu’il parvienne à fermer l’œil. Alors, il décida de se lever pour ouvrir la fenêtre et observer le parc.Une agréable fraîcheur envahit la pièce. Ses yeux s’habituaient à l’obscurité. Il parvenait à distinguer les silhouettes de grands arbres, et au loin un lac dont les rayons de lune faisaient miroiter la surface étale.
Tout était étrangement calme. Il était presque déçu de ne pas entendre le chant lugubre d’un oiseau de nuit. Il se demanda d’ailleurs où était passée la chouette qu’ils avaient vue quelques heures auparavant. Rien, aucune forme fantasmagorique, aucun loup-garou à déclarer malgré le disque parfaitement rond qui tenait compagnie aux étoiles. Il ferma les yeux comme pour vivre ce moment de paix plus intensément. C’est quand il les ouvrit, qu’il la vit. D’abord floue, incertaine, puis il ajusta son regard et la forme lui parut plus nette. D’aussi loin et dans l’obscurité, il était bien en peine de dire de quoi il s’agissait. Il trouvait d’ailleurs formidable de pouvoir distinguer ce petit point. Pourtant, il en était sûr, cette ponctuation venait d’apparaître sur la page du paysage qu’il observait. Elle était là, posée dans le coin, au bord du lac. Bien sûr, il aurait pu fermer la fenêtre et retourner aussitôt se coucher. Bien sûr, il aurait pu se dire que tout cela n’était que le fruit de son imagination. Bien sûr, il aurait pu trouver mille bonnes raisons de ne pas s’en mêler, à commencer par le fait qu’un garçon de neuf ans n’a rien à faire dans un parc inconnu à deux heures du matin. Pourtant, il ne le fit pas.
Il en avait assez d’être un « facile à cuire », c’est ainsi qu’il se voyait par opposition aux « durs à cuire » qui peuplaient la cour de récréation. Alors oui, c’était un mou, un couard, bref un lâche, mais ce soir c’était peut-être l’occasion de changer, de devenir le héros de ses rêves, du moins en matière de bravoure.
Il bondit pour prendre dans ses affaires une lampe torche, qu’il utilisait pour lire ses romans la nuit, alors que toute la maisonnée dormait. Il avait repéré pendant la visite des lieux une porte qui permettait d’accéder au parc. C’était moins romanesque qu’un passage secret, mais c’était un bon début quand même.
Alors, en pyjama et pieds nus, le cœur battant à tout rompre, muni de sa lampe et d’un gros livre de contes pour assommer un éventuel ennemi, il quitta sa chambre en catimini, comme un fugueur, lui, l’enfant sage.
J'aime beaucoup la description de l'apparition avec le point sur la page du paysage, c'est joliment dit.
Merci de poursuivre ta lecture attentive et enthousiaste, j'espère que tu découvriras la suite avec toujours autant de plaisir.
Je te remercie infiniment pour ta lecture attentive et tes retours réguliers. Et oui, les livres de contes peuvent se révéler très utiles dans de nombreuses situations. ! A bientôt
Si je peux me permettre, il y a des petites choses par ci par là qui me sont restées dans les yeux :
"Il espérait qu’elle insiste pour finir par céder" je trouve cette phrase un peu lourde, probablement à cause de "pour" + "par". Je pense qu'il y a moyen de garder l'idée en étant plus simple
"D’abord floue, incertaine, puis il ajusta son regard et la forme lui parut plus nette" ce n'est peut-être que moi, mais la construction de la phrase m'a fait bizarre. Je pense que ça devrait être "d'abord floue, incertaine, il lui fallut ajuster son regard pour que la forme lui paraisse plus nette" ou alors "d'abord floue, incertaine, puis nette lorsqu'il ajusta son regard". Dans sa forme actuelle, quelque chose me chafouine même si j'ai du mal à être plus précise haha !
"Il en avait assez d’être un « facile à cuire », c’est ainsi qu’il se voyait par opposition aux « durs à cuire » qui peuplaient la cour de récréation." je trouve dommage de préciser la blague, "il en avait assez d'être un "facile à cuire" me semble suffisant !
A bientôt pour la suite des aventures de Merlin ! :)