Bas les masques

Par Bleiz

7 février, 2 heures du matin : J’ai atteint les limites de mon imagination. Il n’y a rien que je ne vois dans calculs, pourtant j’ai du mal à y croire. Il semblerait que rien ne puisse changer le cours des choses à ce point de notre aventure, ou alors pas immédiatement. Seulement, et pardonnez mon manque de rigueur scientifique, j’ai un mauvais pressentiment. Je vais continuer de chercher. Je suis en train de manquer quelque chose, mais quoi ?

7 février, 10 heures du matin : Bon sang ! Je pense avoir mis le doigt sur mon problème. Ma logique elle-même est défectueuse. Depuis le début, je me concentre sur les actions des Héros ou ce qui pourraient leur arriver directement. Mais qu’en est-il du reste ? Quelles seraient les conséquences si quelque chose à l’extérieur de notre bulle affectait non seulement la Quête, mais aussi le reste du monde…

Une catastrophe naturelle, par exemple ?

Non. Ce n’est pas possible. Je dois me tromper.

Je ne me suis pas trompée. Merde.

Je sortis de ma chambre comme un boulet de canon.

—Hé ! hurlai-je. Y’a quelqu’un ? Où êtes-vous ?

—Pythie ? s’exclama Élias au tournant d’un couloir. Que se passe-t-il ? 

Je tentai de ne pas flancher sous son regard alarmé. Comment expliquer la situation en peu de mots ?

—Élias, on a un problème. Les Héros et toi allez devoir partir en ville très bientôt, et je pense que Vercran- 

Je n’eus pas le temps de finir ma phrase. Tout à coup, le sol se mit à trembler. Légèrement d’abord mais la secousse augmentait en intensité à une vitesse effrayante. 

Ce que je craignais était en train d’arriver : Grenade était en proie à un séisme. 

Aussitôt, l’Assassin me prit dans ses bras et me souleva, m’éloignant des tableaux sur les murs. Dans tous les coins de la villa, on entendait des éclats de porcelaine et de verre s’écraser et se briser en mille morceaux. Mes os se cognaient les uns contre les autres à l’intérieur de mon corps et, sans le soutien d’Élias, je serais certainement tombée à la renverse. J’avais beau serrer la mâchoire, mes dents claquaient frénétiquement. Les secousses n’en finissaient pas.

Finalement, le monde s’arrêta de trembler. L’Assassin me lâcha et prit un peu de recul. Il me dévisagea et me dit d’un ton très calme :

—Tout va bien. C’est fini, d’accord ? Respirez-moi avec moi…

Je suivis son exemple mécaniquement, jusqu’à retrouver un souffle normal. Pendant ce temps, le pas rapide et anxieux de Baptiste grimpait les marches qui menaient à l’étage. Il s’écria :

—Élias, Ingrid ? Vous n’êtes pas blessés ? Ses épaules retombèrent quand il nous aperçut, sains et saufs. Il se rapprocha et nous dit à toute vitesse : Le séisme a duré deux minutes entières. On n’a pas encore de nouvelles via internet, mais Amos confirme qu’il y a beaucoup de dégâts en ville.

—Et Charlotte ? Tristan ? demandai-je d’une voix étranglée.

—Tout le monde va bien, me répondit Baptiste, et je respirai à nouveau.

—Vous devez aller aider les civils, ordonnai-je alors en me remettant debout. La raison pour laquelle vous êtes des Héros… vous n’êtes pas là juste pour réussir des missions et mettre fin à la Quête. Vous devez y aller. Je sais que vous en avez envie, en plus, dis-je en nettoyant mes lunettes avec ma manche.

—Mais, Pythie ! rétorqua Élias, l’air inquiet. Avec l’accident à Marseille, l’attaque à l’aéroport… On ne peut pas vous laisser seule ici.

—Je ne serai pas seule, il y aura Tristan et Charlotte. Et Amos, bien sûr, ajoutai-je avec un peu de retard. Et puis, pas la peine d’insister ! J’ai pris ma décision. À vous de prendre la vôtre, je suppose, mais si vous ne prêtez pas main-forte aux civils en cas de crise… Alors ma Quête n’a pas de sens.

—-Je pensais bien que tu dirais ça. Gemma, Martin et Froitaut ont pensé à la même chose : ils sont déjà sur le pied de guerre. La villa est sécurisée au maximum, » insista-t-il en voyant le visage toujours soucieux de son ami. Rien que ce matin, j’ai failli me faire attraper par un filet en allant à la salle de bain. Ils ne courent aucun danger.

Elias me dévisagea avec inquiétude. Je crus un instant qu’il allait demander à rester avec moi, mais, à la dernière seconde, il se ravisa.

—Si la Pythie le dit, alors je le ferai. Allons-y, Baptiste. 

Gemma, Martin et Froitaut nous attendaient devant la porte. La voiture était déjà prête. Charlotte glissa quelque chose dans la main du Barde et, un instant plus tard, mes Héros s’engouffraient dans le véhicule. Froitaut me jeta un dernier regard, puis ils étaient partis. Ne restaient plus que Tristan, Charlotte et moi. Pas le moindre signe d’Amos.

—Je leur ai filé ta carte bancaire, me glissa Charlotte. J’ai reçu un message ce matin comme quoi ton compte avait été débloqué. La mairie devrait les recevoir aussi, pour coordonner les actions de sauvetage…

—Tant mieux. Parce qu’on aura pas le temps de venir les aider plus tard.

—Tu crois que Vercran va profiter du chaos pour attaquer ? chuchota Tristan.

—J’en suis convaincue. C’est ce que je ferais, à sa place. Venez : il faut qu’on se prépare à les accueillir comme il se doit… 

Je ne pus finir ma phrase. Amos se tenait debout dans le vestibule, pâle comme un linge. 

—Il va venir ici ? 

Tristan me devança :

—Il y a des chances, répondit-il, avant d’hésiter et de dire : Vous n’êtes pas obligés de rester. Vous pouvez partir.

—Merci, jeune homme. Mais je suis ici chez moi, dit Amos avec un sourire tremblant.

—Ça n’empêchera pas Vercran de faire ce qu’il veut, marmonna Charlotte en fixant ses chaussures, bras croisés.

—Charlotte a raison, renchérit mon cousin et s’approchant à grand pas de notre hôte. « Je… Pardonnez-moi, je ne veux pas être impoli. Mais vous avez passé votre vie à fuir cet homme. Tout le monde comprendrait si vous décidiez de… eh bien…

—Fuir ?

—Oui, avoua Tristan. Quoique je pense parler au nom de tous en disant que nous serions très heureux de nous battre à vos côtés… même si cette situation est entièrement notre faute et que nous vous avons embarqué là-dedans sans vous demander votre avis…

Un grand sourire étira lentement les lèvres d’Amos. Ses yeux se plissèrent derrière ses larges lunettes. La peur qui l’habitait un peu plus tôt avait disparu.

—Voilà un garçon bien courageux. Ce sera un plaisir de me battre avec vous. Et puis, il est grand temps que je revoie Claude.

Il grimpa le grand escalier de l’entrée, s’arrêta quand il vit que nous étions restés derrière et lança :

—Eh bien, suivez-moi. Je vais vous passer les plans de la maison. 

Note pour plus tard : Par respect pour l’ami de mon père, je vais passer les détails dans la version officielle de ce journal de bord. Mais à vous, lecteurs, qui avez l’original entre les mains, je vous dis simplement qu’entre les trappes, les filets, les pièges à loup et les boules de feu… Disons que ce passage est mis sous silence surtout pour m’assurer qu’Amos ne finira pas derrière les barreaux.

Nous étions donc en train d’observer les documents donnés par Amos quand Tristan, sans cesser de parcourir sa feuille, dit :

—Je vais être honnête : au début, je me disais que j’allais mourir sur le champ-de-bataille et pour l’honneur et la gloire. Mais maintenant, je me dis qu’on a peut-être une chance ! 

—Ne reste plus qu’à nous mettre en position… murmurai-je en gravant chaque détail dans ma mémoire.

Mon agent ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais je ne sus jamais quoi. Une explosion retentit devant la villa. Toute la bâtisse trembla. Chacun plaqua ses mains sur ses oreilles, en évitant les morceaux de plâtre qui se détachaient du plafond. L’écho finit par s’éteindre. 

—C’était quoi ça ? Un nouveau séisme ? paniqua Tristan, la main déjà sur son téléphone, prêt à rappeler les Héros.

—Pire, dis-je en suivant Charlotte du regard.

Celle-ci tira sur le rideau et sa bouche se tordit en un rictus enragé. Je n’avais pas besoin d’autre confirmation. Vercran était là, et ses hommes avec lui. 

—Combien ? demandai-je simplement.

—Quatre, cinq en comptant ce rat de Vercran, dit-elle, crachant son nom. Ils ont bousillé la moitié du massif de bégonias, avec leur dynamite à la noix !

—Seulement quatre ? releva Tristan. Avec si peu d’hommes, il devait savoir que les héros étaient partis.

—Je vois. En piste ! lançai-je.

Amos resta dans son bureau. Je lui jetai un dernier regard, puis dévalai les escaliers. J’allais devoir lui faire confiance : après tout, nous avions tous un rôle à jouer.

Nous entrâmes dans les jardins. Nous marchions d’un pas rapide, muscles tendus, sur le qui-vive. De gigantesques fleurs colorées nous accompagnaient. Elles étaient magnifiques. Je ne parvenais qu’à penser aux dangers qu’elles pouvaient cacher. Étaient-ils cachés derrière, prêts à nous sauter à la gorge ? J’avais beau savoir qu’ils me voulaient en vie, la peur me mordait. J’eus une pensée volatile : si un de ces hommes me poussait ou m’attrapait par le col et me soulevait, je ne pourrais rien faire. J’étais trop petite et trop légère. Les trois centimètres que j’avais pris au cours des derniers mois ne m’aideraient pas. Surtout s’ils étaient armés. Soudain, ma gorge se serra et je crus que j’allais m’évanouir ou pire, faire demi-tour. Je me forçai à relever le menton et avancer.

Je ne devais pas leur montrer Ingrid Karlsen. Ils ne devaient voir que la Pythie.

Ce n’est qu’en dépassant une allée de roses rouges et blanches que nous finîmes par les trouver. J’en étais presque soulagée. Au moins, nous allions pouvoir faire quelque chose, même si cela nous menait à notre perte. 

Il n’avait pas changé depuis la première fois où je l’avais vu : toujours cet horrible sourire artificiel, ce postiche poivre et sel gonflé de laque. Il avait laissé en France son abominable cravate bleu électrique, pour la remplacer par une chemise de la même couleur. Urgh, si je survivais, j’allais devoir me laver les orbites à la Javel pour m’enlever cette vision d’horreur. Je repoussai discrètement Charlotte, de façon à ce qu’elle soit derrière moi. Tristan resta à ses côtés. Il était temps pour moi d’entrer en scène.

—M. Vercran ! J’aimerais dire que c’est un plaisir de vous revoir, hélas ce serait mentir.

—Mademoiselle Karlsen. Je suis navré d’entendre ça. Pour ma part, c’est un honneur de rencontrer à nouveau celle qu’on appelle la Pythie des temps modernes, répondit-il en se penchant légèrement, dans une parodie de révérence.

Je croisai les bras et souris. À ma surprise, j’étais moins effrayée maintenant que j’étais face à lui. 

—Vous avez fait tant d’efforts pour me joindre, je me suis dit qu’il vaudrait mieux accéder à votre demande, dis-je d’un ton léger. Vous savez, un coup de téléphone aurait suffi. Pas la peine d’envoyer vos chiens de garde… 

Ses hommes ne bougèrent pas, insensibles à ma provocation. Ils portaient la même tenue que lorsqu’ils nous avaient attaqué à l’aéroport : bonnet, gilets pare-balles, pantalons cargos noirs… Mon regard s’arrêta sur leurs cous. Les six branches de leurs étoiles noires apparaissaient clairement. Au moins, je ne m’étais pas trompée.

—Avez-vous réfléchi à ma proposition ?

—Pas du tout. Ma réponse reste la même.

—Vraiment ? insista-t-il.

Mon refus ne l’avait pas surpris, de toute évidence. Mais quelle haine sur son visage ! Elle me faisait plus peur que leurs armes. En un éclair, je compris ce qui était pourtant évident : Vercran voulait bien plus que mes pouvoirs prophétiques. Mais quoi ? 

Il haussa les épaules et dit :

—Tant pis. J’aurais aimé pouvoir discuter avec vous, d’égal à égale. Il semblerait que je me sois trompé : vous n’êtes pas aussi mature que je le pensais. Nous devrons discuter ailleurs, et il claqua des doigts.

Aussitôt, ses hommes fondirent sur nous. 

—Ingrid, baisse-toi ! cria Tristan.

Je vis une pierre voler par-dessus ma tête et pendant une seconde folle, je crus qu’il avait tenté de toucher Vercran. Mais quand elle atterrit contre le sol, dans un carré d’herbe un peu trop vert, je compris son intention. Je pivotais et courus vers mes amis au même moment que le piège se déclenchait. Un clic, puis un BOUM ! magistral retentit. Une fumée épaisse et grise s’éleva. Elle me brûlait les yeux. La main de Charlotte s’enroula autour de mon poignet et me tira à elle. Je continuai de courir, sentant vaguement la présence de Tristan près de moi. Je me concentrai sur mes pieds, quasiment aveugle dans cette purée de pois. Des balles sifflèrent mais aucune ne nous toucha.

—Arrêtez, bande d’imbéciles ! Vous pourriez la tuer !

Il me voulait vivante. Cela nous laissait une chance. Je murmurai au brouillard :

—Une fois dans la villa, séparons-nous. Prenez de l’avance et ne les laissez pas vous rattraper. Ils ne prendront pas le risque de me tirer dessus, mais vous…

—Ça marche, répondit Tristan du tac au tac, haletant. On te fait confiance.

—Je sais, soufflai-je avec regret.

Sous mes pieds, la surface changea. De la terre molle et fraiche, nous passâmes à la pierre. Nous étions devant l’entrée de la véranda. La porte coulissa et nous nous glissâmes à l’intérieur. Charlotte me lâcha avec une hésitation, puis sembla se décider. Elle poussa Tristan devant elle et disparut au coin du couloir. J’étais désormais seule.

Je me balançai d’un pied à l’autre. J’avais peur qu’en restant immobile, mes jambes ne cèdent sous moi. Des bruits résonnèrent de l’autre côté de la porte ; la fumée commençait déjà à se dissiper. Instinctivement, je pliai le genou légèrement. Une silhouette apparut derrière la porte de verre. Les voix étaient proches mais je m’en moquais. Mes Héros avaient couru tant de fois, devant tant de dangers ! Il ne serait pas dit que je sois incapable d’en faire de même. 

Je me mis à courir.

Visiblement, nos assaillants s’étaient séparés : un seul me poursuivait. Tout le sol tremblait sous ses pas. Moi, je n’avais jamais été aussi légère.

Le plan de la villa se déroulait dans mon esprit avec une clarté déroutante. Mon corps obéissait à mes indications sans se poser de questions. Je dépassai un palmier en pot et mon cœur manqua un battement : premier piège en approche. Un laser rouge, invisible pour celui qui ignorait son emplacement, illuminait faiblement la poussière du sol. Je sautai par-dessus avec aisance ; mon poursuivant passa en plein dedans.

Deux fines trappes s’ouvrirent dans le plafond et des grilles métalliques en tombèrent. Le type attrapa les barreaux à deux mains, cria, poussa de toutes ses forces, mais rien à faire : il était enfermé. Et avec lui, cette route était bloquée. L’homme enfermé me jeta un regard mauvais depuis sa prison, que je lui rendis en ajoutant un signe de la main que je ne décrirai pas dans ce journal de bord. Mauvaise idée, je sais. Il s’écria :

—Ici ! Elle est ici ! 

Je jurai entre mes dents et repartis à pleine allure. Ma fierté allait vraiment finir par me coûter la peau. Du coin de l’œil, j’aperçus deux hautes silhouettes au tournant d’un couloir. J’accélérai sans me poser de questions. Je me répétais en boucle que le deuxième piège n’était pas loin. Je risquai un coup d’œil par-dessus mon épaule. Bon sang, qu’ils étaient proches ! Cette réalisation manqua de me faire trébucher.

Enfin, j’atteignis le fameux couloir. Au bout, il y avait la porte d’entrée, à gauche le salon et sur le mur de droite, un capteur de mouvement qui précipitait quiconque passait dans un trou de trois mètres de profondeur. C’était dans ce même piège que Froitaut était tombé en découvrant la villa Guardabarranco. Je fermai les yeux et envoyai un message à quiconque veillait sur moi. L’Univers, divinités diverses, esprits malins, faites que ça marche !

—Aaaaah ! 

Victoire ! Je fis volte-face, surexcitée. Le parquet était ouvert en deux, avec un soldat gémissant au fond du trou. 

 

Vercran, lui, se tenait de l’autre côté du piège. Ma respiration se coinça quelque part entre mes côtes. Avec un calme délibéré, il contourna la trappe. Bon sang, où étaient Charlotte et Tristan ? Ils auraient dû me rejoindre ! Les plaintes de son sous-fifre nous parvenaient faiblement. Sans me lâcher des yeux, il dit :

—Nous avons assez joué.

—Vraiment ? répliquai-je crânement. Je pense que ça vient à peine de commencer.

—Je ne suis plus d’humeur à la plaisanterie. 

Il s’avança vers moi, pas à pas. Il croisa ses mains dans son dos et moi, je ne pus que reculer. 

—Ingrid Karlsen, tu es bien la fille de ton père. Tu as été une épine dans mon pied depuis plusieurs mois : j’exige que tu arrêtes. Il se tut et m’observa un instant, puis dit avec froideur : J’exige que tu me rendes ce qui m’appartient.

—Quoi ? m’exclamai-je en fronçant les sourcils. De quoi est-ce que vous parlez ?

—J’ai dit d’arrêter les faux-semblants. Tu sais très bien de quoi je parle.

—Non, je vous assure que- , hoquetai-je en me cognant dans le mur derrière moi. C’est vous qui me poursuivez depuis des mois ! Juste parce que vous voulez m’utiliser pour mes prédictions !

Son visage se tordit en une grimace moqueuse.

—Tu ne penses pas vraiment que je dépenserai autant d’argent et d’effort pour ton simple tour de passe-passe ? Assez impressionnant, j’en conviens, mais comparé à ce que ton père a fait… Il soupira. C’est un génie, tu sais. Peut-être qu’un jour, tu seras comme lui. Tu as le potentiel.

—Je ne sais pas si vous êtes au courant, dis-je avec colère, mais je suis un génie.

—Des mathématiques, oui. Un titre qui te va beaucoup mieux que celui de devineresse. Si tu étais restée près de tes cours, tu ne te serais pas embarquée là-dedans, pour sûr. Quoique ta formule est assez intéressante : j’en ferai bon usage.

Toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent en une fraction de secondes : Amos et ses travaux volés, mon père et sa mystérieuse haine de Star-All… 

—L’ordinateur de François, soufflai-je.

—On a beau dire, j’ai le meilleur matériel sur le marché, » dit Vercran en passant. « Les produits de mes concurrents finissent toujours par avoir un problème. C’est pour ça que mes prototypes ont tous des logiciels installés pour rebooter les ordinateurs défectueux. Ça m’a valu quelques insultes et des accusations d’arrogance, mais quelle efficacité…

—Vous avez piraté mon ordinateur quand je l’ai passé à mon frère. Vous avez volé ma formule, répétai-je d’une voix blanche.

—Bah, ta famille me le devait bien. Allons, ne me regarde pas comme ça ! Si tu cherches quelqu’un à blâmer, tourne-toi vers ton père ! C’est lui qui s’est mis en tête de me mettre des bâtons dans les roues. S’il avait accepté que-

—Que quoi ? Ma propre voix me semblait étrangère. Vous lui avez volé ses recherches, à lui aussi ?

Il me jeta un regard curieux.

—N’est-ce pas pour cela que tu t’es jetée sur mes traces, sous l’excuse de ta Quête ?

Je me jetai sur lui avec un cri de rage. Mon travail, mes mois de recherche, tous mes efforts ! Il m’avait volé ! Je lui mordis la main de toutes mes forces. Il hurla -et qu’est-ce que c’était bon que de l’entendre souffrir, ce sale type- et me repoussa violemment. Je m’écrasai contre le mur, tête la première. Le temps s’arrêta. Le sol se déroba sous mes pieds. Je glissai contre le mur, tâtonnant le monde autour de moi. Je devais me raccrocher à quelque chose. Je devais me relever. Je devais…

Vercran me saisit par le menton et me força à croiser son regard. 

—Peut-être que tu ne savais pas vraiment dans quoi tu t’étais lancée avec ta Quête. Peut-être que ton père t’a vraiment manipulée pour que tu te mettes à ma poursuite. Mais ça n’a plus d’importance : rentre chez toi. Abandonne toute idée de vengeance. Il appuya lentement, de plus en plus fort, sur mon visage. Considère aujourd’hui comme un avertissement.

—Je ferai ce que je veux, grondai-je sans baisser les yeux. Je suis la Pythie.

—Tu es une gamine insupportable avec des illusions de grandeur, assena-t-il avec mépris. Et pourquoi prétendre voir l’avenir ? Tu le calcules. Et c’est ô combien plus impressionnant.

—Et alors ?! Ça reste ma formule, j’en fais ce que j’en veux ! C’est ma formule et c’est ma Quête ! 

—Que tu as inventée de toutes pièces.

—Mais qu’est-ce que ça peut vous faire, espèce de vieux crouton ?

—Moi, rien, rit-il doucement, et il me relâcha. Ça posera sans doute plus problème à ton jeune ami. 

Il se leva et me tourna le dos. Je me remis debout tant bien que mal. S’il croyait que j’allais le laisser s’échapper… ! Mais je réalisai alors ce qu’il venait de dire. « Mon jeune ami » ? Je lâchai la silhouette de Vercran qui ne cessait de s’éloigner de moi, pour mieux voir Élias, blanc comme un ligne, au bout du couloir. Mon sang se glaça. Je criai malgré tout :

—Élias, ne le laisse pas s’échapper ! Arrête-le !

Vercran passa à côté de lui, le jaugea du regard. Élias ne bougea pas. Vercran sourit et disparut.

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Fractale
Posté le 21/05/2024
L'action revient en force dans ce chapitre !

J'ai aimé voir Ingrid se préparer au combat avec ses amis. Même si certains dialogues m'avaient l'air un peu forcés, trop proches de ce à quoi on s'attend entre des alliés qui vont se battre ensemble, la scène était sympathique et Amos,

On en apprend plus sur les motivations de Vercran. Il a volé les recherches du père d'Ingrid, je sais plus si c'était dit explicitement dans les chapitres précédents ou si ça se sentait juste très fort, mais en tout cas ça ne m'a pas étonnée ; par contre sa réaction me donne l'impression que les choses sont plus complexes… de son point de vue ou objectivement, ça reste à déterminer.
Bon, il a aussi volé la formule d'Ingrid, je me souviens avoir tiqué sur le fait qu'elle répare son ordi avec du matériel Star-all, c'était en effet pas bien malin… donc il n'a définitivement plus besoin d'elle, du moins pour la formule en question. Mais qu'est-ce qu'il lui veut ?
Il la poursuit depuis le début pour qu'elle arrête sa Quête, parce qu'il pense en être la cible ? Ca pose l
Fractale
Posté le 21/05/2024
(fichue fausse manip' qui me fait publier avant la fin…)
Ca pose la question de ce qu'attend Ingrid de la fin de sa Quête : qu'est-ce qu'elle a prévu, si elle a prévu quelque chose ? Comment voit-elle la suite des évènements ?

En tout cas j'ai hâte de voir comment elle va réagir ! Encore plus avec Elias qui vient de découvrir la vérité, alors qu'il croyait dur comme fer en elle… J'aimerais pas être à la place d'Ingrid ! (Après, à sa place j'aurais pas osé m'enferrer dans tous ces mensonges, j'avoue !)
Bleiz
Posté le 01/08/2024
Re hello Fractale ! Les mensonges d'Ingrid s'étaient effectivement enroulés autour d'elle... Il faut dire qu'elle les avait accumulés !
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