Un sabotage en or

Par Bleiz

6 février : Incapable de fermer l’œil. Je suis capable de peindre le plafond de mémoire. Je n’ai pas arrêté de penser à ce qu’Amos m’avait dit. À la réflexion, c’était évident. Vercran a l’argent et, visiblement, la motivation nécessaire. Le temps, je ne sais pas où il le trouve, mais il semble plutôt généreux dans ce département, vu les multiples tentatives d’assassinats que nous nous sommes coltinés.

Reste la question des tickets d’avion. Là aussi, je pense désormais que Charlotte n’aurait pas fait une erreur pareille. Seulement, Amos paraît déterminer à ne rien lâcher à ce sujet. J’ai donc passé mes heures d’insomnie à chercher le responsable, ne serait-ce que pour mieux rêver à lui tordre le cou. Comme vous l’aurez compris, ça n’a pas été efficace. J’ai même utilisé ma formule, au cas où ! Je ne tombe que sur des résultats ridicules, quand j’ai un résultat. Il me manque trop d’informations.

Bon sang ! Mais qu’est-ce que je dois faire pour mettre un terme à cette course-poursuite ridicule ?

—Tu as l’air plongé dans tes pensées… me dit Tristan en sirotant son jus de papaye.

—Et je compte bien y rester, alors lâche-moi la grappe, répondis-je sèchement, les yeux fixés sur ma tarte à la patate douce.

—Quelqu’un s’est levé du pied gauche, lança Gemma.

Quelle idée stupide de prendre le petit-déjeuner tous ensemble ! Certes, c’était généreux de la part d’Amos de nous offrir un festin pareil -la table du salon était couverte de fruits, de gâteaux et de carafes pleines de jus colorés. M’enfin ! Il y avait un maniaque richissime qui nous pourchassait de pays en pays et eux ne pensaient qu’à se goinfrer ! Ils allaient moins rire quand j’allais leur expliquer la situation dans laquelle nous étions…

Note pour plus tard : Pas de raison pour que je sois la seule de mauvaise humeur.

Une fois la nourriture dûment avalée, je me lançai en m’essuyant le coin de la bouche avec ma serviette :

—J’ai plusieurs choses à dire…

—Moi aussi, déclara Charlotte, les yeux fixés sur son téléphone, affichant une moue circonspecte.

—D’accord, mais je commence ! m’exclamai-je. J’ai discuté avec Amos hier soir et nous pensons avoir trouvé l’auteur des récentes attaques… Vous connaissez Star-All ?

—Évidemment ! s’écria Martin en se redressant. Ses joues pâles rosirent d’excitation. Ils ont créé ce dernier modèle d’ordinateur : dix fois plus rapide que tous les autres modèles sur le marché, plus résistants… Leurs prix sont exorbitants, d’ailleurs, grimaça-t-il.

—Voilà, ça. Il se trouve que Claude Vercran, à la tête de la compagnie, est un ancien ami de mon père et de notre hôte. Sauf qu’ils se sont brouillés, pour des raisons que j’ignore, et maintenant Amos est convaincu que tout est de la faute de Vercran.

—Pourquoi un homme aussi riche et occupé que Vercran tenterait de se débarrasser de nous ? réfléchit Froitaut à voix haute, le menton enfoncé dans sa main.

—Amos dit que ce serait à cause de mes pouvoirs prophétiques. Après tout, il est venu me voir quand les résultats du Loto sont sortis. Il voulait m’embaucher, mais j’ai refusé. Plusieurs fois. Cela dit, comme Martin disait, il n’a pas vraiment besoin de mon aide pour s’en sortir… 

Baptiste et Gemma échangèrent un regard. Depuis quand ces deux-là se parlaient-ils via télépathie ? Toujours est-il que mon Chevalier déclara :

—Peu importe sa raison. S’il est vraiment après Ingrid, alors nous devons absolument être prudents.

—Attends un peu, intervint Gemma. Est-ce que ça veut dire que c’est lui, la menace que la Quête doit combattre ? 

Tous se tournèrent vers moi. Je m’étranglai sur mes mots. Des yeux brillants d’Elias au regard hésitant de Froitaut, je sentis le moment s’étirer sous mes doigts. Je n’hésitai qu’un instant.

—Oui. C’est fort probable. 

Ils restaient muets. Étrangement, le rouge me monta aux joues. Pourtant, ce n’était pas un mensonge. Vercran voulait que je travaille pour lui et était prêt à tout pour acquérir mon pouvoir prophétique. 

Mais ce n’était pas le plan, à la base. La Quête n’avait pas de fin et voilà qu’elle s’en était trouvé une, sans que je le décide. Je finis par baisser les yeux. Je ne pouvais pas voir leurs visages.

—Je voudrais pas casser l’ambiance… Seulement, j’ai une mauvaise nouvelle, déclara Charlotte tout à trac.

Elle nous dévisagea un par un et prit une grande inspiration. Elle dit alors d’un ton ferme :

—On a plus un rond.

J’explosai de rire. N’importe quoi ! La situation était tellement ridicule que je ne pouvais pas faire autrement. Moi, la Pythie, à sec ? Je ne crois pas, non. Il était plus probable que mon agent ait perdu l’esprit. Ça faisait quoi, quelques mois que nous étions partis ? Je refusais de croire, ne serait-ce qu’une seconde, que mes gains du Loto et ceux de mes prédictions étaient aussi rapidement passés par la fenêtre. Cependant, mon amie ne semblait pas plaisanter.

—Ce n’est pas exactement qu’on a tout dépensé. Pour être exact, la banque a bloqué ton compte...

—Ça n’a aucun sens ! m’exclamai-je en me penchant par-dessus son épaule.

—Sauf si on considère que quelqu’un d’autre est responsable. La même personne qui a modifié les billets d’avion, par exemple… 

Je dévisageai Tristan. Instinctivement, je sus qu’il avait raison et visiblement, les Héros étaient du même avis. Baptiste, Martin et Froitaut se lancèrent aussitôt dans une discussion sur la meilleure manière de procéder. Gemma et Élias, eux, se concertèrent à voix basse. Quant à moi, j’écartai les bras devant Tristan et Charlotte :

—Des suggestions ?

—On pourrait demander à Amos de nous prêter de l’argent, » suggéra mon cousin.

Je balayai l’idée d’un geste.

—Mauvais plan. Déjà qu’on lui pèse en squattant chez lui, je n’ose pas imaginer ce qui se passerait si on allait faire la manche…

Mon damné banquier avait de la chance d’être de l’autre côté du globe, car c’était la seule chose qui m’empêchait de l’étrangler. L’univers avait le chic pour créer des catastrophes que je pouvais pas prédire, tellement elles étaient tirées par les cheveux ! Je retirais mes lunettes et les nettoyais machinalement, les rouages de mon cerveau tournant à toute allure. Il allait falloir trouver une solution, et rapidement. Car si je voulais que mes héros rencontrent des difficultés, j’allais devoir casquer derrière ! Car oui, lecteurs, que croyez-vous ? Quand mes héros cassent des trucs dans leurs courses-poursuites ou abîment des bâtiments historiques, c’est la bourse de Pythie qui raque ! Soudain, mon génie naturel me rattrapa. La solution était évidente et de plus, en s’y prenant bien, j’allais pouvoir faire d’une pierre, deux coups. 

—Je sais comment nous remettre à flots en un rien de temps.

Je sautai sur mes pieds et apostrophai mes compagnons de voyage d’un large geste du bras :

—Vous allez travailler !

—Pardon ? s’insurgea Froitaut. 

—Moi aussi, évidemment, mais surtout vous. Écoutez mon plan : chacun va se trouver quelque chose à faire dans Granada, en public. Par exemple, Gemma pourrait jouer de la musique ou chanter ! Bien sûr, n’oubliez pas : si on vous pose des questions, vous travaillez sérieusement à sauver le monde en suivant mes instructions à la lettre. Ça veut dire que si on vous attaque de nulle part, vous n’hésitez pas à vous battre. 

Les sourcils de Gemma touchaient presque le sommet de son front. Martin avait singulièrement pâli. Froitaut se frottait le menton, l’air perdu. Baptiste et Elias paraissaient complètement blasés. 

Note pour plus tard : Comme quoi, certains me connaissaient mieux que d’autres.

—Vous aiderez la population à faire… je ne sais pas, il y a des problèmes partout, vous trouverez bien de quoi vous occupez. Ramasser des déchets, jouer avec les enfants, aider les grand-mères à porter leurs courses, n’importe. Récoltez deux, trois sous tant que vous y êtes. Le plus important est que vous tendiez l’oreille. Si Vercran est bien derrière les attaques, et qu’il a changé la destination de nos billets, alors il sera dans les parages. Il voudra savoir où vous êtes. À vous d’être plus malins que lui. 

Charlotte se raidit en me voyant alors la fixer avec enthousiasme. Elle émit un grognement :

—Qu’est-ce que tu vas me faire faire, cette fois ?

—Allons, pas grand-chose ! J’ai juste le moyen de mettre tes talents à profit… Pas la peine de rire, Tristan, j’ai aussi des projets pour toi. 

Ni une, ni deux, je les pris par le bras et les trainais hors du salon, criant par-dessus mon épaule :

—Rendez-vous dans l’entrée dans vingt minutes. Soyez prêts à tout !

—Je vois pas trop comment faire de l’argent en si peu de temps, Ingrid… me dit Tristan.

Le pauvre avait l’air sincèrement contrit. Je le rassurai sur-le-champ :

—Voyons, tu parles espagnol, n’est-ce pas ? Tu feras un traducteur tout à fait convenable pour mon stand.

—Ton quoi ? répéta-t-il en écarquillant les yeux.

—Charlotte, trouve Amos et demande-lui un coup de main. Il y a tellement de trucs improbables dans cette maison, on devrait forcément trouver les accessoires nécessaires… 

Je chuchotai à son oreille les différents objets dont nous allions avoir besoin, et je sentis sa mâchoire se décrocher au fur et à mesure. Elle se tourna vers moi et déclara, se retenant de rire :

—Cette fois-ci, Ingrid, c’est sûr. J’ai bien fait de te suivre.

—Ça veut dire que tu es partante ?

—Et comment ! 

Un rapide voyage en voiture, conduite par notre Mage attitré, et une heure de construction et de publicité plus tard, et nous étions prêts.

—Qui eût cru que tes idées foireuses fonctionneraient aussi bien ?

—Je te l’ai dit, je suis géniale. 

Ah, lecteurs ! J’étais de retour en force ! Grâce aux efforts de l’Assassin, j’avais droit à un stand digne des meilleures foires. Élias l’avait bâti à l’aide de quelques planches et d’une poignée de clous. Il avait même pensé à installer un tabouret, une nappe violette avec des étoiles brodées dessus, et écrit sur une ardoise : « Prophéties de la Pythie : dix dollars la prédiction ! », traduit par les soins de Tristan. 

C’est ainsi qu’une queue d’une dizaine de mètres -et encore, je reste modeste- s’étendait face à mon stand. C’est aussi lors de cette occasion que je me rendis compte des bienfaits du travail acharné et de la persévérance : calculer de tête toutes les données potentielles, sans aucune certitude de leur véracité, pour répondre à mes clients surexcités, n’était pas une mince affaire. Je remerciais télépathiquement M. Froitaut pour son insistance. Comme quoi, il se peut que les adultes, malgré leurs incohérences et leurs cachotteries sans sens, n’aient pas toujours tort. Bien sûr, jamais je ne lui avouerais cela.

J’étais donc en train de me tuer à la tâche, Tristan à ma droite. Il traduisait les questions et les réponses et je crois bien qu’il s’amusait, même si lui aussi aurait préféré mourir plutôt que de l’avouer. Ça doit être une caractéristique familiale. Elias jouait les gardes du corps, debout à côté de nous, plus terrifiant que jamais. En y regardant bien, je crois qu’il avait plus de piercings que lors de notre départ pour Marseille… Comment avait-il trouvé le temps ? 

Bah, peu importe. Après avoir prédit moult et moult mariages, grossesses, divorces, enterrements et héritages, je décidai de fermer les portes de mon activité. Tristan avait compté trois fois la recette de la journée et il nous annonça avec fierté que nous étions parvenus à gagner plus de quatre cents dollars. L’Univers récompensait mon travail presque autant que mes mensonges ! Je jetai un coup d’œil à ma montre.

—Bon sang, mais je suis au boulot depuis une éternité !

—Seulement trois heures, Ingrid… rétorqua Tristan en refermant la petite caisse de métal dans un « clic » désapprobateur.

—C’est bien ce que je dis ! dis-je en m’étirant de tout mon long. Maintenant que j’y pense, je me demande ce que font les autres.

—Gemma a emprunté le ukulélé de M. Amos, m’informa l’Assassin en me tendant une bouteille d’eau fraîche. Charlotte avait des projets pour Martin et Baptiste, mais je n’en sais pas plus.

—Dans ce cas, allons les trouver ! Je crois savoir ce que Charlotte trafique ; mais il faut que je voie ça de mes propres yeux…

—Elle me fait peur, quand elle sourit comme ça,  souffla le gratte-papiers à Élias.

—La Pythie a une présence très imposante, pour sûr, répondit-il sur le même ton.

Le soleil de Granada était incomparable avec celui de Marseille. La lumière faisait plus que simplement illuminer le décor, elle l’embrasait. Tout paraissait plus vivant et je n’aurais pas su dire si c’était à cause de la foule, mille fois plus bruyante et glissante, ou des couleurs véritablement chatoyantes, au point qu’elles paraissaient prêtes à se décoller des murs et s’envoler se mêler dans le ciel azur. Je n’avais pas l’habitude de me déplacer parmi autant de monde. Toutefois, l’expérience était moins désagréable que je ne l’aurais cru. Peut-être était-ce dû aux paroles des gens, qui rebondissaient les unes contre les autres comme des ballons d’air chaud ou à leur façon de se déplacer. On aurait dit des poissons glissant contre les écailles de leurs confrères, se déplaçant sans problème. J’enviais cette facilité à marcher : je manquai de m’écraser face contre le bitume deux fois en cinq minutes. 

À force de marcher, nous finîmes par tomber sur un attroupement. De la musique endiablée pleine de percussions résonnait par-delà la foule. Le public tapait des mains et des pieds en rythme, surexcités. Pas étonnant : voir danser Baptiste et Martin en costumes à paillettes n’était pas une expérience quotidienne. 

L’un en crop-top argenté, l’autre en chemise dorée quasi-transparente, ils faisaient sensation. Baptiste enchainait les cascades et les sauts avec adresse. Mais je devais rendre à César ce qui était à César : Martin était un meilleur danseur. Je sais, lecteurs, ne me regardez pas comme ça, moi aussi j’étais stupéfaite.

—Dinero, s’il vous plait… dans le sombrero, voilà ! Gracias ! s’époumonait Charlotte qui déambulait dans la foule, casquette à la main. Ah, Ingrid ! Et Tristan et Élias, c’est parfait ! Tu avais raison, ça marche du tonnerre !

—Sans doute mieux que je n’avais imaginé, répondis-je en désignant les Héros d’un coup de menton. Tu as du nouveau ? ajoutai-je en baissant la voix.

Elle hocha la tête. 

—On en discutera plus tard : laisse-moi faire descendre les deux ballerines, puis je te raconterai.

En deux secondes, c’était plié : elle avait éteint l’enceinte, ignoré les cris de déception du public et ramené le Chevalier et le Voleur. Une fois en route pour récupérer notre Barde, elle nous raconta :

—C’est pas grand-chose, mais ça m’a fait tiquer quand je l’ai entendu. Deux vieux, plutôt bien habillés, avec de belles montres, qui se plaignaient de leurs nouveaux locataires, une bande d’hommes à l’air louche qui ne parlaient pas espagnol, je cite.

—Ça se trouve, ils parlaient d’une bande de touristes complètement ivres, fit Martin, encore essoufflé par sa prestation.

—Non…Ils avaient l’air plutôt inquiets, comme si ces gars étaient une vraie menace. En tout cas, ils avaient suffisamment peur de s’attirer des ennuis pour parler en anglais. J’ai pas réussi à tout comprendre, mais apparemment l’adresse se trouverait dans le centre-ville. 

—Si c’est vraiment eux, dis-je en dénouant le fil de mes réflexions, c’est une bonne chose. La villa Guardabarranco est loin de tout.

—Amos a vraiment tout prévu : en s’enterrant dans un coin aussi désert, il a réduit les chances qu’on ne tombe sur sa maison par accident. Rien que pour le trouver, même en connaissant l’emplacement exacte, ça ne doit pas être simple, renchérit Baptiste en se plaçant à côté de moi.

—On pourra demander à Gemma ce qu’elle en pense, intervint Élias en indiquant une silhouette adossée à la rampe d’un pont.

En effet, notre Barde finissait une chanson sous un tonnerre d’applaudissements, auxquels nous nous joignirent. Elle nous repéra et se dépêcha de saluer les passants qui jetaient des pièces de monnaie dans la boite de son instrument. Pendant qu’elle remballait son matériel, nous nous rapprochâmes. Je constatai le total qu’elle avait accumulé et laissai échapper un soupir satisfait.

—Je savais qu’avoir des artistes dans le groupe serait utile… quoique je n’avais pas vu les choses se dérouler ainsi.

—Plusieurs artistes ? releva Gemma, intriguée.

Je désignai le Voleur du pouce avec un sourire qui en disait long. Hélas, avant même que je ne puisse commencer mon récit largement exagéré des évènements, Tristan prit la parole :

—Charlotte a peut-être une piste sur nos agresseurs de l’aéroport. Du nouveau ?

—Pas sur les hommes eux-mêmes. Par contre, et elle jeta son ukulélé par-dessus son épaule, j’ai la certitude que Vercran est en ville.

—Comment ça ? m’écriai-je.

—Je l’ai vu. Il était en voiture, mais la fenêtre était baissée. J’ai reconnu son visage : j’avais jeté un coup d’œil sur internet avant de partir, histoire de voir à quoi on s’attaquait… Il a dû me voir également.

—Il savait déjà que nous étions là, de toute façon, la rassura Élias en lui serrant l’épaule. La présence de la Pythie à Grenade s’est répandue comme un feu de poudre depuis notre arrivée dans le pays. 

—Partons immédiatement, nous enjoignit le Chevalier en poussant Charlotte et Tristan devant lui. Si nous voulons garder l’emplacement de la villa secrète encore un peu, autant ne pas traîner dans les parages.

Froitaut arriva sous peu, au volant de la Méhari de notre hôte. Je lui racontai nos découvertes en grimpant à l’avant. Il claqua sa langue contre son palais :

—Je suppose que savoir qu’il est là est une bonne chose. Seulement, nous ne sommes pas en mesure de l’arrêter : si ce qu’il veut est ton… pouvoir, Ingrid, il ne s’arrêtera pas avant de l’obtenir.

—Je n’ai pas la moindre intention de travailler pour lui, assénai-je en foudroyant mon professeur du regard.

—Même si nos vies étaient en danger ? insista-t-il. Parce que c’est le cas ! Ingrid, et il baissa la voix de manière à ce que les autres Héros ne puissent pas nous entendre. Vercran est prêt à nous tuer juste pour quelques calculs. Ne valons-nous pas plus que ça à tes yeux ?

J’aurais préféré qu’il me frappe. Je le fixai longuement, sans un mot, avant de lâcher :

—Ce n’est pas si simple.

—Ça l’est. 

Qu’il ose dire une chose pareille m’enrageait… et m’effrayait. Je voulais protéger les Héros, mais je voulais aussi aller au bout de ma Quête. Ce n’était pas ma faute si Vercran était obsédé par mes pouvoirs prophétiques ! Pourtant, une petite voix me soufflait que mon professeur n’avait pas entièrement tort. Je ne l’avais jamais connu lâche – il n’aurait pas été aussi loin si c’était le cas. Peut-être ne me rendais-je pas compte de l’ampleur du désastre ? Mon professeur reprit, un peu pâle malgré son bronzage :

—Ce n’est pas ce que je voulais dire. Juste… ne t’attend pas à ce qu’il renonce facilement. D’autant plus s’il a vu Gemma. Ce n’est vraiment pas bon signe…

—Pythie, M. Froitaut, je ne pense pas qu’on ait été suivi, intervint tout à coup le Voleur en se penchant vers le siège conducteur.

—Je vois, répondit mon professeur sans détacher ses yeux de la route. Puis il ajouta avec un peu plus de douceur : Merci Martin.

—Pas de problème ! On réfléchissait avec les autres sur la meilleure manière d’agir. Gemma et Baptiste veulent rester cachés chez Amos jusqu’à ce qu’on ait un plan d’attaque, mais Tristan et Charlotte préfèreraient retourner en ville le plus tôt possible pour dégoter de nouveaux indices sur les motivations de Vercran.

—Et toi et Élias, qu’en pensez-vous ? demandai-je.

Il haussa les épaules :

—On te fait confiance pour prendre la bonne décision.

Je souris et hochai la tête. J’aurais aimé lui donner une réponse ferme. Hélas, j’étais aussi perdue que les autres.

Note pour plus tard : Les récents évènements m’ont plus ébranlée que je ne le pensais. Ce genre d’incertitude ne me correspond pas.

À peine arrivés à la villa que je sautai de la voiture et dévalai les escaliers jusqu’à atteindre ma chambre. Mes Héros ne feraient rien sans ma permission, mais je sentais que je manquais de temps. Ma porte se referma avec un clic à peine audible. Je sortis mon ordinateur, ma calculatrice et mes précieuses feuilles blanches. Mes erreurs lors de l’étape précédente avaient failli coûter la vie à mes compagnons de route : je n’allais pas laisser cela se reproduire.

Note pour plus tard : Faites que je ne me trompe pas, cette fois.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Fractale
Posté le 11/05/2024
Décidément, les ennuis s'accumulent…
Je me demande qui est derrière tout ça. Quoi qu'en dise Amos j'aurais tendance à soupçonner le PDG de Star all qui doit avoir les compétences, le pouvoir ou le personnel nécessaires pour intervenir et bouleverser leurs plans. Je n'arrive à envisager aucun autre suspect qui me semble crédible.

En tout cas j'ai trouvé ce chapitre amusant au milieu de la tension qui s'accumule, on découvre des talents cachés chez nos Héros !
Bleiz
Posté le 18/05/2024
Hello ! Je réponds toujours dans le désordre x) Peut-être que la situation est plus complexe que prévue... qui sait ! Ou alors c'est peut-être Amos le responsable ??? Tout est possible. Merci encore pour ton commentaire :) À bientôt !
Fractale
Posté le 21/05/2024
Je me doute que je n'ai pas relevé tous les éléments pour parvenir à la réponse… mais j'ai hâte de la connaître en tout cas ! En relisant le chapitre pour me remettre les récents évènements en mémoire, je suis surprise par l'intervention de Froitaut auprès d'Ingrid : il lui reproche d'être égoïste parce qu'elle les met en danger en ignorant la requête du patron de Star-all, mais il ne lui est pas venu à l'esprit que son but puisse menacer un peu plus de monde que leur petit groupe ? Les "pouvoirs" d'Ingrid sont pourtant très puissants. Certes, il pourrait faire pression pour qu'elle consente à l'écouter, mais de là à lui reprocher de ne pas céder… Je ne le suis pas vraiment sur ce coup-là.
Vous lisez