Lorsque le soleil se cacha derrière les murs d’Athène, la silhouette d’Hypnos traversa les ruelles. Lentement, il lévita entre les demeures, fermant les yeux des insouciants mortels, invisible aux yeux des êtres que son jumeau se devrait, tôt où tard, d’emporter aux Enfers. Il avait les yeux voilés d’un blanc ivoire, et des oreilles étirées en pointe, que l’on pouvait confondre avec les ailes d’un ange. Sous la nuit qui fut sa mère, il fit basculer les Hommes dans le monde des rêves, un par un, plusieurs à la fois, jusqu’à ce qu’Hélios porte le soleil à nouveau et que le peuple grecque se réveille sous sa lumière éblouissante.
C’était un matin de printemps. Macaria, s’étirant de tout son long, sortit de son lit aux aurores. Dans les champs, les limoniades —nymphes des fleurs — avaient déjà labouré les terres et arrosé les plantes. Quant à Déméter, elle cueillait quelques tomates dans le jardin privé, chantant au rythme des oiseaux environnants. Une ambiance féérique, coupée dans son élan par le cri strident d’Alsos. Toutes se précipitèrent vers l’auloniade prise de panique, le visage de poupée cachée par ses mains fines, observant la lisière du bosquet séparant le champ de la capitale. Macaria, intriguée, se pencha derrière le buisson. Un écureuil, recroquevillé sur lui-même, gémissait. La jeune femme se retourna vers sa grand-mère, l’air peiné.
« Je n’ai jamais vu aucun animal mourir ici ! » se lamenta Alsos, lançant des regards craintifs à ses sœurs.
Macaria jeta un œil aux nymphes, qui semblaient confuses.
« Artémis... » bougonna Déméter, en observant les alentours.
En effet. Plus loin, une flèche céleste plantée dans le sol ne laissait aucun doute sur la nature du chasseur.
« Pourquoi ici ? » demanda Aria.
Aucune n’eut le temps de répondre. Une ombre menaçante, silencieuse, fit éclipse au soleil et recouvrit les terres de la déesse. Dans un battement d’ailes, Thanatos apparut, les cheveux noirs cendrés recouvrant son visage creusé. Il faucha l’animal, ôtant son dernier souffle, sous les yeux exorbités des épigées. L’âme de l'écureuil quitta son corps, suivant la faible torche renversée que tenait le dieu de la Mort dans sa main squelettique.
Thanatos observa de ses yeux livides les deux divinités. Déméter pinça les lèvres.
« Est-ce que tu as pris celle de ma fille ? » ne pouvait-elle s’empêcher de demander.
Le dieu ne répondit pas. Rien ne semblait l’émouvoir, pas même les larmes d’une femme aussi respectable que l’était Déméter. A la place, il se tourna vers Aria.
« Tu es convoqué dans l’Olympe. »
La concernée manqua de s’étouffer avec sa salive. Elle émit un ricanement moqueur.
« Tu es devenu messager de Zeus, maintenant ? » railla-t-elle.
Si elle ne se souvenait que vaguement de lui, Thanatos ne pouvait pas en dire autant. Il avait vu la jeune fille faire ses premiers pas dans le pré d’Asphodèle alors qu’elle n’était qu’une enfant, babiller ses premiers mots, invoquer sa première étincelle de magie. Il avait été près d’Hadès pour le seconder. Il avait été le premier à savoir que Perséphone attendait un bébé. Pourtant, rien de ce que la déesse devenue adulte ne pouvait dire ne semblait l’atteindre.
« Hécate. » se contenta-t-il de dire.
Déméter serra les poings, gardant sa colère.
« Qui est Hécate ? » interrogea Aria, observant sa grand-mère.
Celle-ci roula des yeux, agacée.
« La sorcière qui a convaincu ta mère de rester près d’Hadès. Ta marraine, pour être exacte. »
Aria fronça les sourcils. Comment se fait-elle qu’elle ne l’ait jamais connu ? Ni croisé ? Ni côtoyé ? Elle avait vécu seize années dans le monde d‘En-Bas.
« Je ne connais pas cette Hécate, mámmē, mais si je suis rappelée en Olympe, cela doit avoir un rapport avec mon couronnement, n’est-ce pas ? »
Cette fois, Aria avait les yeux brillants. Depuis le temps qu’elle rêvait de retourner en Enfers. Elle se fichait bien de si elle allait être reine ou simple habitante du palais royal. Elle ne voulait pas rester ici, parmi les mortels. Elle voulait jouer avec les lampades, dormir près de Diane, caresser Cerbère. Ses souvenirs étaient brouillés, elle haïssait voir s’envoler ces détails qui semblaient avoir autant d’importance auparavant. Quelle était la couleur des murs de sa chambre ? Son jouet favori ? L’odeur de la cuisine royale ? Son cœur se serra.
« Tu n’es pas prête à reprendre ce trône, Aria. » déclara fermement Déméter.
Ça n'avait pas d’importance.
« Si c’est le seul moyen de retourner chez moi, alors je n’aurais pas d’autre choix que d’être prête.
— Jeune fille, si c’est Thanatos lui-même qui vient te chercher, alors tu peux être certaine que ça ne présage rien de bon. »
Dans les cieux, Zeus réajusta sa couronne dorée et s'assit sur le trône suprême. Il se racla la gorge, le dos droit, et tapa son sceptre sur le sol. Le bruit sourd se profila le long des colonnes massives, sans en faire trembler une parcelle, et remonta en flèche dans les gravures de la porte massive qui ornait l'entrée. Celle-ci s'ouvrit sans un grincement, laissant entrer les premiers invités de cette réunion olympienne.
Héra et Poséidon entrèrent, de leur démarche charismatique à en faire pâlir l’architecture inébranlable.
On invitait pas la reine, on l'attendait.
Héra était une femme d'une beauté légendaire. Ses cheveux d'un châtain soyeux descendaient sur son dos nu. Sa longue robe bleue azur glissait sur le sol, et ses talons rythmaient ses pas tel un métronome aigu. De toutes, elle était la seule à rivaliser avec Aphrodite, mais elle ne suscitait pas la même convoitise. Héra était la reine. Elle était froide, intouchable, irréelle. Épouse de Zeus, mère d'Arès et d'Héphaïstos, elle avait cette aura dévastatrice autour d'elle. Poséidon lui-même jalousait son frère d'avoir à ses côtés la femme la plus charismatique de l'Olympe. On disait souvent que Zeus n'était que le pantin de la reine, mais parfois les rumeurs royales avaient une part de vérité. L'Olympe ne pouvait se passer d'Héra.
L’Empereur des Mers la suivit de près, jusqu’à rejoindre sa place : un siège aux ornements d’or pur et de saphirs, représentant la puissance des Océans. Il avait le visage d’un sage et l’esprit du chaos, à l’image du royaume qu’il gouvernait. Lorsqu’il croisa le regard de son frère, le puissant Zeus, il hocha la tête en signe de respect. Il était sur son territoire, et tous deux savaient qu’en ces lieux, les liens du sang n’avaient que peu d’importance. Le Trident dans sa main droite pour accompagner sa marche, Poséidon rejeta sa chevelure grisonnante derrière lui, et resta debout pour accueillir les huit autres.
Fille de Cronos, sœur aînée de la fratrie, et très certainement l'une des déesses les plus craintes de l’Olympe, Hestia s'avança avec grâce vers les deux frères. Elle avait cette prestance que peu de divinités pouvaient prétendre. Durant tout le long où ses talons claquaient sur le sol jusqu'à l'estrade royale, elle eut l'air d'occuper l'espace à elle seule. Si elle était la déesse du foyer et du feu sacré, elle était aussi de la famille royale et avait subi la même enfance désastreuse sous le règne de Cronos. Lorsque Hadès, Poséidon et Zeus s'étaient partagé les trônes, elle avait récupéré ce qui restait vacant, les terres des mortels. Mais aucun titre n'était disponible, et aucune gloire n'était à tirer. Hestia se fichait bien de tout ça. L'or et les flatteries, c'était un truc pour ses frères. Elle, elle aimait la paix. Au milieu des humains, elle s'était frayé une place entre la puanteur et le sang, se promettant qu’elle ne laisserait jamais le pouvoir empoisonner son âme et son esprit. Ainsi, elle était restée Hestia, une déesse crainte et respectée des divinités. Si peu la voyait franchir le pont fleuri qui menait au monde du ciel, tous savaient que quand elle mettait le pied dans un temple, il valait mieux se faire tout petit, car Hestia était d’une sagesse et d’une discrétion sans pareille. Elle ne venait en Olympe que s’il en était de nécessité ultime. Son siège, minimaliste, représentait la déesse dans sa pureté : personne ne pouvait ébranler Hestia. Elle demeurait fière, intègre, honnête et humble. Ce qui la rendait effrayante aux yeux de la plupart des divinités et des mortels.
Brisant le mutisme et le respect ambiant, Arès, Dieu de la Destruction, entra.
C'était un jeune homme au visage d'une beauté tempétueuse et d'une démarche lourde. Il portait les gènes capillaires de la famille royale : le blanc de son père, tirant vers un gris plus sombre, sûrement hérités de sa mère, lui donnant cet aspect plus ténébreux et imprévisible. Il était le fils prodigue de Zeus, dont les Moires avaient prédit une existence héroïque et pleine de rebondissements. Mais jusqu'ici, il n'avait semé que le chaos. La lèvre encore boursouflée de la veille et l'arcade sourcilière sanguinolente, il s'avança vers son père avec un sourire malicieux, sans prononcer un seul mot, puis se laissa tomber sur son siège aux ornements guerriers. Zeus ne put contenir sa déception. Il était son père autant qu’il était son roi, mais il n'arrivait même pas à contrôler sa propre chair.
Il n'était cependant pas le seul fils royal à porter des blessures visibles. Héphaïstos, le dieu de la forge, précéda Arès en boitant difficilement. Si son hématome sur la joue semblait récent, son infirmité, elle, ne datait pas du jour même. Certains racontaient que c'est Héra elle-même qui l'aurait jeté de la falaise le jour de sa naissance et d'autres prétendaient que c'est Zeus qui se serait vengé de sa femme en menaçant de balancer son fils du haut de l'Olympe. Aucune de ses versions n'étaient avérées, et peu importait les langues venimeuses des nymphes les plus fourbes, Héphaïstos connaissait la vérité. Il était né avec cette difformité, et il avait appris à s'aimer avec. Ce n'était ni une blessure de guerre à raconter dans les livres comme pour les nombreuses histoires d'Arès, ni un sombre passé familial à faire frémir les non-initiés. Sa jambe l'avait empêché d'être un bon combattant, mais sa tête lui avait permis de fournir les armes les plus mythiques que le monde n'aient jamais portées.
À la vision de ses deux fils au visage blessé, Zeus saisit immédiatement ce qui avait engendré cette querelle. Aphrodite.
La beauté personnifiée, de ses longs cheveux dorés et de ses longs cils entourant des yeux de biches émeraudes, la déesse sautilla dans le naos sous les regards émerveillés des dieux. Elle était au-delà de ce que l’on pouvait créer de mieux. Elle avait un corps convoité des plus exigeants, un visage que l’art lui-même ne pouvait imiter, et elle envoûtait de son charme n’importe quel être qui croisait son chemin. Aphrodite, fille de Dioné et d'Ouranos.
Et elle le savait. A chaque sourire, chaque regard, chaque geste, elle jouait des autres comme des pantins. Sa beauté incontestable lui apportait tout sur un plateau d’argent. Personne ne refusait rien à la déesse. Rien qui ne foule l’Olympe et le monde des Mortels. Même Hélios qui portait le soleil était ébloui par Aphrodite. A tel point que l’ennui de la jeune divinité s’était transformé en pouvoir. Si elle n’avait pas le talent pour la guerre, la sagesse stratège, la précision à l’arc ou le coup de marteau de la forge, elle avait la possibilité de devenir Reine. Et un jour, elle siégerait près d’un trône.
Mais les regards attirés se détournèrent difficilement de la déesse parfaite lorsque Déméter entra après elle, dans sa longue robe noire. Personne, pas même Zeus, n'osa la regarder dans les yeux.
Autrefois, elle était une déesse joyeuse et pleine de vie, ouvrant ses nymphes à la beauté de la nature. Héra et elle s'amusaient tous les printemps dans les fleurs, lorsqu'elles étaient jeunes, et Zeus l'avait convoité lorsqu'elle eut l'âge de se marier. Mais Déméter n'avait d'yeux que pour Iasion, et Héra était la seule que Zeus n'aimerait jamais.
Iasion était beau. Il avait les cheveux d'un roux auburn et des yeux de jade. Les nymphes tournaient autour de lui en chantant, et il les repoussait toutes. Il avait choisi Déméter, et s'était uni à elle dans un champ labouré trois fois dans la campagne crétoise. Iasion était beau, mais c'était un homme affreux de l'intérieur. Il profita de l'innocence de Déméter et de l'anneau passé à son doigt pour exiger d'elle ses faveurs. Il abusa d'elle, durant de longues années, sans que personne n'eût rien remarqué.
Coré naquit la première. On dit qu'elle fut si belle que le soleil lui chauffait son berceau, et que les Moires s'étaient déplacées en personne pour lui apporter ses cadeaux. Elles livrèrent avec un drap de soie quelques mots, sur la destinée incroyable de la fille des fleurs. Deux ans plus tard vint au monde Ploutos, un garçon un peu empoté. L'engouement fut moins visible, mais Déméter l'aima tout autant. Héra, qui avait observé comment Iasion traitait son amie d'enfance, rapporta les faits à Zeus, qui, emplit d'une colère noire, le foudroya net. Les années qui suivirent eurent des printemps plus florissants que jamais.
Puis le temps s’écoula, Ploutos quitta la demeure familiale et Coré tomba amoureuse.
Déméter refusa de croire que sa fille avait choisi Hadès. Il était le roi des Enfers, et s'il faisait d'elle sa reine, que deviendrait la jolie fleur qu'elle avait élevée ? Elle qui avait donné tant d'énergie à la tenir loin des hommes et de leur cruauté. Elle qui avait tout mit en œuvre pour qu'elle ne soit pas convoitée et ne fasse pas la même erreur qu'elle autrefois. Mais Coré devint Perséphone, la porteuse de la mort, celle qui goutta à la graine de grenade.
Zeus, cette fois-ci, ne fit rien pour l'en empêcher.
Hadès avait volé sa fille, et aucune divinité ne l'en avait sauvé. Alors, elle en voulut à chacune d'entre elles d'une colère si noire que des chrysanthèmes recouvrirent les champs par delà le monde.
Jusqu’à ce que le pire parvienne dans son champs, et qu’une gamine de seize ans frappe à la porte de sa ferme. Macaria lui ressemblait tant. Au détail près qu’elle avait les cheveux de son père, ce blanc immaculé et froid, caractéristique du sang royal. Caractéristique d’Hadès. Mais elle chantait comme Perséphone.
Elle était venue pour elle, ce jour-là. Si elle s’était assise sur son siège aux feuilles de blé décorées, c’était pour empêcher que Macaria retourne en Enfers. Elle avait bien entendu la colère de Zeus, son refus catégorique il y a de cela sept ans. Si Aria invoquait son sang royal pour reprendre le trône, le courroux des dieux de cette salle ne l’épargnerait pas. Déméter ne laissera pas l’Olympe lui enlever la dernière fleur de sa vie. Pas cette fois.
Dans le temple de Zeus, le silence lourd fit une place à Athéna, dans son armure étincelante. Ses cheveux coupés en un carré parfait, bougeaient à peine lorsqu'elle marchait. Seuls les cliquetis métalliques retentissaient sur les parois marbrées du lieu. La déesse de la stratégie guerrière ne posa pas la moindre question. Elle était sage et avisée, elle avait compris que Déméter n'avait pas besoin qu'on lui rappelle la disparition de sa fille.
Athéna était à ses frères ce qu'Hestia était aux siens. Charismatique, sûre d'elle, franche et droite. Elle semblait être dénuée de toute peur, de toute faiblesse. La guerre était pour elle un jeu d'échecs, et personne ne battait Athéna sur son propre terrain. Même Arès, qui trouvait sa splendeur sur les champs de bataille, n'avait pas la vision avisée que sa sœur. Il se battait sans relâche, pendant qu’Athéna menait les troupes à la victoire.
Héra l’observa d’un œil mauvais. Elle était la favorite de Zeus. Le premier enfant de son premier mariage. L’enfant parfait, qui ne décevait jamais son père. Et si Zeus avait engendré nombre de rejetons à travers le monde, Athéna était celle que Héra haïssait le plus. Et la rivalité des deux divinités n’était méconnue de personne. Ainsi, elles soutinrent leur regard respectif jusqu’à ce que les jumeaux trouble-fête détournent leur attention.
Leurs cheveux étaient blancs comme les nuages, et leurs yeux d'un bleu clair. Ils avaient presque le même visage, mais celui d'Artémis, la déesse de la chasse, était entouré de mèches longues et ondulées. Apollon, son frère, était solaire, excentrique, extraverti. Il avait redonné au temple une ambiance un peu plus légère, un peu plus chaleureuse. Il avait ce sens de l'harmonie et de la mélodie, ce bagout charmeur, cette joie de vivre innée. Il avait fait danser les plus réticents dans les bals, avait charmé en grattant les cordes de sa lyre et avait suscité l'admiration sur son char doré. Il aimait voir et être vu, et peut se souciaient de son égocentrisme exacerbé. Sous cette carapace de charmeur de nymphes, c'était un romantique. Il écrivait ses poèmes à l'ombre des arbres dans le parc fleuri, tous destinés à sa muse Calliope, qui chantait près de la fontaine. Mais Apollon n'était vu que comme le dieu des arts, le fêtard, celui aux aventures sans lendemain.
Tout son contraire, Artémis était lunaire. Introvertie, renfermée, elle passait plus de temps dans la forêt à pister des animaux légendaires qu'à se pavaner dans les parcs olympiens. Elle descendait sur terre chaque jour, se faufilant dans les montagnes, ne faisant qu'un avec la nature. Armée de son arc et ses flèches, elle se délectait du silence salvateur et de la rosée du matin qui glissait sur sa peau parfaite. Parfois, elle restait des jours au même endroit, attendant que l'occasion d'abattre sa proie se présente. Mais toujours, elle veillait à présenter ses bénédictions, à ne pas tuer plus que nécessaire, et à ne manger que ce qu'elle chassait de ses propres flèches. Aussi, elle promettait à chaque bête de ne jamais les faire souffrir, et qu'ils n'aient jamais à ressentir la douleur.
Si Apollon était le charmeur invétéré qui seyait à sa réputation, Artémis était l'intouchable. Son visage poupin était convoité par des dieux de tous les temples, mais aucun d'eux n'avait sa chance. Ni eux ni les mortels. Artémis n'avait ni désir ni amour. Elle était sauvage, indomptable, solitaire.
Dionysos, quant à lui, entra dans le temple avec timidité. Il était le dernier-né de la fraterie, la dernière infidélité concluente de Zeus. Dans ses yeux brunis et ses cheveux blancs aux reflets roux, les Moires avaient décelées un avenir à la hauteur de ses frères et soeurs. La gloire, le feu, la fête et le génie.
Il était toujours reservé, toujours dans son coin. Il n’avait ni l’âge de gambader dans les fêtes d’Apollon, ni la sagesse de comprendre les guerres que menaient Athéna. A la place, il s’enfermait dans son temple jour et nuit, lisant jusqu’à ce que le sommeil ne l’emporte, et cuillant des raisins dans les vignes de l’Olympe dans l’espoir que son vin soit un jour assez bon pour que les divinités se pressent à sa porte pour goûter à ses boissons. En attendant, il était charrié par sa fraterie à chaque occasion, et moqué des nymphes puisque son héroïsme n’était pas la hauteur de Arès à son âge.
La tête baissée, essayant de ne croise rle regard de personne, il prit place sur son siège doré, et attendit que son père ne lui explique pourquoi il avait été convié.
Zeus se leva. Il claqua son sceptre sur le sol, refermant les portes dans un bruit sourd qui fit taire les divinités. Peu d’entre eux connaissaient la raison de leur présence ici, après tant d’années.
« L’urgence. » commença le roi.
Tous échangèrent des regards inquiets.
« Vous êtes ici parce que je n’ai pas d’autre choix. Neuf ans se sont écoulés depuis la disparition de mon frère et de sa bien aimée, Perséphone. »
Déméter grinça des dents.
« Je n’ai plus d’autre solution. »
Arès sentit sa salive devenir amer.
« Il nous faut quelqu’un pour gouverner les Enfers, déclara Zeus avec fermeté. Et aucun d’entre nous ne sortira de ce temple sans que nous ayons trouvé qui couronner. »