Chère mère.
Ma formation à l’université elfe de Zulla se déroule à merveille. Je parviens à lier des « amitiés » comme vous me l’aviez conseillé.
Je viens de faire une découverte exceptionnelle. Ome, mon compagnon dernier né de Nunn possède un sac magique qui présente tous les attributs d’un des sept présents des Sept. L’utilisation que mon ami fait de cet artefact me laisse songeur quant aux perspectives. Jusqu’alors, on ne considérait le sac microscopique que comme un immense espace de stockage, mais Ome en a fait un univers de poche !
Depuis plusieurs nuits, mes songes semblent corroborer mon intuition. Je suis à présent persuadé que les sept présents des Sept sont plus utiles et puissants que ce que les bannières ne le supposent ! Ils sont des armes pouvant mener à la victoire finale des guerres lemniscates !
Je pense bien à vous et vous embrasse.
Prince Hector
Lettre du prince Hector
transmis à Epiphone par Iphigénie
« Tu es d’accord avec les réflexions d’Hector, ma bonne Iphigénie ? » interrogea Epiphone.
« Tout à fait, ma petite princesse ! Sinon, je ne t’aurais pas porté son message ! »
« Alors nous devons nous atteler à la recherche des sept présents des Sept ! Iphigénie, organise-moi une rencontre avec le grand timonier Minos ! Il doit posséder des informations ! »
« Ce sera facile ma petite princesse ! Cela fait des mois qu’il sollicite une entrevue ! » rassura la fidèle servante.
Il était vrai que la propagande de la ligue d’Anulune agitait de plus en plus la société dryade. Sans même attendre la réponse du grand timonier, les deux prêtresses rebelles se rendirent à Abynéas. Bien entendu, Minos les accueillit avec une grande déférence, pensant certainement encore pouvoir les manipuler comme de vulgaires marionnettes. Le premier contact fut glacial.
« Princesse Epiphone ! Enfin, je peux m’entretenir avec vous ! Mille anguilles ! On peut dire que vos discours ont quelques peu embrasés l’opinion publique ! Indéniablement, vous pointez un problème majeur pour notre bannière ! Je suis heureux d’enfin échanger pour parvenir à un consensus avec la représentante de la ligue d’Anulune ! »
« Ne prenez ce ton mielleux avec moi, grand timonier ! Je ne suis pas venu chercher la concorde mais des informations ! Possédons-nous encore les présents de Génoas-Khal ou bien les avez-vous vendus aux elfes comme la baie d’Anulune ?! »
« Co...comment ? Pour qui vous prenez-vous, petite princesse prétentieuse ! Notre bannière n’a pas eu le choix pour la baie d’Anulune ! Mille anguilles ! Sans cette alliance avec les orcs, nous serions à la merci de l’Orcania ! »
« Votre action a montré son efficacité, grand Timonier ! Les elfes ont saccagé ma bien-aimée baie, mais cela n’a pas empêché les orcs de m’enlever ! Vous pouvez donc comprendre mon inquiétude concernant les sept présents de Sept ! Si vous ne me répondez pas, je n’aurais aucun scrupule à diffuser une nouvelle preuve de votre traîtrise ! »
« Mille anguilles ! Le service de la timonerie a toujours protégé les dons de la déesse ! Du moins, ceux qui n’ont pas été perdus dans les affres des guerres lemniscates ! Nous possédons encore l’arc surpuissant, le soufflet glacial et le gouvernail ! »
« Très bien ! Dans ce cas, continuez à protéger ces trésors de notre bannière ! Au revoir grand timonier ! »
Minos resta coi devant la violence de l’arrêt de l’entrevue. Epiphone ne comptait pas se compromettre plus que de nécessaire avec le représentant du pouvoir en place. Elle venait d’obtenir les informations qu’elle désirait, elle pouvait à présent continuer son inventaire des artefacts magiques à disposition de la confrérie des élémentaires.
Cet imbécile de Grand Timonier n’avait même pas connaissance du bracelet amphibie que son père avait transmis à Iphigénie ! Ce choix avait dans un premier temps vexé Epiphone, mais cela relevait du génie ! Jamais personne ne songerait à scruter sa suivante alors qu’elle-même se trouvait trop exposée pour arborer un présent si précieux !
Les deux dryades se rendirent donc sans attendre à Pyrbe chez son ami Bivot. La cité négociante se nichait à flanc de coteaux dans le recoin d’un méandre du fleuve lui ayant donné son nom. Toute l’architecture transpirait la maîtrise de la pierre. Les bâtiments d’une rectitude travaillée affichaient des façades à l’équilibre sobre et réfléchi. Chaque ville gnome constituait en elle-même un message politique. La bannière de Fladalf-Khal était le peuple de la terre et de la pierre, elle devait en montrer une maîtrise parfaite. C’était une condition sine qua none pour alimenter sa mythologie.
Le palais de la chambre des négociants trônait sur la place centrale. Au milieu de celle-ci, une statue équestre de Ziric, le héros gnome légendaire qui avait guidé sa bannière à la victoire dans la guerre des ifrits et celle des golems. Les pavés alternaient entre la pierre dorée et le granit gris pour dessiner au sol les armoiries de grandes maisons marchandes de la cité.
Epiphone étouffait dans cet environnement minéral vierge de toute verdure. Elle fit néanmoins bonne figure. Elle apercevait déjà son ami Bivot qui l’attendait, les bras ouverts sur le perron du palais, entouré des négociants de la guile.
« Hi ! Hi ! Hi ! Princesse Epiphone ! Iphigénie ! Quel plaisir de vous revoir mes amies ! »
« Maître Bivot ! Nous sommes aussi ravies de vous revoir ! »
« Hi ! Hi ! Hi ! Comment se porte mon filleul, le prince Hector ? »
« Fort bien ! Il poursuit son enseignement auprès de l’élite elfe ! C’est d’ailleurs sur ses bons conseils que nous venons à votre rencontre. Mais nous aurons le temps de nous en entretenir ce soir, après les mondanités officielles ! »
Effectivement, les deux dryades durent participer à une rencontre avec les multiples familles négociantes de la florissante cité de Pyrbe. La princesse utilisait en effet le prétexte du renouvellement du marché des produits de la pêche de Neptnas pour rencontrer en secret son ami de la confrérie des élémentaires.
Le soir venu, lorsque la valse des accords prit fin, Bivot invita ses amies à le suivre. Sans sortir du palais, tous trois empruntèrent une coursive de la cour intérieure. Ils passèrent une porte, puis une autre, traversant de multiples atriums. Ainsi, il était possible de se déplacer dans Pyrbe sans jamais se retrouver sur la chaussée et sous la pluie.
« Hi ! Hi ! Hi ! Ces passages ont été inventés pour éviter que la météo détériore les produits précieux lors de leurs déplacements. Ingénieux non ?! Hi ! Hi ! Hi ! Cela assure aussi une grande discrétion pour les rencontres secrètes ! Encore une porte et nous serons chez moi, à l’abri des oreilles indiscrètes ! »
Quelques instants plus tard, Epiphone exposa le but de son voyage.
« Bivot, mon ami, nous sommes à la recherche de la moindre information utile concernant les sept présents des Sept. »
« C’est notre bon petit prince Hector qui nous oriente sur cette piste ! Il pense que ces objets magiques peuvent faire basculer l’équilibre des forces ! » renchérit la fidèle Iphigénie.
« Hi ! Hi ! Hi ! De l’information ! C’est la spécialité des gnomes mes amies ! Hi ! Hi ! Nous avons tous les renseignements sur les sept présents des Sept dans l’ encyclopeadia gnomnica ! »
Epiphone et Iphigénie découvrirent enfin le détail des présents magiques. L’encyclopeadia gnomnica était constituée de plusieurs centaines de volumes. Seuls les gnomes de haut rang en possédaient l’intégralité. De plus le chant lyrique des sept présents des Sept comptait plus de sept mille vers, tous plus alambiqués les uns que les autres. Personne ne le connaissait par cœur et n’en maîtrisait l’ensemble des licences poétiques.
Chacun des Sept avait offert à sa bannière une arme offensive, une arme défensive, un instrument de musique, un outil, un bijou un objet du quotidien et un morceau du bateau leur ayant permis de se rendre sur le bouclier-monde. Cependant, plus de la moitié d’entre-eux avaient disparus au cours des guerres lemniscates, soit perdus dans un champ de bataille, soit dérobés par un adversaire. Les chroniques confirmaient que seuls les elfes conservaient les ept présents de leur dieu et maître Batum-Khal.
« Hi ! Hi ! Hi ! Mes bonnes amies ! Il faut néanmoins se méfier de ce qui est écrit ! Hi ! Hi ! Les gnomes prétendent ne posséder plus que Strieur, le fouet qui rend muet ! Pourtant, je sais de sources sûres que nous possédons plus ! Hi ! Hi ! Hi ! Suivez-moi ! »
Bivot ouvrit le deuxième tiroir de son bureau. Il sortit une lourde clef cachée dans le double fond de celui-ci. Il tira ensuite sur la tranche d’un livre poussiéreux et une porte dérobée cachée derrière la bibliothèque s’ouvrit. Les trois accolytes s’engagèrent dans un escalier sombre éclairés par une simple petite bougie. Au milieu d’une cave aux voûtes en croisée d’ogive, un coffre massif de chêne et de fer forgé attendait.
« Hi ! Hi ! Hi ! Vous entrez dans le Saint des Saints ! Hi ! Hi ! Hi ! Il n’y a que quelques gnomes qui connaissent ce secret ! Je vous le partage pour le bien de la confrérie princesse Epiphone ! Nous sommes d’accord ! » Le gnome dévoila l’intérieur du grand meuble. Il ne contenait que deux petites boîtes à bijoux rectangulaires. « Hi ! Hi ! Hi ! En fait, la bannière de Fladalf-Khal possède toujours la plume spirituelle et le pendentif prescient en plus du fouet magique Strieur ! »
« Maître Bivot ! Petit cachottier ! Mais pourquoi conserver ces présents cachés ? Vous pourriez les utiliser pour le bien de votre bannière ! »
« Hi ! Hi ! Hi ! Princesse, comment pensez-vous que nous soyons en capacité de rédiger autant de volumes de l’ encyclopeadia gnomnica ?! »
« Bivot ! Mon ami ! L’information étant votre domaine, pourriez-vous enquêter sur ces objets perdus ? Dans l’intérêt de la confrérie des élémentaires. » demanda Epiphone.
« Peut-être même pourriez-vous en acquérir, Maître Bivot ! » suggéra ingénument Iphigénie.
« Hi ! Hi ! Hi ! Vous êtes bien idéaliste, mes amies ! Mais pour la confrérie, je m’engage à tout tenter. Il est possible que ces artefacts divins puissent faire pencher la balance dans les grandes batailles ! Hi ! Hi ! Hi ! Soit ! J’enquêterai ! De votre côté, vous devriez vous entretenir de notre projet avec nos alliés, Flamèche, Persuic et Diodore. »
Epiphone et Iphigénie savaient à présent quelle direction devait prendre leur enquête.