Tout ne s’est pas exactement passé comme je l’espérais. Pour commencer, l’avion a eu deux heures de retard au décollage. Ensuite, quatre heures de retard à l’escale, parce qu’un passager cardiaque, qui avait fait un malaise, avait dû être évacué ; mais comme il n’avait pas de visa pour débarquer, le commandant de bord a dû négocier pendant des heures avec les autorités locales. Bien entendu, impossible de quitter l’avion pendant ce temps pour les passagers, ces quatre heures venant s’ajouter aux dix heures de vol. Additionnons à cela le temps passé à faire la queue aux douanes, à récupérer les bagages. A ce sujet, je pense que tout le monde a maudit Ophélia sur sept générations pour l’attente de deux heures supplémentaires à cause de sa valise égarée ; considérée comme colis suspect et menacée d’explosion par le service de déminage de l’aéroport. Enfin, il y eu le trajet en bus de deux heures jusqu’à notre destination finale… Tout le monde était épuisé. C’est à peine si on avait la force de garder les yeux ouverts quand on nous expliquait comment fonctionnait la résidence universitaire. J’ai dormi douze heures d’affilée avant même de déballer mes affaires.
Ma chambre ne ressemble pas aux photos que j’avais vues sur le site internet. Elle est moins lumineuse, les murs ont des traces de coups, le mobilier est un peu bancal. La douche n’avait pas de pommeau quand je suis arrivée, j’ai dû demander à Messmer, mon voisin d’en face, pour prendre ma douche chez lui les premiers jours. Il a en effet fallu que je trouve le concierge, qui n’était jamais disponible pour venir constater le problème et que lui-même trouve le bon interlocuteur. Une histoire de congé maladie compliquée ayant inversée les emplois du temps des hommes à tout faire des deux résidences voisines, je dus patienter une journée de plus. Ensuite, il n’y avait plus de pommeau de douche en stock, il a fallu en commander un et fixer un créneau pour venir me l’installer. Résultat, cela a pris cinq jours ! Espérons qu’ils ne gèrent pas tout comme cela dans ce pays.
Heureusement que nous sommes arrivés ensemble avec mes camarades de prépa et que j’ai pu demander sans difficulté à Messmer de me dépanner. Je me demande comment j’aurais fait si je ne connaissais personne. Je m’imagine toquant aux portes en demandant si je peux faire mes ablutions chez mes voisin·es… L’autre inconvénient majeur, c’est le petit lit une personne qui ressemble à un jouet pour mon un mètre quatre-vingt cinq. J’ai failli en tomber un nombre incalculable de fois en dormant. Je vais m’y faire, je pense.
La chambre n’est pas très grande mais je m’y étais préparé. Chez moi, une fois fini d’étudier, j’étais tout le temps dehors avec mes ami·es. Ici, vu la météo, je ne risque pas de passer beaucoup de temps à l’extérieur. Il n’y a qu’une salle commune pour toute la résidence et son aspect donne peu envie de s’y attarder. Je pourrais sûrement travailler à la bibliothèque le soir pour ne pas me sentir trop à l’étroit. J’ai un petit réfrigérateur, un micro-ondes et deux plaques de cuisson. J’adore cuisiner mais pour le moment je me suis contenté de manger ce que nous ont préparé les camarades de deuxième année qui nous ont vraiment accueilli avec les honneurs.
Iels sont arrivés comme nous l’an dernier, et ont l’air de s’être bien acclimatés. Iels ont organisé des repas en notre honneur, une soirée de bienvenue. Iels nous expliquent toutes les règles à suivre, et il y en a beaucoup à retenir ! Les gens sont tellement différents ici. Personne ne se salue, c’est même suspect de dire bonjour à son voisin. Il y a une étudiante asiatique dans la chambre mitoyenne et je crois que je l’ai effrayée en essayant d’engager la conversation avec elle ; pareillement avec une vieille dame à l’arrêt de bus… Qu’à cela ne tienne, je vais me conformer aux usages et m’efforcer d’afficher un visage dénué de toute expression.
Hier nous sommes allés à l’hypermarché situé non loin de la résidence pour faire des emplettes et aménager nos logements. Quel spectacle que ces rayons immenses avec des centaines de sortes de gâteaux, de shampoings, de boissons et de tout le reste. Je crois que même si je voulais tester tout ce qui est proposé aux consommateurs en achetant chaque semaine des produits différents, je n’arriverai pas en trois ans à tout goûter. De toute façon, je m’en garderai bien car tout coûte extrêmement cher. Pour la grande majorité de mes camarades, ce n’est ni une découverte, ni un problème. Ils sont largement financés par leurs parents et remplissent leurs cabas de tout ce qui leur fait envie. En ce qui me concerne, je dois tenir une comptabilité scrupuleuse et ne pas me laisser tenter car j’ai un budget serré.
J’ai trouvé au rayon livres – l’hypermarché vend aussi de la vaisselle, des aspirateurs, du mobilier de jardin, des vêtements… C’est assez fascinant, j’ai l’impression qu’on peut tout acheter dans cet endroit ! J’y ai trouvé donc, un ouvrage de recettes pour étudiant·es, ce qui va m’être très utile pour cuisiner avec les ingrédients d’ici. Fini le thiéboudiène [1], il faut que je m’adapte aux goûts locaux. Je trouve que la nourriture est fade, rien n’a de goût. Heureusement, sur le marché ce matin j’ai pu acheter du piment, je suis sauvé. Je vais en mettre à toutes les sauces et je trouverais certainement ça meilleur.
Il y a déjà une semaine que nous sommes arrivés et la rentrée s’est bien déroulée. L’école est immense, des bâtiments anciens – une caserne militaire du dix-neuvième siècle, si j’ai bien compris – auxquels on a ajouté des ailes plus modernes, en majorité des structures qui allient le fer et le verre. Il y a un parc arboré à l’arrière, avec des chênes qui doivent être centenaires. Aux beaux jours cela sera vraiment agréable d’en profiter. Le hall d’entrée est particulièrement spectaculaire, avec sa verrière et ses colonnes en marbre. Quand on passe les portes pour la première fois, l’on est vraiment saisi par la majesté des lieux. Il y a un péristyle, comme dans une villa romaine antique. Cela me rappelle une illustration de mon livre de latin. Il faut descendre quelques marches pour arriver au centre du hall et là, le regard est attiré immédiatement vers la verrière, puis aussitôt détourné, ébloui par la luminosité éclatante. Il n’y a que le carrelage moucheté qui fasse tâche et d’affreuses plantes en pots qui tentent de meubler l’espace mais ne font qu’en souligner le gigantisme.
Le discours d’accueil de la directrice était fort réussi. Cette petite femme d’un mètre cinquante m’a rappelé ma grand-mère : l’air de rien mais dès qu’elle ouvre la bouche, tout le monde se tait. Une voix de stentor, un charisme digne d’un pasteur, on ne peut qu’être attentif à ce qu’elle dit. Bien entendu, elle nous a souhaité la bienvenue et nous a rappelé que notre école, qui fêtera bientôt ses cinquante ans, peut se vanter de compter parmi ses diplômés nombre de PDG de multinationales renommées. Elle a ensuite laissé la parole à une autre femme, Annette Brandebourg, une chercheuse de la promotion 2003, qui vient d’être récompensée d’un prix scientifique pour ses travaux et sera la marraine de notre promotion.
Les premiers cours se sont bien passés, pour le moment on apprend surtout comment fonctionne l’école, comment vont se dérouler les cours, le système de notation, ces crédits ECTS à valider pour chaque matière ou module. Il y a à l’école de très nombreux étudiant·es étranger·es, la moitié des effectifs, venant du monde entier. Je trouve cela formidable, car je croise chaque jour des personnes qui parlent des langues différentes.
Je remarque toutefois que les étudiant·es – moi le premier – ont une nette tendance à rester entre nationalités : principalement les chinois, les japonais, les russes, les sénégalais, les béninois et les français. Pourtant, ce n’est pas la barrière de la langue qui les empêche de se côtoyer, car les étudiant·es issu·es des pays non francophones ont tous suivi une formation intensive en français d’une année avant d’arriver. J’espère qu’iels attendent de mieux maitriser les codes et les lieux avant de se faire des ami·es de diverses origines. Hier, j’étais assis en cours d’anglais, où nous sommes répartis par niveaux, à côté d’un brésilien. Il est fort sympathique et nous avons tout de suite bien discuté, d’autant que l’exercice consistait à se présenter l’un à l’autre. Il est passionné de dessin. Demain nous avons convenu de déjeuner ensemble et d’aller assister à la présentation des associations. Je me demande dans lesquelles je pourrais m’investir.
Une semaine seulement et j’ai déjà découvert tant de choses... Je n’ai pas le temps de m’ennuyer, d’avoir la nostalgie du pays ou de me languir de ma famille. Je leur donne des nouvelles presque chaque jour et je les rassure : tout démarre sous de bonnes auspices.
[1] Plat traditionnel sénégalais.
Mes quelques suggestions :
- J’ai été un peu étonnée qu’Alioune râle sur les traces sur les murs et le mobilier bancal alors que dans son premier chapitre on devine qu’il vient d’une famille qui n’a pas forcément beaucoup d’argent et qu’il n’a jamais eu sa chambre à lui tout seul. Je m’attendais plus à ce qu’il voit le positif, ça me semble en décalage avec ce même garçon qui était tout fier d’avoir des vêtements neufs.
- « quand je suis arrivée » sauf erreur de ma part c’est toujours Alioune qui parle donc à mettre au masculin
- « ayant inversé les emplois du temps » sans « s »
- « je dû patienter » avec l’accent et sans le « s »
- Aucune suggestion ici mais je n’ai pas pu m’empêcher de me dire « le pauvre, il est tombé sur la seule personne âgée à un arrêt de bus qui ne veut pas engager la conversation » hahaha XD
- « je n’arriveraiS pas en 3 ans à tout gouter » avec un « s »
- « Il y a à l’école » l'enchaînement des deux « a » fait un peu bizarre. Tu peux t’en débarrasser en échangeant « A l’école il y a » si tu veux
Tout comme je m'attendrais à ce qu'ils fassent plutôt des sous-groupes ethniques dans ces deux grands groupes, mais peut-être qu'ils sont vraiment peu.
Après avoir lu le premier chapitre d'Alioune, je me demandais bien d'où il pouvait venir pour un vol de 10 heures! À priori si c'est de Dakkar, 5 ou 6 heures sont suffisantes.
Autre remarque: on ne connait pas encore tout du personnage, sauf que son meilleur ami est Mohamed et qu'ils ont grandi ensemble, je crois même que tu mentionnes à un moment qu'ils ont la même religion.
Du coup, le compliment "un charisme digne d’un pasteur" m'a un peu surpris, ça ne colle pas à l'idée que je me suis faite du personnage.
Pour le reste, j'attends le choc entre tous ces personnages, comme les autres lectrices et lecteurs!
En espérant que le suite ne te décevra pas !
J’ai bien pensé qu’Alioune pouvait être évangéliste, mais à priori il a la même religion que Mohamed (« on a été élevés ensemble, dans le respect et le partage, ainsi que le veut notre religion. »). Je ne sais pas s’il y a des évangélistes qui s’appellent Mohamed, après tout pourquoi pas, mais comme je dis ça brouillerait sacrément les pistes ! (le nom du prophète musulman pour un chrétien, ça doit pas être courant)
Pour la provenance et le trajet, c’est pareil. J’essaye (on essaye ?) de comprendre les personnages avec les indices donnés, c’est d’ailleurs très bien fait. On comprend qu’Alioune est probablement noir, en tout cas Africain, et qu’il mange des plats Sénégalais. Après il peut venir d’ailleurs ; si ça sert l’histoire pourquoi pas, sinon ça me (nous?) perd un peu. Pour la durée du vol et/ou trajet ( ?) c’est un peu pareil. Si les indices sont faits pour nous indiquer qu’il est Sénégalais ou d’Afrique de l’ouest, mieux vaut qu’ils soient clairs.
Si au contraire c’est fait exprès, alors je me suis fait bien avoir et j’attendrai la suite pour comprendre!
On retrouvera Mohamed prochainement, c'est un personnage très important pour le récit...