Le téléphone vibre à nouveau dans la poche d’Aimé. Il ne peut pas le consulter sur son lieu de travail. De toute manière, c’est probablement encore Solal et Aimé ne veut pas lui parler vu comment il a été traité. D’accord, il n’a pas été agressé cette fois-ci, mais la douleur est pire : celle de sentir utilisé sans être respecté. Il n’aurait pas dû faire d’exception. Il a tellement aimé le temps partager avec cet homme et il sait qu’au fond de lui, il veut d’autres nuits avec lui. Pourtant, son comportement le lendemain l’a profondément déçu. Et dans l’immédiat, il ne sait pas quoi répondre, alors il se tait. Sa semaine est longue, ennuyeuse et pour couronné le tout, la mélodie de piano traine dans sa tête. Aucun moyen de réentendre ce morceau dont il n’a pas les références encore moins si Solal l’a crée de toute pièce. Si c’est le cas, il est doué d’un talent immense. S’il vit de sa musique, il est forcément connu. Un grand nom de la musique classique ? Aimé constate qu’il est frustré. Il a rencontré le mystère personnifié avec qui il est rentré en communion le temps d’une nuit de plaisir. S’il veut en apprendre plus, il est obligé de faire un pas vers lui au risque d’être à nouveau malmené. La délicatesse pendant l’amour n’existe pas dans les relations humaines de Solal. Une nouvelle vibration. Ouf, il est l’heure de clore la journée.
Aimé regarde enfin son téléphone, cinq sms de son amant d’une nuit. Il ne les lit pas. Il répond simplement : « Je passe chez toi dans une demi heure, c’est ta chance de discuter ». La réponse est immédiate : «Ok, je te laisse le code de l’entrée, entre directement, si je n’ai pas fini attend moi dans le salon.» Vraiment curieux. Aimé se met en route. Il met son casque et lance une playlist de Solaria pour le trajet. La marche lui fait du bien et la musique l’empêche d’appréhender sa futur discussion. Il arrive finalement quarante cinq minutes plus tard. Il entre directement chez Solal. Le salon est vide. Encore une fois, il y a un bruit de fond indistinct. Une autre pièce insonorisée ? Aimé attend. Solal se montre cinq minutes plus tard. Il a les traits tirés et l’air surexcité.
− Je vais me faire un café, tu veux boire quelque chose ?
− Je veux bien un café répond Aimé en emboitant le pas à son hote.
La cuisine est en désordre. Rien à voir avec ce qu’il a vu la permière fois.
− Tu es sur que tu vas bien Solal ?
− Hein ? Ah ne fait pas attention au bordel. C’est toujours comme ça quand je suis sur un gros projet.
− Tu te nourris au moins ? Tu dors ? Tu fais des pauses ?
− Mais oui. T’inquiètes. J’ai juste pas assez dormi depuis mon retour des US. Il faut que je bosse tant que tout est frais dans ma tête.
− Qu’est ce que tu fais comme boulot ?
− Je suis musicien.
− Mais encore ? C’est vaste comme définition.
− Je ne peux pas t’en dire plus, désolé. Et toi comment vas-tu ? Tu ne me réponds pas pendant presque une semaine et pourtant tu débarques chez moi ?
Aimé réfléchit à sa réponse.
− Je préfère que l’on en discute en tête à tête pas par texto.
− Tu n’es pas revenu samedi.
− Je ne suis pas revenu car tu avais déjà replonger dans ta partition. Tu étais si loin de moi, comme inaccessible. Et puis ta réponse m’a laissé entendre que tu n’allais que bosser sans te soucier de moi. Tu n’étais pas disponible, je n’allais pas faire potiche.
− Mouais, je n’aurais pas dû m’y atteler aussi tôt. La musique m’emporte très vite. Et puis je n’ai pas l’habitude d’avoir de la compagnie à mon réveil.
− Charmant. Alors les gens sont des consommables pour toi ?
− L’image est assez juste, oui.
− Nous, n’avons plus rien à nous dire alors. Sache tout de même, que ton comportement est blessant et j’ai cru qu’il y avait plus entre nous deux, qu’une partie de jambe en l’air.
− Je pense aussi. Tu es le seul que j’ai invité chez moi.
− Mais tout ce que tu voulais s’était me sauter ? Peu importe de me connaitre.
− Je t’ai recontacté, c’est que je veux te revoir, non ? Je ne vois pas ce qui te choque.
Aimé secoue la tête. Il est sidéré par l’incompréhension de Solal. Il ne voit pas comment lui faire comprendre que son comportement est blessant.
− Tu ne te lie jamais avec personne ? Tu n’as pas d’amis ?
− Je suis sociable, mais du genre un peu renfermé.
− Tu n’accepte personne dans ton intimité ? Tu ne te confie jamais ?
− Non.
− On peut pas être heureux ainsi. J’ai de la peine pour toi. C’est très enrichissant une relation amicale ou amoureuse avec quelqu’un avec qui on peut parler à coeur ouvert.
−Je n’y arrive pas.
− Et tu n’as pas envie d’essayer ? Je suis d’accord, on ne peut pas se confier à n’importe qui. J’ai cru sentir en toi une avidité de sociabilité. D’après ce que tu me dis, je me trompais. Pourtant, tu as une manière bien à toi de regarder le monde qui t’entoure et tu t’intéresses aux autres. Je n’arrive pas à comprendre.
− Je ne sais pas quoi te répondre. Personnellement, j’aimerais que l’on se fréquente, tout en restant libre de fréquenter d’autres gens.
− Désolé, ce sera sans moi. Je suis quelqu’un de fidèle et je ne supporterais pas de savoir que tu couches avec d’autres gens.
Solal eut l’air contrarié.
− Et se fréquenter comme plan cul ?
− Non. Solal, tu me prouves que ma politique de boite a une raison d’être.
− Alors tu vas me soutenir que tu n’as pas apprécié la nuit que nous avons partagé ?
− Pas du tout, elle a juste un gout amère car je sais que je n’en reviverai plus d’aussi belle !
− Si cela t’attriste, pourquoi refuser mon offre ? J’ai besoin de continuer à te voir, sinon je vais devenir fou !
− Je ne comprends absolument pas comment tu peux tenir des propos pareil alors que l’idée de monogamie te pose tant de problème. Pour moi, cela n’a aucun sens.
Solal soupire, frustré. Il se lève et tourne le dos à Aimé pour lui cacher son agacement et son désarroi. Il ne peut rien dire de son don. Pour se donner une constance, il se refait un café.
− Il n’y a pas d’entente possible à ce que je vois. Merci pour les plaisirs de la nuit passée. Je te souhaite une bonne continuation.
Une larme de rage perle le long de la joue de Solal. Lorsqu’il trouve le courage de se retourner, Aimé a déjà quitté la pièce. La tasse de café vient s’écraser avec violence contre le mur.
Mais du coup je vais commenter ici, juste pour rajouter un petit conseil sur les dialogues : ne pas hésiter à les entrecouper en décrivant des expressions des personnages (je pense notamment au premier dialogue)
A bientôt !