Nuit de délices et déconfiture

Notes de l’auteur : Scène de sexe

Solal attend dans sa chambre l’apparition d’Aimé qui se rafraîchit dans la salle de bain attenante. C’est la preuve de sa bonne foi, il a emmené Aimé chez lui au mépris de sa propre règle qui stipule que jamais il ne ramène personne chez lui, dans son intimité. Puisque l’homme aux notes d’or a fait un grand pas vers lui, il devait lui rendre la pareille. De toute manière, même ici, il n’ y a pas moyen que son identité ne soit percée à jour. Son studio d’enregistrement est fermée à clef et vu qu’il est rentré de voyage, il y a peu, rien ne traine dans l’appartement de taille modeste mais agréable qu’il occupe. 
Aimé revient vêtu d’une serviette autour de la taille. Sola,l que la fatigue du voyage tente d’assommer, se réveille tout à fait. Le corps sculpté qu’il a en face de lui est sublimé par les portées chargées de notes qui s’enroulent lentement autour de sa silhouette. Les notes d’or scintillent un peu plus forts par rapport au jour de leur rencontre. Solal est subjugué par la beauté du spectacle et la mélodie qu’il déchiffre emplit sa tête. Elle est si envoutante à mi-chemin entre de la house et une musique triste. Solal se demande comment une telle coexistence est possible.  La mélodie prend des airs pompeux et sensuels alors qu’il constat l’érection que Aimé tente de minimiser, les mains devant son entrejambe. 
Solal se lève et s’approche. 
−Pourquoi cacher une si belle invitation ? 
− Ton regard me déroute. Jamais, personne ne m’a regarder avec un tel désir, ni même une telle adoration. 
− Voila qui est bien triste. Laisses moi alors te montrer comment mon regard peut se traduire en geste. 
Solal retire son haut, ses cheveux sont maintenu en un chignon rapide, afin de ne pas le gêner. Il s’approche d’Aimé et l’enlace avant de goûter, enfin, à ses belles lèvres charnues.  Dans l’immédiat, Solal ne se préoccupe plus de la mélodie, il lui faut d’abord assouvir son désir physique avant de se concentrer à nouveau. Par expérience, il sait que l’essence d’une personne, sa mélodie se révèle au coeur d’un grand plaisir et pour y avoir accès, il doit découvrir ce que l’autre aime. Les fluctuations sur les portées représentent un bon indicateur. Solal aime s’y fié car il renvoie à son ou sa partenaire le sentiment qu’il le connait déjà. Il adore joué avec ce sentiment. 
Dans l’immédiat, Solal découvre du bout des doigts les courbes musclées, qui semblent sculpté dans l’ébène. Un scintillement intense capte l’oeil de Solal lorsque sa main passe sur l’extérieur de la cuisse. Le souffle raccourci d’Aimé confirme ce que suggère sa musique. La réceptivité de cet homme offre un terrain de jeu immense que ce soit sur le plan sexuel comme musical. La nuit est loin d’être terminée. Il conduit Aimé sur le lit, lui retirant au passage sa serviette. Une fois, Aimé installé, Solal finit de se dévêtir avant de reprendre ses explorations. Il découvre qu’il ne faut pas s’attarder sur les flancs, car cela chatouille, de même, pas de baiser à proximité de la cicatrice (ce qui semble logique). Par contre Aimé apprécie particulièrement les caresses au niveau des épaules, sur les cuisses et les fesses. La stimulation des tétons ne fonctionne pas beaucoup. Et la plus grande découverte de Solal est que Aimé prend quasiment autant de plaisir à ce qu’on s’occupe de lui comme à faire plaisir à l’autre. À peine Aimé a-t-il pris son membre en main et en bouche, la coloration de sa mélodie a irradié d’un jaune d’or presque aveuglant. Le DJ s’est gavé de ce spectacle tant pour mémoriser la mélodie aux accents triomphants que pour ne pas s’oublier si vite. La mélodie d’or n’attend plus que d’être amplifiée par une apothéose entre les deux corps affamés. Son intromission provoque une mélodie digne d’un orchestre. Solal en a le souffle coupé. Jamais, il n’a rencontré des gens qui lui fournissent assez de matières pour écrire plusieurs lignes musicales en même temps. Avant de s’interroger sur la raison de cette richesse, le plaisir l’emporte loin de toutes pensées structurées. 

Aimé émerge doucement. Il est étonné de se réveiller seul. Il aurait aimé un temps calin avant de se lever. Il n’entend qu’une musique en sourdine, ainsi son amant à des talents de pianiste. Il en sait si peu sur lui qu’il est heureux de cette découverte. Tout en écoutant l’air fantastique qui est joué dans l’appartement, il repense à la nuit passée. C’est la première fois qu’il se sent en total osmose avec quelqu’un. Sur le plan sexuel, ce n’est pas si simple de trouver la personne qui correspond parfaitement. Il a eu l’impression que Solal avait une carte avec lui pour découvrir ses préférences. Cela énormément surpris. Et il est le premier qui le regarde avec admiration au point d’en être subjugué. À se questionner, il a réveillé un puissant désir de partager de nouveau les plaisirs. 
Le danseur finit par se lever, enfilé boxer et t-shirt avant de quitter la chambre. Lorsqu’il pousse la porte de la pièce d’où provient la musique, le volume sonore le surprend. La pièce doit être insonorisée, c’est très étonnant. Solal ne l’a pas entendu arriver. Il pose doucement ses mains sur ses épaules. Une fausse note, dû au sursaut qui a sorti le musicien de sa transe. Aimé lui sourit alors qu’un éclair d’agacement traverse le regard de Solal, Aimé recule en s’excusant :
 − Excuses moi. Je ne voulais pas te faire peur. 
 − C’est ma faute, j’ai oublié d’énoncer une règle d’or : ne jamais m’interrompre quand je travaille.  
 − Tu es compositeur de musique de film ?
− Je pourrais, mais non. Ce que tu as entendu n’est qu’un travail préliminaire. 
− Ça me semble très aboutit pourtant. Je ne suis pas musicien donc je ne me rend pas compte. Un petit déjeuner, ça te tente ? 
− Ce n’est pas une mauvaise idée. Une petite pause avant de reprendre. 
Aimé est déconfit lorsqu’il comprend le sous entendu, il a intérêt à vite déguerpir. Il se sent blessé et perdu. Le comportement de Solal ne colle pas avec celui d’hier. Où alors, il obtenu ce qu’il voulait et c’est fini ? Aimé garde ses questions pour lui et va prendre le reste de ses affaires. Solal l’a déjà oublié, il transcrit une mélodie sur des portées vierges à une vitesse folle. Aimé prendra son petit déjeuner chez lui, inutile de rester. Il quitte l’appartement sans que Solal ne le remarque. 

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