Je peux presque sentir leur présence. Dans les grains de sable, dans les gerbes d'écume, dans le vent chargé de sel. Dans le mouvement lisse des vagues, entre rondeurs et ruptures.
Une bouée jaune flottant au large ravive des souvenirs de baignade, quand nous nous réfugions dans la mer jusqu'au coucher du soleil.
Des reflets scintillants dans les vagues à la silhouette infinie des pins parasols, chaque morceau de paysage dégouline entre mes cils.
L'hôtel des bains s'est effondré en ruines. Entre les échafaudages, je distingue les cadres de fenêtres vidées comme des plaies béantes. Relique de souvenirs abîmés. Passé désaffecté. Seul reste l'étalage des grandes maisons de riches alignées sur le quai.
Mes pieds s'enfoncent dans le sable ocre.
Je me sens détaché de cet univers. Mon retour m'apparaît désormais comme l'exploration d'une planète inconnue. Pourtant, aucune souffrance n'abîme mon cœur anesthésié.
Remontant jusqu'au centre-ville, je m'arrête devant le magasin de confiseries. Les couleurs criardes sont maintenant fanées, mais la même odeur de friture émane des bains d'huile. Pris d'une impulsion, je commande des churros, beaucoup trop, comme s'ils allaient débarquer pour qu'on puisse les partager.
Après avoir dévoré chacun d'eux, le papier gras du cornet me colle aux mains. Je décide de le garder un peu, conservant dans ma mémoire, comme le sucre sur ma langue,
le bleu de ses yeux.