Yves Lebrac avait raison au sujet de la brume. Il n'y avait rien de plus idiot qu'un brouillard, mais quand c'était un bon brouillard (et par « bon », cela voulait dire « tout le monde se vautrait en hurlant des insultes »), le monde autour de soi changeait.
Les autres disparaissaient, ne devenaient plus que des ombres, des silhouettes obscures. Même plus des humains, juste des tas de vêtements sur pattes qui marchaient et dont seuls les pas résonnaient. Les bâtiments devenaient des mirages, on voyait des manoirs hantés à chaque coin de rue attendant le bon moment pour pouvoir ouvrir leurs portes et enfermer de pauvres hères dedans, pour toujours. Les statues les plus banales ou représentant des types que tout le monde connaissait de réputation devenaient des créatures étranges, des espèces de monstres tirés d'on ne savait quelle espèce de livre de sorcellerie venant d'on ne savait quelle espèce de dimension alternative où Jah avait été détrôné par des infidèles et où Cthulhu, Mogo et Tyler Durden auraient fait une fusion, créant des monstruosités dont le seul but serait la mort et la destruction de toute l'humanité-
« OW, PUTAIN ! »
Ralph, en entendant ces doux mots, revint sur Terre et put voir Jeremiah, devant lui, qui se frottait furieusement la tête.
« Sérieux, tu peux pas regarder devant toi quand tu marches, bordel, on voit rien dans cette foutue purée de pois de merde ! »
A ce moment, le hippie se souvint que ce qui changeait surtout lors d'un brouillard, c'était son absence de focus sur le monde extérieur.