Burger Princess (1/3)

Notes de l’auteur : Écrit en collaboration avec ma tit'sœur de 11 ans

« Ah ça ira ça ira ça ira, les aristocrates à la lanteeeeeeeeerneeeeeeeeuh... »

Le peuple chantait autour du carrosse, escortant jusqu'à la capitale le roi, la reine et le p'tit prince. C'en était fini de la monarchie absolue. On allait faire signer au roi la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, on allait établir une constitution, et partager le pouvoir entre la Couronne et l'Assemblée.

Caché dans l'ombre du Petit Trianon, le chevalier Jean-Marc serrait dans ses bras la petite princesse. La dernière-née de la famille royale était âgée de quelques mois à peine. La reine la lui avait confiée en dernier recours.

« Le peuple nous veut à Paris, le roi, le dauphin et moi. Nous ne pouvons pas nous défiler. Mais au moins, prenez soin de Marie-Jeanne. »

Jean-Marc y songeait quand il sentit quelque chose de mouillé contre sa jambe. Il baissa les yeux. À ses pieds, un petit dragon aux plumes argentées lui donnait des coups de museau. Le chevalier se baissa et le prit dans ses bras, lui aussi.

« Viens là, p'tit gars. Je vais prendre soin de vous deux. »

 

Les années avaient passé. Jean-Marc était fier de la jeune princesse que sa pupille était devenue. Ils avaient ouvert un fast food et en ce moment-même, accoudée au comptoir, le combiné collé contre l'oreille, Marie-Jeanne pétait les plombs.

« Comment ça, la commande s'est perdue en route ? On vous paye pour une livraison ou pour une partie de cache-cache ? Mais je m'en fiche du remboursement ! On a des clients à servir, on ne peut pas se permettre de fermer le resto à cause d'un chauffeur idiot qui ne sait pas utiliser le Guidage Par Sortilège ! »

Elle pesta encore une dernière fois avant de jeter brutalement le combiné sur son socle.

« Eh bien, puisque c'est comme ça, je vais devoir aller les chercher moi-même. »

La jeune adolescente retroussa ses jupons pour changer de chaussures. À l'intérieur du Burger Princess, elle mettait ses jolis escarpins en daim, mais si elle devait aller crapahuter dans la forêt vierge, une bonne paire de baskets ne serait pas de trop.

« M'sieur Jean-Marc ! J'dois aller chercher les steaks. Cet abruti de livreur s'est perdu en route.

- Hep hep hep Votre Altesse ! Vous comptez vraiment vous plonger dans la forêt comme ça ? Il est déjà dix-huit heures, et je ne tiens pas à ce que vous déambuliez seule dans les bois en pleine nuit.

- Je s'rai pas seule, j'aurai Brume ! »

Le petit dragon argenté, en entendant son nom, releva le museau et agita les ailes. Marie-Jeanne sortit la laisse, l'attacha au collier de l'animal et ouvrit la porte. Mais Jean-Marc la rattrapa par le bras.

« Une minute, jeune Altesse. Tout d'abord, vous allez mettre votre chaperon. »

Il cueillit sur le portemanteau une courte cape à capuche d'un rouge vif. Elle leva les yeux au ciel, c'était un coup à attirer tous les loups des environs ! Alors elle prit plutôt un chaperon bleu roi orné de fleurs de lys. Ce n'était pas non plus le summum de la discrétion, mais au moins, si elle mourait, ce serait en digne héritière de la maison de Bourbon.

« Ensuite, vous m'attendez, car je viens avec vous.

- Mais M'sieur ! Je suis assez grande pour...

- Pas au milieu de la nuit. Il y a des rôdeurs, des bandits et des républicains dans cette forêt. Mais au cas où il m'arrivait quelque chose... »

Il s'interrompit une seconde, farfouillant dans un tiroir.

« Prenez une guisarme.

- Celle-là ? Mais elle est minuscule, et en plus, elle a des pompons et des clochettes. Je ne peux pas avoir la grosse en acier massif ?

- Non merci, je ne tiens pas à ce que vous vous éborgniez avec. Vous êtes encore jeune et frêle. Laissez les armes d'adultes à ceux qui savent s'en servir. »

Marie-Jeanne soupira, mais accepta la guisarme. Elle retira tout de même les grelots, elle n'avait pas envie qu'on la confonde avec le Père-Noël !

Le chevalier, la princesse et le dragon - en laisse - sortirent du fast-food. Le Burger Princess avait subvenu à leurs besoins pendant déjà treize longues années. En cette soirée d'automne, ils allaient tout faire pour sauver leur restaurant. Ils allaient se lancer à la recherche des steaks perdus.

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