Burger Princess (2/3)

La première chose qu'ils remarquèrent en sortant du fast food, ce fut une nuée de papillons. Le petit dragon, Brume, s'élança à leur poursuite, entraînant Marie-Jeanne qui peinait à le retenir.

« Brume ! Au pied », cria Jean-Marc.

En vain. Tout émoustillé par la vue de ces casse-croutes colorés, l'animal voletait dans tous les sens, claquant de la mâchoire à gauche et à droite pour essayer d'en attraper. Soudain, dans un éclat de lumière, un grand monsieur doté d'ailes pointues se matérialisa entre les papillons et le dragon.

« Qu'est-ce que c'est que cela ?

- Je vous demande pardon, monsieur le fé. C'est mon dragon, nous n'arrivons pas à le contrôler », répondit Marie-Jeanne en esquissant une révérence.

Le propriétaire des papillons se radoucit quelque peu. Après tout, la gent féerique ne peut rien refuser aux princesses.

« C'est normal. Ce n'est qu'un bébé, après tout. Quel âge a-t-il, dix, quinze ans ? Les dragons n'atteignent leur pleine maturité qu'à l'âge de quatre-vingt ans. C'est déjà bien qu'il sache voler, à son âge. Tenez, je vous laisse ce papillon voyageur ; prévenez-moi si vous avez besoin d'aide. Avec le petit, ou avec n'importe quoi d'autre. Entre amis des animaux, il faut s'entraider ! »

 

« C'est parce que vous êtes une princesse, grommela Jean-Marc. Si ça avait été moi, il n'aurait pas été si poli. »

Marie-Jeanne haussa les épaules et ajusta sa coiffure. Le papillon voyageur s'était posé au milieu de son chignon, et elle trouvait cela très joli.

« À quoi cela vous sert-il de vous recoiffer ? D'ici quelques minutes, vous aurez des feuilles et des brindilles plein les cheveux. À moins que vous ne souhaitiez faire demi-tour et me laisser me charger des steaks...

- Hors de question ! C'est moi qui suis de corvée d'approvisionnement cette semaine, c'est donc à moi de le faire. Que vous teniez à m'accompagner, grand bien vous fasse, mais il est hors de question que je me défile de mes obligations !

- Je m'en souviendrai la semaine prochaine, quand vous serez de corvée de vaisselle. »

 

Le chevalier Jean-Marc n'avait toutefois pas menti, et au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, la végétation se faisait de plus en plus dense. Bientôt, en plus du papillon, quatre feuilles mortes, une petite plume et une fleur fanée complétaient la coiffure de la princesse.

« On croirait la mode d'il y a vingt ans, lorsque votre mère la reine Marie-Antoinette empilait les rubans, les fleurs et les plumes d'autruche sur sa tête.

- Ne dit-on pas que bon sang ne saurait mentir ? »

Elle esquiva une ronce, enjamba une racine et contourna prudemment un buisson d'orties à l'air sournois. Mais soudain, elle s'arrêta.

« M'sieur, y a un arbre en travers du chemin. »

Effectivement, la tempête de l'avant-veille avait visiblement déraciné un large saule qui s'étendait de tout son long au milieu du chemin.

« Je pense que je vais pouvoir le franchir, reprit la princesse, mais vous, avec votre armure et votre guisarme géante...

- Me prenez-vous pour un vieillard arthritique ? Là où vous passez, je passe.

- On verra bien ! »

Et Marie-Jeanne, retroussant ses jupons, entreprit d'escalader le saule. Elle posa un pied sur un nœud, saisit une branche et se hissa. Mais quand elle posa son deuxième pied sur le point le plus haut du tronc, elle se prit une branche dans la figure.

« Aïe ! »

Elle l'écarta du coude et reprit son ascension. Elle se tenait à présent juchée sur l'arbre mort. Mais celui-ci ne l'entendait pas de cette oreille.

« Aïe ! Mais c'est pas possible, d'où vient cette branche ? Aïe ! »

Le saule, n'appréciant visiblement pas de se faire escalader, avait décidé de cogner la princesse grimpeuse. Marie-Jeanne riposta : elle lâcha ses jupons, dégaina sa guisarme à pompons et envoya un bon coup dans les branches de l'empêcheur d'escalader en rond. Mais alors le saule se redressa, faisant perdre l'équilibre à la jeune fille. Elle se retrouva suspendue par une main à une branche énervée, donnant des coups au hasard tandis que l'arbre la cinglait de toutes parts. Jean-Marc profita que le saule était occupé pour passer de l'autre côté. Puis il leva sa guisarme, la grande, grosse et lourde guisarme, et inspira un grand coup.

« M'sieur ! À l'aide ! »

Et soudain, tout fut terminé. Le saule retomba en travers du chemin, décapité, et Marie-Jeanne s'extirpa difficilement du feuillage. Elle avait les épaules en compote, les joues et les bras striés de griffures, mais surtout, entre les déchirures et les taches de mousse, sa robe était toute fichue !

« C'est pas juste.

- Vous voulez rentrer à la maison pour vous changer ?

- Hors de question. De toute façon, je refuse de traverser à nouveau cet arbre démoniaque. On rentrera par le chemin des chats, tant pis si c'est plus long. »

 

Ils continuèrent leur marche. Ils croisèrent un raton laveur qui faisait sa lessive, aperçurent un monoptère qui pêchait des poissons volants, et entendirent au loin les hurlements des loups.

« Il va falloir se dépêcher si on ne veut pas finir en souper. Eh, mais qu'est-ce que... »

Jean-Marc s'était soudainement arrêté, la jambe coincée par il-ne-savait-quoi. Marie-Jeanne soupira et retourna sur ses pas. Une petite créature hérissée de piquants s'accrochait de toutes ses tentacules à la cheville du chevalier.

« Qu'est-ce que c'est que cette bestiole ? Brume, attaque ! »

Le dragon se précipita joyeusement sur la créature, qui poussa un glapissement et se roula en boule. Seules ses deux grandes oreilles dépassaient de la pelote de piquants. Brume mordit à pleines dents l'une des oreilles, mais la lâcha aussitôt en gémissant de douleur.

« C'est malin ! Tu as des épines plantées dans la truffe. On va désinfecter tout ça quand on sera à la maison. Bon, en attendant, M'sieur Jean-Marc est libéré. »

Et sans plus de formalités, elle se remit en route, Brume voletant à ses côtés et Jean-Marc boitillant à sa suite.

 

Enfin, un barrissement retentit à travers la forêt.

« Ils sont par là ! » s'écria Marie-Jeanne, qui s'élança à travers les fougères.

Effectivement, au milieu de la clairière aux jonquilles, se tenait un énooooooorme mammouth ainsi que son cornac désemparé.

« Nous voici ! Burger Princess, vos meilleurs repas express. C'est vous qui avez nos steaks ? »

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