Localisation : Palais d’été divin – Chemin des Abysses Maryan - Troisième Méros
Le palais d’été, construit à même les vestiges d’un petit monde mort depuis des millénaires, s’éveillait sous l’arrivée des visiteurs divins convoqués par le roi. Enclavé dans un ravin de pierre grisâtre, l’ombre que projetait l’imposant bâtiment, masquait les quelques rayons des soleils non loin. Seule voie d’accès sécurisé jusqu’aux abysses Maryan, l’emplacement de la planète, gravitant seule autour des astres solaires, était protégé par d’innombrables trous noirs. Vaste corps stellaire au champ gravitationnel intense, née de la mort et de la destruction d’étoiles massive, toute forme de matière, de rayonnement ou de magie ne pouvait s’en échapper. Les dieux malgré leur puissance, n’osaient sans approcher, au vu de l’attraction terrifiante que ces masses de ténèbres, aussi silencieuses soient-elles, incarnaient dans l’imaginaire spatial. Aussi, le conseil des dieux, par la sécurité que leur apportaient les grands axes de singularités gravitationnelles, avait fait de cet endroit, la destination la plus prisée du monde divin.
C’est sur cette terre décharnée, dont le champ de force protecteur permettait un sursaut de vie, que le seigneur Kaalan, Katastrep du sixième Méros, venait d’apparaître accompagné de Khaé, son fidèle assistant. La beauté froide et vierge de ce lieu, marquait une nouvelle fois l’échec des dieux à transformer ce qui avait trépassé. La terra formation entamée par les Dimiour, pour redonner une nouvelle histoire à ce monde autrefois hostile et froid, l’avait transformé en jardin d’Éden stérile. Ses yeux fatigués par le long périple depuis son univers s’attardèrent sur la beauté bien plus qu’éphémère de ce paradis idyllique.
Le jardin protégé des vents solaires par l’immense barrière entourant le débris stellaire, vision féerique d’une flore magique offerte aux douces chaleurs solaires, se parait des coloris de l’été. Les plantes aux nuanciers de jaunes, se mélangeaient aux colosses boisés. Protégeant de leurs ombres les plantes délicates mais dangereuses qui tapissaient le sol, ils étaient peu nombreux à s’ériger vers les cieux, leurs cimes peinant à former une canopée. En leur centre serpentait une rivière d’eau limpide s’écoulant avec calme dans une boucle infinie. Déception des idées divines, seule la flore semblait ancrer sa vie là où la faune périssait malgré leur effort.
Se tournant vers les cris porcins qui l’appelaient au loin, il souffla de mécontentement en apercevant son cousin venu tout droit du cinquième Méros. Le Katastrep marchant bruyamment sur le plancher de l’immense terrasse ou se dressait le bâtiment. Le seigneur Kaalan avait toujours été déçu du palais de pierre et de métal. D’une grande simplicité, l’archaïsme de son architecture n’avait rien à voir avec le faste du palais divin. Pourtant l’intérieur rutilait de milles richesses venus de tous les Méros. Il posa les yeux sur son cousin, qui semblait sortir d’un établissement mental. La tenue blanche qu’il arborait, faisant office de tenue de combat le faisait ressembler à un chama, une exquise pâtisserie. Son surpoids accentué par le vêtement moulant, sursautait à chaque mouvement, et les cris aigus de sa voix, laissait ressentir la colère qu’il dirigeait envers lui pour l’avoir laissé seul durant des heures.
— Comment oses-tu me laisser dans une telle attente ? Il pointa son doigt griffu vers le visage de son cousin, une certaine menace dans son geste. « Sais-tu que les autres dieux s’imaginent déjà que tu as déclaré forfait ?
Kaalan haussa les épaules.
— Il ne leur en a pas fallu longtemps pour montrer leur véritable pensée. Lui répondit-il avec toute la lassitude dont il pouvait faire preuve.
— Sois sérieux ! Shanuin leva son doigt griffu vers le visage de son cousin. Ton retard est un irrespect qui risque fort de te coûter cher. Le ton de sa voix monta d’un crescendo, faisant trembler le sol autour d’eux. « Le roi ne semble pas être disposé à laisser passer le moindre écart. Tu as raté le moment ou il a chassé le seigneur Gosh de ses appartements ! »
Kaalan se figea, laissant son corps absorber l’énergie autour de lui. « Est-ce donc cela l’énergie troublée qui circule ? Le roi est en colère ? Tant qu’elle n’est pas dirigée contre moi, je me fiche bien de ce qu’il peut penser ! Il détourna son regard.
— Tu es trop confiant ! Cria le jeune dieu en levant les bras au ciel. Même s’il te porte une affection particulière, il n’en reste néanmoins notre roi et de ses caprices enfantins, tu devrais te méfier.
— Sa crise est encore dans tes pensées ? Il aurait dû anéantir cette imbécile de Gosh, et ne pas le laisser repartir sans sanction ! Le laisser en vie n’apportera que plus de problème !
— De quoi parles-tu ? Piqué de cuiosité, il se pencha.
— De la récente visite du seigneur Gosh à la régente ! Chuchota-t-il afin de ne pas être entendu d’oreilles indiscrètes. « N’es-tu pas au courant ? La rumeur parle d’une alliance intime. Si cela est véridique, alors il a le droit de parole sur les évènements du quatrième Méros.
— Penserais-tu vraiment, à la vue des récents évènements, que la régente et lui se serait uni charnellement ? Shanuin ricana. « Il était à deux doigts de la tuer, malgré son statut d’humain sacré ! Si le roi ne l’avait pas arrêté, une guerre aurait éclaté !
— Guerre qui aurait fragilisé la royauté ! Incapable d’assurer la paix divine, il aurait été contraint d’abdiquer. Son coup de sang à démontrer à tous que malgré son âge, et sa condition d’enfant, il n’en reste néanmoins le fils de son père, et certains se souviennent encore de son règne !
— Quelle partie ? Celle où il n’était plus que l’ombre de lui-même ? Shanuin recula, conscient de l’erreur de ses propos.
— Ne sois pas insultant ! C’était un grand roi ! Ce qui fût ne sera jamais défait, ce qu’il a créé continuera à résonner glorieusement.
— Inutile de te montrer aussi théâtral. Cela ne changera pas l’indignation des dieux face à ton retard. Prenant le bras de Kaalan, ils marchèrent vers l’entrée du palais. Frustré, Kaalan pesta contre ses camarades.
— Que leur indignation se porte sur l’état de leur Méros, et non sur mes actions. D’ailleurs, pourquoi Mélack ne nous accueille-t-il pas ?
— Il s’est rendu dans l’abysse des Maryan. J’imagine qu’il se morfond suite à la grogne du conseil.
— J’avoue qu’abandonner l’amphithéâtre qui m’a glorifié il y a trois milles ans m’attriste. Ses doigts tapotèrent nerveusement le bras de son cousin.
— Mais tu sais bien que la maison divine se doit de se renouveler, et d’inscrire dans le temps sa renommée.
— En construisant une nouvelle œuvre pour le Tebet ? Espérons que cela ne ressemble pas à l’horreur de ce palais que les archi-mages ont imaginé. Allons, viens cher cousin, mettons un terme à l’attente des dieux.
Localisation : Méiyou - poche de néant – Troisième Méros
Symbolique abyssal du néant dans lesquels rien ne se crée, rien ne vie, mais tout se meurt, le vide astral lui tendait les bras. Imposant sa nature dans la partie du quadrant Nord du troisième Méros, l’espace infini de cette ellipse spatial à mi-chemin entre les nébuleuses les plus habitées de cet univers, laissaient les dieux en perpétuel questionnement. Cette partie de l’univers, ou la matière ne pouvait exister, ou l’énergie créatrice ne pouvait imposer sa volonté, et ou la nuit éternelle semblait figée par l’obscurité et le froid, a toujours été un obstacle pour la propagation de la vie. Même la lumière des étoiles gravitant hors de cet abîme, peinait à voyager à travers le néant. Et pourtant, depuis des temps immémoriaux, les entités divines s’étant succédé, tentèrent sans résultat, d’y insuffler la force sacrée.
La pâle lueur de son bouclier, lui apportant la magie nécessaire à sa survie dans ce milieu hostile, irradiait légèrement son corps. Debout en plein centre du néant, arpentant le terrain de pierre grisâtre, il laissait son regard se perdre sur les coloris des nébuleuses au loin. Enclavement chatoyant de luminescence aux filaments de poussières mordorées, leurs énergies lui semblaient si lointaines. Les effluves de gaz aux traînées lumineux, parsemaient l’espace de leurs nimbes pastel, illuminant le noir ténébreux de leurs camaïeux bleutés. Les quelques étoiles jaunâtres qui scintillaient dans les grandes nébuleuses, projetaient leur iridescente énergie, dans de faible vague violette. Les énergies qui s’entremêlaient telle l’écume océanique sous les forces destructrices de violents orages, n’atteindraient jamais le néant, mais la puissance des ondes qu’elles dégageaient lui était perceptible.
Tout était si silencieux. Dans moins d’une lune, le silence de cet endroit froid et austère, se remplirait des cris des combattants venus pour accéder au plus puissant des prestiges, celui de devenir le nouveau général en chef des armées divines. Le vide qu’il ressentait, échos de souvenirs détestables en sa mémoire, entravait son cœur dans de légères palpitations. La douleur irradiait sa poitrine. Les derniers évènements au sein du conseil, le ramenaient à des temps maudits, ou la gloire et la puissance du divin s’essoufflait. C’est d’ailleurs en ces temps plein d’incertitude qu’il s’était allié avec le seul dieu qui prenait encore à cœur de sauver la vie dans les Méros.
Malgré les heures sombres qui les avaient ébranlés, et la certitude de savoir que la vie, sous couvert d’une adoration divine se complaisant dans la noirceur, ne s’éteindrait jamais, qu’il, de son plein gré, avait ployé le genou et offert sa plus totale loyauté au seul être capable de ramener la lumière. L’espoir au creux de leur main, avait apporté bien plus de malheur que d’espoir à leur monde en perdition, et pourtant, seul depuis des millénaires à jouer dans l’ombre, il espérait avec conviction que son retour, les ramerait vers les glorieuses années qu’avaient connues les peuples. Mais une ombre venait toujours assombrir les rêves les plus fou, et cette ombre, aussi puissante soit-elle, ne laissait aucun répit a qui souhaitait retrouver la paix. Mais pour le moment, les souvenirs d’un allié, d’un ami, ayant joué son destin pour sauver ce qui ne pourrait ne pas l’être, défilaient devant ses yeux.
Le grand seigneur Alkan, Katastrep du sixième Méros, général en chef des armées divines, se tenait face à lui, dans l’immensité spatiale. Les lueurs des mondes habités, se perdant dans l’immensité des nébuleuses cosmiques, irradiaient son armure de stellites.
Mélack s’approcha du Seigneur Alkan, les bras croisés, un sourire narquois aux lèvres.
- Cette armure ne vous sied guère mon seigneur. L’air ubuesque d’un petit chef de guerre, vous va à ravir au contraire. Il éclata d’un rire franc rejoint par le seigneur Alkan.
- Quelle critique bien en accord avec la situation mon ami. Il est vrai que les embruns lumineux qui font reflets des beautés célestes, me donnent l’air d’un clown. J’ose espérer que cela n’enlève rien au sé-rieux qui me fait me tenir devant toi.
Le regard sévère du Seigneur Alkan se posa sur lui.
- Non, votre grandeur est bien au-dessus d’un quelconque moment comique. Répondit l’assistant en baissant légèrement les yeux. Dans quelle mesure cette entrevue était-elle indispensable ? Si les autres dieux apprennent que vous me réservez un traitement de faveur, la grogne va s’élever au sein du conseil.
Alkan se leva, son armure crissant sous les mouvements de ses jambes. Il fit quelques pas, les mains derrière le dos.
- J’ai cru entendre des petits piaillements récemment. Piaillements qui auraient à voir avec la disparition du seigneur Asherat.
Mélack tressaillit.
- J’ai ouï dire, qu’il serait passé de vie à trépas.
Le Seigneur Alkan se retourna brusquement, les sourcils froncés.
- Tu es son assistant il me semble ? Alors pourquoi donc ton témoignage comporte-t-il des zones d’ombre ? Reprenons veux-tu ? Il s’approcha, son ombre grandissant sur le sol. Tu as déclaré être resté en son palais le soir de sa disparition. N’être pas au courant de son départ et ne pas savoir où il se trouve. Bien étrange pour celui que l’on surnomme le futur Adjutor !
Mélack déglutit, ses mains tremblantes serrant les parchemins qu’il tenait.
- C’est exact, je réunissais les documents liés aux troubles de la planète sacrée sur sa demande. Je n’ai donc pas vu le seigneur Asherat quitté le palais. Il ne m’a laissé aucune note sur ses actions.
Alkan s’approcha son visage à quelques centimètres du sien.
- Je trouve cela bien étrange. Tu as été incapable de nous fournir son emploi du temps sur cette journée. Pour quelqu’un dont la future place est à portée de main, cela est assez singulier.
Il se redressa, les bras tendus, le regard empli de jugement.
- Alors sois-tu a commis une belle erreur et ta candidature en tant qu’assistant divin est à remettre en question, soit tu nous caches quelque chose et de ce fait, tu protèges le responsable de la disparition du seigneur Asherat.
Mélack recula d’un pas, le souffle court.
- Je ne sais quoi dire de plus mon seigneur, j’ai déjà apporté tous les éléments qui pourraient nous aider à retrouver le seigneur. De ce fait, je ne comprends pas le pourquoi de cette entrevue.
Alkan se détourna, contemplant les beautés célestes
- Tu ne comprends pas ? Je suis à nouveau le chef des armées divines. J’ai démontré toute ma puissance lors du tournoi, juste avant que ton dieu ne disparaisse. J’ai donc le devoir de poursuivre les investigations pour tenter de découvrir la vérité ? Dis-moi, bouderait-il dans un coin mécontent de sa défaite ? Ou est-il tombé sur plus fort que lui ? Est-il seulement encore en vie ?
Le souvenir s’estompa sous les appels lointains du roi, qui résonnaient dorénavant dans son esprit. Les affres de la douleur, continuant à cheminer lentement, lui firent monter les larmes aux yeux. La disparition du seigneur Alkan avant fait grand mal au conseil. Perdre un tel dieu, dont la majesté, résonnait encore au sein du palais divin, les avait projetés dans une spirale de haine.
Frôlant de sa main l’un des piliers de pierre qui s’élevait vers les cieux, il reproduit du bout des doigts le nom du Seigneur Alkan, qui reposait à jamais dans la pierre, aux côtés des autres dieux ayant eu l’immense honneur de servir l’armée divine.
— Oh grand seigneur, toi par qui l’espoir et la terreur raisonnaient en parfaite communion. Toi, qui as donné ta vie pour que la lumière brille à nouveau sur nos mondes. Toi mon ami, qui de ta bienveillance, a su protéger et servir l’unique espoir de nos mondes. Sache que malgré ton absence nous continuons la lutte. Je continue la lutte. Dans mon âme et dans ma chair, les douleurs du passé résonnent si fortement. Plus d’une fois, j’ai cru bon n’être qu’un lâche, en voulant fuir cette vie. Par moments, je maudis ce jour, ou dans sa colère ma vie fut sauvée. Je maudis cet entretien ou la vérité me fut dévoilée. J’aurais tellement voulu rester dans l’ignorance. Je me souviens de tes confidences, les espoirs lacunaires d’un futur chef de guerre, qui m’ont démontré que même investie d’une puissance sans faille, les doutes d’un cœur incompris pouvaient faire pencher le destin vers la noirceur des cœurs incroyants. Mais comment agir pour des destinées chaotiques, lorsque les intéressés ne veulent pas se sauver eux-mêmes ?
Pourtant les paroles et les actions que nous avons tous deux entrepris face à l’amère vérité qui s’était imposé à nous, se devait de rester dans l’ombre. Jusqu’au jour bénis ou la lumière brillerait à nouveau. Pourtant la lumière sacrée peine à revenir. Je me demande parfois si l’erreur de lui avoir fait confiance, ne va pas nous apporter les affres de la destruction ? Surtout lorsque je vois ton fils mon ami ! Noble et surtout trop orgueilleux. Même si sa sagesse me fait grandement penser à toi, il n’est de ceux que l’on peut faire ployer. Dans une certaine mesure, peut-être prendra-t-il ta place à ses côtés. Ou peut-être va-t-il se retourner contre le destin que nous tentons de mettre en place. Quoi qu’il en soit, plus que jamais nous aurions besoin de ton aide et de ta clairvoyance et peut-être même d’un peu d’espoir…
Localisation : Palais d’été divin – Chemin des Abysses Maryan - Troisième Méros
En entrant dans l’immense corridor aux murs d’or, le dégoût le frappa. Tout ce faste pour une résidence d’été, là où certains mondes plongeait dans la famine, lui était difficilement supportable. Lui pour qui sa lignée ne s’intéressait guère aux richesses, leur préférant la paix des cœurs humains, ne comprenait pas l’attachement des dieux à cette abondance d’opulence. Les braseros aux pieds de métal doré, brûlaient l’encens le plus odorant qui soit. Les lourdes tentures violettes, aux coutures d’or, pendaient mollement de chaque côté des murs. Des statues de femme, représentant les plus grandes Volva du troisième Méros, étaient lourdement vêtues de soieries les plus fines, et des bijoux les plus extravagants.
Il arrêta son regard sur la plus imposante de toutes. Assis en scribe au beau milieu d’un bassin artificiel, son regard perçant toisait l’entrée, semblant sonder les volontés des visiteurs. Comme si la lumière n’auréolait qu’elle, son nom gravé à même la stèle, accaparait son regard. À chacune de ses visites, il contemplait des heures durant, la beauté artificielle de cette représentation de pierre. Il était habitué à relire encore et encore la légende de cette femme. Son histoire résonnait différemment en ce jour.
À l’aube du dernier jour de la purge magique, l’espoir nous fut rendu.
Aimée d’un Isis noir, le premier de sa race, Phrae, grande Volva nous apporta les flots,
de son immense pouvoir sur les terres ravagées.
Phraé, humain sacré, avec l’aide de son époux, repoussèrent les hordes de Maara, grand démon tentateur que même les dieux n’osaient combattre.
Éteignant les feux intemporels que semaient les êtres impies, sa magie aquatique nourrissant les mondes, apporta équilibre et lumière.
L’Isis noir ? Ce nom résonne étrangement dans mon esprit. Je n’avais encore jamais fait attention à cette appellation. L’élève de mon père était également un Isis noir. Cet étrange, j’en ressens un troublant appel. Tout comme la lumière qui émane de cette statue.
Continuant sa marche, il se remémora les évènements des jours passés. Le découverte de la trahison de Khaé. Son histoire commune avec l’Isis des Neuf Royaume, également connu comme étant l’Isis blanc. Isis noir, Isis blanc, deux être ayant disparu jadis. Deux êtres dont les intrigues avaient amené leurs lots de tragédie. Il s’arrêta subitement et fixa à nouveau son attention sur la statue. Quelque chose n’allait pas.
Quelle est donc cette étrange énergie qui émane de la statue ? Ce n’est pas celle dont j’ai l’habitude de ressentir. Cette force, elle est brutale, imposante et inquiétante ! Pourquoi mon cœur se serre-t-il ? Et quel est donc cet écho évocateur qui subitement martèle mes pensées ? Une mise en garde ? Mais de quoi ? Quelle étrange chose que l’instinct ! Il me dit de fuir, de ne pas continuer ma marche. Mais mon cœur joue une autre musique. Cette énergie semble également si douce, si rayonnante et apaisante ! Elle m’embaume et me laisse entrevoir quelque chose, qui soudainement va changer ma vie, mais surtout faire rayonner une vérité qui m’est effrayante !
— Mon seigneur ? Khaé fixant lui aussi son regard sur la statue déglutit. Le jeune dieu sortant de sa torpeur le regardait d’un air hagard, l’interrogation dans son regard.
— Est-ce que tout va bien ?
Sans lui répondre, il empoigna le bras de son assistant. « Khaé, allons-y ! C’est avec une grande certitude que le tournoi allait changer sa vie, qu’il rejoignit son cousin l’attendant sur les marches du grand escalier.
Cachée dans un renfoncement derrière la tête de la statue, Lostris souffla de soulagement. Calmant les battements de son cœur, elle joignit ses deux mains en signe d’aumône et fit circuler un peu de magie dans ses veines.
Il a ressenti mon énergie malgré le sortilège de dissimulation ? Quelques secondes de plus à fixer la statue et il aurait alerté tous les dieux de ma présence. Serait-ce dû à la grâce de l’Isis ? Ce sortilège de protection ultime que je lui ai jeté le jour de sa naissance ? J’ignorai qu’il comportait des effets dont j’ignorais l’existence. Il nous faut réécrire ce sortilège et l’amener à évoluer ! Elle pianota sur son appareil et y inscrit une note qui sans nul doute, serait oubliée d’ici peu.
Elle regardait depuis des heures, les allées et venues des dieux. En haut de l’escalier, les visiteurs divins attendaient sur le parvis, devant une lourde porte donnant sur la salle royale. Les fauteuils de socks violet, les accueillaient. Les échos de leurs discussions, emplissaient le couloir. Lostris fut intriguée. Le jeune dieu du sixième Méros, venait de dépasser tous les dieux présents, et se rendait directement auprès du roi. La rondes de jurons et autres grossièretés qui s’élevaient en murmure, la firent glousser.
Soudainement, la présence inconfortable d’une voix de crécelle s’éleva. Lostris fut grandement étonnée. Une femme de petite taille à la peau hâlée et aux cheveux d’un vert profond s’avançait. Engoncée dans une robe fourreau d’un jaune criard bien trop petite pour elle, elle peinait à se maintenir droite sur ses chaussures à plateforme. Ses cheveux décoiffés et le maquillage ayant coulé sur ses joues, complétaient sa minauderie inintelligible.
Lostris baissa la tête, l’incompréhension sur son visage. Elle se demanda pourquoi une telle personne qui n’avait rien à faire ici, se tenait là en pleurnichant. Pourquoi un humain, femelle de surcroît, se tenait dans ce couloir en quémandant une entrevue avec le roi des dieux ? Un humain sacré ? Mais à qui appartenait-elle ? Quel dieu s’était couvert de ridicule, en épousant cette femme, dont la vulgarité et les pleurs entachaient le sacre divin de ces lieux ? Peu importe du moment que cette femme cesse son outrage, elle n’était pas là pour écouter les pleurnicheries d’une humaine, sa présence aussi discrète soit-elle n’avait pour but que d’espionner les entités divines avant le début du tournoi.
Lostris ressentit la colère envahir son esprit. Une ondée magique à peine perceptible, emplit subitement le corridor. Contenant l’envie grandissante de sortir de sa cachette pour faire taire la voix qui s’élevait à travers le palais, elle fixa son regard sur le dieu qui venait de faire son apparition. Se crispant, elle aperçut la démarche sereine du seigneur Gosh. Il était accompagné de son assistant Zaman, grand ami du seigneur Judal l’Isis noir. Elle les suivit du regard, se remémorant leur dernière rencontre. Insulte, accusation de meurtre et railleries, tournoyèrent dans sa mémoire.
Elle ressentit la confiance dont faisait preuve Gosh. Cela débordait aux travers de son pouvoir divin, en envahissant le couloir. Elle en eu des haut-le-cœur. Souillé, perturbée, pervertie, rien dans cette magie n’exaltait la pureté qui était celle d’un Dimiour. Les vagues magiques suintaient la malice et l’odeur du sang, détails infimes pour celui qui savait lire les énergies. Le rose de sa peau, trop foncé pour un tel dieu, caché pas d’amples vêtements d’une blancheur immaculé, ne laissait que le cou et la tête dépasser. Ses mains enfoncées dans des gants de soie fine, cachaient un sceau, dont les effluves néfastes lui agressèrent les narines. Rien dans cet être ne transparaissait la confiance, tout son corps suintait la trahison et les idées malsaines.
Gravissant les escaliers, Il ne daigna saluer les dieux présents. Marchant la tête haute sans se soucier des regards froids sur sa personne, il se présenta devant les lourdes portes et intima à son assistante de lui ouvrir le passage. Les portes se refermèrent sur sa personne et les dieux, sourires ornant leur visage, murmurèrent leur joie. Tendant l’oreille, elle assista à un concerto hypocrite et tragicomique qui se déroulait au sein du conseil.
Alors ainsi le jeune dieu du sixième Méros, n’a pas l’unanimité au même titre que le seigneur Gosh ?
Le seigneur Gosh à tenter de tuer dame Vignara ? Qui est-ce donc ? Cette femme vulgaire qui se tient en dodelinant de la tête ? Que faisait-elle au sein du conseil des dieux ? Ma présence n’est en aucun cas tolérée parce que je suis une femelle mais la sienne l’est ?
Java se meurt ? Une pandémie mondiale ? Ce monde est mineur alors pourquoi s’en soucie-t-il ? Ont-ils seulement fait interdire les voyages spatiaux entre ce monde et les autres ?
L’agacement pris place dans son esprit. Espionner les dieux la mettait face à ceux qui de leur malsaine existence. Le nouvel arrivant n’était pas en reste. Sidra, Katastrep du second Méros, fit son apparition. Elle regarda nerveusement le traître, un sourire plaqué sur son visage, bousculer la jeune régente, et entrer sans y être invité dans la salle royale.
Dans une violence sonore et brutale, le seigneur Gosh et Sidra furent projetés hors de la salle dans une explosion d’énergie noire. Lostris réprima un ricanement devant le ridicule de la situation. Une voix grave, dont le timbre obscur fit trembler l’air, s’éleva dans tous le palais. Tournant la tête vers l’énergie destructrice qui ternissait la beauté opulente du corridor, elle déglutit. Dans l’ombre de la porte, un rougeoyant regard fixait de toute sa haine, l’entrée du palais. Avant que sa voix grave ne houspille les deux dieux qui se relevaient difficilement, Lostris s’éclipsa.
A suivre