Ce qui est noirceur

Par Luvi
Notes de l’auteur : Le tournoi divin. Événement prestigieux interunivers se déroulant tous les mille ans en période des grandes fêtes de Tebet. Véritable institution de la puissance divine, cet événement bestial réunit les populations des mondes les plus influents magiquement de tous les Méros. D’aussi loin que remonte cet évènement, le déferlement de puissance magique qui l’accompagne, continue à jeter l’opprobre sur le déséquilibre que connaît la force sacrée. Mais l’intronisation d’un Katastrep au titre de général en chef des armées divines, est un mal nécessaire pour garantir le maintien de la paix et l’équilibre de l’énergie créatrice de toute chose.
Encyclopédie divine - Rouleau de la création - Le tournoi divin - Auteur inconnu

Localisation : Galaxie d’Androm - Abysse des Maryan - Troisième Méros.

 

Sa main caressa la surface aussi douce et froide que les glaces éternelles de Kreyon. La retirant soudainement, la douleur causée par l’étrange sensation glaciale s’empara de son bras. Il délaissa le mur, pour porter son attention vers le hangar qui s’étendait à perte de vue. D’immenses piliers de pierre, dont la noirceur obsidienne miroitait telle une eau limpide, happèrent son regard. Tout était si noir, comme si les ténèbres vivaient à travers la roche. Le scintillement que la pierre dégageait au toucher, générait des vagues arcs-en-ciel. Une fine couche de poussières lumineuses en paraît les bases. Les marbrures dans la roche lisse, telle du verre, ressemblaient à s’y méprendre aux tentacules de créatures de cauchemar, prêtes à surgir pour tourmenter l’humanité. Un frisson le parcourra. Lui, Dranban, grand capitaine de l’armée divine du second Méros, se laissait absorber par des contes destiner à effrayer les enfants.

Il continua sa marche, s’étonnant de l’architecture des lieux et la couleur de la pierre. Cette sombre configuration le laissa perplexe. Première création du grand Adjutor, censé apporter le renouveau à la dynastie royale divine, était tout sauf porteuse d’une quelconque lumière céleste. La terreur semblait suinter des lieux. L’obscurité fuyait les lueurs des sphères lumineuses qui gravitaient autour de lui. L’impression que le cœur de l’assistant divin royal, ne semblait pas plus en paix que le sien, le tourmenta. Un endroit cauchemardesque crée par une âme torturée dont l’essence troublée se dessinait à travers la roche noire.

Un mois s’était écoulé depuis qu’il s’était présenté au spatio-port de sa planète. Un mois durant lequel, il n’avait eu cesse de ressasser sa dernière entrevue avec l’assistant d’un dieu autre que les siens. S’engouffrant entre les piliers vertigineux, empilement de roche en équilibre et de contreforts soutenant la voûte, il rejoignit le second hangar.

D’immenses vaisseaux arrivaient des couloirs magiques créés pour l’occasion par les magico-mages divin du conseil. Destiné à faciliter et à accélérer les voyages spatiaux au travers des poches de néant dispersés à travers l’univers, cette évolution magique était une prouesse. Les voyages inter-méros, d’habitude interdits aux êtres humanoïdes, avaient donné du fil à retordre à l’administration divine, tant par la dangerosité de tels périples, que par les facultés des humanoïdes à ne pas respecter les règles. Bon nombre des invités avaient péri, que cela soit par prise de risque inutile de la part des pilotes, que par les navires détruits par les armées divines par manque d’autorisation.

Dranban fut subitement admiratif, lorsqu’il admira les paquebots spatiaux qui atterrissaient. Des vaisseaux d’apparats aux carlingues fuselées et aux lignes somptueuses, côtoyaient de vieux cargos aux coques rouillés et réparer sommairement. Les navires venus de tous les Méros, qui pour la plupart avaient fait un long voyage de plusieurs mois dans les immensités spatiales, se dressaient le long des parois.

Il porta son attention sur les soldats détachés au débarquement. Telle des fourmis, ils s’affairaient, vidant les soutes à l’aide d’Aero-wagon. Les charges imposantes les alourdissaient, au point de racler le sol dans d’affreux crissements. Au loin, une foule s’entassait dans un immense espace. Pauvres et nantis, richissime famille et haut gradés de l’armée s’entremêlaient dans une frénésie incontrôlable. Tous recherchaient sa destination, que des soldats, après une minutieuse fouille lui indiquaient. La scène lui rappela étrangement les immenses fourmilières du grand ravin d’ámmos.

Se présentant au premier point de contrôle, il présenta son laissez-passer au soldat. Il fut redirigé vers l’escalier le menant à sa tribune. D’une hauteur vertigineuse, les marches s’effaçaient, absorber par une totale noirceur. Il entama sa procession, vers un point lumineux qui semblait l’attendre telle une offrande. Une présence dont il redoutait l’entrevue se fit ressentir.

Hésitant, il s’arrêta au beau milieu du passage. La sueur qui coulait le long de son dos, lui provoqua des vagues de frisson. Le froid qui régnait en maître par manque de chaleur dans l’étroit passage ouvert aux vents artificiels accentua son malaise. Il tenta de reprendre contenance. Une voix murmura à son oreille. Il plongea dans la peur. La psychose qui s’emparât de lui, était similaire à celle qu’il avait ressentie le mois dernier. L’assistant d’un dieu s’était alors présenté à lui.

Les tremblements de son corps, semblèrent ravir l’entité. Elle posa sa main sur son épaule, dans un geste d’apaisement. Elle s’amusait de la situation. Dranban ne s’attendant pas à une telle visite ne savait comment réagir. Un dieu se tenait devant lui. Ce dieu n’était pas des plus amical. Un geste ou une parole malheureuse, pouvaient signer son arrêt de mort. Alors il attendit que la créature divine prenne la parole. Lui, les yeux baissés au sol, tentait de calmer les tremblements de son corps.

Une vague de chaleur tel un claquement s’empara de son esprit. La douleur qui l’accompagnait, effet d’un manque de pratique dans la magie mentale, le força à se tenir au mur. Un grésillement se fit d’abord entendre. Une voix lui semblant lointaine, faible et incompréhensible, remplacé par les échos de paroles dont la teneur, se répercutant dans sa tête lui donna le tournis. Et enfin, il comprit. Cette mesure insolente et autoritaire, venait enfin de prendre possession de son esprit, non sans quelques difficultés à ajuster sa puissance sur un corps humanoïde.

 

- Mon assistant est plus doué que moi pour la magie mentale. Ne soit pas terrifié, ma visite est purement amicale. Ah Dranban, capitaine de l’armée divine du quatrième Méros. L’humain qui rêve secrètement de prendre la place de son Katastrep.

Dranban déglutit, comment ce dieu venu d’ailleurs pouvait connaître son rêve le plus cher ?

- Tu te demandes sûrement comment puis-je connaître ce secret ? Nous savons tout de toi humain. Nous avons cherché tes secrets les plus sombres, dressés ton passé et même entrevue ton avenir, si d’aventure tu nous donnes satisfaction !

- Nous ? Qui ça nous ?

- C’est à moi qu’il convient de poser les questions humain ! Dranban gémit de douleur lorsque les griffes du dieu se refermèrent sur sa bouche. Tiens ta langue frêle créature. Il resserra son empreinte mentale.

- Répondez, je

La vague de douleur qui lui saisit la tête s’arrêta aussi vite qu’elle était apparue Nous ? Comment ça nous ?

- Oui, nous qui restons dans l’ombre, attendant patiemment le jour bénis ou nos agissements se couronnerons de gloire.

Pourquoi me dire cela ? Qui êtes-vous donc ? Dranban se cambra.

Le dieu s’enflamma sous l’effet de la colère, projetant une vague d’énergie dans le corps du malheureux. Pour l’empêcher de tomber, il lui attrapa le bras et le força à se redresser avant de lui attraper les cheveux et de le renverser en arrière. Le regard brûlant qu’il plongea dans les yeux de Dranban provoqua chez l’humain la terreur.

- Sache petit humain que certaines vérités se cachent dans les méandres du passé, et qu’elle détruira tout sur son passage, le jour où elle éclatera. Nous en sommes les gardiens et œuvrons pour que jamais elle ne soit divulguée.

Dranban fut surpris et effrayé par l’étrange confession du dieu. Ne comprenant pas ces paroles il se risqua à une dernière question, bien conscient de la colère divine qui allait s’abattre sur lui.

- Quelle vérité ? Pourquoi me dire tout ça ? Qu’attendez-vous de moi ?

- Pourquoi ? Ce que nous attendons ? Mais seulement que l’objet de tes désirs nous serve ! Nous te souhaitons à nos côtés, toi qui as été choisi ! Toi jeune enfant dont l’ombre te suivant depuis ta naissance continue de s’abattre ! C’est cette ombre qui nous à fait te choisir ! Toi qui dès ton plus âge, rejeté par ton monde car né sans magie, fut ta plus grande faiblesse ! Tu n’as pas hésité à jadis suivre un mage noir. Tu n’as pas hésité à te plonger corps et âme, dans la souffrance et les ténèbres, pour espérer un jour prendre ta revanche sur la cruelle vérité qu’est la vie humanoïde.

Le dieu le lâcha pour l’envoyer rejoindre le mur. Le plaquant, il lui entrava les bras avant de continuer son emprise mentale qui semblait de plus en plus douloureuse pour Dranban.

- Choisi ? Mais choisi pourquoi ? Il sentit l’emprise du dieu se faire plus douce sur son esprit

- Repérer par les grands pontes militaires, pour tes facultés exceptionnelles que t’a apportés la magie artificielle du mage noir, ta vie changea radicalement. Toi qui n’avais connu que la rue et sa violence, la discipline et l’esprit de camaraderie au sein d’une petite unité de l’armée divine, ne fut que la première étape vers ta vengeance envers la vie et envers le divin. Mais malgré cela, cette nouvelle vie t’apporta une sombre plaisanterie, lorsqu’à tes vingt ans, l’assistant de ton Katastrep, se présenta à toi. L’opulence et la luxure qu’il te proposa, en échange de tes loyaux services à changer une nouvelle fois la donne. Assassin, espion, soldat, tes nombreuses années de service à servir ce dieu aussi fourbe que rebelle, t’ont permis de grimper rapidement les échelons jusqu’à devenir à l’âge de quarante ans, capitaine de l’armée divine du second Méros. Mais le prestige de ce titre et les richesses qui l’accompagnent, ne suffisent pas à apaiser tes envies de vengeance sur cette vie que tu considères comme une vaste mascarade. Maintenant tu règnes en maître sur ta planète natale. Tu as châtié ceux qui t’avaient considéré comme un moins que rien. Mais cela n’est pas suffisant pour un cœur aussi noir que le tien ! Maintenant tes envies te guident vers une place bien plus importante que ça ! Ce tournoi te donne une occasion d’avancer vers cette folle destinée qui s’impose dorénavant dans ton esprit, et nous allons t’offrir ce que tu désires !

Dranban se mit à rire, d’abord nerveusement puis comme s’il était sous l’emprise d’une quelconque folie. Il se redressa et forçant le dieu à reculer avant de lui faire lâcher prise.

- Comme cela doit être fascinant pour vous dieux ! Quelle belle évolution pour un humain tel que moi ! Moi qui n’étais destiné qu’à la souffrance et à la misère ! Vous organisez vous-même le destin des peuples, et nous récompensez seulement quand vos désirs sont satisfaits ! Vous pensez tout connaître de moi ? Et pourtant vous ne savez rien ! Vous ne connaissez rien à la souffrance humaine, nos vies ne sont que des jouets entre vos mains ! Je suis né, j’ai vécu et je mourrais selon mes envies, et non pas selon vos décisions ! Vous n’avez de cesse de nous faire croire au destin que vous manipulez à votre guise ! Alors oui, je prendrai toutes mains tendues me permettant d’accomplir la destinée que je me suis moi-même choisie, peu importe qui m’y aidera !

ll ressenti la présence de l’entité s’éloigner lentement, libérant son esprit de la prison mental dont il avait été prisonnier, emportant avec elle la terreur de sa visite.

- Tu as raison, vous n’êtes que de frêles et pitoyables créatures, dont les vies ne sont rien pour nous ! Sans la magie, nulle survie pour les tiens ! Malgré ton manque flagrant d’énergie magique, tu n’as cessé de t’accaparer avec violence ce qui ne te revenait pas de droit ! Comprends-tu pourquoi tu as été choisi ? La première étape était de nous avoir obéi aveuglément, et sur ce point tu as brillamment réussi ! As-tu ce pour quoi nous t’avons mandé ?

- Dans, dans la soute de mon vaisseau.

- Bien, rends-toi à ma tribune après le tournoi, tu seras récompensé ! Mais n’oublie pas humain que si tu divulgues cette entrevue, tes petits secrets t’enverront droit dans la tombe !

Dranban s’effondra. Il avala goulûment de grande lampée d’oxygène, et s’assit à même le sol. Son dos lui brûlait, il s’adossa à la paroi gelée du long couloir. Les battements de son cœur ayant du mal à se calmer, il s’obligea à rester immobile, attendant que le sang qui pulsait dans ses veines, réchauffe ses membres engourdît par la séance mentale.

Cette entrevue l’avait replongé dans les souffrances de son passé. Une vie humaine dont la faiblesse et la complexité, en deçà d’une vie divine, étaient aussi éphémères et frêles que celle d’un papillon. Homme d’une cinquantaine d’années aux traits fins et au corps bien trop musclé pour un humain, ses facultés à obéir sans poser de questions l’avaient amené à devenir le bras droit du seigneur Sidra, Katastrep du second Méros, à l’âge de vingt ans.

Bien avant cela, sa vie ne s’était résumée qu’à une lutte pour sa survie, dans une existence qu’il continuait à maudire jour après jour. S’il avait été abandonné dès son plus jeune, c’était en parti dû à son absence de capacité magique. Venant d’un petit monde mineur ou seuls les plus doués de magie pouvaient espérer voir leur condition s’améliorer, il n’avait été qu’un parasite pour ses congénères.

Lui qui du haut de ses quinze ans avait découvert les arcanes de sombres sortilèges, s’était laissé happer par les ténèbres, devenant un cobaye pour des expériences malsaines dont les tabous, pouvaient encore le conduire vers une mort certaines si ses secrets étaient découverts. Mais nulle crainte ne pouvait l’accompagner, tant son existence l’avait conduit à se débarrasser de ceux dont les paroles pouvaient encore lui porter préjudice.

C’est par ses actions qu’il était devenu avec le temps, un monstre, qu’il leur fallait faire disparaître, tant le mauvais œil semblait accompagner ses pas. Et voilà que malgré ses dispositions a caché cette sombre vérité, un dieu qui n‘était même pas le sien, l’enfermait dans une toile dont il ne pouvait s’échapper. Accepter cette main tendue était sa seule solution pour s’en sortir. C’est au moment où les carillons d’un cortège militaires se mirent à tinter dans les escaliers, qu’il se releva, et le cœur au bord des lèvres, reprit sa marche pour arriver sur la plateforme le menant vers sa tribune.

L’arène dont la noirceur disparaissait dans les ténèbres du néant, se parait par moments de lueurs iridescentes. Les reflets lumineux de la barrière protectrice entourant l’endroit, permettaient d’apporter gravité et oxygène aux êtres vivants. Chaque pan de la structure, représentait un Méros. La foule, infime partie d’une population en perpétuelle disparition, se massait sur les gradins de pierre anthracite. Leur dureté et le froid, glaçaient les âmes les plus intrépides. Leur présence, aussi justifiée soit-elle, s’adonnait à un concerto de cri, dont les notes aiguës s’entremêlaient pour ne créer qu’un capharnaüm inaudible.

Les lumières des sphères magiques, n’éclairaient que les gradins, d’une lueur blanchâtre. Elles les forçaient à marcher prudemment pour ne pas chuter dans les ravins vertigineux qui encerclaient la cavea. Les immenses braséros montés sur plateformes, qui coupaient chaque section des pans octogonaux de l’arène, peinaient à réchauffer l’atmosphère artificielle.

Les yeux rivés sur la surface de combat, Dranban avançait, faisant abstraction du monde autour de lui. La mascarade qui s’imposait dans le froid glacial, le projetait dans un malaise dont il commençait à avoir grand mal à se libérer. Bien que son esprit se jouât des multitudes d’obstacles qui régissaient sa vie depuis sa naissance, il avait dans ses pensées une idée. Cette idée ne trouverait compte que si l’entreprise du dieu l’ayant approché, se couronnait de succès. Suivant avec désinvolture les marquages lumineux au sol, il arriva dans ce qui lui sembla être son balcon. Les tentures épaisses qui pendaient mollement, au coloris de la maison divine de son Méros, retenaient quelque peu la chaleur des braseros dispersés dans la pièce. Trois sièges, dont l’un occupé par son plus fidèle lieutenant, trônaient au milieu des domestiques s’affairant avec leurs plateaux emplis de victuailles.

S’asseyant à ses côtes, il la dévisagea, surpris de constater qu’elle avait un effort vestimentaire pour l’occasion. Elle avait troqué son armure contre une robe courte, mettant en valeur sa fine musculature. La couleur vert d’eau semblait pâle sur son corps bleuté, seule indice prouvant son origine Kreyenne. Même si ses ancêtres avaient fui leur planète et avaient mêlé leur sang a d’autre peuplade humanoïde, la couleur de sa peau trahissait ses origines à son plus grand désarroi. Ses cheveux d’un noir ébène et ses ongles avaient été brossés, ses yeux et ses lèvres maquillés.

- Surpris de voir une femme ? Le ton de la moquerie réveilla Dranban de sa torpeur.

- Toi ? Une femme ? Au vu de tes faits d’armes, j’ignorai qu’une part de féminité subsistait encore dans ce corps ! Il laissa sa main remonter la cuisse de la jeune, que celle-ci rejeta d’une manière brute.

- Dixit celui qui ne se gêne pas pour me rejoindre dans mon lit la nuit, lorsque ses songes le rapprochent bien trop près des ténèbres.

- Si tu connaissais la teneur de mes ténèbres, tu fuirais. Dranban baissa la tête, murmurant ses paroles à demi-mot

- Dois-je comprendre qu’au lieu de ma compagnie en tant que femme, tu souhaiterais qu’elle le soit en tant que mère ? Elle leva sa main et d’un geste tendre, vint lui caresser le visage.

- Trêve de plaisanterie. Dranban fit renvoyer les domestiques. Il se pencha vers elle et leurs murmures emplir la pièce. « Ma rencontre ne fut pas aussi plaisante que je l’espérais.

- Rencontrer un dieu autre que le sien en toute discrétion n’est pas un fait amusant ? Oh moi qui espérais voir la joie sur un si beau visage ! Elle souffla. « Peu importe, est-ce fait ?

- Oui, bien que cela fût douloureux et bien trop long, il a en sa possession l’objet qu’il souhaitait !

- La dague du ressentiment ! Quel artefact splendide et terrifiant ! J’ai lu bon nombre de rouleaux à son sujet, et pourtant un seul a retenu mon attention ! Les yeux de la belle pétillèrent d’envie.

L’artefact que son capitaine lui avait demandé de voler dans le trésor divin de son dieu avait un pouvoir des plus étrange. D’une puissance imperceptible, la force qui s’en dégageait avait quelque chose d’effroyable. Même si l’arme en question ne pouvait blesser physiquement, spirituellement il en était tout autre, et pour cela elle en avait des frissons. Savoir pourquoi ce dieu souhaitait cet objet lui était inutile, mais la suite pourrait se révéler intéressante pour Dranban.

- Quelle chance que tu as librement offert tes services à l’assistant de notre seigneur Sidra. Sans cela, nous n’aurions eu aucune chance de pénétrer le palais et le trésor divin ! Il se servit d’une coupe laissée par une domestique et lui tendit.

- Dieux, assistants, humains, créatures humanoïdes, du moment qu’ils sont des mâles, ils ne résistent pas longtemps aux charmes d’une femme ! S’emparant du verre elle le vida d’une traite, avant de se lécher sensuellement les babines.

- Ils ne te résistent pas tu veux dire ! Ta renommée y est pour beaucoup !

- Celle de mon père tu veux dire ? Si ce vieux croulant n’était pas devenu grand Meistre de l’administration du palais, jamais nos chemins ne se seraient croisés, et jamais tes plans ne se seraient réalisés !

Sans crier gare, elle se retrouva à califourchon sur les genoux de son capitaine. Le parfum qu’elle dégageait lui fit tourner la tête. Il se saisit de ses poignets et la rapprocha de lui.

- Rien n’est joué pour le moment ! Je n’ai accompli qu’une seule étape ! Reste à savoir si ce que ce dieu m’a dit, se réalisera, ou s’il se sert juste de moi pour arriver à ses fins !

Elle minauda, effleurant le bout de son nez du sien, puis se colla à lui.

- N’est-ce donc pas là le but de toute entité divine ? Se servir des vies humanoïdes qu’ils déplacent à leur guise sur le grand échiquier de l’univers ? Regarde-les ! Se paraissant sur des coussins moelleux à se gaver des mets les plus délicats ! Enfermés dans des bulles protectrices les protégeant des vibrations incessantes de la foule massée derrière nous ! D’ailleurs, tu as raté leur belle propagande !

Tel un félin, elle se libéra de sa poigne et sauta sur ses deux jambes, le tissu de sa robe remonté, laissant apparaître sa féminité. Il la regarda se débattre avec l’étoffe.

- Je suis un habitué de leur beau discours et de leur façon de procéder ! Comme pour chaque évènement divin, la foule est sélectionnée, triée et surtout conditionnée pour n’être qu’une seule et même masse, totalement loyale à la puissance divine. Ces shows divins n’ont pour but de démontrer dans de fastueuses mascarades leur puissance et leurs présences au sein des Méros.

Elle se redressa subitement, le regard noir à son encontre

- N’ébruite pas cette façon de penser ! Tu sais bien ce qui arrive à ceux qui ont commis l’erreur de penser autrement que les autres. Tiens ta langue et je tiendrais la mienne ! Il serait fâcheux que tout s’arrête en si bon chemin. Elle héla les domestiques.

C’est dans cette idée aussi saugrenue que dangereuse, qu’il porta ses yeux sur la foule. La conception des lieux et le placement des humanoïdes lui semblaient faussés. Mages aux puissances indescriptibles, capitaines ou colonels des armées divines venus accompagnés de leur famille, brillaient de mille feux dans leurs armures d’apparat aux coloris de leurs maisons divines. Ils se tenaient fièrement sur les premiers gradins, le privilège suprême d’être positionné au plus près de leurs dieux. Au beau milieu des hommes, catins et riches marchands vendaient leurs services ou leurs marchandises, devant d’immenses tables garnies de nourriture, cadeaux des dieux pour service héroïque.

Derrière eux, la haine et l’arrogance des puissantes maisons, représentées par les richissimes familles, suintaient telle une tempête. Emplissant les secondes parties des gradins de leur mécontentement de se retrouver derrière les combattants, ces rois, reines et autres monarchies, venus avec leur mignon supporter leur Katastrep, supportaient mal d’être relégué au second rang. 

Les regards pleins de haine et les cris de colère, n’impressionnaient pas les assistants divins. Cette animosité fut remplacée par l’arrivée des cuisiniers, les bras chargés de victuailles. Leurs armées personnelles les accompagnant, repoussaient toutes tentatives des marchands de les approcher.

À l’arrière, sur la troisième rangée de gradins, le petit peuple, esclaves ou servants, accompagnait leurs maîtres. Le petit peuple se tenait à bonne distance, séparé par un ravin vertigineux emportant les malheureux vers les abîmes du néant.

De vastes fontaines permettant de s’abreuver, côtoyaient des stands de nourriture, placés à bonne distance les uns des autres. Étant si peu nombreux contrairement à l’étalage des deux premiers gradins, les gens devaient traverser une bonne partie des gradins aux milieux de leur semblable. Nombreux étaient ceux qui depuis leur arrivée, avaient sombré dans le ravin, par manque de chance ou tout simplement par cruauté des leurs.

Soudainement, les grands braseros se mirent à brûler plus intensément suivie par les sphères lumineuses qui aveuglèrent la plupart des spectateurs. D’immenses trompettes d’or massif firent apparition dans le ciel, auréolant la noirceur du néant d’un halo dorée. Le grand Adjutor se matérialisa sous les yeux ébahis de la foule.

A suivre

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