L’aube encore lointaine, perçait timidement la canopée de sa frêle lueur. L’épaisse brume s’évaporait, laissant place à une aura verdâtre, scintillante sous les premières lueurs du jour. Éreinté par sa longue marche nocturne, Hélios lâcha subitement la main de Lostris. La forêt se clarifiait. Le sol chargé d’épines et de mousses luminescentes se transformait peu à peu en une terre aride, dont les craquelures dégageaient des volutes de poussière à chacun de leurs pas.
Les quelques arbres, nus par endroits, les troncs blanchâtres devenus grisonnant par manque d’eau, se battaient au milieu de rochers. Leur chute avait emporté avec eux des arbustes décharnés, jonchant le sol d’éclats de bois. Puis le ciel ouvert sur une voûte étoilée, illuminée par la clarté d’un jeune soleil à l’horizon, se dessina. Ils arrivèrent dans une gorge désertique. L’entrée d’un canyon peu accueillant, dont les hautes falaises de pierre laissaient planer dans l’air la moiteur de la chaleur, leur sembla sans fin à mesure de leur progression.
Avançant dans le silence, ils soulevaient poussières et débris rocheux, venant agresser leurs yeux fatigués par la longue marche faites pour sortir de l’obscur bois humide. Quelques champignons et d’étranges buissons envahissaient les rochers s’étant détachés des hauteurs. La végétation, peinant à fleurir, luisait faiblement, se gorgeant désespérément de l’unique ruisseau à moitié asséché qui serpentait à travers le canyon.
Se laissant tomber au sol, il parcourut du regard le petit bosquet qui se dressait, enclavé par des parois de pierre vertigineuses. D’étrange statue, semblable à des gnomes, étaient dispersés autour de l’unique arbre qui s’élevait fièrement vers le ciel. La noirceur accentuée par des yeux de joyaux rouge sang, provoqua un mal-être. Avec le temps, ce qui semblait être des sourires mesquins s’était émoussé, lissant la face des êtres de pierre. Il regarda Lostris faire le tour de l’endroit et s’arrêter, s’agenouillant devant l’une des statues prête à en sonder les énergies s’en dégageant. Puis relevant la tête vers les hauteurs, il détailla les falaises.
La roche, illuminée par les lueurs de la végétation devenue plus dense, était parcourue de taches verdâtres. De fines cascades, qui s’écoulaient silencieusement, étouffer par la densité des végétaux, creusaient les parois et se jetaient au sol, imbibant la terre de flaques luminescentes. Des champignons toujours plus gros illuminaient l’endroit de leurs spores. Un détail attira son attention, une entaille, creusée à même la roche, se situait à quelques mètres au-dessus d’eux. S’y téléportant, il se stabilisa dans l’air avec l’aide d’un sortilège.
D’une grande simplicité, une arche de pierre, grossièrement taillée, se dessinait dans le fond de la paroi. Il grimaça. La pierre suintait l’humidité, dégageant dans l’atmosphère une odeur nauséabonde. Un couloir, plongé dans la pénombre, semblait mener jusqu’au cœur de la falaise. Lostris le rejoignant, posa sa main sur la roche. Tentant de discerner la moindre particule de magie, elle essaya de définir l’âge du bâtiment.
— C’est étrange, en général lorsqu’un temple est édifié en l’honneur d’un dieu, la magie y est omniprésente. Là je ne ressens rien ! Soit, ce n’est pas un temple divin, soit il est bien trop ancien, et la magie y a totalement disparu.
— Un temple ? Comment tu l’sais ?
— Les statues. Ce sont des Silabbata, des gardiens de la dévotion au monde noir ! Ils protègent et attaquent tous visiteurs indésirables ! Je ne sais quel dieu les a assujettis, et je m’étonne de les voir ici, ces créatures ont disparu il y a des millénaires de cela !
— Ces choses sont vivantes ?
— Seulement la nuit, le jour les pétrifies. Tu n’as donc rien à craindre ! Hélios attend !
Il venait de disparaître, s’enfonçant dans les entrailles de la falaise.
Il a peur de ces statues mais pas de ce qui nous attend dans la noirceur ? Ce gosse est un idiot. Elle entra à son tour, suivant la lumière que dégageaient les sphères de son soldat.
Hélios avança avec précaution, ses mains effleurant les murs humides. Les plantes et les racines qui revêtaient les parois, s'illuminèrent à son passage. La sphère de lumière qu'il tenait dans sa main projetait son éclat doré sur les vastes racines serpentant le long du passage, parsemé de nombreuses veines bleutées. Ses pieds effleurèrent un précipice. Quelques mètres plus bas, une cavité se dessinait. Une salle de forme arrondie, ponctuée d'immenses piliers, supportait une voûte entrelacée de racines. La végétation qui s'y était installée, recouvrant toute la structure, révélait par endroits ce qui semblait être un sol pavé de pierre blanche.
L'air était imprégné de poussière et de spores luminescentes, flottant joyeusement, éjectés par les plantes réagissant à la lumière. Au centre, un bassin entourant un dôme, dont la surface liquide scintillait sous les lueurs, conférait un aspect féerique à l'endroit. Cependant, dès qu'il posa le pied au sol, l'enchantement fut interrompu. Les relents nauséabonds d'une eau stagnante, altérée par la décomposition des plantes, assaillirent son odorat. La surface aquatique, désormais luminescente grâce aux dépôts, révéla au fond des racines s'élevant vers le haut. Parcourus de longs filaments brillants, les bois aquatiques illuminaient le fond du bassin.
S’approchant d’un mur végétal, Hélios leva sa main droite et entama un sortilège. La paroi se mit à fumer et prit feu. Les plantes l’envahissant, commencèrent à se rétracter dans un crissement abject. Ne contrôlant pas le feu qui se propageait, Hélios contempla l’épaisse fumée se formant, masquant l’odeur fétide de la végétation à l’agonie. D’un geste de sa main, le feu cessa. Le mur face à lui, la pierre noircit, était lisse. Aucunes inscriptions, aucunes gravures ne le parcourait.
N'ayant jamais visité de temple dédié à la gloire du divin, il s'attendait à découvrir des façades ornées de symboles complexes et d'immenses statues représentant quelque dieu. Lostris lui avait souvent partagé ses souvenirs des édifices religieux qu'elle avait explorés par le passé. Ces constructions étaient généralement marquées par des simulacres, des gravures et d'autres ornements dédiés à la célébration de la divinité. Cependant, ici, il ne rencontra que le vide. L'architecture de ce temple se révélait aussi étrange que son absence totale d'énergie magique.
— Comment ce temple sorti de nulle part, peut-être à ce point vierge de toutes inscriptions ? Murmura-t-elle, se tournant vers son soldat, qui sursauta. « Qui vénère-t-on ici-bas ? Hélios sécurise les lieux !
— Dois-je sortir le matériel ?
— Oui, la naskan ! Le temple doit être sous nos pieds, ce que nous avons sous les yeux n’est qu’une sorte de vestibule.
Il fit apparaître un sac et en sortit quelques boîtes qui, d’un claquement de doigts revinrent à leur taille d’origine. L’appareil magique, symbiose parfaite de technologie Midgardienne et de magie Asgardienne, sorte de scanner magique de forme rectangulaire, se déploya et prit son envol. Un faisceau de lumière rougeâtre balaya la salle.
Elle s’approcha du centre, marchant sur la surface aqueuse. Chacun de ses pas, laissant apparaître des volutes de lumières, vint troubler les racines aquatiques. Debout devant l’étrange dôme, elle posa ses mains à même la pierre, et entama un sortilège d’apparition.
Hélios assis en tailleur, un ordinateur sur les genoux, scrutait l'écran où se dessinait une carte des lieux. Son regard fixé sur l'image, il attendait avec patience la fin du processus. La poussière en suspension déclencha quelques éternuements. Malgré le changement de vêtements, ils devenaient de plus en plus lumineux à mesure que la poussière s'accumulait sur le tissu. Ses doigts tapotaient nerveusement le sol, l'irritation grandissant en lui. Déposant l'ordinateur à même le sol, il se leva, déterminé à partager son agacement avec Lostris, quand il se figea. Son cœur manqua un battement. Des gouttes de sueur perlaient sur son front, et sa respiration s'accéléra. Hélios resta immobile, devant l’étrange spectacle qui se jouait. Derrière Lostris, une ombre à l'apparence humaine flottait.
Lostris cessa son sortilège. Laissant sa main frôler la pierre, elle fit le tour du dôme. La forme noirâtre la suivait, sans pour autant tenter la moindre action hostile. Se retournant, elle fit face à l’entité fantomatique qui flottait tranquillement. Hélios les regarda converser dans un langage qu’il eut du mal à saisir. Tentant maladroitement de traduire les paroles emplit de colère, il comprit qu’elle était outrée par le comportement de l’ombre. Hélios se boucha les oreilles. Un chuchotement, semblable à un grésillement inaudible, se propagea dans toute la pièce. La silhouette ténébreuse tremblait, sa substance se désagrégeant au rythme du chuchotis qu’elle produisait. Puis dans un cri, mélange de feulement et de sanglot, l’entité s’envola, et s’en retourna dans le corps de Lostris. Hélios, soulagé par sa disparition, soupira de contentement.
Lostris le fixait, une profonde déception dans son regard. Hélios baissa la tête, conscient que son comportement décevait grandement son Isis. Il se sentait impuissant. Chaque manifestation de cette entité, le submergeait, l’entraînant dans une peur irrationnelle. L'aura qu'elle dégageait avait le pouvoir de glacer son âme et de paralyser son corps. Impossible pour lui d'entreprendre le moindre geste ou de réfléchir. Bien que dénuée d'hostilité apparente envers lui-même ou Lostris, cette simple présence l'intimidait.
— Qu’a-t-elle dit ? Demanda-t-il en s’approchant du bassin.
Elle souffla, laissant la lassitude la gagner. « Qu’un passage se situe sous l’une des dalles. Cette saloperie n’a pas voulu me révéler l’endroit exact, vexé de ne pas pouvoir se promener librement. Les mains sur les hanches, elle se pencha en direction d’Hélios. « Elle ne te porte pas dans son cœur. La peur que tu ressens vis-à-vis d’elle en est la cause.
— Elle n’a qu’a cessé d’apparaître comme bon lui semble ! Cria-t-il, effrayé par la révélation. Il referma l’ordinateur et claqua ses doigts. L’appareil se dissipa dans un tourbillon de fumée.
— Surveille tes paroles ! Se redressant, elle le soutient de son regard froid et ardent. « Si l’envie de se promener lui fait plaisir, ce droit lui est acquis !
— Pourquoi t’arrête pas d’la menacer d’la sceller alors ?
— Parce qu’elle est dangereuse, voilà pourquoi ! La mort qu’elle propage est hors de mon contrôle car je ne peux la manipuler. Son unique but est de me protéger, tel fut les ordres donnés jadis. Elle se laissa entraîner par sa magie, descendant doucement de sa hauteur. « Entre toi et moi, je me passerai bien de ce chien de garde, mais le temps passé me rappel au combien, sa présence fût et restera l’unique lien que j’ai encore avec mes ténèbres. Alors tant bien même sa faculté à errer hors de mon corps, est un don qu’il m’a fait, ses actes imprévisibles sont également une malédiction qui m’accompagne depuis des temps ancien.
Abattu, Hélios se rassit, et se mit à bouder. Pourquoi, refuse-t-elle de comprendre, que cette chose m’effraie ? L’idée de poser la question resta en suspens dans son esprit. Lui demander, la mettrait encore plus en colère, et il ne comptait pas en subir les frais. Il sursauta, Lostris, loin d’être calme, usait d’un sortilège de feu pour brûler la végétation. Le sol noirci, révéla une dalle différente des autres. Sa voix s’éleva en écho. « Je crois que nous avons notre passage.
Dans un éclat lumineux, la main de Lostris s'illumina. Un frémissement retentit, et la lourde dalle de pierre s'éleva dans les airs. Le déposant à quelques mètres plus loin, à proximité du bassin, mêlant l'odeur d'eau croupie à celle du renfermé émanant du passage obscur qu'elle venait de révéler. Elle recula, mue par une imprévisible sensation de bien-être aussi étrange qu’effroyable.
Quel est donc cet étrange appel dont l’écho résonne au plus profond de mon esprit ? Une force mystique se terre au plus profond de ce temple, aussi limpide qu’une étendue aquatique ne connaissant la grive du vent. Elle me paraît si familière, et pourtant si lointaine, comme si son souvenir s’était estompé, devenant si fugace que seule l’énergie lumineuse archaïque qui compose mon corps, s’en souvient.
Penché au-dessus du vide, Hélios scrutait l'obscurité inhospitalière qui s'en dégageait. Levant sa main, ses doigts tournoyant légèrement, fît apparaître sphère de lumière, qu’il laissa chuter. C’est avec appréhension qu'il scruta l'obscurité, cherchant à discerner le sol.
— Descends ! L’ordre avait fusé avec une légère pointe d’effroi. Elle prépara d’autres sphères, prête à les envoyer dans les profondeurs du temple. Hélios, la regarda, peu rassuré de devoir descendre dans la sombre cavité.
— Les salles inférieures sont constituées d’une vaste pièce centrale ainsi que de petites antichambres, comme nous montre le naskan. Prends donc la tablette avec toi, et essaie de trouver un point de lumière. Il doit y avoir des torches aux murs. Quand c’est fait, je te rejoindrais.
— Mais euh, je dois descendre tout seul ? Il se saisit de l’objet qu’elle lui tendait.
— Obscurité, noir total, moi être de lumière, pas descendre dans les ténèbres, tu le sais non ? Aucune envie d’aller me promener là-dedans ! Donc tu t’y colles ! Elle lui sourit avec moquerie. Penchant la tête, elle le regarda avec étonnement et indiqua de la main, l’entrée du temple. « Allez, soit un bon medjaï et va explorer. Lui tapotant le dos, elle le poussa. « Et n’oublie pas d’utiliser ta magie pour amortir ta chute ! Lui cria-t-elle, en entendant le pauvre jeune homme hurler de peur durant sa descente.
Se servant d’un sortilège de vent pour ne pas heurter violemment le sol, il se releva dans la pénombre. Les sphères dont la lumière crépitante n’offrait que peu de luminosité, gisaient à même le sol, certaines formant une flaque luminescente en s’écrasant. Les contours d’un objet massif attirèrent son attention. S’en approchant, une odeur boisée imprégna l’atmosphère. Un dôme, reposant sur ce qui semblait être un portant d’un métal aussi noir que le reste de la pièce, emplie d’un étrange bois trônait. Ouvrant sa veste, il en sortit de la poche intérieure, une dague aux contours noircis. L’arme se chargea d’énergie, rougissant à mesure que l’incantation d’Hélios se répercutait en échos dans la salle. La lame devint un amas visqueux et flamboyant de métal en fusion. Il la plongea dans la coupole qui s’enflamma immédiatement.
La salle, vibra sous la chaleur des braséros qui s’allumèrent, laissant apparaître une vaste estrade centrale. Les flammes imposantes, vinrent lécher dans un raclement le plafonnement. Le peu de végétation qui envahissait les parois, se rétracta sous les assauts du feu. Traînant leurs lianes dans les interstices, l’eau putride qui s’écoulait en goutte à goutte, termina sa course dans les foyers incandescents, dans un odorant grésillement.
Il leva sa tête en direction d’une immense statue. D’une vingtaine de mètres de hauteur, taillé dans une pierre au reflet de bronze, l’humain en position de scribe, habillé d’une simple toge dont les bordures venaient traîner jusqu’au sol, était stupéfiant. Chaque trait de son visage, était taillé avec précision, chaque détail de son vêtement paraissait réel. La peau de bronze, reflétant la lueur des brasiers, renvoyait sur les parois, d’inquiétantes ombres qui ondulaient sous la chaleur ambiante.
L’homme de pierre, les mains tendues devant lui et les paumes baissées vers la terre, lui rappela étrangement la manière dont Lostris purifiait son corps, les paumes de ses mains tendues vers le ciel. Laissant son regard faire le tour de l’immense salle souterraine, il prit quelques photographies. Le flash crépitant de l’appareil photo, ne sembla pas déranger les quelques bestioles qui pouvaient se cacher entre les failles des murs de pierres. Les interstices présents entre les briques, laissaient filtrer quelques raies de vapeur venu des tréfonds de la planète. Les parois dépourvues du moindre ornement, suintaient la même substance que les plantes de la salle précédente, l’odeur en moins. Hélios, s’avança vers le fond de la salle, toujours plongée dans la pénombre. Il y distinguait une forme semblant s’accrocher au mur. Il pria mentalement, que cette chose ne soit pas un énième monstre dégoûtant. Sa dernière mission sur une planète du troisième Méros, lui avait apporté son lot d’horreur pour la prochaine décennie.
Lostris tentait de lui soutirer des informations. Mais l’ombre, dans un entêtement irraisonné, caractérisé par sa vexation de ne pas pouvoir se promener librement, refusait de lui accorder une réponse. Assise sur le rebord du bassin, protéger de l’odeur putride par une bulle protectrice qui rayonnait sous les lueurs verdâtres, elle caressait son ventre. Lui parlant d’une voix douce, elle essayait calmement de la faire parler. Les yeux fermés, elle laissa l’ombre la renvoyer à ses souvenirs.
Dans une tentative d'obtenir gain de cause, Lostris lui rappela les instants qu'elles avaient passés toutes les deux autrefois. Un sourire illumina son visage à ces souvenirs. Elle se souvenait que l'entité avait toujours été à ses côtés, lui offrant soutien et présence dans les moments les plus sombres de sa vie. Le souvenir d'une bataille lui revint brièvement, lui rappelant que sans elle, le combat qu'elle avait mené aurait été perdu. Une vapeur d'un noir ébène se forma autour de son corps, remplissant la bulle. Lostris plongea dans son monde intérieur, une immensité de lumière aux contours ténébreux se dessinant devant ses yeux.
Debout, lévitant sur une surface aqueuse, elle s'avança, les ondées de l'eau prenant forme dans un déferlement de flocons lumineux. À quelques mètres d'elle, une sphère noire, vibrant à chaque mouvement, se transforma. L'homme qui se matérialisa, à la fois si réel et irréel, tendit la main pour attraper la sienne. L'échange mental auquel elles s'adonnaient l'irrita. L'ombre refusait de lui divulguer ses informations.
D’un geste de la main, elle brisa la connexion avec son monde. Elle se releva et se laissant happer par la gravité, descendit rejoindre son soldat.
Ton entêtement ne nous mènera à rien. Quand tu seras décidé à parler, dis-le-moi. Pour le moment rendors-toi ! Et cesse de t’exciter, c’est désagréable ! L’échange mental fut rompu.
Dans le temple, Hélios, tentait maladroitement de traduire une immense stèle. Rempli d'une écriture ancienne qui lui était étrangère, le langage ciselé dans la pierre demeurait totalement inconnu. Quant à l'immense statue qui se dressait fièrement en face de lui, sa conception était des plus étranges. Tenant un livre dans les mains et une sphère de lumière au-dessus de sa tête, il s'efforçait du mieux qu'il pouvait, de déchiffrer les symboles. Il contempla l'homme de pierre. Un Isis ? Sa pensée fut troublée ! Que disait Lostris déjà ? Les temples dédiés aux Isis sont interdits ? Il se tourna vers elle qui s'avançait vers lui. « C’est quoi ça ? Le doigt tendu vers l’immense sculpture.
— Une statue. Elle s’agenouilla devant la stèle.
— J’vois bien qu’c’est une statue, mais comment c’est possible qu’elle r’présente un Isis ? Tu comprends c’que dit la pierre ?
Lostris s’était enfermée dans le silence, contemplant l'immense représentation de pierre. Tout comme le temple, dont la construction s'était autrefois déroulée dans le plus grand secret, elle se laissait emporter par la sombre force émanant de la statue sans un mot. Tel un virevoltant, l'élan dansait légèrement autour d'elle, s'appropriant sa propre puissance, se heurtant, fusionnant pour n'apporter qu'en son être les marques d'un passé blasphématoire qui ne devrait pas exister.
Puis elle le ressentit, un amas pernicieux d'une onde magique, l'attirant au plus profond de son être de lumière. Un rappel s'imposa dans son esprit, bravant les souvenirs de sa vie passée dans une sensation complexe d'absence. Les réminiscences d'un détachement éprouvant et forcé par une ancienne magie mémorielle l'accablèrent. L'appel s'estompa, la laissant totalement perplexe. Ce qu'elle avait entrevu à travers les ondes énergétiques malsaines s'imprima dans son esprit, semant l'incompréhension et le doute. Hélios la secoua pour la sortir de sa léthargie.
— Tu brilles ! Que s’passe t’il ? Il souleva la main de Lostris.
Reprenant ses esprits, elle le regarda choqué. « C’est cette statue. C’est un blasphème pour le divin ! Une telle offense ne devrait pas exister ! Elle s’agenouilla, rendant muette sa pensée.
— Qu'est-ce qui t’choque tant ?
— C'est une représentation blasphématoire de tout ce en quoi l’univers croit. Qui sont-ils ceux dont l’ignorance de la colère divine, peuvent exposer une telle abomination dans ce lieu interdit ?
— J’comprends pas ta colère, malgré ton calme. Nous d’vons réfléchir à la manière la plus juste d’traiter cette situation. Hélios, s’asseyant, fit apparaître un petit carnet, afin de prendre des notes.
Lostris baissa la tête, murmurant avec une pointe d’effroi dans sa voix. Mais comment peux-tu rester calme face à une telle insulte? Cette statue ne devrait même pas exister ! Elle brossa la stèle à l’aide de sa main. « Selon les anciens rouleaux de la création, l'une des premières missions divines confiées aux Isis était d'étudier et de compiler toutes les formes de magie existantes dans l'univers, dans le but d'interdire celles qui portaient atteinte à l'énergie créatrice de toute chose. Cependant, les créatures humanoïdes, ne voulant pas renoncer aux pratiques magiques qui leur avaient permis de survivre pendant les conflits divins, se sont rebellées. Après les guerres liées à la purge magique, les créatures humanoïdes ont retrouvé la paix et ont érigé des temples en l'honneur des Isis. Avec le temps, l'adoration du divin a diminué et est devenue légende dans la mémoire collective. Les dieux, jaloux de l'attention portée aux divins humains, ont manifesté leur mécontentement auprès du roi. Fatigué des batailles nécessaires pour les soumettre, le roi a cédé à leur demande. Les temples dédiés aux Isis ont été détruits ou modifiés, seuls les dieux ont eu le droit à des lieux de culte, obligeant les Isis à se contenter de petites chapelles. Ainsi, ce temple est considéré comme interdit et ne devrait même pas exister.
— Donc les dieux furent jaloux de n’plus être aussi loué qu’les Isis ?
— Il s’agit là, de vieilles rancunes qui perdurent depuis le commencement. Le narcissisme exacerbé dont les dieux peuvent faire preuve, apporta jadis certains conflits au sein du conseil des dieux que les anciens rois ont pu étouffer dans l’œuf. Cela même après la disparition de leur Isis. S’ils pouvaient acquérir à nouveau l’indépendance de leur Méros, sûr que les guerres millénaires plongeraient à nouveau l’univers dans le chaos. Elle referma son carnet.
— La guerre, toujours la guerre ! Pourquoi ne peuvent-ils pas s’contenter de c’qu’ils ont ?
— Car telle est la vérité qui régit les Méros depuis des lustres. La jalousie est dans leur nature ! C’est une facette de leur côté enfantin. Les dieux sont des créatures aux instincts primaires. Seul compte leur satisfaction. Traçant les contours des pictogrammes sur la stèle de son doigt, elle souffla entama une traduction assez sommaire. « C’est un très vieux langage divin, qui doit remonter à des millénaires, voir avant la guerre d’unifications. Ici sont louées nos ténèbres. Dans sa pitié, puisse la nuit nous éclairer. Que sa lumière nous apporte la fraternité. Elle regarda Hélios, surpris par la traduction approximative.
— T’arrive à le déchiffrer ?
— Partiellement, certains mots sont étranges. Se relevant, elle caressa son ventre, envoyant un message mental à son énergétique invité.
Hélios s’approcha d’une corniche ensevelie sous la poussière. « Et ces livres sur le piédestal ? Ils ont une importance tu crois ? Il lui montra du doigt, deux masses grisâtres.
Elle se saisit d’un des ouvrages, et soufflant dessus, se laissa submerger par l’émotion. Les mains tremblantes, elle caressa délicatement la couverture. « C’est une encyclopédie divine ! Que fait un tel ouvrage dans ce lieu ?
— C’quoi c’bouquin ? C’est énorme.
— Une œuvre d’une telle rareté, que les plus grands collectionneurs des Méros seraient prêts à tuer pour la posséder ! Seuls les Pustakaa possèdent encore un exemplaire, qui est interdit d’accès aux humanoïdes. Peut-être même le conseil des dieux en possède-t-il un dans la bibliothèque interdite ! Ce livre a été créé à la fin du premier cycle divin, juste après l’émergence des neuf royaumes ! Assieds-toi près de moi. Elle tourna la première page, et sa voix s’éleva dans le temple.
L’encyclopédie divine : Récit des mythologies universelles du 1er cycle divin
Rédigée par les magico-historiens à la demande du conseil des dieux, cette œuvre historique, rédigée en langage humanoïde, constitue le recueil historique de l’univers le plus complet que nous ont légué les institutions divines.
Sa création fait suite à l’émergence des neuf royaumes, qui mit un terme au premier cycle divin, et fit entrer le cosmos dans le second cycle. Les guerres qui en ont découlé, ont changé radicalement l’univers ainsi que le monde de la magie. L’ordre de créer un tel ouvrage émanant du roi des dieux, a poussé les mondes magiquement influents et le conseil divin, à ouvrir leurs archives.
Longtemps, dresser l’histoire de l’univers fut une entreprise difficile. Cantonnés au sein de la grande bibliothèque du palais divin, certains ouvrages fondamentaux furent détruits ou entreposés dans la bibliothèque interdite, lieu principalement réservé aux dieux initiés. Néanmoins, dans un souci de vérité absolue qu’imposait la monarchie divine, bon nombre d’ouvrages et de rouleaux rigoureusement sélectionnés, furent recopiés afin d’inonder les nouvelles institutions naissantes sur les mondes principaux. Les Pustakaa, immenses bibliothèques dirigées par les Pustaad, des hommes et femmes de lettres devenus scribe divin. Sous l’autorité directe du roi des dieux, ils recopièrent tout écrit, décidèrent de la diffusion ou du retrait des textes dans tout l’univers, en s’assurant de la bonne mise à jour des annexes scientifiques. Sans ce travail acharné, cette encyclopédie n’aurait jamais pu voir le jour.
— J’ai pas tout compris, de quoi qu’il traite ? Une petite caisse hermétique apparut sur les genoux du soldat. L’ouvrant, il déposa le lourd ouvrage dans un écrin de protection.
— De toutes les connaissances des mondes habités depuis la fin des guerres d’unification. Cette encyclopédie est une œuvre historique. Il n’en reste que très peu en circulation. Les premiers dieux en ont écrit une partie, et certain rouleau de la bibliothèque interdite y ont été retranscrits. Même si certains passages ont été ajustés selon la pensée divine du moment, bon nombre de batailles ou d’évènement aujourd’hui disparu des mémoires, y sont retranscrit.
— Laisse-moi d’viner, ça parle aussi d’la purge magique ?
— Je ne suis pas sûr que les plus dangereux sortilèges y ont été mentionnés ! Mais puisque j’ai accès à la bibliothèque interdite, cela n’est pas important.
— T’est pas une initiée, tu devrais pas y aller !
— Ce n’est pas de mon ressort si la sécurité du conseil des dieux laisse à désirer.
Hélios secoua la tête pour marquer sa désapprobation face à la mauvaise foi de son Isis. « Et le grimoire ? Il s’empara du second livre, dont la lourdeur le fit trébucher. La couverture aussi noire que l’obsidienne brillait sous les lumières des braseros.
— Le livre noir. Ce grimoire appartient à l’Isis noir. Que fait-il ici ? Il devrait se trouver dans son sanctuaire !
— Livre noir ? C’est pareil qu’ton livre blanc qu’on a pas l’droit de toucher ?
— Seul l’Isis blanc peut prendre connaissance de ce grimoire, il en est de même pour le livre noir. Tu n’es qu’un medjaï, donc cela t’est interdit ! Elle se tourna, laissant son regard faire le tour de la pièce. Ce temple leur est donc dédié ? J‘ignorais qu’un tel édifice existait. Ce que j’ai vu est-il un message du passé ou bien un appel ? Tout comme l’encyclopédie, le grimoire fut rangé dans le coffret qu’Hélios avait fait apparaître.
- Bien, il y a un escalier dans le fond. Je te laisse descendre, je vais envoyer ces livres au royaume, ils seraient dommage que les dieux s’en emparent. Se séparant, Hélios s’enfonça vers le niveau inférieur, laissant Lostris continuer sa traduction.
Elle claqua des doigts. Une fine brume lumineuse tourbillonna autour d’elle. Son corps se para d’un vêtement bien plus seyant à sa condition. C’est dans une légère robe de lin, dont la blancheur se teintait d’une douce aura de lumière qu’elle s’agenouilla. Les paumes relevées vers le ciel en signe d’adoration face à l’imposante statue, ses doigts frôlèrent l’air en vague de lumière. Fermant les yeux, elle entama son hommage à ses ténèbres, l’ombre tapit au fond de son être vibrant au rythme de son chant.
Toi première lueur du crépuscule
Guidant le cœur des hommes
Leurs âmes égarées sur les chemins de la nuit
Je proclame ta grandeur
Je rends grâce à ta patience
Je fais louange à ton être
Je fais offrande de tes paroles
Moi première lueur de l’aube
Marchant dans tes pas
Continuant tes œuvres
Apportant la lumière à tes peuples
Veillant sur la création
Pour que s’unissent le sombre et l’éclairé
Sur les chemins de la vérité
Dans l’extase de leur liberté
Je te bénis mon frère, je veille
A suivre
On commence à entrevoir le lore que tu distille petit à petit, toujours très riche et encore bien mystérieux. On est encore un peu perdu mais on progresse.
Si je devais faire une critique, je dirais attention au découpage entre partie de dialogue et description. En général ça va bien, mais parfois c'est un peu moins clair.
Bon on s'en sort quand même!
J'avoue, je n'ai pas fait attention au découpage. Promis, cela sera modifié lors de la réécriture.
Ce pauvre Helios! Sur qu'au prochain chapitre, il rendra la monnaie de sa pièce à Lostris.
J'ai beaucoup aimé le concept de mêler magie et technologie (qui est bien plus exploité dans le tome 2), me suis bien amusé ☺️
Les premiers révélations autour de ce Lore arrivent !
A bientôt