Une mer de regards, étincelants d’émerveillement, s’élevait vers la créature céleste. Sa présence flottait dans l’atmosphère de la voûte artificielle, défiant les lois du monde divin, emportant dans son sillage les sons et les souffles de la foule. Mélack, grand assistant divin royal, venait de faire son entrée dans l’arène.
Le rayonnement de son costume d’apparat aux couleurs de la dynastie royale, tel les grandes zébrures améthyste des collines rocheuses de Joilla, scintillait, porté par les vagues d’énergie que sa magie déployait pour le maintenir en état de lévitation.
Fixant le sol anthracite de la surface de combat, l’euphorie s’empara de lui. Tout comme l’arène, dont la noirceur reflétait ses pensées les plus intimes, la lumière qu’il ressentit subitement s’insinuer dans son corps, l’entraîna dans une délicieuse sensation d’être à sa place. Ce sursaut d’assurance, conséquence d’une insouciance qui accaparait son esprit, le plaçait dorénavant dans une position de force, comme si la foi qui le portait jadis, s’éveillait enfin après des milliers d’années de doute.
Le néant l’avait placé face à contradictions et ses doutes. La tendresse du silence qui régnait maintenant, lui donnait l’arrogante occasion d’y mettre un terme. Il voulait que les dieux sachent. Qu’ils sachent que lui savait. Qu’il détenait cette vérité qu’ils redoutaient. Cette vérité qu’ils s’étaient tous, évertués à déguiser. Plus rien ne comptait à ce moment que la joie d’un être seul face aux mondes. Aujourd’hui, il enjoignait sa maisonnée royale à se couvrir d’honneur et de fierté devant ses dieux, dont les aspirations d’un combat sensationnel devaient les divertir.
Depuis des millénaires, son esprit répétait inlassablement la même mélodie. Était-il le seul à voir au-delà de l’hypocrisie divine ? À espérer que l’unité renverse le trouble établi ? Aujourd’hui, l’espoir n’était plus de rigueur, car la douceur lumineuse qui coulait dans ses veines, lui offrait enfin force et paix.
Lui, ancien assistant d’un Katastrep porté disparu, ayant pris le titre de grand Adjutor, savait que cette vérité prête à faire trembler les mondes et les institutions divines, allait enfin écraser leur suprématie. Que dorénavant, plus rien ne leur donnerait l’illusion d’un quelconque pouvoir sur la maison royale et les Méros. Que leur chute était proche.
Enveloppé d’une nouvelle assurance, il entama sa marche, les tintements de son sceptre jouant une mélodie cristalline. La délicate sonorité hypnotisait l’assemblé. Sa magie se concentra à ses pieds dans un épais nuage d’énergie bleutée, l’entraînant vers la surface lisse du terrain de combat. Il se réceptionna avec grâce. Sa voix d’habitude calme et douce, s’éleva, tranchant le silence telle une arme. La force et l’intonation autoritaire, craché par les haut-parleurs magiques disséminés dans toute l’arène, provoquèrent l’étonnement chez les dieux.
- Mon roi, dieux et créatures humanoïdes, en ce jour de Tebet, hommage au grand pacificateur Brashivi, je vous salue. Aujourd’hui, nous couronnerons une nouvelle fois de gloire, un Katastrep, qui deviendra le nouveau général en chef de nos armées divines. Mais connaissez-vous leurs origines ? Les anciens et rares témoignages des troubles qui eurent lieu après la naissance des Isis, nous décrivent le sentiment de vengeance qui anima l’univers jadis. Point de départ des lois qui régissent le monde de la magie, de ces guerres, sont nées les armées divines.
Un cercle magique illumina la surface de combat. Tandis que Mélack s’avançait doucement en son centre, des acteurs émergèrent des ombres, drapés d’antiques symboles aux couleurs de maisons divines. Les Isis, en robes lumineuses, les visages peints de constellations. Les dieux, en armures d’or, porteurs de sceptres. Les créatures humanoïdes en haillons, les teints fiévreux. Puis l’histoire prit vie, sous les yeux écarquillés des spectateurs. La voix de Mélack devint le catalyseur de la fresque vivante qui se mouvait.
Au commencement des vies humanoïdes, à un âge ou les univers instables se paraient d’équilibre, la lumière pourfendeur de noirceur, apporta son rayonnement sur les mondes en proie au chaos.
Du plus profond des ténèbres dans lesquelles les humanités survivaient, naquirent dans le plus grand des silences, des humains dont l’essence magique surpassait la faiblesse de leur condition.
Les Isis, divin humain à la toute-puissance égale à celle des dieux, s’imposèrent aux humanoïdes.
S’insurgeant contre la domination belliqueuse des dieux, dont l’unique préoccupation fut jadis d’étendre leur territoire,
ces entités dont les origines resteront à jamais un mystère, se préparèrent à entrer en guerre.
Les armées qu’ils constituèrent, bénis par leur puissance, juste punition pour les déités dont la folie avait plongé les mondes dans les nuits éternelles, s’éveillèrent, amenant dans leur sillage la noirceur de leur cœur que les dieux se refusaient à entendre.
Lentement, nos ancêtres furent les témoins de nouvelles destructions. De nuits ou les étoiles s’enflammaient. De jours ou les astres solaires déclinaient, happés par les embruns glacials des ténèbres.
De vies, entraînées dans une spirale infernale de vengeance.
Mais avant que leur présence n’atteigne le conseil des dieux nouvellement crée, Brashivi, roi des dieux, dans sa sagesse, flux intemporel d’un courant de pensée issus de la lumière,
fît grâce et demande pardon à ces êtres dont la toute-puissance devait apporter paix et sérénité.
Les Isis, présentèrent ces guerriers de la liberté
comme les lames célestes d’un futur pacifique.
Devenu divinités parmi les dieux, le spectre d’une nouvelle guerre s’éloigna pour que rayonne la lumière en leur cœur.
Mais les humanoïdes étant ce qu’ils sont, créatures impulsives dont les cœurs instables peuvent accomplir des miracles,
ne virent pas d’un très bon œil l’alliance divine.
Leur colère qui résonna aussi loin que les étoiles les plus éloignées des voûtes célestes, se teintèrent d’une violence envers leurs propres frères.
Ce qu’il resta de ces armées vengeresses, homme de bonté aux cœurs croyants, devint les premiers soldats de l’armée divine.
La dernière étoile fut peinte sur le sol par les pas des acteurs. Le cercle s’embrasa et les silhouettes se figèrent, les bras levés vers les cieux. Mélack de sa voix grave et lente, prononça les dernières paroles du récit. Les flammes bleutées se dissipèrent en volutes d’argent et le silence prit place. Lentement, les acteurs se retirèrent dans les ombres d’où ils étaient apparus. La surface, marquée de symboles divins encore palpitant de magie, se désintégra. Le public, ébloui, resta un instant suspendu entre rêve et mémoire, avant que liesse n’éclate. Ainsi s’acheva la représentation.
Assis sur le sol dur et froid de l’hypogée, le seigneur Kaalan, contemplait les gouttes d’eau qui s’échappaient des canalisations. Les sphères de lumières, grésillaient sous les assauts des fuites venus des interstices du plafond. Ses pensées tentaient d’occulter les cris de la foule qui s’était tue lorsque l’énergie du grand Adjutor avait saisi l’arène. Les tremblements du bâtiment avaient cessé. L’euphorie était retombée.
Le jeune dieu souffla. Ce fut un soupir long, lourd, douloureux, chargé d’une grande lassitude. Il espérait, sans grande conviction, que ce calvaire prenne fin au plus vite. Toute cette agitation humanoïde, cette effervescence grotesque autour d’un tournoi célébré tous les mille ans, lui paraissait d’un autre âge. Une relique des temps anciens où les dieux inspiraient encore crainte et respect.
À ces yeux, les peuples humanoïdes, venus de tout l’univers pour glorifier des êtres dont l’hypocrisie dépassait l’entendement, n’étaient que des pantins aveugles. Leur ferveur le laissait indifférent, presque froid, mais l’irritait. Il tendit l’oreille, contraint d’écouter les voix suaves des Dimiour s’élever dans un air saturé de faux-semblants.
Leurs missions aussi limpides que cyniques : apaiser les esprits humanoïdes par une bienveillance feinte, et transformer leur discours en moment de propagande, ou seules comptaient les louanges des peuples envers les déités.
Les dieux, dans leur arrogance, misaient sur l’amnésie mémorielle des créatures humanoïdes. Cette capacité à oublier qu’ils n’étaient plus protégés, plus guidés, plus aimés. Un déploiement de force, théâtral et oppressant était mis en place, pour éviter que certain parmi la foule ne se souvienne que le divin avait occulté leur mission première : protéger l’équilibre et la paix dans chaque Méros. La colère des peuples ne devait devenir lynchage. L’illusion d’un honneur sacré, la complaisance d’une adoration creuse, devait emplir leur cœur de croyant. Cette adoration, aussi hypocrite soit-elle, devait leur offrait l’illusion d’avoir été choisis, d’avoir été vus.
Lui, jeune dieu parmi les anciens, savait. Si ces compères avaient encore une telle emprise sur l’univers, ce n’était ni par grandeur, ni par justice, mais par leur talent à manipuler les cœurs instables. Faire croire au libre arbitre, vendre une protection qui n’existait plus et distiller des promesses. Même lui n’y croyait plus. Il était fatigué de jouer à l’idole. Las de contempler un monde se mentant à lui-même
Un bruit attira subitement son attention. Il se retourna et fixa le long couloir le menant à sa loge. Seul le vide s’étendait. La noirceur absorbait le peu de lumière émanant des torches. L’étrange sensation d’être appelé par l’excavation exempte de vie, le tétanisa. Tentant de calmer les battements de son cœur, les pulsations de son énergie emplirent l’espace. Il dut se tenir au mur pour se relever. Lui, le grand dieu craint de tous, se sentit soudainement honteux.
Les cris de la foule résonnèrent à nouveau. Les trompettes, crachèrent leur litanie. Le tournoi débutait. La lourde porte allait sous peu s’ouvrir sur les lumières artificielles et la noirceur de l’arène. Lui l’actuel général en chef des armées divines, remettait en jeu son titre. La pensée de savoir que Khaé, son fidèle assistant, attendait beaucoup de sa victoire, lui mit du baume au cœur. S’il remportait pour la troisième fois consécutive ce titre, son rite initiatique pour devenir un initié, lui ouvrirait enfin les portes de la bibliothèque interdite, et la possibilité de se rendre aux monts divin. Malgré cela, les informations qu’il détenait sur son assistant, continuaient à le plonger dans le désarroi. Cette nouvelle victoire le mènerait-il enfin vers cette vérité qu’il recherchait tant ? Sans se soucier de la présence derrière lui, il ne fit pas attention à lame qui s’abattait. Il s’effondra, une douleur puissante s’empara de son corps.
Les Katastrep firent leur apparition sous les exclamations triomphales de leur Méros respectif. Chaque Dimiour, debout sur leur plateforme, enjoignaient les créatures humanoïdes à scander le nom de leur champion. L’arène exultait et le tam-tam des tambours, résonnait en échos avec les vagues d’énergie que chaque créature magique et dieux déployaient. Le roi se leva et s’avançant vers le gong.
L’instrument à percussion, originaire du premier Méros, datait du premier roi des dieux. Une véritable pièce antique qui avait traversé le temps. Le disque finement gravé dans un métal aujourd’hui disparu, flottait, attendant d’être frappé avec un maillet aux origines plus anciennes que cette pièce elle-même. Le roi frappa, et le son de l’instrument se propagea telle une vague. L’aura sur la surface de combat changea.
Le calme limpide dont avaient fait preuve les combattants, se transforma en tempête torrentielle. Chaque Katastrep se dévisageait, attendant une quelconque ouverture pour attaquer. S’avançant vers la partie centrale de l’arène, le seigneur Anksérat, apostropha le seigneur Lilne, d’insultes grossières à l’encontre de son humain sacré. Lilne, dont l’énergie se mit à tourbillonner de colère, entra dans le piège et s’élança vers son adversaire, prêt à le faire taire.
Lilne, comptait parmi ces nouveaux dieux qui croyaient ouvertement à l’obédience des anciens. Sa jeunesse et sa puissance encore juvénile le plaçaient dans une posture de force évidente au sein du conseil. Mais dans l’arène, son statut d’enfant lui faisait défaut. Ne sachant comment réagir face aux vagues de magie qui tourbillonnaient autour de son adversaire, il recula. Il fut pris de court.
Les embruns magiques du Seigneur Anksérat, l’aveuglèrent. Il ne distingua la sphère de magie au-dessus de lui. L’étrange masse, tournoyait lentement. Puis elle fondit sur lui et s’ouvrit subitement en deux, déversant son contenu. Esquivant de justesse, Lilne prit son élan et s’éloigna.
Dans les tribunes, Khaé s’inquiétait. Son jeune seigneur n’était toujours pas apparu sur le terrain. Son énergie divine avait momentanément disparu. Ses appels mentaux ne recevaient aucune réponse. Il venait de se produire un malheur, il le pressentait et ne pouvait intervenir. De ses yeux perçants, il rechercha la cause du malaise qu’il ressentait. Une étrange aura emplissait l’arène. Un mélange d’excitation et de joie que certains dieux ne se donnaient même pas la peine de masquer.
Il se pencha et examina les plateformes divines. Les Dimiour acclamaient leur Katastrep, en masquant toutes pensées hostiles. Cette étrange énergie venait-elle d’un guerrier ? L’euphorie et la rage de vaincre teintaient la surface de combat d’une énergie malveillante. Il lui était difficile d’obtenir la réponse à sa question, tant les flux énergétiques divins se complaisaient dans la contradiction.
Kaalan s’éveilla, le souffle coupé. Il se remémora l’agression dont il venait d’être victime. Il grogna, mécontent de ne pas avoir eu le temps d’apercevoir l’auteur de cette attaque envers sa personne. Se redressant difficilement, il fit circuler son énergie à travers son corps, dans l’espoir de soigner sa blessure. Mais rien ne se produisit. Son pouvoir divin avait disparu, le laissant exsangue et mourant sur le sol dur et froid du couloir. Sa tête bourdonnait. Les cris de la foule en dehors lui vrillaient les tympans. Ses paupières se faisaient lourdes.
Faisant fi de la douleur qui irradiait de ses reins, il empoigna l’amulette suspendue à son plastron. Dernier vestige du règne de feu son père, elle contenait une infime partie de son pouvoir magique. Il se concentra, et son esprit entra en conflit avec la masse d’énergie qui se dégageait de la surface de combat. Il sombra, défiant le temps et la logique, pour se faufiler dans les méandres de son âme. Malgré la douleur qui le rappelait dans son propre corps, l’exercice difficile d’une projection astrale, se dessina. Il se sentit aspirer hors de cette masse de chair et ouvrit les yeux.
Il flottait dorénavant dans le couloir. Il fixa son dos, et chercha l’endroit exact de la blessure. La surprise le fit sursauter. Son corps ne gisait pas dans une flaque de sang. Le sol noir était vierge de tout liquide.
Aucune blessure apparente ne parcourait son enveloppe charnelle, mis à part quelques cicatrices qu’il s’était refusé à faire disparaître. Pourtant la douleur, fugace et vive, qui l’avait empêchée de se relever, était bien présente. Il pensa à Khaé, son fidèle assistant, qui l’attendait dans la tribune divine. Il se sentit confus.
Il savait que sa présence au sein du conseil ne faisait pas l’unanimité. Mais de là, à ce que l’un d’entre eux tente de l’assassiner, était inconcevable. Le déshonneur le frappa. Sa destinée allait s’achever.
Il ferma les yeux. Sa mémoire dansa. Il rassemblait les fragments épars de sa conscience, dans l’espoir de trouver l’infime détail qui lui permettrait de découvrir son assaillant. Son souffle astral se fit plus lourd, comme si même hors de son organisme, la douleur refusait de le quitter. Une pointe d’énergie pulsa. Il ouvrit les yeux. Un frisson parcouru l’espace. Une présence. Quelque chose - ou quelqu’un l’observait.
Dans l’ombre du couloir, une silhouette se dessina. Ni totalement divine, ni entièrement humanoïde, un être ancien, oublié des archives célestes, transperça son âme. Une douce lueur se propagea, son corps physique s’éveilla lentement, tandis qu’un étrange symbole brilla à son poignet. Il sut alors que sa destinée ne s’achèverait pas ici.
Il se sentit violemment aspiré, la clarté s’intensifiait pour absorber son âme. Une chaleur s’empara subitement de lui et il ouvrit les yeux. Il se redressa et releva son bras. Le symbole se dissipait progressivement. La douleur, cessa son emprise et disparut comme un mauvais rêve. Son pouvoir divin lui revint, ainsi que son énergie et sa force.
Kaalan ne comprenait pas. Examinant son corps sous toutes les coutures, il se rendit à l’évidence. Ce qui venait de le blesser, ne lui avait fait aucune blessure physique. La lumière sur son poignet était un sortilège de protection. Qui avait pu donc l’ensorceler sans qu’il ne s’en aperçoive ? Il voulut interpeller la créature, mais elle avait disparu. Khaé l’appela mentalement. Le tournoi avait commencé et sa présence était requise sur la surface de combat. Se relevant, il franchit la porte de l’hypogée. La colère guidait ses pas.
Le tournoi prit une nouvelle direction. Une frénésie embrasa les gradins d’une clameur sauvage. Les affrontements s’intensifiaient, chaque coup porté résonnait d’une vague de puissance qui effritait la bulle protectrice de l’arène. La porte d’accès de son seigneur restait désespérément vide. Khaé, le souffle court sentit le vertige le gagner. Il s’effondra sur son siège, les poings crispés et le cœur tambourinant dans sa poitrine. Les yeux rivés sur le carnage, il pria mentalement pour le retour de son Katastrep.
Au centre de la surface de combat, entre débris de roche et embruns magiques, le Seigneur Shanuin, venait de tomber dans une embuscade brutale. Il était pris en étau par les Seigneurs Sidra et Phélas, et se débattait comme une bête acculée. Les visages moqueurs des deux dieux le fixaient intensément, mus par une cruauté jubilatoire. Cette soif de domination éclipsait toute trace d’honneur divin.
Sidra lança le premier assaut. Une onde tranchante fusa de sa paume, lacérant l’air et le visage de son adversaire. Phélas enchaîna, bondissant à une vitesse fulgurante, son poing s’abattant sur le torse du jeune dieu. Le sol vibra sous l’impact du Seigneur Shanuin percutant violemment un pilier brisé. Il se releva, les jambes flageolantes et fonça sur ses deux adversaires. Ses cris de rage se mêlèrent aux éclats de son pouvoir. Ses coups, désespérés, fendirent l’air sans atteindre leur cible.
Plus loin, Anksérat, le regard incandescent, venait d’écraser Lilne dans une gerbe de flammes. Son pas lourd et menaçant le menait vers les trois dieux restants, ses yeux fouillant le champ de bataille comme un prédateur traquant sa proie.
Soudain, un choc d’une violence inouïe fit trembler les fondations. Le Seigneur Shanuin, percuta le mur d’enceinte avec une telle force, que la pierre explosa dans un fracas assourdissant. Un nuage de poussière et de débris, engloutit les combattants. L’arène fut plongée dans une obscurité suffocante. Khaé retient son souffle, les mâchoires serrées. La foule, silencieuse, attendait fébrilement.
Puis les gradins du sixième Méros éclatèrent dans une hystérie collective. Le nom de leur Katastrep rugit dans l’air comme un cri de guerre. Il se tenait là, son cousin inerte dans les bras, le regard noir et son énergie crépitant autour de lui. Khaé souffla de soulagement.
Kaalan délaissant Shanuin à même la surface de combat, s’élança et fracassa le seigneur Phélas. Le choc l’emporta et il s’écrasa contre le Seigneur Anksérat dans une brutale collision. Sonnés, ils restèrent immobiles, le souffle arraché par l’impact.
D’un mouvement rapide et félin, Kaalan se glissa derrière le Seigneur Sidra. Sa main illuminée d’une onde noirâtre, s’apprêta à frapper. Sidra se retourna juste à temps, para le coup, et d’une décharge d’énergie jaillissante de son bras, projeta Kaalan dans les cieux.
Les spectateurs levèrent leur tête, scrutant le ciel. Les deux divinités avaient disparu. Des ondes de choc faisaient vibrer l’atmosphère. Leur vitesse de combat échappait à toute perception. Seule de fine fluctuation lumineuse permettaient aux yeux aguerris de suivre le déplacement des deux guerriers. La foule était frustrée. Elle grognait d’impatience.
L’un des gradins s’effondra dans un vacarme terrifiant. La barrière protectrice avait cédé. La foule paniqua, hurla, se piétina et accentua le chaos. Le gradin s’écroula entièrement, engloutissant les malheureux dans le gouffre sans fond.
Les mages des armées divines et les dimiours se relevèrent, les regards brumant de colère. Mélack invoque sa magie sur ordre du roi et enferma les survivants dans une nouvelle bulle protectrice.
Kaalan, surgit des décombres. Il s’éleva dans les airs, enveloppé d’une aura noire. Ignorant les dégâts, les cris, les pleurs et les appels de son roi, sa colère se concentra sur le Seigneur Sidra, qui déjà, hurlait sa victoire à son Méros. Il fondit sur lui, comme une comète vengeresse et accéléra sa chute pour en maximiser l’impact.
Le temps se figea. Les êtres suspendirent leur souffle. Une gravité écrasante s’abattit sur le terrain. Les deux corps divins s’écrasèrent dans une onde de choc. L’arène se fendit en deux.
Comme si l’univers lui-même voulait effacer l’horreur, l’arène et le gradin effondré se reconstituèrent. Les débris remontèrent lentement, ramenant avec eux, ceux qui avaient chuté ainsi que les corps des victimes ayant manqué de chance. L’arène tout entière retrouva sa splendeur. Puis dans un silence irréel, les tintements d’une clochette résonnèrent.
A suivre.