Ce qui est inattendu

Par Luvi

Localisation : Palais divin du seigneur Kaalan – Galaxie de Thyra - Sixième Méros

La petite planète, gravitait calmement dans l’amas étoilé du quadrant sud du sixième Méros. Troisième astre terrestre du Système solaire proche de la planète Valerys, monde magiquement influant dans la galaxie, sa localisation, permettait aux peuples de venir prier leur dieu.

Le seigneur Kaalan, paraissant nonchalamment dans l’herbe tendre du jardin, le regard fixé sur le ciel rosé, annonciateur de l’hiver qui saisirait bientôt ses mondes. La nuit allait bientôt étendre son manteau étoilé sur la voûte céleste qui entourait la planète, nuançant le ciel de traînée bleutée. La Planète Vilarys a des milliers de kilomètres au loin, masquée à moitié par les nuages qui s’amoncelaient, projetait son ombre sur la planète naine.

Kaalan, adorait cette vue. Apaisant, tel était le mot qui lui venait à l’esprit, quand il avait ce besoin irrationnel de s’isoler pour réfléchir au calme. Les contours de l’immense planète au loin, les étoiles rehaussant sa beauté et le ciel hivernal, lui apportaient l’apaisement quand son cœur le réclamait. Mais la seule ombre qui entraînait son esprit dans un maelström de réflexion, occultait sa paix intérieure.

Ce qu’il s’était soudainement produit au conseil l’emplissait de doute. L’intervention du roi et les actions de son assistant, le menaient à réfléchir quant à une éventuelle alliance de maintes fois refusés de sa personne. Mais le plus étrange, avait été la folle requête de dame Vinaria. Cette femme, meurtrie par la mort de son époux, avait totalement changé d’état d’esprit depuis son arrivée au sein du conseil. Le visage hautain et le comportement irrespectueux dont elle avait fait preuve, ne lui ressemblaient guère. C’est avec certitude, qu’il pensa soudainement qu’elle était victime d’une des nombreuses machinations du seigneur Gosh. Il allait mener son enquête, il le devait en tant que général en chef des armées divines. Sûr de son intuition, il ramènerait les preuves de cette félonie au roi. Khae se présenta à lui, dans une gracieuse révérence.

— Mon seigneur, bien que votre grandeur se fiche totalement de ce qui peut se dire au conseil, un message vient d’arriver du seigneur Shi. Il souhaite que votre ardeur se calme avant l’annonce du tournoi. Se redressant, il fixa le dieu étendu au sol, étouffer un bâillement.

— Un Dimiour qui croit donner des ordres à un Katastrep, on aura tout vu ! Ne te donne pas la peine de lui répondre. Il esquiva une pirouette et se releva. Nous irons en son palais pour prendre le thé.

— Prendre le thé ou vider le garde-manger ? Un sourire narquois orna les lèvres de l’assistant.

— Uhm… Kaalan, la main sur le menton réfléchi quelques secondes avant de se tourner vers Khae. Les deux, cela fait bien longtemps que je n’ai pas vu Shi devenir aussi rouge de frustration que les pommes délicieuses de son jardin. D’ailleurs en parlant de pommes.

— Une tarte vous attend pour le dessert mon Seigneur. Khaé tourna les talons, prêt à retourner derrière ses fourneaux. Kaalan lui empoigna le bras.

— Khaé, quelle était donc cette divine comédie se jouant en plusieurs actes, que nous ont offerts dame Vinaria et le Seigneur Gosh ? Les yeux baissés, il rejouait mentalement l’incident de la veille.

— Une énième tentative de déstabiliser le roi j’imagine. Il leva son sceptre devant lui. Une image se matérialisa dans l’air. L’irritante scène apparut. « Je trouve par ailleurs, que notre jeune roi à su réagir avec brio.

— J’ai plutôt l’impression que notre roi, de par son regard bovin, attendait une quelconque réaction de ma part.

— Bovin ? Quelle insulte mon seigneur, choisissez vos mots avec plus de prudence ! Le seigneur Kaalan éclate de rire.

— Allons ne te fâche pas, la scène était cocasse ! Mais je ne sais pourquoi, j’ai la nette impression que cette crise a été provoquée volontairement par le second Méros.

— Ils attendaient une action de votre personne ? Khaé vint se placer face à son seigneur.

— Afin de contester ma place au sein du conseil oui ! N’oublie pas que le sixième Méros est le point de départ du chemin céleste qui mène aux Neuf Royaumes. Ce passage est interdit d’accès par décret divin datant du roi Brashivi, et seule ma dynastie divine en possède le droit.

— Ils auraient donc tenté de vous pousser à la faute afin de forcer le roi à vous démettre de vos fonctions et leur donner la régence de votre Méros ? Khaé la main sur le menton réfléchissait à ces paroles. Impossible ! Ce que vous êtes est ce qui plaît grandement à notre roi. Malgré leur incessante vendetta à votre égard, seul votre mort pourrait leur donner satisfaction !

— Je te vois venir, oublie cela Khaé. Pas de femme et pas de descendance pour le moment. Aucune distraction ne doit venir me détourner de mon but ! Laisse-moi maintenant.

— Bien mon seigneur, je serais dans les cuisines. Ses yeux devenus brillant par les larmes qui menaçaient de couler, il détourna les talons, empruntant l’unique chemin le menant au palais, s’étendant sur les hauteurs de l’immense plaine.

Construit dans la roche la plus sombre des carrières de Ony dans le grand désert de Vilarys, il rayonnait sous l’effet de l’énergie de la désolation qui flottait tel un nuage de poussière. Au crépuscule, la pierre se parait de zébrures lumineuses, apportant à l’endroit une fine brume de lumière. De constitution rectangulaire, des colonnes sculptées à même la paroi et l’immense entrée plongée dans le noir, rendait l’endroit peu accueillant. Le vestibule donnait sur un large escalier tournoyant vers l’étage supérieur du palais. Cohabitant avec un puits sans fond, précipitant les malheureux dans les abîmes ténébreux de la planète, l’absence de rambarde invitait à la prudence. Le premier étage, d’une grande simplicité, emmenait les visiteurs dans un large couloir de marbre d’une noirceur obsidienne. Les lueurs extérieures filtrant à travers les multiples ouvertures, le rendaient aussi lumineux que terrifiant. Les torches gravitant à même les murs, dont les flammes vacillaient sous le vent de la nuit, projetaient leurs lumières en taches incandescentes rendaient l’endroit lugubrement inquiétant.

La grande salle, cachée derrière une lourde porte gravée de scène à la gloire des Katastrep du sixième Méros, venait décevoir ceux qui pensaient que le palais ruisselait de mille richesses. Les murs à colonnades, d’un ton aussi noirâtre que le reste du palais, dont les tentures alourdissaient la pièce étaient les seules décorations existantes de la pièce. D’immenses braseros faits d’un métal similaire à du bronze réchauffaient l’atmosphère. La seule folie qui égayait un tant soit peu l’immense salle, était les fauteuils de Soks blanc qui encerclait une grande table de Ony.

De vastes arcades, envahies par la végétation donnaient sur une terrasse ou s’entremêlaient plantes et fleurs venues des quatre coins des galaxies. Le reste du palais, n’était pas en reste. Une spacieuse salle d’eau ou le bassin encerclé par les bras d’une statue représentant une créature humanoïde à la hauteur vertigineuse, le cabinet du jeune dieu, une simple cuisine et quelques chambres. La dynastie divine de ce Méros, était connue pour sa négation face aux richesses des mondes, et n’avait cure des trésors que les humains affriolaient. Une vie simple pour des dieux dont l’unique préoccupation était de maintenir l’équilibre de l’énergie créatrice de toute chose.

 

Localisation : Palais divin du seigneur Gosh – Galaxie de Pétra – second Méros

Un étrange fumet à l’odeur alléchante embaumait l’air du petit cabinet. Le jus d’une étrange volaille coulait le long de sa bouche, imbibant sa longue barbe grisonnante. Sa tunique d’un rouge ardent, était entachée, lui collant à la peau. Ses yeux jaunes, semblant fixer ce qui était invisible, terne et immobile rendaient son visage aussi sombre que la couleur de sa peau. Tel un automate, il répétait le même geste depuis une bonne heure, inconscient du malaise qui saisissait son assistant, à genoux à ses côtés. La jeune créature humanoïde aux yeux dorés, la chevelure blanche et les vêtements souillés de la soupe que son dieu venait de lui jeter, tremblait sans un mot. Encore une fois, il venait de subir la colère de son seigneur après son retour du conseil des dieux. La peur, les brimades et les violences qu’il subissait quotidiennement lui étaient devenues familières.

Zaman, membre de la famille Riukles, maisonnée royale du second Méros, spécialisée dans les hautes magies, était reconnu pour ses travaux sur les artefacts divins. Il avait été jadis, le grand ami du Seigneur Judal, l’Isis noir, le rencontrant à l’âge de huit ans, lors d’une fête donnée en l’honneur de la naissance du fils du Katastrep Ankséraht. L’amitié qu’il avait forgée avec l’entité divine, lui avait ouvert une nouvelle voie, rejoindre la maison divine du seigneur Gosh, afin d’y être formé en tant qu’assistant divin. Des années plus tard, son Seigneur lui dévoila son véritable visage, lors de l’annonce de la mort des Isis et de son ami. Il prit un malin plaisir à torturer psychologiquement le jeune homme, anéanti par la nouvelle. Il haïssait certes son Dimiour, mais la haine qu’il portait à l’entité femelle qui lui avait arraché le Seigneur Judal, était féroce. Depuis, naviguant entre les affres de la violence et les peines de son cœur, Zaman passait le plus clair de son temps à rêver d’une vie loin de toute la haine du divin.

— Zaman, mon mignon, as-tu reçu des nouvelles de dame Vinaria ? L’os de poulet qu’il agita, éclaboussa la lourde table en bois.

Zaman, arraché violemment de ses pensées, déglutit. Il n’osa pas relever la tête. « Non mon seigneur, mais je sais qu’elle sera présente lors du tournoi.

Il abaissa encore plus son buste vers le sol, pour s’épargner d’être frappé avec la carcasse du volatile.

— Présente, dis-tu ? J’ose espérer que notre roi ne va pas nous faire l’affront de la placer dans la tribune divine ! A-t-elle reçu mon cadeau ?

— Je l’ignore mon seigneur.

— À quoi sers-tu assistant ? Se tournant sur sa chaise, il lui assena une violente gifle. « Tu es aussi inutile qu’insignifiant ! Quels regrets que le seigneur Sidra n’est pas anéanti ton monde autrefois !

Les larmes menaçant de déborder, Zaman n’osa pas se relever.

— Tu fais tout pour que la colère m’envahisse ! Gosh se redressa en renversant sa chaise.  « Je vais devoir me déplacer en personne ! Il l’empoigna. « Je vais te faire payer très cher cette humiliation !

Il propulsa Zaman à travers la pièce. Le choc fut douloureux pour le jeune homme. Ayant percuté l’âtre fumant de la cheminée.

— Rends-toi chez Dame Vinaria et ne reviens pas sans savoir !

Se relevant quelque peu sonné, son bras droit endolori le faisant atrocement souffrir, il fit une révérence et sortit dans le long couloir le menant à une terrasse.

À moitié masquées par les cimes des arbres, les lunes au loin luisaient sous les dernières lueurs du soleil. Le crépuscule s’abattant, chassait les dernières traces de lumière, dont la chaleur s’infiltrant à travers les branchages rougeâtres des immenses arbres lui réchauffa le visage. Les cris des animaux nocturnes sortant de leur sommeil remplaçaient peu à peu le chant mélodieux des oiseaux à mesure que le soleil déclinait. Une légère brise venue des crêtes enneigées des immenses montagnes à l’horizon, venait rafraîchir la tombée de la nuit,

Frissonnant, il resserra son épais gilet autour de ses épaules. Il se décida à descendre l’unique escalier le menant au parvis du palais. Le bâtiment de deux étages, perdu en plein cœur de la forêt, servait de lieu de vie au seigneur Gosh. Une caserne attenante, servait de domicile, à une petite unité des armées divines, lui étant entièrement soumis. La pierre d’un rouge sombre, importée des carrières de Kokkini, un petit monde industriel et pauvre en énergie magique ne dégageait aucune magie. Ce qu’il ressentait venait des tréfonds du bâtiment. L’enveloppant de mauvaises vibrations, Zaman savait que sous peu, les soldats quitteraient leur foyer. La teneur de la mission qui leur avait été confiée, était inconnue du jeune homme. Son Dimiour n’ayant confiance en personne, ne l’invitait aucunement à participer à ses tromperies.

Zaman ne frayait jamais avec les soldats. Soumis à d’intenses sortilèges, les humanoïdes et humains de l’armée divine vivaient en totale soumission pour leur dieu. Leur seule échappatoire étant les moqueries qu’ils adressaient au jeune homme. Il en avait honte. Honte des murmures dans son dos, honte des taquineries et des sévices à son encontre. Savoir que les soldats avaient connaissance de ses nuits passés aux côtés de son seigneur et des violences qu’il subissait lui était douloureux. Autant que les gestes obscènes que les militaires lui adressaient. Alors il se cachait, masquant sa présence quand cela lui était nécessaire. Il arriva devant un piédestal surmonté d’une arche de pierre. Gravissant les quelques marches, il incanta et un immense portail déchira l’atmosphère. La lueur bleutée s’en dégageant se fit rassurante. Il inspira et prenant son courage à deux mains, il traversa.

 

Localisation : Palais divin du seigneur Kaalan – Galaxie de Thyra - Sixième Méros

La nuit tombait sur le domaine divin du sixième Méros. Les jardins, rafraîchis par une brise gelée, se mêlant à l’odeur des plantes qui poussaient confuse sur la rive. Les prémisses d’un long hiver paraient l’atmosphère d’une température amoindrie par le vent qui s’installait. Elle entra dans le bosquet plongé dans le noir. Faisant apparaître une sphère de lumière elle entama sa marche dans le chemin tortueux qui la mènerait vers le lieu le plus sacré de ce monde. Les murmures de la nuit portés par la brise, répandaient dans les bois les dernières nouvelles des mondes habités.

Tendant l’oreille, elle laissa les prières des créatures humanoïdes, s’emplir de louanges pour leur Katastrep. Savoir les mondes en paix lui apporta du baume au cœur. Les souvenirs de ces longues années de doute et de peur qui s’étaient installés après la mort du seigneur Alkan, n’existaient plus dans les mémoires des créatures. Savoir que le calme était revenu et que les mondes avaient à nouveau foi en leur dieu, soulagea sa conscience. Le poids qui la meurtrissait depuis la disparition de son mentor venait de disparaître.

Elle arriva devant l’arche de pierre menant au grand mausolée. La luminosité lunaire et des dizaines de torches dispersées sur tout le long de la montée, illuminèrent un escalier, encerclé par la végétation. La tombe dressée en haut de la procession, construite à même la roche se dévoila à elle. Mille chandelles dont les flammèches vacillaient sous un fin zéphyr, éclairaient la petite place centrale, surmontée d’une idole à la gloire du grand Seigneur Alkan, ancien Katastrep, dieu de la désolation et initié du troisième degré. Ici-bas, nulle énergie néfaste ne venait troubler l’énergie créatrice de toute chose, et la faune et la flore vivaient en parfaite symbiose, apportant les fruits de leur communauté. Le mont sur lequel se dressait le vibrant hommage à ce grand dieu était sacré, seuls le seigneur de la planète et son assistant y avaient accès.

Khaé s’affairait en cuisine. Le Seigneur Kaalan, les yeux fixés sur la tarte aux pommes dont l’odeur alléchante titillait les narines, écoutait à demi-mot l’analyse teintée de sarcasme de son assistant. Une cuillère vint se fracasser contre le mur à côté de sa tête. Sursautant, il leva les yeux vers Khaé dont le regard devenu dur et empreint de colère le statuait.

— Vous ne m’écoutez pas ! Veuillez vous concentrer et faites preuve de considération à mes propos ! La louche relevée en sa direction projetait sur le marbre du plan de travail un mélange visqueux.

— La cuillère était-elle nécessaire ? Accolé contre la paroi, le jeune dieu, dont l’affolement ravissait son assistant, paniquait à l’idée d’être privé d’un repas.

— Vous n’en faites qu’à votre tête mon seigneur. Les protocoles se doivent d’être respectés ! Combien de temps encore, allez-vous les provoquer alors que votre cœur se refuse à toute alliance avec le roi ?

— Alliance, alliance tu n’as que ce mot à la bouche ! Te souviens-tu pourquoi ma dynastie n’a jamais été anéantie ? Parce que nous restons neutres face aux conflits qui germent dans l’esprit de ces imbéciles…

— Votre père n’aurait jamais laissé une telle insulte se produire…

— Je ne suis pas mon père ! La cuisine se mit à trembler sous l’effet de l’énergie que produisait la colère du jeune dieu. « Cesse d’absolument vouloir me comparer à lui !

— Et pourtant votre majesté lui ressemble en bien des points. Khaé lui tourna le dos et plongea sa louche dans le plat qui mijotait dans l’antre du brasier.

Le seigneur Kaalan, fit demi-tour et se posta sur la terrasse, les mots de son assistant résonnèrent à ses oreilles. Il détestait au plus haut point les remarques sur sa ressemblance avec son père. Levant les yeux vers les étoiles, il se laissa aller à la même complainte qui résonnait en son cœur depuis des millénaires.

Père, comment suis-je censé réagir quand le jeune roi qui nous gouverne tous requiert mon être à ses côtés ? Dois-je passer outre les règles qui ont fait de notre famille ce qu’elle est ? Dois-je accepter cette alliance, là ou les millénaires nous ont appris à rester neutres face à l’évidence de conflit ? Notre Méros, ne connaît que paix et félicité. L’amour que les peuples portent au divin, est le fruit d’un travail harassant, que j’ai dû mener d’une main de maître. Louange et gloire m’ont tendu les bras, car nulle peur dans le cœur de nos fidèles. Mais le chemin vers la paix a été aussi long que fastidieux. Qu’aurais-tu fait si tu avais encore été là ? Nos mondes auraient-ils connu les affres des ténèbres ? Je n’aurais souhaité qu’une minute de ton temps, quelques secondes à écouter ta grandeur et voir ta force et ton prestige régner sans aucune distinction. Que de secrets entoure le passé troublé de ta vie, que de mystères entoure ton retour vers les étoiles, si seulement tu pouvais m’envoyer un signe, me montrer le chemin qui m’amènerait vers la vérité…

Bercé toute son enfance par les légendes et les contes divins, l’absence de son père l’avait mené très tôt a se questionner sur la réalité de l’univers et de sa charge sacrée.

Il avait mis fin aux guerres qui parsemaient son Méros, interdis l’esclavagisme et permis aux êtres humanoïdes d’accéder à son palais, devenant le dieu le plus loué des peuples de cette partie de l’univers. Distribution des richesses, hommes de confiance à la tête des nations, mise à mort des opposants et interdiction de certaines magies, avaient ramené la paix et l’équilibre dans l’énergie créatrice. Le plus difficile pour lui, avait été la destruction de planète mourante. Évacuer les peuples y vivant, avait donné lieu à des conflits, menés par des humains qui voyaient d’un mauvais œil, l’arrivée massive d’étranger sur leur terre. Mais les lois divines étant ce qu’elles sont, les mondes des hommes s’étaient soumis à ses décisions, et la peur de l’autre qui berçait leurs cœurs, ne fut bientôt plus qu’un lointain souvenir.

 

Localisation : Palais divin du seigneur Gosh – Galaxie de Pétra – second Méros

Une forte corpulence, une longue chevelure rouge sang retombant en cascade sur son armure de bronze, une peau blanche ou s’effilaient des veines d’un rouge profond et les yeux cernés de noir, lui donnait l’air d’un malade souffrant d’aïma. Malgré son apparence maladive, Sidra possédait un don. Ses facultés à se tenir en retrait et à masquer sa présence, en faisaient un parfait espion. Dès son arrivée au palais divin royal, alors qu’il n’était encore qu’un jeune dieu, il avait bien vite appris à rester loin des scandales et des potins qui agitaient les maisons divines. D’une nature discrète, ses camarades en avaient fait un confident. De ses compétences, les portes d’un monde secret au sein même du conseil s’étaient ouvertes.

Bercé par le cliquetis de son armure et les martèlements de sa lance sur le dallage de pierre, le trajet de son monde au palais divin du second Méros, lui donnaient le temps de réfléchir. Il éructait mentalement. L’humiliation que lui avait faite subit le seigneur Kaalan, le laissait dans une rage folle. Rage vite remplacée par la peur. Le message en sa possession, lui donnait ordre de recruter le seigneur Gosh. Lui ayant semblé quelque peu menaçant, c’est avec appréhension qu’il s’apprêtait à franchir le pas de la porte. Malgré le sentiment qui accompagnait ses pas, un autre faisait lentement progression dans son esprit. L’entrevue avec le maître du clan des ombres.

Son Méros, était actuellement en proie à des guerres entre humains et créatures humanoïdes, dont les vaisseaux parcouraient sans relâche les systèmes solaires. Le clan des ombres avait œuvré sans son accord dans l’unique but de détruire certains astres de feu, afin de plonger des pans entiers de mondes habités dans les ténèbres et les hivers éternels.

Depuis la destruction des deux astres solaires de la planète Invira, monde secondaire de la galaxie de Vrachos, le conseil était aux aguets et réclamait plus d’action de la part du Katastrep. Il devait se faire violence durant ses longues entrevues avec le roi, pour ne pas avouer ses fautes qui le conduiraient vers une mort prématurée. Il devait également rester dans les bonnes grâces d’humains dont la dangerosité n’était plus à prouver. Ce soir, il se devait de réussir la mission qu’il lui avait été donné. Convaincre le seigneur Gosh de rejoindre son organisation millénaire. Tel était le souhait du maître.

Il entra sans un petit vestibule plongé dans la pénombre. Quelques torches, reflétaient leur halo lumineux sur les murs de pierre jaune. Connaissant le Dimiour pour ses goûts luxueux, la simplicité de l’endroit l’étonna grandement. Il fit un pas en arrière, son instinct en alerte. Un sortilège à l’énergie nauséabonde stagnait dans la pièce attenante. Quelque chose était à l’œuvre derrière la porte d’or.

Le seigneur Gosh, ignorant tout de la présence qui venait de se faufiler dans son dos, essuya sa main ensanglantée sur sa tunique. Se levant, il quitta son cabinet et entra dans sa chambre avant de jeter une masse rougeâtre dans l’âtre de la cheminée. La chose se mit à grésiller avant d’embaumer la pièce d’une odeur fétide. Prenant place devant une bassine à l’eau cristalline, le seigneur fit ses ablutions avant d’enfiler une fine tunique de lin immaculée déposée sur une chaise. Faisant demi-tour, il sursauta. Sidra, la main posée sur la bouche de Gosh, le toisait de ses yeux injectés de sang.

— Seigneur Gosh, veuillez ne pas crier et je vous libère.

Hochant la tête, le cœur battant fortement, il inspira doucement pour se calmer.

— Seigneur Sidra ! Que me vaut cette intrusion en mon palais ?

— Une affaire de la plus haute importance !

— À cette heure-ci ? N’espérez pas faire cesser les enquêtes à votre encontre en pensant à tort que des menaces me feraient changer d’avis !

— Ma présence n’est en rien motivée par les actions du conseil à mon encontre !

— Alors de quoi voulez-vous m’entretenir ?

— De votre intronisation en tant que roi des dieux mon seigneur !

Gosh se figea, fixant son regard choqué sur le Katastrep face à lui. Sidra jubila intérieurement ! Le piège était placé, ne restait plus qu’à le refermer sur le Dimiour.

 

Localisation : Palais divin du seigneur Kaalan – Galaxie de Thyra - Sixième Méros

Au milieu de la flore s’endormant pour l’hiver qui arrivait, Khaé repensa à son seigneur. Blessé par les paroles du jeune dieu qu’il avait élevé, il avait délaissé la préparation du repas et était sorti dans l’espoir de faire taire les pensées qui l’assaillaient. Ses pas l’avaient mené naturellement vers le mausolée. L’irascible sensation d‘être mis à l’écart tambourinait dans son esprit, jetant la confusion sur ses actions. Devant jouer continuellement sur deux tableaux, le manque de considération de son seigneur concernant les tâches dynastiques qui lui incombait, lui donnait un sentiment d’amertume. Mais il se faisait une raison, le jour du retour de Lostris approchait, et si le seigneur occultait ses devoirs familiaux, cela lui laissait plus de marge pour se concentrer sur les actes dont il avait la charge.

Khaé s’agenouilla et dans le silence rendit hommage mentalement à ce dieu qu’il avait si bien connu. Ses yeux se posèrent sur un bouquet à l’identité inconnue. Les fleurs à la blancheur immaculée, étaient d’une beauté qu’il n’avait jamais eu l’occasion de contempler. Trois pétales majestueux d’une douceur infinie en surmontaient trois autres, offrant une vision gracieuse de la plante dont les longues tiges au toucher de velours et le parfum délicat, enchantèrent ses sens. S’extasiant sur la pureté et l’élégance d’une telle composition naturelle, il ne remarque pas le regard posé sur lui. L’ombre qui se détacha du bois protecteur s’avança, se détachant des ténèbres sylvestres sans le moindre bruit.

— Bonsoir mon ami.

Khaé sursauta à l’entente de la voix cristalline qui venait de s’élever. Se retournant, il laissa l’émotion le saisir à la vue de la seule personne dont il ne s’attendait pas la visite. Les yeux brillant par les larmes menaçant de couler à son retour, il murmura, la voix étouffer par les sanglots « alors tu es enfin revenue…

Un sourire, un pas, une accolade et Khaé fondit en larme. Le corps tremblant, se gorgeant de la lumière et de la chaleur que dégageait la visiteuse, il se laissa bercer par l’étreinte qu’elle lui offrait. Reprenant contenance, il se délivra à contrecœur de l’aura bienveillante de la femme face à lui.

— Cinq mille ans ! Il afficha un sourire bienheureux. « Et pourtant j’ai la sensation que notre séparation date d’hier. Votre Altesse. Il tira une révérence, et plongea son regard dans celui argenté de l’entité venu le visiter.

— C’est un bel endroit pour lui rendre hommage. Le compliment renvoya Khaé vers des souvenirs lointains ou le Seigneur Alkan projetait encore sa grandeur sur le Méros.

— Les fleurs sont magnifiques. D’où viennent-elles ? Il saisit l’une des fleurs et en caressa les pétales.

— De Midgard. Ce sont des Lys. Elles possèdent plusieurs significations. L’amour, la pureté, le deuil. C’est aussi un symbole monarchique chez les humains. Sa voix s’étrangla.  « Ça lui ressemble tellement. Quelle grande perte avons-nous connue. Elle prit une grande inspiration. « Mais trêve de niaiseries Khaé, je n’ai pas beaucoup de temps à mon grand regret. Dis-moi, le chaton a bien grandi ! Lui prenant les mains, ils allèrent s’asseoir sur la première marche de l’escalier qui serpentait à travers la montagne.

— En effet, il est son digne héritier, et sa puissance, n’est pas en reste. Même si l’ombre de son père freine grandement son évolution. Il fie la moue.

— Cherche-t-il à comprendre les agitations du passé ? Se plonger dans les actions de l’ancien temps risque de nous coûter très cher. Veille à le conduire sur le chemin de la vérité, et non pas sur celui dicté par ceux qui ont vainement tenté de la dissimiler. Il serait regrettable que nous perdions ce futur allié. Il doit se rallier à la coalition. Qu’en est-il du conseil ?

— Le jeune roi manque d’assurance. La plupart des dieux s’octroient le droit d’être irrespectueux et ne s’occupent plus de mener leur Méros. Nos mondes se meurent et cela ne semble inquiéter personne.

— Comment l’ancien roi a-t-il pu laisser une telle agonie se produire ?

— Après ton sortilège, Asgard à tenter d’entrer en guerre contre nous. Le roi n’étant plus que l’ombre de lui-même, n’a pas jugé bon de s’interposer. Cela a provoqué la fureur des dieux et les Seigneurs du cinquième Méros ont pris la régence du sixième. La guerre fut évitée de justesse, grâce à une démonstration de force des mages les plus puissants, venus des quatre coins des mondes habités. L’armée Asgardienne a connu une débâcle dont je suis étonné que tu n’en as pas connaissance !

Lostris ricana. « Odin se garde bien de partager ce pan d’histoire avec moi. À part comploter dans mon dos et fouiller les neuf royaumes à la recherche du bracelet, il n’est pas très loquace sur comment le royaume a survécu sans moi. Et le clan des ombres ?

— Je dois dire que le conseil continue à nier leur retour. Pourtant ces humains ne cessent de conquérir, et d’user de leur magie sans représailles.

— Peut-être est-ce parce qu’ils ont la protection de certains dieux. Dit-elle, une grimace sur le visage.

— Dois-je comprendre que tu as pu discerner les traîtres ?

— Pas tous. Ils savent se mêler avec brio au conseil. Les débusquer ne sera pas aisé.

— Qui accuses-tu ? As-tu au moins la preuve de tes dires ?

— Le Seigneur Anksherat était un traître.

— Cela n’est plus un secret pour nous, puisque ta dernière folie lui a été fatale.

— Sidra. Ce porc complote également avec Bakura.

— En es-tu sûr ?

Elle fit apparaître une liasse de document qu’elle lui tendit. « J’ai eu l’occasion il y a quelque temps d’assister à l’un de leur rendez-vous. Voici le rapport du jour ou je suis tombé sur eux totalement par hasard.

— Tu ne fais jamais rien au hasard ma chère. Il tendit la main et récupéra les feuillets. Quelle était la teneur de leur discussion ? Il feuilleta les premières pages.

— Il semble que l’obédience due à ce cher Sidra, soit un point inexistant pour le Clan des ombres.

— S’attendait-il à une quelconque soumission de leur part ? Il fixa Lostris, l’air surpris. Tout deux, éclatèrent de rire devant tant de bêtise de la part d’un dieu. Reprenant leur souffle, ils se laissèrent tomber sur le dos, fixant la voûte céleste. Lostris prit la main de Khaé.

— Soumission, je ne pense pas, mais que leurs accords soient respectés ! La disparition des systèmes de Androm et de Mede, ne faisait pas partie de leur plan.

— Le conseil ne semble pas encore au courant de ces destructions. Uhm. Il posa sa seconde main sur ses yeux, et se laissa aller à la réflexion. « Ces galaxies sont mineures, elles n’ont pas vraiment d’importance dans le vaste cycle énergétique de son Méros ! Alors pourquoi les détruire ?

— Selon mes informateurs, un nombre important d’esclaves venus de cette partie de l’univers a été acheté par un mercenaire nommé Xuran.

Khaé se redressa, embrassant la main de son amie. « Ce nom ne me dit rien, je vais

enquêter du côté du Giinos, l’inaction du Seigneur Sidra au sujet des guerres qui ravagent son Méros est sous leur juridiction. Peut-être y trouverais-je un début de réponse. Il aida Lostris à s’asseoir à ses côtés.

— Je vais rendre visite à Hatha. Lui et ses filles ont sans doute entendu parler de lui ! Les mercenaires dans les maisons de joie, ce n’est pas ce qui manque.

— Je ne remets pas en cause les compétences de Hatha et ses filles dans la collecte d’informations, mais penses-tu réellement que la population a été déplacée pour servir d’esclave ?

— Les mondes peu influents ne jouissent pas de la même protection que les autres. Si toute une population disparaît et que cette disparition n’est pas signalée, les dieux ne s’en soucient pas. De plus, les mondes mineurs se désertent depuis le commencement de la dégénérescence de l’énergie créatrice ! Les gens migrent vers les planètes majeures dans l’espoir d’y trouver emploi, logement et nourriture. Moins de créatures à asservir puisque attaquer un monde influent, reviendrai à agir dans la lumière. Donc cela est tout à fait plausible ! Tu trouveras toutes mes conclusions dans ce rapport.

— Quand reviendras-tu au palais ?

Lostris souffla et déposa sa tête sur l’épaule de Khaé. « Pour l’instant mon retour n’est pas à l’ordre du jour. Je dois d’abords me rendre sur Elysia.

— Elysia ?

— J’ai eu une vision. Elle était assez détaillée pour savoir que l’anéantissement qui les guette est proche.

Khaé s’empara des mains de Lostris et les serra contre les siennes.  « Oh Lostris ! Que la providence soit damné de t’avoir offert une telle abomination ! Tes visions te font-elles encore souffrir ?

— Non, leurs emprises sont moins forte maintenant. Tout comme celles des ténèbres. Bien. Elle se releva et l’invita à la rejoindre. « Profitons encore de ce moment de répit pour prier le seigneur Alkan.

A suivre.

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