Ce qui fût et ce qui est - Partie II

Par Luvi

Localisation : Dembas - Galaxie du croissant – quatrième Méros - Cinq mille ans plus tard

Xerces, général originel et patriarche de la maison Atossa, premier Arenj du maître du clan des ombres, se tenait sur les remparts du palais. Haut de deux mètres, son visage ébène autrefois lisse, était marbré de cicatrices argentées dont l’une d’elles, courant à verticale, entourait un œil artificiel. N’ayant pas eu le temps de rentrer en son palais, la convocation du roi, aussi sévère que brutale, l’empêchait de savourer sa dernière victoire. Posant ses mains emplies de cicatrices sur la pierre autrefois blanche, le visage sévère, il s’attarda sur le paysage qui s’étendait.

Le laboratoire du Haut-val, imposant bâtiment de pierre et de métal, perdu dans les brumes noirâtres des grandes cheminées, assombrissait les cieux noyés de nuages. Tout comme l’angoissant édifice chargé d’une énergie néfaste, inquiétante alliage empreinte de mort et d’affliction, son fief, s’était jadis lui aussi paré des plus sombre des émanations mortifères, que seule sa main avait dressées sur les vies nomades y évoluant.

Sur Dembas, il était Arenj, mais sur son monde, il était grand Begtse, farouche protecteur et guerrier féroce d’Azdahag, régnant sans partage sur sa planète mineur du quatrième Méros. Ce titre l’avait fait sourire, autant que la soumission offerte par les natifs sans magie, n’ayant jamais connus que guerres de clans et tyrannie sanguinaire des seuls créatures magiques vivant dans les grands monts montagneux de Tumeda. Montagne sacrée, mère nourricière et protectrice des grands courants aquatiques du Baïkal.

Posant ses mains sur la pierre noircis par la pollution atmosphérique, son armure faite d’écailles d’un dragon d’Azdahāg, fière créature magique dépourvu d’intelligence et de conscience, dont la fureur bestial n’épargnait aucune vie, se parait d’éclats de bronze sous les lueurs des torches. Les écailles aussi noir et luisante que les marais occultes, vastes étendues glaciales dont l’élément visqueux les composant était utilisé comme carburant dans les véhicules terrestres de certains mondes, lui conféraient une parfaite protection contre la magie. L’arme dans son dos, aux proportions gigantesques, espadon royal volé sur le cadavre d’un garde d’une quelconque royauté, suintait encore du sang de la dernière bataille qu’il venait de mener.

Regardant la ville de Dembas, il soupira de nostalgie, repensant à la conquête de ce monde, autrefois grand pilier agricole du Méros et monde magiquement influent. Elle avait connu un véritable bouleversement. Ville d’or et de lumière, elle était devenue le repaire de son clan. Un pari risqué, qui leur avait toutefois ouvert de nouvelles possibilités. Le peuple de ce monde, autrefois si heureux, avait connu une lente agonie. Le sang et la terreur avaient parsemé leur terre. La magie qui leur était totalement étrangère, leur avait apporté la désolation et la peur. Les régions agricoles jadis luxuriantes, s’étaient transformées en champs de ruine. Des bâtiments s’élevaient sur les parcelles de vignes. Un quartier entièrement dédie aux esclaves avait été construit sur les terrains qui recelaient des milles richesses de la terre. Le lac si paisible était devenu poison et le marché du Haut-Val abritait maintenant un immense laboratoire. Le temple et son quartier naguère si pieux, n’étaient plus que lieu de débauche, et le palais si scintillant auparavant n’était plus que l’ombre de lui-même.

Xerces, ce guerrier que tous vénéraient, sortait d’une entrevue avec le roi. Une fois de plus, il n’avait pas obtenu gain de cause, le monarque les accusant dorénavant de trahison. Le général avait pour sa décharge, tentée de convaincre ce vieux fou d’envoyer tous les généraux originels prendre part aux conquêtes de mondes secondaires, afin d’arrêter celui qu’ils nommaient le destructeur. Mais le roi s’enfermait dans un entêtement sans bornes. Ce vieux fou avait peur et tentait de faire face à un fils téméraire et à ses soldats bien trop belliqueux à son goût.

Ce qu’il leur reprochait, outre le fait qu’une nouvelle créature aux origines inconnues, anéantissait leurs unités, était l’amère défaite que le clan avait connue il y a cinq mille ans. Sous une sombre nuit, alors que les étoiles se teintaient de morosité, Lostris, Isis des neuf royaumes leur avait été offerte sur un plateau. Sa capture se devait d’être leur plus gros coup d’éclat. Ils avaient lamentablement échoué. Dans leur folle idée de soumettre l’entité, le maître lui avait offert l’immortalité. Mais leur rêve d’anéantir le divin en faisant d’elle une arme de destruction et de distraction docile, disparut dans la minute ou le monstre qu’ils venaient de créer avait pris vie. La mission tourna vite à leur désavantage. Ils avaient occulté un point grandement important, la femelle face à eux était l’Isis blanc. Étant la lumière de l’Isis noir, il leur paraissait maintenant évident, que l’entité sombre, avait tout mis en œuvre avant de mourir, pour protéger ce qui lui appartenait. Même mort, le divin pouvait encore se jouer des humains. Les ténèbres qui prirent ainsi possession de la demoiselle, ne leur laissèrent nullement le temps de terminer leur œuvre. Arrachant le bras droit du maître, elle prit également la vie de trois des généraux originels avant de s’enfuir.

Ils avaient été négligents. La lourde punition qu’elle leur avait infligée, sonnait encore comme un avertissement. Elle les avait humiliés. Le maître dans sa colère avait alors massacré des peuples entiers dans l’espoir qu’elle se montrerait à lui. Mais, elle passait allégrement son temps à le fuir. Quinze longues années à la traquer, quinze longues années de batailles et de luttes acharnées pour finalement échouer encore et encore.

Cette garce a toujours été douée pour la fuite ! Pensa-t-il subitement. Il soupira. Un jour elle serait aux côtés de son maître, sa puissance serait leur arme et son bras l’épée qui s’abattrait sur le divin. Mais dans l’instant présent, la patience était de mise, car dans moins d’un an, l’Asteri aurait à nouveau lieu, et avec lui, le réveil de la divinité.— Encore en train de ruminer ? que l’impatience du maître nous à coûter plus que de raison. Mais cela ne devrait pas être un frein à cette conquête, puisque bientôt le problème sera réglé !

— Si nous échouons encore, c’est la confiance du peuple que nous perdrons !

— Nous ? Il se tourna vers la jeune femme et pointa son doigt sur elle. « Tu n’es pas de notre peuple ! Tu es en vie uniquement parce que tu nous as été utile autrefois et que le roi s’est entiché de toi ! Sans cela, voilà longtemps que tu ne serais plus dans nos pattes !

Elle porta sa main à sa bouche, l’air étonné. « Je sens une grande déception en toi à cette idée ! Que cache donc ton cœur général ?

— Tu es loin d’être une idiote Héseret ! Toi qui murmures à l’oreille de notre roi et partage tous ses secrets avec notre maître connaît la situation au sein du clan ! Notre grandeur décline de jour en jour. Regarde le peuple. Il n’aspire plus qu’a une vie tranquille loin des tumultes de la guerre et  de la vengeance réclamée par ses ancêtres. Certaines vielles traditions qui perdurent depuis des millénaires n’intéressent plus les jeunes générations qui réclament à grand bruit une refonte des lois et des coutumes.

— Tu te trompes général ! Le clan a perdu foi en ses croyances, parce que l’espoir que les ancêtres ont nourri, n’est pour eux plus qu’un rêve ! Cinq mille ans se sont écoulés et seuls ceux ayant reçu l’immortalité n’ont cessé de croire au retour de l’Isis des neuf royaumes ! Mais la confiance que tous place dans le maître emplit toujours leurs cœurs ! Nous devons simplement les sortir de leurs songes ! Réveiller leur rage et leur colère ! Pour cela, une seule condition, leur offrir la tête du destructeur !

— Nous ignorons tout de lui ! Est-il un humanoïde ou un divin ? Trop de mystère entoure cet être ! Il nous humilie depuis bientôt un an, nous laissant impuissant ! Et s’il se range du côté de cette garce, alors nous risquons bien plus de perte.

— De quoi as-tu peur ? De cette gamine peureuse et pleurnicharde ? Un être tel que lui ne perdra pas son temps avec elle ! Ne perds pas la foi général ! Bientôt tous les sacrifices que nous avons dû faire nous apporteront enfin la paix ! Déposant sa coupe sur le rempart, elle tourna les talons.

— Tu oublies que cette gamine peureuse et pleurnicharde, s’est jouée de no

Xerces  se tourna vers la voix féminine qui osait venir le déranger durant sa méditation. Héseret, descendante des elfes lumineux, natif d’un monde détruit par la cupidité Asgardienne, ancienne reine d’Alfenheim, dans une armure légère d’acier blanc, la main sur la garde de sa dague, le regardait avec toute la mesquinerie qui la caractérisait. Le regard hautain qu’elle lui portait, lui fut très désagréable. Tout dans cette femme le rebutait. Grande, la taille fine, la peau blanche, les cheveux d’un noir profond et les yeux bleus, elle était la préférée du maître qui la couvrait de cadeaux.

Profondément narcissique et indigne de confiance, elle avait trahi les neuf royaumes ainsi que son ancien mari pour rejoindre le clan.

Xerces connaissait les secrets sombre du cœur dépravé qu’elle portait en sa poitrine. La  jalousie envers un être, qui n’aurait jamais dû fouler la terre de son monde d’origine, et la rancœur de voir s’éloigner l’élu de son cœur.  Les maux qui enserraient tout son être, ne trouvait de coupable qu’en l’existence de l’Isis des neuf Royaumes, car  telle était la raison de vivre de cette femme, se consumer d’une haine sans égal à l’encontre de l’entité.

— Pourquoi n’es-tu pas aux côtés du maître, toi qui ne quittes jamais son giron ? Il fixa la femme, le poing serré.

— Il m’envoie, pour s’assurer que la dernière convocation se déroule sans encombre. Elle s’approcha de la rambarde et s’appuyant dessus, pencha légèrement sa tête vers l’avant, le regardant avec un regard pétillant.

— Alors tu étais dans l’assemblé ? J’oublie par moments que tes facultés à ouvrir tes cuisses au roi nous profite allégrement.

Hésèret éclata de rire déstabilisant le général. « Jaloux ?

— Reste loin de moi femme ! Il recula, mal à l’aise. « Je ne tiens pas à me mettre à dos le maître avec ton meurtre !

— Trêve de plaisanterie Xerces ! Le roi semble à nouveau disposé à nous empêcher d’atteindre notre but.

— Depuis le jour où nous avons échoué dans notre mission, sa confiance nous échappe.

— Il est vrai que devoir quémander son autorisation pour nos missions, pèse lourdement sur le moral des troupes. Il aura enfin fini par nous interdire l’utilisation de certains sortilèges noirs. Elle leva sa main. Une légère brume s’en échappa.

— La dernière folie du maître y est pour beaucoup ! Xerces, déposant son épée contre le muret, fit apparaître deux coupes. « Conquérir un monde mineur, magiquement pauvre est inhabituel de sa part.

— Il était en colère et voulait seulement faire usage d’un nouveau sortilège. Le refus du roi d’infiltrer le sixième Méros lui déplaît.

— Le jeune dieu est bien trop dangereux ! Tant qu’il vivra, jamais nous ne pourrons nous emparer de l’Ampérion ! C’est l’unique passage vers les neuf royaumes, et ce chien en est le seul gardien ! Il tendit une coupe emplit de vin à Hésèret qui s’empressa de la saisir.

— Les conséquences risquent de devenir très fâcheuses, si ce jeune seigneur se mêle de nos affaires ! Nous avons perdu le général Raven, lors de sa dernière mission. Nous ignorons s’il est toujours en vie !

— Raven, et maintenant Forn ! Nous ne sommes plus que trois ! J’avoue

us jadis ! Héseret se figea, repensant aux trop nombreuses missions de capture qu’elle n’avait pu mener.

— Elle s’est enfermée dans son royaume tel un enfant se cachant sous ses draps pour échapper à un monstre imaginaire ! L’effroi que le maître a distillé en elle nous porte à défaut !

— Pourtant, nos plus grands magiciens en sont certain ! Ce qu’ont rapporté nos espions ne laisse aucun doute sur les agissements de cette petite garce !

—     Elle a usé de l’Asteri pour enchanter son royaume ! Les raisons en sont troubles, aurait-elle trouvé le moyen de briser l’immortalité afin de retourner à la lumière ?

— Le maître est persuadé que le sortilège cessera son effet sous peu et que bientôt, elle reviendra afin de rendre l’énergie des Isis aux planètes sacrés ! Nous aurons alors la réponse à cette question !

— De nouvelle naissance ? Vous auriez dû détruire ces mondes impies ! Sans planète sacrée plus d’Isis ! L’espoir que vous lui accordez risque de nous coûter très cher !

— Ces mondes sont protégés ! Une barrière naturelle les entoure et seuls les dieux peuvent en accorder l’accès ! Seule la planète du premier Méros nous est acquise !

— Qu’avez-vous fait sur ces terres ? Le maître interdit à quiconque de s’y rendre !

— Oh ! Alors il ne te dit pas tout ? Quelle surprise ! Xerces éclata de rire. « Tu me quittes déjà ?

— Ma présence est attendue aux côtés du maître. Lui répondit-elle sur un ton amer.

« D’ailleurs la mission sur Elysia n’est plus à ta charge.

Xerces souffla de mécontentement. « Il se décide à envoyer un invocateur occulte ?

— Oui, le maître ne souhaite pas ta présence sur place. Rends-toi sur le mont Zonan et débarrasse-toi du consul !

— Dois-je comprendre qu’il n’est plus celui qui détruira l’îlot d’Arca ? Alors qu’elle s’apprêtait à lui répondre, la place centrale se para de lumière. « Tu ne restes donc pas pour la purge ?

— Non, vous voir courir après des esclaves ne m’intéresse guère ! J’ai une autre mission plus excitante à mener. Ne meurs pas général, ta mort me peinerait.

— Meurs et ne reviens jamais femme !

Il s’accouda à la rambarde et regarda la ville se réveiller lentement. Aujourd’hui se tenait l’une des fêtes les plus importantes du clan. . La ville se parant de noir pour cette occasion, se tenait prête pour un nouveau déferlement de violence. Un nombre incalculable d’esclaves allaient mourir ce soir. Ils serviraient de cobaye pour les nouveaux sorts noir que les grandes maisons travaillaient dans le plus grand secret depuis le début de l’année qui s’était écoulée.

Le mémorium, rendait hommage aux mages qui avaient offert leur vie pour déployer le puissant sort de dissimulation qui englobait la planète il y a cinq mille ans. Le sortilège, était si puissant que même les dieux ne pouvaient localiser leur monde. Lancer dans le sang et la douleur, il avait consumé entièrement la vie et l’âme de ses jeteurs. Tel avait été le prix à payer pour protéger le clan d’un nouvel anéantissement. Xerces, qui avait vu son jeune frère se sacrifier, se remémora cette folle journée.

Sur ce qui était autrefois le palais blanc, le sang avait coulé à flots, teintant la pierre immaculée d’un pourpre sanglant. Cent mages avaient sacrifié une partie d’eux en s’arrachant violemment le cœur de la poitrine en entamant l’incantation. La magie qui avait valsé autour d’eux, s’insinuant dans leur organisme les avait consumés, transformant leur corps en statue de pierre obsidienne.

Ce soir, la ville ne serait plus que festivité, mais avant qu’elles ne commencent, le petit peuple allait ouvrir le bal, en se chargeant d’une mission des plus sacrée, la purge. Enfermés dans leur quartier par une barrière de magie, les esclaves seraient traqués et emmenés de force sur la place centrale entourant l’ancien palais. Aucune fuite ne leur serait possible. Nombreux seront ceux qui pour échapper à ce destin, mettraient fin à leur vie volontairement ou seraient tués sur place en tentant de lutter. Ce soir encore, les grandes maisons du clan démontreraient au peuple que leur puissance continuerait éternellement à les bénir.

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