Ce qui nous attend après

Lorsque j'ouvre les yeux, je me trouve allongée dans un lit. Je regarde autour de moi et reconnaîs aussitôt ma chambre, la tapisserie rouge bordeaux dans la maison de mes parents. Je reste ainsi quelques minutes sans bouger comme pour m'assurer que je ne me réveille pas d'un mauvais rêve. Une vague de soulagement me procure un bien être intérieur. Je souris de quiétude. J'ai cru un moment que je me noyais au fond du lac non loin d'ici. Mais cela ne doit être qu'un très mauvais cauchemar. Je me souviens avoir pris la voiture après une grosse dispute avec mon ex-mari. Je suis fatiguée, les souvenirs sont flous, mais j'ai dû arriver chez mes parents dans la soirée.

Quelle heure est-il? Je tourne doucement la tête vers le réveil gris anthracite posé sur une petite commode, il affiche en gros chiffres rouges: 11h17. Cela est étrange, aurais-je-dormi aussi longtemps? Ce n'est pas dans mes habitudes. Pourquoi je ne me rappelle pas de la soirée d'hier? Il est possible que pour oublier mon départ précipité, j'ai bu un verre ou deux de gin, cela a dû me faire tourner la tête.

Je me relève doucement, m'étonne d'être déjà habillée avant de réaliser que je me suis endormie avec cette tenue. 

Ma tête... ma tête me fait si mal. C'est comme un étau qui se resserre de chaque côté de mes tempes. Cela me donne la nausée, un goût amer dans la bouche. J'essaye de me relever mais la douleur augmente petit à petit. Je me laisse tomber lourdement sur le lit et n'essaye pas de me retenir. Pour atténuer cette migraine atroce, je pose mes mains de chaque côté de ma tête. Tiens, étrange, mes cheveux sont mouillés. Je ne me souviens pas les avoir lavés hier soir. Je suis sûre de ne pas avoir pris de douche avant de m'être enfuie de chez moi. Mes  paupières deviennent lourdes. J'aurais voulu me lever pour vérifier si ma serviette est sèche, mais mes  efforts sont vains. Je ferme les yeux et m'enfonce de nouveau dans le sommeil.

Quand je me réveille, je suis toujours dans ma chambre. Je me redresse, mon mal de tête est passé mais j'ai très froid. Par la fenêtre, le soleil est haut et chauffe l'atmosphère. Je me sens bien, détendue, cela se lit sur mon visage au doux sourire que mes lèvres esquissent.

Je me lève énergiquement pour descendre l'escalier qui m'amène au rez-de-chaussée. Heureuse, je danse sur place. Mais je ne saurais expliquer d'où vient tant d’allégresse. En bas, tout est lumineux. Les volets grands ouverts laissent pénétrer dans un rayon éblouissant le soleil dans le vestibule.

-Je vais ouvrir!

Cette voix...si familière, si réconfortante. Je souris à mon frère qui arrive dans ma direction. Je lui tire une grimace comme à mon habitude qui aurait du provoquer son hilarité... mais je ne vois aucune réaction. Léon s'est arrêté au milieu du couloir, je le scrute un moment. Il est incroyablement blême, ses cheveux d'ordinaire bouclés sont plaqués vers l'arrière. Je me demande d'ailleurs combien de pots de gel il aura fallu. Je ne reconnais pas mon frère d'ordinaire si joyeux, aujourd'hui son air est triste. Son regard ne croise pas le mien mais semble fixer un point derrière moi. Je m'avance un peu vers lui, sur le point de lui demander s'il compte m'offrir le petit-déjeuner. Je souris, fière de ma blague. Il ouvre la bouche prêt à répliquer lorsque: 

-Venez mon oncle, on est tous dans le salon.

Mon oncle? Qu'est ce qu'il fait donc chez moi celui la? C'est le frère de maman, mais ils n'ont absolument rien en commun, en commençant par le physique. C'est un gros gaillard qui aime la grosse bouffe. Peu importe les saisons, la température ou son humeur, il aura toujours sur lui une chemise à carreau et un pantalon en tweed. Je déteste ses pantalons en tweed. 

Je tente de me souvenir de la date de ce jour. Cela doit être assez important pour avoir fait déplacer la famille de Bretagne, des casaniers qui même pour Noël ne prendraient pas la peine de sortir la voiture pour venir nous voir. Je ne me retourne pas de peur de devoir faire face à une série de questions sur le sens réel que prend ma vie. Je n'ai pas envie de faire face à cet interrogatoire ce matin.

Léon a bien dit qu'ils sont tous dans le salon? Il parle de qui? Le peu que je me souvienne de la soirée de hier... rien, c'est toujours un trou noir. Je distingue en m'approchant un faible brouhaha, des mots à peine audible, des murmures. Je ne m'attendais sûrement pas à découvrir la pièce pleine de monde. 

-Mais qu'est ce qui se passe ici? Ce n'est pas mon anniversaire aujourd'hui!

Je me place au centre, pivotant lentement sur moi même pour scruter les réactions des invités. Mais personne ne me répond. Personne ne semble avoir remarqué ma présence. Je m'impatiente, tape du pied, je déteste être ignorée, surtout quand il s'agit de ma famille. J'appelle tour à tour ma cousine Jude qui vient de passer devant moi sans m'adresser le moindre sourire. J'ai été la première à lui venir en aide lorsque son appartement a brûlé il y a trois mois.  Voilà comment je suis remerciée aujourd'hui. Léon non plus, ne semble pas vouloir faire attention à moi. Mais qu'est ce qu'il leur arrive? Sont ils tous devenu fou?

Eh, oh! Dites moi si je vous dérange dans votre petite fête! LÉON?LEON? 

Tous les meubles ont été poussés. Je ne le remarque que maintenant. Sur la table basse, normalement encombrée de livres divers, de magazines sur le surf appartenant à Léon et de pots de plante. Tout a disparu. Seul en son centre trône une immense photo encadrée représentant....MOI!

En regardant attentivement tout ce monde autour de moi, je m'aperçois soudain que tous ont adopté leur meilleure tenue... noire. Je me met à trembler, mon cerveau me hurle intérieurement: panique, panique! 

Qu'est ce qui m'arrive? 

-Léon...je me sens pas très bien... Léon... aide-moi!

Mais Léon, le dos tourné, reste insensible à mes appels. 

Je refais le chemin en sens inverse pour revenir dans ma chambre. Je me précipite dans la salle de bain. Je suis persuadée à cet instant que tout cela n'est qu'un mauvais rêve, je vais bientôt me réveiller, toute tremblante. Je ferme les yeux et les ouvre de nouveau. Mais je suis toujours là. Lorsque je regarde le miroir accroché sur le mur, mon reflet a disparu. Je peux bien apercevoir une partie de la chambre, l'affiche des affranchis accrochée derrière mon lit. Mais je ne me vois pas. Je me touche le visage pour m'assurer que j'existe bien. Mais personne ne m'imite en face de moi.

Lorsque je reviens dans l'autre pièce, un livre  à l'épaisse couverture est ouvert en son milieu. Je suis certaine que cet ouvrage n'était pas là quand j'ai quitté ma chambre. Quelqu'un est rentré ici pour déposer ça la? Je m'approche pour lire les pages ouvertes à voix haute:

Un nouveau monde s'offre à toi

Un monde où tu n'es plus. 

Tu as une mission importante 

Tu auras à faire un choix difficile 

entre la MORT ou la VIE.

Super! Je suis morte et en plus je dois résoudre des énigmes! Je regarde mes mains, je tapote mon bras, ma cuisse. Tout cela me semble pourtant si réel. C'est donc cela la mort? Une condamnation à regarder les miens faire leur vie et ne rester à jamais qu'un souvenir, les entendre parler de moi avant...avant. C'est étrange, cette révélation soudaine ne me procure rien de particulier. Je ne ressens ni colère, ni tristesse. Comme si je m'en doutais quelque part au fond de moi.

Je voudrais fermer les yeux et dormir. Mais les morts errent en demandant pénitence? La mort serait alors une question de mérite? Voilà une façon intelligente de combler le temps, parce que j'ai l'éternité devant moi.

Et je le trouve comment cet alter-ego? En quoi ma mort ne doit elle pas être vaine? 

Eh oh, monsieur je décide tout de la haut! Enfin si vous y êtes bien sûr parce qu'après ce qui m'arrive, je ne crois plus en rien ! Vous auriez pu laisser des explications un peu plus claires quand même! Ah on se prend pour un poète! Et puis quoi? Tiens vous vous êtes dit: elle a du temps libre maintenant la petite Liv, laissons lui un beau mystère à résoudre histoire de passer le temps?Et bien allez vous faire foutre!

Des souvenirs me reviennent instantanément par flash: la voiture, les pins, le virage, la musique..ma valise sur le siège arrière...puis l'étouffement, l'eau me pénétrant par tous les pores. J'ai la nausée. 

Quelque chose vibre à côté de moi. Je tourne la tête vers un téléphone posé sur mon ancien bureau en bois brut. Je ne l'ai jamais vu de ma vie. Le dernier iPhone sorti par Apple cette année. Dieu est généreux! Ou vachement friqué! Je prend le petit objet argenté et m'aperçois qu'un nouveau message vient d'arriver. Je clique sur l'enveloppe pour l'ouvrir. J'observe attentivement... un homme me regarde depuis ce qui semble être une immense demeure.

 

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Louis.W
Posté le 30/08/2020
Intéressant ! Donc elle est en mode fantôme chez elle. Je ne fais toujours pas de lien directe avec le chapitre précédent dans le sens ou l'homme semblait voir sa mère. Et je ne crois pas que ce soit elle ?

Je me demande sinon ce qu'elle devra faire pour gagner sa liberté.
Anna-Lucia
Posté le 30/08/2020
Mais est ce vraiment sa mère? Suspens...
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