Ma chère Raphaëlle,
Je suis passé par tant d'émotions depuis quelques semaines. Oscillant entre peur, résignation, angoisse, paranoïa... et j'en passe. Il n'y a que l'amour qui n'a pas bougé. Il a vacillé, certes, touché par tes mots sur l'égo, la possession... Et d'une certaine manière, c'est vrai que la première réaction qu'un homme a dans cette situation, c'est en effet une sorte d'égoïsme, de besoin de protéger une "chasse gardée".
Mais j’ai douté ensuite. Car quand on a fait comme moi l’expérience de ne pas vouloir voir, de refuser l’évidence, on se demande la taille du doigt que l’on se met dans l'œil.
Nous avons beaucoup parlé et tu m'as aidé, ouvert le coeur.
On a peut-être trop parlé même, à s'en fatiguer le cerveau et le corps, mais il y avait tant à dire. Et du coup je t'écris. Ça te laisse le choix du moment pour lire. Moi, ça me permet de m'exprimer pleinement en choisissant mes mots. sans que tu me coupes 😉
Depuis ce moment fatidique, nous avons pu extérioriser alors qu'avant c'était impossible.
Mon rationalisme, ma culpabilité face à ce que je t'ai imposé, mon besoin de faire qui a bouffé toute ma capacité d'empathie, ma suspicion légitime, mais qui a joué en ma défaveur...
Ton besoin d'écoute, face à ces épreuves et ses chamboulements énormes depuis quelques années, ta culpabilité généralisée, et surtout, une perte de sens qui te révolte et te fait tout rejeter...
Je ressens à mon tour cette perte d'équilibre, ce sentiment d'être au bord d'un gouffre. Probablement que ça m’arrive maintenant par la force des événements, comme un électrochoc, mais moi aussi, je me pose beaucoup de questions.
J'ai pris le temps de beaucoup lire et écouter. Découvrir des témoignages, des conférences, jusqu'aux gourous vénaux, froids et prétentieux qui veulent vendre des formations. J’ai observé les expériences des gens autour de moi. J’ai été un confident.
Ce que j'en tire, c'est l'incroyable banalité de ce que nous vivons et cette injonction de la société, que désormais que le divorce existe, ce serait la honte de rester, comme une sorte de déshonneur pas plus intelligent que ceux des siècles passés. Un "code" là encore.
Après l'état de choc, nos discussions désormais digérées et intégrées, j'ai actuellement un énorme besoin d'aller de l'avant, de changer de phase. Mais chacun son rythme.
En ce qui me concerne, aller de l'avant, c'est apprécier la confiance retrouvée et avant tout, te laisser le temps qu'il te faudra. Temps pour te retrouver, temps pour te reposer et enfin peut-être, temps pour nous retrouver.
Je suis conscient que la paranoïa a changé de camp: ton stress que tu m'as raconté quand tu as vu une notification Facebook de ton amant ou la suspicion imaginée quand tu es allée près de chez lui avec les filles.
Mon expérience, c'est que ça passe quand on prend le temps de voir la sincérité de la personne en face. Un peu de technique m’a aidé : déconnecter ! (notifications, heures de connexion, etc...). Personnellement, ça me fait un bien fou.
J'ai également laissé mon esprit divaguer à toutes sortes de scénarios. Des expériences de pensée qui m'ont projeté dans le futur, dans la solitude, les perditions, les interdits ou les drames. Imaginer pour mieux ressentir. Et au final, savoir que je veux continuer le chemin à tes côtés.
Je sais pourquoi je t'aime.
Il ne s'agit pas d'une liste avec des “plus” et des “moins”.
Il ne s'agit pas d'égo.
il ne s'agit pas de status quo.
C'est beaucoup plus irrationnel et spirituel. Deux choses que je fermais car mon cerveau avait le pas sur mon cœur. Ce sont des sensations dans le ventre, dans le dos. Je ne ressentais ceci que peu souvent auparavant.
Pour moi, c'est difficile à exprimer, comme une sorte de relâchement que je ressens quand par exemple je discute avec quelqu'un avec l'envie de poser des questions plutôt que de parler. Je connaissais ça devant un magnifique point de vue, l'immensité de la voûte céleste ou ses moments récents où on s'est vraiment dit les choses.
Mais le plus fort, c’est que c’est agréable. C’est doux de lâcher prise.
Tous les deux, je nous vois gravir une montagne. Tantôt se poussant, tantôt se tirant, l'un après l'autre, l'un pour l'autre. Bientôt, si nous retrouvons confiance et sérénité, nous arriverons sur un magnifique plateau.
Je l'ai imaginé. C'est un immense champ d'herbes grasses et de fleurs où l'on peut courir chacun de notre côté, chacun à notre vitesse avec juste quelques regards mutuels et bienveillants pour s'assurer qu'aucun de nous ne trébuche sur une pierre.
Une légère pente mène à un lac parfaitement calme et qui reflète le monde. Une petite cabane avec de quoi manger, boire et dormir. Des livres, des jeux et un quai, pour plonger nu dans la fraîcheur si le cœur nous en dit.
Mais pour escalader, il faut adapter son rythme à celui qui a besoin de plus de temps. C’est ce que je veux faire.
J'aime être avec toi.
J'aime la perspective singulière que tu donnes au monde.
J'aime ton rire sincère.
J'aime la manière dont tu parles à nos filles.
J'aime te voir prendre le temps et le prendre avec toi.
J'aime ta féminité et ta bouche quand tu te maquilles.
J'aime ton investissement dans la réalisation des choses.
J'aime ta spiritualité et ta quête de sens.
Le chemin est semé d'embûches: la place énorme que prennent les filles, la mauvaise communication quand on est fatigué, la gestion du temps individuel et familial, le manque de repos, etc... Mais ce ne sont que des mauvais plis. Et, comme nous en avons pleinement conscience, à deux, en respectant le rythme de l’autre, nous pouvons y arriver.
Je t'embrasse tendrement.