Chap 11 : Ce qu'il fallût conter...

Par Achayre
Notes de l’auteur : Premier jet non corrigé - Ecriture du 03 au 04 mars 2022
Le 07/09/23 : mise en ligne de la version corrigée

Dans les contes et les légendes, bon nombre de bardes donnaient la mort du roi Théobald Otmodes d’Arpentras comme étant l’élément déclencheur de la dissolution des Arcanes Royaux. Peu de personnes savaient qu’à cette date le groupe de mages mercenaires avait déjà volé en éclats. Un porteur de chants était pourtant présent, six mois plus tôt, lorsque tout bascula, mais il existe des drames que nul n’a le cœur de colporter.

Au grand désespoir d’une partie d’entre eux, ce jour-là, Ermanno accompagnait les Arcanes Royaux, mandoline sur l’épaule et sourire aux lèvres. Trois semaines auparavant, le roi leur avait confié la déplaisante tâche de neutraliser un énième nécrophile en toge. Inspiré par les frasques du célèbre nécromancien de Fort-Crin, un prieur de Saintes dévoyé réveillait des morts dans un village de montagne. Ses intentions et ses motivations n’intéressaient personne. C’était une pratique répugnante et sévèrement réprimée par la loi, point barre. Une affaire simple qui aurait pu échoir à une troupe moins prestigieuse, mais le roi voulait faire de lui un exemple. Quiconque s’estimait en droit de déranger les défunts se retrouverait pourchassé par le groupe d’élite. Ermanno avait déjà composé le chant victorieux. Ne manquait que les détails héroïques de la conclusion.

— Faites taire cette chèvre bêlante ! supplia Cyriaque, les deux mains posées sur ses oreilles, dans l’espoir d’étouffer les brailleries du barde.

— C’est ton petit frère, rétorqua Lucide. À toi de faire son éducation.

— Demi-frère, corrigea le chanteur. Par chance, les Saintes m’ont choisi une génitrice plus fraîche que la bourrique qui a engendré ce cher Runard le grinch…

Un choc brutal, contre le casque qu’il portait, lui coupa la parole. Cyriaque venait de lui envoyer l’un de ses poinçons. S'ensuivit une grêle de coups sur le sommet du couvre-chef, transformé en tambourin. Le barde se mit à courir en rond dans l’espoir d’échapper au courroux de son aîné.

— Parle encore de ma mère comme ça et je te châtre, l’avertit le mage.

— Oh non, ce serait du gâchis, intervint Miraaka, amusée.

L’averse de métal passée, Ermanno se tourna vers la superbe jeune femme d’un an sa cadette. Fidèle à sa nature, il bomba le torse et se présenta à ses côtés.

— Qu'ouïe-je, ma belle ? Seriez-vous enfin encline à me laisser franchir les rideaux qui couvrent vos genoux ?

— Du tout, le rembarra-t-elle, au bord du fou rire. Si je voulais mourir après les avoir écartés, je me laisserais écraser par Daan. Cela aurait au moins le mérite d’être vite terminé.

Sire Daan était occupé à se gratter l’entrejambe. Un détail révélateur et peu ragoûtant de sa santé intime qui ne suffisait pas à tenir les dames loin de cette zone. Pire, elles le convoitaient. À l’évocation de son nom, il leva le nez, prêt à répondre à l’appel d’un jupon. Doté de la beauté la plus bête du royaume, le guerrier à l’épée enchantée ne comprit pas qu’elle se moquait de lui.

— Tu as simplement une jolie voix, et ce serait dommage de la faire monter dans les aiguës. Les aubergistes nous font de belles ristournes lorsque tu pousses une chansonnette. Voilà, le seul intérêt que je porte à tes bourses, le rabaissa la manieuse de foudre.

Les chamailleries et les mots blessants fusaient régulièrement entre le barde et les héros du Royaume d’Arpentras. Il se considérait légitime à les suivre, tandis qu’eux refusaient de le compter comme l’un des leurs. De brèves joutes dans ce genre émaillaient donc régulièrement leurs trajets, sans les ralentir. La contrariété d’Ermanno se focalisa sur l’état de son casque, bosselé par l’assaut de son demi-frère. Le premier coup reçu avait imprimé sa marque profondément dans le métal. Un R en plein milieu du front.

— Tu m’en dois un nouveau, siffla-t-il, amer.

— Dans tes rêves.

— Cyr, ne soit pas si dur avec lui, s’en mêla Améthyste. Mano est un garçon charmant, pour qui prend la peine de l’apprécier.

— Aaaah ! s’emporta l’homme qui approchait la cinquantaine. Ne prend pas sa défense. Peste soit le destin de nous avoir lié par le sang.

Habitué à leurs disputes, le reste du groupe entama l'ascension du pied de la montagne sans s’attarder. Miraaka et Sire Daan confièrent discrètement une pièce à Tolen qui tenait des paris secrets sur l’issue de l’échange. La mise était systématiquement à l’avantage d’Ermanno. Cet adulte immature de vingt-six ans avait un don pour agacer ses comparses, mais il retombait toujours sur ses pattes. Améthyste avait choisi son camp, au grand damne de son amant.

— Sans ton frère, tu te lamenterais encore en me regardant de loin, asséna-t-elle à Cyriaque.

— C’est vrai, ça ! appuya Ermanno. Si je ne t’avais pas forcé la main, tu ne lui aurais jamais avoué tes sentiments.

— Pfff ! souffla le Renard. Les choses se seraient faites naturellement avec le temps.

— À d’autres ! rétorqua le barde. Tu marmonnes son prénom dans ton sommeil depuis que j’ai quinze ans. T’attendais qu’elle ait des petits avec un autre pour te déclarer ?

Cyriaque posa son regard sur la jeune femme, la suppliant intérieurement de reconsidérer son allégeance. Elle n’était pas intimidable. Si plus de seize années séparaient leurs deux cœurs, le sien était tout aussi borné que celui de l’aventurier émérite. Quant à leur entente, toute la bonté de l’âme d’Améthyste était nécessaire pour adoucir l’amertume qui faisait la légende de son compagnon. Il avait fallu l’intervention d’Ermanno pour que Cyriaque reconnaisse son attachement. Un piège sournois au cours duquel il crut confier à son demi-frère l'émoi que provoquait chez lui l’aura pourpre de la bien nommée Améthyste. Dissimulée derrière un arbre elle n’en perdit pas un mot et y avait répondu à ces révélations en embrassant longuement le grincheux grisonnant. Un long baiser qu’elle ne prit jamais le soin de commenter.

— Dis-lui que tu l’aimes et l’affaire est close, proposa-t-elle.

À ces mots, Ermanno tendit les bras vers sa moitié de frère, satisfait.

— Tolen, paye-les ! bougonna Cyriaque. Je renonce à me traîner si bas.

Des sourires amusés et le bruit des pièces, passant de mains en mains, vinrent conclure l’escarmouche. Malgré cela, d’autres échanges, peu courtois et provocateurs, entrecoupèrent les répétitions du barde jusqu’à ce que le village envahi par ses voisins réanimés ne soit en vue. Un élan de professionnalisme regagna le groupe. L’énergie lugubre mise en œuvre par le prieur était perceptible à deux kilomètres de la première chaumière. Ermanno ajouta un vers à sa composition. Celui-ci décrivait une langue de brume glacée serpentant entre leurs bottes.

Tolen s’avança à l’avant du groupe. Il détonnait parmi les autres Arcanes. Aussi vieux et sec que les brindilles dont on use pour amorcer les feux de camp, il semblait prêt à se briser à la moindre bourrasque. Soixante-seize années d’une vie dédiée à l’art de la magie faisaient de lui le plus savant des six mages en la matière. De sous sa robe de mage traditionnelle, il fit apparaître un cristal pointu qu’il plongea dans le brouillard dense recouvrant la route. Une grimace peinée se dessina presque aussitôt sur son visage.

— Sire Daan, vous allez pouvoir ouvrir la marche, il n’y a plus une âme vive dans ce village. Nous arrivons trop tard.

Alors que les hommes fourbissaient leurs armes, Tolen se rapprocha de Lucide. Elle lui adressa un ravissant sourire nacré entre ses lèvres ébènes. Enroulée dans une cape garnie de fourrure, la médium savait ce qu’il allait demander. Non pas grâce à son don, mais parce que Tolen avait instauré un rituel entre eux.

— Ce n’est pas pour aujourd’hui, lui dit-elle. Nous avons lu les signes et tu sais.

Le doyen des Arcanes Royaux opina. Avec l’âge, l’idée que la mort approchait l’avait rendue anxieux au point de forcer sa vieille amie à émettre un oracle à ce sujet. Depuis, il vivait avec une date d’expiration tatouée au fond de son esprit, mais, malgré cela, la peur de disparaître plus tôt le hantait. Lucide le prit dans ses bras et l’enlaça tendrement, sous le regard compatissant d’Améthyste.

— Il n’y a que trois mages, dans le royaume, en mesure de soigner des blessures graves et vous voyagez avec la meilleure, rappela-t-elle pour le rassurer.

— Pour sûr ! renchérit Sire Daan. Vous vous souvenez quand elle m’a recollé les deux jambes après l’attaque de ce lézard géant qui prenait la grande halle du port d’Argou pour sa niche ?

Tous acquiescèrent, à part Tolen. Il avait depuis longtemps dépassé l’espérance de vie moyenne de ses congénères, et son angoisse ne se limitait pas au combat qu’ils allaient mener. La mort pouvait se montrer plus retorse que n’importe quel ennemi. Ne souhaitant pas susciter plus de pitié, il arbora une expression satisfaite, de façade.

Le groupe se mit en ordre de marche au centre de la route, Sire Daan en tête. Son épée, inerte pour le moment, n’attendait qu’une excuse pour s’embraser et pourfendre la première créature qui se présenterait sur leur passage. Derrière lui, Cyriaque avait déployé une dizaine de lames en couronne autour de lui. Aucune n’avait de garde ou de fusée, car c’était autant de poids inutile qu’il aurait dû porter. Miraaka, marchait à sa droite, refusant d’être reléguée à l’arrière-garde avec les autres femmes. Un jour on lui laisserait la tête de la colonne et elle pourrait faire usage de son pouvoir sans avoir à éviter ses compagnons. Tolen et Ermanno, en position centrale, étaient protégés par Lucide et Améthyste. Chacune équipée d’une lance à la pointe bénie par Sainte Arcensis, protectrice des combattantes.

Si ce soir-là fut la dernière fois qu’ils marchèrent unis vers le danger, ce n’était clairement pas la première. Chacun connaissait son rôle et l’occupait à la perfection. Le pas calé sur le plus lent d’entre eux, ils progressaient vers les habitations. La première menace qui se précipita à leur rencontre n’avait rien d’humain. Un troupeau de vaches apeurées chargeait à travers champ. Dans leur dos, le soleil venait de disparaître derrière les reliefs et la luminosité chutait à chaque minute écoulée.

Sire Daan enflamma son arme et la brandit face aux vaches qui se mirent à mugir. Le troupeau se scinda en deux et poursuivit sa fuite de part et d’autre du groupe. Car, oui, ces vaches fuyaient bien quelque chose. Elles avaient pressenti l’approche de l’heure des morts. Dès que l’ombre portée des montagnes couvrit l’herbe du pâturage, cinq corps s’en extirpèrent. Leurs visages, en partie décomposés, avaient de quoi donner la nausée aux plus fragiles. Cyriaque distingua un couple adultes accompagnés par deux adolescents. Ce qui avait dû être leur petite sœur, avant l'arrivée du prieur, se traînait à leur suite.

— On te laisse la gamine, déclara Sire Daan.

Une répartition des tâches qui convenait à tout le monde, sauf à Cyriaque. Sous prétexte qu’il était déjà ombrageux et triste, ses camarades lui laissaient souvent le soin de vivre avec la culpabilité d’avoir occis une créature innocente. Cette gamine, Cyriaque ne la connaissait pas. Il ne devait pas lui faire de place dans sa conscience, sans quoi le mage perdrait le peu d’heures de sommeil qui raccourcissaient ses nuits de réflexion. Loin de ces considérations, Sire Daan trancha la mère et carbonisa le père, pendant que Miraaka foudroyait leurs garçons.

Ce combat ne représentait pas grand-chose pour les Arcanes Royaux. Les créatures qui tombaient parfois du ciel étaient autrement plus dangereuses que les servants boiteux d’un humain. Restant sur leurs gardes, ils approchèrent d’une barricade probablement érigée par les villageois avant de comprendre qu’elle ne les protégerait de rien.

— À vous de jouer messire Renard, l’enjoignit Tolen.

Un poinçon Raidho dans la main droite, Cyriaque rabattit sa capuche brodée, grise et rousse, puis inspecta l’entrelac d’objets en bois. Brouettes, chaises, tables et autres meubles formaient un ensemble hétérogène qu’il aurait été plus aisé de brûler, mais ils n’avaient ni le temps, ni l’envie d’allumer un feu à l’entrée du village. Cyriaque marqua une dizaine d’éléments d’un R net et profond.

Le mage se concentra un instant avant de déployer son aura. Celle-ci était plus noire que la nuit qui prenait ses droits sur le flanc de montagne. Il l’étendit, sous forme de bras, jusqu’aux runes auxquelles ils s'agrippèrent. L'enchevêtrement de bois se mit en branle. Cyriaque disloqua l’obstacle sans effort. Les craquements du bois résonnèrent dans le village, révélant définitivement leur présence au nécromancien amateur. Aussi prévisible que ses prédécesseurs, ce dernier ordonna à ses cadavres ambulants de submerger les nouveaux venus. Une stratégie si basique qu’elle exaspéra Tolen.

— Compagnons, n’ayez aucune retenue, les conseilla-t-il. Tous ces gens sont déjà morts. Vous ne ferez que leur rendre le repos auquel ils ont été arrachés.

Ermanno aurait préféré que la horde, descendant des hauteurs, compte plus de membres. Que pouvait-il bien chanter de terrifiant à propos d’un ensemble disparate de fermiers et d’artisans claudiquant vers la troupe de mages mercenaires la plus efficace d’Arpentras. Même lui ne se sentait pas en danger, alors qu’il se trouvait à une enjambée des marionnettes monstrueuses. Il ajouta une araignée géante à son récit, pour y donner la touche d’horreur qui manquait à la situation. Qui se serait contenté de l’histoire d’un groupe de six aventuriers débitant une trentaine de zombies ? Si au moins les mages avaient deux mains gauches ou la sottise de se laisser mordre, mais non. L’assaut était encore plus navrant à conter qu’à vivre. Ermanno piocha plusieurs créatures dans d’autres aventures. Ce nécromancien était indubitablement trop novice pour invoquer de quoi mettre les Arcanes Royaux en difficulté. Au dernier corps rendu à la mort par son escorte, le chant du barde n’avait plus grand-chose de vrai, au point qu’il doutait de l'intérêt de transmettre un souvenir de cette expédition.

— C’est déjà terminé ? se renseigna Sire Daan, son épée frustrée de ne pas avoir rencontré de résistance.

— La gloire sera pour une autre fois, mon brave, lui dit amicalement Tolen. Nous devrions nous séparer pour gagner du temps. Prenez donc Lucide et Miraaka avec vous pour sécuriser le village. Avec les autres, nous allons capturer ce prieur afin qu’il puisse être jugé par le roi Théobald.

Sous les ordres du vénérable mage, le groupe de scinda sans discuter. Le Renard, Améthyste et Tolen prirent la direction d’un promontoire à l’est du village. C’était de là-haut que ruisselait la brume spectrale. Nullement inquiets, ils devisèrent à propos de l’attraction maladive qu’éprouvaient les magiciens dévoyés pour les cryptes obscures ou les sommets escarpés. Tolen trouvait cela ridiculement théâtral et d’un intérêt discutable quant à l’impact sur l’effectivité des sorts.

La maison mal entretenue d’où s’échappait la brume n’avait rien de comparable avec la forteresse de Fort-Crin. Ce n’était qu’une bicoque ordinaire. Un détail qui permit à Tolen de démêler les derniers fils de ce mystère de pacotille. Au fond du jardinet, une tombe éventrée criait le mobile à l’origine de ce drame mortifère.

— En voilà un qui a cru qu’il pourrait ressusciter ses parents sans conséquences, fit remarquer le vieillard. La mort d’un proche pousse les plus désespérés à rompre avec l’ordre naturel des choses. Voilà qui est navrant.

Des paroles qui firent trembler le corps racorni du mage. Lui-même cherchait à fuir la mort depuis des années. Dès la naissance, chacun se voit attribuer un rendez-vous avec sa propre fin. Tolen estimait que cela allait de soi pour les autres, mais pas pour lui. La folie qui avait consumé le prieur de Saintes, il ne la comprenait que trop bien car elle toquait à sa porte tous les soirs.

Le pouvoir que manipulait Tolen était aussi complexe à mettre en œuvre que puissant lorsque les conditions étaient réunies. Dans les poches de sa robe de mage, il conservait des cristaux sur lesquels reposaient sa magie. Ces pierres translucides étaient si rares que certains prétendaient qu’il s’agissait d’éclats du ciel, tombés sur les royaumes à l’époque d’Oltius. Tolen dépensait toutes ses primes dans leur acquisition. En touchant une autre personne avec l’une d’entre elles, le vieil homme était capable d’extraire d’un corps tout ce qui le liait à la magie de leur monde, puis de l’absorber.

Cyriaque se demandait souvent comment il se procurait de l’essence magique en dehors d’occasionnelles prises de guerre. Une part de lui savait que la réponse ne plairait à personne, et il détournait le regard face à des pistes contrariantes. Lui-même avait ses ombres, ses secrets, et ses regrets qu’il gardait soigneusement loin de ses camarades.

Tout dans cette quête manquait d’envergure, et l’autel depuis lequel le prieur officiait n’échappait pas à ce constat. Aucune colonnade, pas de stèle aux motifs mystiques, ni de fidèles prosternés. Juste une table en bois autour de laquelle une famille, comme tant d’autres, avait partagé ses repas et les histoires du quotidien. Une marmite faisait office de chaudron. Par les volutes qu’elle vomissait et la lumière jaune qui en sortait, elle essayait de se donner des airs maléfiques sans vraiment y parvenir.

La mère du prieur était assise dans une chaise à bascule, ses yeux vitreux et inexpressifs tournés vers le groupe de mercenaires qui venait de faire irruption dans sa maison. Sa mâchoire s'entrebâilla pendant qu’elle poussait un gémissement plaintif.

— Essuyez vos bottes, je vous prie. Maman tient à ses tapis.

Le nécromancien d’opérette portait sa robe grise de dévot envers les Saintes. Elle était maculée de terre et de sang. Sur son visage, le désespoir avait laissé place à la folie. Tolen avait devant lui, non pas un puissant mage renégat, mais un gamin perdu dont la raison s’était effondrée. Il fit signe à Cyriaque et Ermanno de se mettre en retrait, estimant qu’un combat serait superflu. Améthyste se tenait prête à prendre en charge l’égaré, une fois maîtrisé.

— Vous savez pourquoi nous sommes là ?

— Maman ne parle pas, fit remarquer le prieur, désolé.

— Elle est morte, jeune homme. Et ce qui est mort, doit le rester.

Tolen contourna la table et s’avança vers leur cible, un cristal dissimulé dans sa manche.

— Il va falloir venir avec nous, maintenant, énonça-t-il. Les geôles du roi vous attendent.

— Non, non, non… Je dois maintenir le sort pour que maman puisse vivre.

— Ceci n’est pas la vie, le corrigea le mage.

D’un pas plus long que les autres, Tolen se trouva à portée du prieur et tenta de le toucher avec son cristal. Il espérait, ainsi, le priver de ses pouvoirs et le neutraliser sans le tuer. Malheureusement, l’homme esquiva et attrapa son assaillant par le poignet. Le nécromancien le renifla tel un animal en chasse avant de soupirer.

— Il n’y a plus que quatre jours de vitalité dans ta carcasse. Tu ne me sers à rien.

Deux choses se déchirèrent simultanément : l’esprit de Tolen, terrorisé par l’annonce de sa mort imminente, et son poumon gauche, percé par une dague sortie de nulle part. Gravement blessé, le mage s’effondra.

— Elle, en revanche, elle vivra pour toujours, prophétisa le prieur, béat d’admiration face à Améthyste. C’est elle qu’il me faut papa !

Le cerveau de Cyriaque capta les mots, et comprit aussitôt qu’ils n’avaient pas été assez vigilants. Endormis par la trop grande facilité de leur mission, ils avaient omis un détail. Dehors, il n’y avait qu’une seule tombe ouverte. Soudain, un homme sortit de derrière la porte d’entrée en brandissant une hache. Il beugla et l’abattit sur la tête d’Ermanno.

— Recule ! cria Cyriaque en déployant son bras droit et son aura.

Celle-ci vint s’accrocher à la rune gravée sur le casque du barde et le poussa hors de la trajectoire de l’arme. La lame manqua Ermanno d’un cheveu, mais termina sa course dans l’avant-bras de son grand frère. Cyriaque tomba à genoux, sous le choc de voir sa main tranchée glisser sur le plancher. Il n’avait pas encore mal, et pourtant sa vue se troublait déjà.

Améthyste n’hésita pas à venir faire obstacle de son corps entre son amant et le second coup de hache. Chanceuse, la guérisseuse ne sentit pas l’arme lui fendre le torse, mais l’air s’ioniser autour d’elle. Un éclair bleuté foudroya l’homme. À l’autre bout de l’arc électrique se tenait Miraaka qui entrait dans la pièce. Le corps fumant de l’assaillant s’écroula, raide mort.

— Papa… pleurnicha le prieur, au sommet de sa misère.

Tandis que Cyriaque se vidait abondamment de son sang, Tolen luttait pour ne pas se noyer dans le sien. Mobilisant ses dernières forces, le vieillard planta la pointe d’un cristal dans le pied de son agresseur. Celui-ci draina instantanément toute la magie de sa proie et se teinta de vert. Le chaudron cessa de bouillonner. Dans sa chaise, la défunte réanimée retourna à la mort et le calme reprit ses droits sur le village de montagne.

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Altaïr
Posté le 14/03/2022
Salut Achayre !

L’insouciance de la troupe et la déception du barde sont en total décalage avec ce qui va suivre, tu nous balades avant d’installer l’intrigue, c'est de bonne guerre ! Ermanno aurait très bien pu travailler pour une chaîne d’info en continu : on meuble et on en rajoute pour tenir l’auditeur/spectateur en haleine dans l’attente d’un scoop en direct (qu'il a bien fini par avoir malheureusement) 🙄
!!!
J’ai relevé quelques coquilles et certains passages que je ne suis pas sûre d’avoir bien compris 🤔
:
// que nul n’avait (n’a) le cœur de colporter. // ce serait du gachi (gâchis), // Qu'oui-je (ouïe-je), ma belle ? // je me laisserai (laisserais) écraser par Daan. //
* * *
« Il avait fallu l’intervention d’Ermanno pour que Cyriaque reconnaisse son attachement. Un piège sournois au cours duquel il pensait confier à son demi-frère l'émoi que provoquait chez lui l’aura pourpre de la bien nommée Améthyste. Des mots qu’elle entendit et auxquels elle répondit par un long baiser qu’elle ne prit jamais la peine de justifier. »
Ermanno pensait rendre Cyriaque jaloux en lui faisant croire qu’il était amoureux d’améthyste ? Qui Améthyste a-t-elle embrassé ?
* * *
// qui prenait la grande hall (halle) du port d’Argou // la culpabilité d’avoir oxit (occi) // il (ils) approchèrent d’une barricade //
* * *
« Aussi prévisible que ses prédécesseurs, ce dernier ordonna à ses cadavres ambulants de submerger les nouveaux venus. »
J’aurais bien vu ici quelques mots pour situer le nécromancien, par exemple pour indiquer qu’il manipule les cadavres à distance, depuis son repaire.
* * *
// d’artisans claudicants (claudiquant) vers // une tombe éventrée criaiet (criait) // La lame le manqua d’un cheveux (cheveu)
* * *
« La guérisseuse ne sentit pas l’arme lui fendre le torse » cette phrase prête à confusion, sur le moment j’ai pensé que l’arme l’avait fendue mais qu’elle ne l’avait pas sentie de suite. Je te propose une reformulation : «ne sentit aucune arme lui fendre le torse».
* * *
// Son corps fumant (Le corps du père, fumant,) s’écroula, raide mort. //
Achayre
Posté le 19/03/2022
Hello !
Dsl pour la réponse tardive, mais la semaine a été épuisante et je pensais être à jour :) Merci pour tes retours. C'est top de voir que quelques personnes restent bien attachées à l'histoire.

Ermanno a poussé Cyriaque à reconnaitre ses sentiments et Améthyste a entendu. Elle n'a rien répondu et a juste embrassé le vieux grincheux :)

A bientôt
TiteTeigne
Posté le 07/03/2022
Un chapitre complètement à part vu que pour la première fois, nous nous écartons du chemin de Lev. Aux grands mythes et légendes se trouve toujours un revers de la médaille. J'ai beaucoup aimé ce récit où une mission qui semblait plutôt quelconque et simple devient la goutte d'eau qui a déclenché la cascade des évènements malheureux à venir. Qu'est-il advenu du mythique groupe des Arcanes Royaux ? Ce n'est que le commencement de leur fin. Et je suis déjà bien intriguée. Encore une fois, ce passage est très visuel et il m'a été facile de m'immiscer dans ce village étrange et froid. Le groupe est dynamique et en cohésion malgré des années à s'envoyer des piques. On sent le contraste entre un début d'humeur légère et une fin tendant vers le dramatique. Quelque chose plane, se transforme et vient corrompre les cœurs. La discorde approche. Des éléments avaient déjà été disséminés dans les pages précédentes, de nouveaux liens se sont tissés ici. La clairvoyance est pour bientôt et peut être que de ce lourd secret légendaire, de nouveaux destins vont se dessiner.
Achayre
Posté le 07/03/2022
Encore un commentaire avec de belles formulations. Tu vas finir par me faire de l'ombre :p
Effectivement, un chapitre complexe pour 2 raisons :
- c'est un flashback qui doit à la fois présenter plus clairement les Arcanes et révéler des éléments fondateurs importants d'Etelrune
- c'est un chapitre en deux parties.

J'avais peur que ce soit un peu décousu et confus, mais il semblerait que tu ne te sois pas perdu en route, donc tout va bien :)
A très vite pour la seconde partie
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