Chapitre 05. Pour ne pas oublier

Par Urukem
Notes de l’auteur : L'épouvantail n’a pas de voix, mais il a des yeux et un cœur de silence. À travers lui, je veux explorer ce que signifie être présent, aimer sans mots, et ressentir le monde dans ses détails les plus fragiles. Ce chapitre n’est pas fait pour la grandeur, ni pour le spectaculaire : il est pour les instants suspendus, les émotions fugitives, les petits miracles du quotidien. Chaque souffle, chaque geste, chaque murmure compte. Mon intention est de peindre une poésie vivante, de rendre visible l’invisible et d’inviter le lecteur à ressentir, à contempler, à s’émerveiller doucement, sans que rien ne hurle.

Chapitre 5. Pour ne pas oublier. 

Section 01 :  
"Mains de bois figées, 
chaque mot qu'Elle laisse Là — 
m'apprend à Brûler." 
 
La Neige a fondu, emportant nos silences gelés, et le Printemps, timide, est revenu.

Un soir, tout excitée, elle m’a tiré par la manche, jusqu’à la colline derrière la serre. 

— Viens, y’aura des étoiles filantes !


Comme si j’avais le choix


Elle s’est couchée dans l’herbe, les yeux brillants d'un éclat que même la pluie ne pouvait ternir. Les mains derrière sa tête, les cheveux en éventail — offerts au Ciel ; sans bord, sans fin.

moi, je regardais, Toujours debout, Toujours planté, Toujours Là.  

— Quand j’étais petite, je croyais que les étoiles filantes étaient des âmes qui couraient vers leurs promesses.  

Lys parlait douce — ment, comme si elle se confiait à l’Univers… ou peut-être à moi.  Elle racontait ses voyages, ses rêves, des bouts de monde que je ne verrais Jamais. 
Un désert violet, 
Une ville suspendue, 
Une tempête de cendre.  

Et moi, j’écoutais, je les voyais à travers elle, comme si ses mots dessinaient des images dans ma tête tissée de paille, et de silence.

je n’avais pas besoin de comprendre, j’avais juste besoin qu’elle continue de parler. 
Encore un peu. 

Lys s’interrompit, juste un instant ; contemplant la mer d'étoiles, avec une Lumière espiègle qui dansait au fond de ses prunelles.    

le Silence, alors, posa sa joue contre la Terre — écoutant les plaintes du Ciel. Ses mains noyaient l'horizon, il écartait les étoiles du bout des doigts, et tirait la nuit à lui, comme une couverture sans bord, sans fin.

Puis Lys murmura :  
— Tu crois que les étoiles ont peur, parfois ? Peur de tomber, de s’éteindre, ou d’être oubliées ?  

Le Vent passait entre les branches des saules — Fshhh… comme un murmure discret, portant un Silence plein de souvenirs.  

— Moi... j’ai peur, tu sais.  Pas des monstres ou des orages. Mais de disparaître — sans laisser de trace. De passer... et que personne ne se souvienne.  

Elle serra ses genoux contre elle, recroquevillée comme une idée fragile — que le Vent pourrait emporter.  

— C’est idiot, hein ? Je ne suis qu’un souffle dans cette nuit. Et Toi… T’es Là, même sans bouger. T’existe —  c’est déjà plus que moi.  

Les Lucioles flottaient autour de nous, bercées par le Vent, on aurait dit une danse... discrète. 

mon regard se porta sur Lys, pour lui dire — pour lui HURLER que non, que je la voyais ; que chacun de ses mots me tissait de l’intérieur. 

Mais... mes bras de bois restèrent raides, et ma bouche — cousue de silence. Alors je restais, comme Toujours, mais ce soir-Là, le Vent sembla me prêter ses gestes — wuuuuh... Il soufflait autour d'Elle avec une tendresse étrange, comme pour la border d'un murmure.   

Et peut-être… peut-être seulement ; elle sentit ma réponse dans la façon dont les herbes frémissaient à ses côtés — shhhhh... fidèles et timides. 
comme moi.  

 

Section 2 :
"sous chaque flocon,
un mot que je ne dis pas —
mais que je lui tends."

je ne sais pas ce qu’est Noël, je ne connais ni les saisons ni les traditions, mais je me souviens du jour où Lys m’a couvert d’un bonnet troué, et d'un manteau râpé.

Elle me vêtit comme un souvenir heureux, avec ses moyens trop pauvres et son trop plein d'enfance.

— T’as vu ? T’as presque l’air vivant. Bon… un peu ridicule, mais vivant quand même.

Elle riait, un rire clair, sincère, qui s’échappait comme un souffle chaud dans l’air glacé.

Lys avait collé deux boutons sur mon torse, planté une carotte sous mon chapeau, et dessiné un sourire maladroit avec du charbon.
Moi, j’étais Là, comme Toujours,
Raide

F

I

G

É,

Muet. 

Et pourtant… j’avais envie de rire avec elle, je sentais quelque chose vibrer doucement en moi, comme une braise timide dans le ventre du Vent.

Ce jour-Là, j’étais plus qu’un tas de paille, j’étais un complice.

Son complice.

Lys passa l’après-midi à tourner autour de moi, à ajuster mon écharpe de travers, à souffler sur ses doigts engourdis. Parfois ; elle s’arrêtait, les joues rouges, et me fixait, le menton levé, comme pour me défier.

— Tu sais, Jack… Moi, j’ai jamais fêté Noël non plus. Trop d’abris de fortune, trop de nuits sans lumière. Mais j’me suis dit… pourquoi pas fabriquer un Noël avec ce qu'on a. Un peu de paille, deux rires — et une branche de gui. 

Elle m'en planta une branche dans la poche.

— Tiens. Cadeau. Ça te protégera. Et puis… ça sent le froid propre, tu trouves pas ?

Le Ciel devenait rose, puis mauve ; comme si le Jour lui-même rougissait de disparaître. La neige avait commencé à tomber, légère — fffff… comme si le Ciel chuchotait des excuses pour le Froid.

Lys leva la tête, les flocons lui caressaient tendrement le visage, et le Froid l'enveloppa —  chaleureusement. 

— J’crois que j’aime bien cet instant.

Elle tendit les bras vers le Ciel, comme une enfant qui attend une étreinte… que personne ne donne.

— Tu sais, quand tout est calme. Quand tout le monde rentre, sauf moi… sauf nous.

Lente — ment, ses bras 
se 
bais
sèrent, 
puis, elle se retourna vers moi, se rapprochant lente — ment, ses pieds glissaient à peine sur la neige, comme si elle hésitait à réveiller le Silence — fffsh...

Lys me portait un regard sans poids, et pourtant… j'y sentais le Poids de ma propre existence. Puis elle ferma les yeux, son front glacé effleurait ma paille, et j'y sentis quelque chose de brûlant — peut-être son chagrin.

— T’es peut-être pas vivant, Jack. Mais... Tu me fais me sentir moins morte.

Et sous la neige, sous les flocons qui se coinçaient dans ses cils, j’aurais voulu — lui dire que moi aussi… j'aimais ce calme-Là.

Mais je ne savais pas ce que parler voulait dire, je n’avais que le Silence, alors je le lui tendis, comme un manteau invisible.

Pour elle… pour Elle seule.

Elle avait froid, mais Elle restait, Elle était seule, mais Elle partageait. Et moi, j'étais Là. Silencieux. Mais peut-être… 

Présent. 

 

Section 3 : 
"Elle n'est pas Là, 
Le Vent parle à sa place — 
Mais ne dit que moi."  

Il ne comprit pas tout de suite ce qui avait changé. Juste un détail, une absence, comme une note manquante dans une chanson qu’il n’avait Jamais apprise, mais qu’il fredonnait en silence, depuis… Toujours ?  
Elle ne vint pas le lendemain. Ni celui d’après. Le Vent passait, fidèle à lui-même, glissant parfois sur ses bras de paille.

L’herbe pliait, frémissait, chuchotant des murmures sans mémoire. Le Ciel changeait d'habit, parfois azur, parfois d'ambre, parfois gris ternes, sans Jamais regarder en bas.

Et l'épouvantail restait Là, comme Toujours. Debout, sans attente. Toujours.  

Pourtant, chaque soir, quand la Voûte nocturne se paradait de ses étincelles, il se souvenait, de sa voix, douce, enrouée parfois, qui racontait des arbres géants touchant les nuages, des îlots-nimbus dansants dans un ciel nocturne, des cités antiques, endormies sous mille siècles.   

Et ce soupir, à la fin, comme si elle en avait trop dit — ou pas assez.

C’était étrange… cette sensation. Non pas une douleur. Plutôt… un creux. Un vide tiède, qui s’installait doucement sous ses côtes de bois, et plus les jours passaient — plus le Silence lui semblait 
Pesant.
Vides.
Écrasant

Puis, un son familier — Krchkrch… des pas, enfin, se dit-il. Presque soulagé de cette attente douce-amère, s'il eût un visage, un sourire enfantin s'y serait dessiné.

l'épouvantail pensa que le quotidien chaleureux auquel il s'était habitué allait reprendre, que ses rires doux et rauques berceraient à nouveau la colline, que le Monde allait reprendre sa musique —

Mais non

 

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Scribilix
Posté le 03/09/2025
Salut,
J'espère que Lys va bien. Sinon chapitre très poétique comme toujours. J'imagine bien le tableau de la fille solitaire harcelée ou bien que personne ne comprends et qui trouve refuge auprès de Jack.
En tout cas ca reste toujours agréable à suivre.
A la suite,
Scrib.
Urukem
Posté le 04/09/2025
Hello Scrib.
Effectivement, la solitude et l'incompréhension sont des douleurs que chacun d'entre nous a porté. J'ai voulu dépeindre ce fardeau. C'est pour ça que les gens les plus seuls ont des amis imaginaires, des waifus... ou un épouvantail. Pour ma part, je pense que la solitude est la pire des compagnons.
Bref. Merci de ton soutien.
J'espère que la suite te plaira.
À plus.
Urukem
Talharr
Posté le 21/08/2025
Hello ^^
Je sais je suis rapide aha mais je venais de poster et j'ai vu ton nouveau chapitre.
Chapitre vraiment touchant. Lys qui nous envoi une tonne d'émotions par le biais de Jack (aha j'avais pas fait le rapprochement la dernière fois) et c'est vraiment chouette. On aimerait qu'il puisse lui parler...
Et la fin très cool aussi, on ne sait pas ce qu'il va se passer mais on est triste au final pour Jack, on se demande qu'est devenu Lys.

Donc voilà hâte de voir la suite :)
Urukem
Posté le 21/08/2025
Hello Talharr.
Je suis vraiment content que ce chapitre t'ai plu. Honnêtement, j'étais sceptique, après tout. Il se passe pas grand chose dans les deux premier sections, c'est très... contemplatif, le genre de tout que tu lis chocolat chaud en main sous la couette.
Bref, merci de ton enthousiasme.

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