Provins-sur-Mer a toujours été calme. Trop calme. Même les vacanciers qui viennent l’été ne perturbent pas l’équilibre bien ancré de ma ville natale. Je ne suis plus l’adolescent pour qui les trois rues enchevêtrées du centre-ville valent toujours mieux que de passer du temps à la maison, même les jours de pluie. Les couchers de soleil ne sont pas aussi remarquables que les touristes aiment à le dire. On le voit tous les soirs, quand on traîne Chez Gertrude. J’ai vingt-quatre ans, et je vois devant moi toute tracée la vie que Provins-sur-Mer a à m’offrir. Une place chez Ranetan, l’empire local du maquereau fumé, si les entretiens en cours sont concluants. Un poste dans une agence immobilière, un guichet de banque peut-être…
Je n’ai jamais su ce que je voulais faire, mais une certitude s’est forgée au cours des années : aucun des métiers que mon diplôme d’économie de la faculté me permet de briguer ici ne me fait envie. Mon stage de fin de master chez Saphir ne m’a pas plu. Était-ce le développement commercial de l’entreprise ou le secteur des croisières qui m’intéressait le moins ? À y réfléchir, c’était couru d’avance. Je hais la mer, et tout ce qui s’y rapproche. De près comme de loin. Et même si mon père fustige le groupe Saphir pour son tourisme polluant, je ne peux m’empêcher au fond de moi de tous les mettre dans un même sac. Eux, avec leurs paquebots qui déforment l’horizon paisible. Lui, avec son petit bateau de pêche, qu’il a toujours trouvé plus palpitant que de passer du temps avec sa femme et son fils.
Tout a commencé quand il a arrêté son travail au port. Avant, il me racontait des histoires, celles d'un fiévreux marin qui partait en quête d’un trésor qu'il ne trouvait jamais. Chacun de ses échecs m'offrait une aventure et je n'attendais qu'une chose : retrouver mon père et connaître la suite. Et puis un jour, il a commencé à partir. Les moments ensemble se sont raréfiés jusqu'à ce que ne restent que les souvenirs de ceux à attendre. À voir ma mère regarder par la fenêtre, inquiète, quand le vent se lève. À patienter jusqu'à son retour pour dîner et, quand il tarde trop, à relever son assiette qu'on ne supporte plus de voir tant elle nous rappelle qu'il n'est pas là. À entendre ma mère prétexter aller faire du rangement dans sa chambre, et la retrouver plus tard les yeux rougis « par la poussière ». Mon père n’est pas le chasseur de trésors dont il me contait les histoires. Il n’est qu’un égoïste.
Je ne veux pas de cette vie. Je ne veux pas ressembler à mes parents, qui répètent inlassablement cette même journée. Je refuse d’être comme les gens d’ici qui ne font qu’attendre calmement que les saisons passent, que les courants reviennent. Pêcheurs, surfeurs, promeneurs, touristes. Je n’en peux plus de leur océan. Je n’ai jamais trouvé l’air iodé aussi savoureux qu’eux, de toute façon. Je rêve d’ailleurs, même si je n’ai jamais voyagé. Des horizons faits de béton et de bâtiments, où je n’entendrai plus parler de marées et de lunes. Des perspectives différentes. Inconnues encore, certes, mais bien plus alléchantes que de rester croupir ici quelques années de plus.
Ici, je ne pourrai jamais rencontrer personne de nouveau. Ici, je me condamne peut-être à rester seul pour le restant de ma vie. J’ai déjà tout gâché avec Marta, et aucune autre fille de Provins-sur-Mer ne lui arrive à la cheville. Mon ultime recours serait de trouver l’amour parmi les touristes, et que celui-ci soit réciproque et suffisamment fou pour qu’une relation à distance en résulte et, peut-être, y survive. Les chances sont faibles, tout le monde le sait ici. Dans la torpeur de l’été naissent des passions que la chaleur attise et la fatalité du départ rend tragiques. Les exemples ne manquent pas, chaque saison estivale en amène son lot. Je n’ai moi-même pas échappé en juillet dernier à cette règle cruelle mais si éprouvée des gens d’ici.
Perrine. La première fille à qui j’ai accepté de m’ouvrir depuis la rupture avec Marta, deux ans plus tôt. On s’était promis de rester en contact, de se revoir dans l’année. Elle m’avait dit qu’elle reviendrait en août, que le temps en ma compagnie avait été court mais qu’elle vivait quelque chose de fort. Nous ne nous sommes jamais écrits après son départ. Face à son silence, j’ai préféré taire mon désarroi. Je ne l’intéressais plus. Comment peut-on vibrer de sentiments un jour et tout balayer aussi vite une fois partie ? Perrine m’a laissé seul face à sa propre contradiction. « Les filles de l’été… » avait commenté Yacine quand je lui avais confié qu’elle me manquait. Son absence, les minces ruelles du centre-ville qui désemplissaient, la terrasse plus calme de Chez Gertrude m’ont bien vite ramené à la réalité : nous sommes à Provins-sur-Mer, et l’été est fini.
J’ai passé les dernières semaines à essayer d’échapper à ses griffes, à envoyer un nombre incalculable de candidatures pour des postes à Paris. Telle une horloge au mécanisme bien huilé, je suis passé expert en l’art de broder. Pourquoi je veux intégrer l’entreprise, pourquoi je serais bon pour ce poste. J’ai même passé les sélections les plus farfelues. Des intrus à repérer dans des grilles de ronds, de triangles et de carrés, de toutes les couleurs, et ma main qui devenait de plus en plus moite à mesure que le son strident m’indiquait que le temps m’était compté. Rien n’y a fait. J’ai dû cliquer sur les mauvais carrés. Apparemment, ça dit quelque chose sur mon profil, quelque chose de suffisant pour m’écarter du recrutement à ce stade, alors que moi, je crevais d’envie de leur dire que j’aurais été parfait pour ce poste.
Toutes mes candidatures pour des postes à Paris sont restées lettre morte. Seuls de rares messages automatiques, me signifiant que mon profil, malgré ses qualités, n’a pas été retenu, et que mes données personnelles seront détruites dans un an sauf si je m’y oppose. Puis l’espoir de partir bientôt d’ici s’est amenui à mesure que j’ai avancé dans le processus de recrutement chez Ranetan.
Nous sommes chez Gertrude avec Yacine quand la table, perchée sur les pavés inégaux du Vieux-Port, se met à trembler dans un grain métallique. Quelqu’un m’appelle. Un numéro inconnu.
Yacine profite de me voir répondre pour finir sa bière d’une traite.
« Je suis Emilie, du département RH de la Banque Géniale. Vous êtes bien Ulysse Bougrade ? »
La Banque Géniale. Un poste à Paris. Depuis un mois que je multiplie les candidatures pour la capitale, il a fallu que cette première opportunité se manifeste maintenant. J’ai déjà bu une bière, il fait chaud, et la rumeur joyeuse des parties de boules animées s’entend à n’en point douter à l’autre bout du fil. Je ne dois pas gâcher cette chance.
Je fais signe à Yacine de rester à la table et m’éloigne à l’ombre d’une ruelle moins fréquentée pendant qu’elle continue :
« Nous avons bien reçu votre candidature pour le poste de gestionnaire au sein de notre entreprise. Si vous me le permettez, j’ai quelques questions à vous poser. »
J’ai déposé tant de candidatures depuis la fin de mon stage que je ne sais même pas pour quel poste cette Emilie m’appelle. Gestionnaire, c’est comme ingénieur. Ça veut tout et rien dire.
« Je vous écoute. »
Je fais de mon mieux pour détailler mon parcours en termes aussi intelligibles que l’heure me le permet : mon stage au sein de l’entreprise Saphir que j’ai terminé le mois dernier, mes étés à travailler au port quand j’étudiais l’économie à Nantes. Sa voix monotone n’a pas l’air convaincue. Elle passe de question en question telle une liste de courses qu’elle rêve d’expédier au plus vite. Les missions de mon dernier stage, variées, que j’ai tenté de rendre intéressantes. Ma disponibilité, immédiate. Et puis, à ma grande surprise, elle conclut par une dernière interrogation plus encourageante que ce qu’elle m’a laissé entrevoir jusqu’alors :
« Seriez-vous disponible pour un entretien mardi prochain ? »
Je peine à cacher mon élan lorsque je lui réponds.
« Vous rencontrerez Thierry Melian et Nina Northwood dans nos locaux à Aubervilliers. Quinze heures, ça vous conviendrait ?
— J’y serai. »
À peine Emilie raccroche-t-elle que je doute déjà. De quel poste s’agit-il ? Je me promets de me replonger dans mon historique de navigation et d’écumer toutes les pages qui, de près ou de loin, sont en rapport avec la Banque Géniale. Je trouverai forcément une adresse, bien que ses dernières paroles sèment la confusion dans mon esprit. Aubervilliers ? Je pensais pourtant n’avoir cherché du travail qu’à Paris…
Mes doigts pianotent sur mon téléphone pour vérifier ce point. En banlieue, la ville d’Aubervilliers jouxte la capitale. Nichée dans son Nord-Est, entre d’autres noms que je ne connais pas. Pantin, Saint-Ouen… Seule Saint-Denis m’est familière, et encore, je n’en ai rien vu d’autre que son stade, depuis mon canapé.
« Je ne savais pas que tu voulais travailler dans une banque, me dit Yacine une fois reparti à notre table.
— C’est pour un poste à Paris. »
Ses yeux se perdent dans l’horizon.
« Qu’en pensent tes parents ?
— Tu es le seul à qui j’en ai parlé.
— Il faudra bien que tu leur dises un jour.
— Pour l’instant, ce n’est qu’un entretien. »
J’espère que Yacine comprendra.
Avec son appel, cette Emilie m’a redonné l’espoir d’une alternative. Celle de pouvoir peut-être enfin fuir cette ville sans perspective pour mon avenir.
Pour quelqu’un qui n’est jamais parti, ça aurait pu être n’importe où, mais je tiens à ce que ce soit là-bas. La capitale exerce cette aura que les autres villes n’ont pas. Elle m’a toujours fasciné, tel un rêve inaccessible, celui d’un jour partir ailleurs et y trouver quelque chose de différent. À seulement trois heures en train de Provins-sur-Mer, Paris attire chaque année un nouveau contingent parmi ceux de ma génération. J’ai croisé Sandra cet été. Elle faisait partie du convoi de Provinois parti à la capitale dès la fin du lycée. Elle a décroché un CDI dans une super boîte après avoir fait son stage de fin d’études sur place. Je ne me souviens ni du poste, ni de l’entreprise, mais elle avait l’air enthousiaste. Quant à Jean-Philippe, d’après ses publications, il aurait même créé sa propre boîte. Je n’ai jamais aimé ce type, mais je n’ai pas pu m’empêcher de trouver la nouvelle inspirante. Petit à petit, l’idée de déménager à Paris a germé dans ma tête. Cette ville a-t-elle vraiment le pouvoir de changer ainsi le destin des gens ?
J’ai écumé toutes les pages publiques du site de la Banque Géniale pour mieux m’y croire, passé en revue toutes les annonces, jusqu’à retrouver celle à laquelle je me souvenais vaguement d’avoir postulé. « Le gestionnaire de back-office traite les opérations clients, les clôtures de livret, transfert entrant et sortant de PEL et CEL. Il instruit les demandes sur les comptes réglementés et connaît les règles d’intérêts et de versement sur les livrets d’épargne réglementés. Il analyse les dossiers de souscription ainsi que les pièces complémentaires. » Je ne suis pas certain de ce que tout cela implique mais je reste enthousiaste. Paris. La Banque Géniale. Une voie inédite. Je n’ai plus que trois jours pour me préparer mais rien n’ébranle ma motivation. Je regarde des vidéos en ligne sur tous les mots-clés que je trouve dans la fiche de poste et les offres d’emploi similaires. Je commence une nouvelle série sur le milieu de la banque. Elle se passe en Allemagne, les métiers n’ont rien à voir avec celui pour lequel je viens de candidater mais qu’importe : j’avance. Je me projette. Je vais passer un entretien à la Banque Géniale, le réussir, et ma vie va changer.
J’ai pris le premier train du matin pour Paris. Je tuerai le temps à côté des bureaux de la Banque Géniale autant qu’il faudra pour limiter tout risque de ne pas y être à quinze heures. Si j’avais consulté ma mère avant mon entretien, elle aurait insisté pour que je parte hier et dorme à côté, dans un hôtel vue sur Saint-Denis d’où je pourrais faire l’aller-retour à pied une fois pour repérer les lieux…
Mairie d’Aubervilliers n’est plus qu’à deux arrêts et je sens déjà ma respiration qui s’emballe. Si je ne décroche pas ce poste, je serai peut-être coincé à Provins-sur-Mer. Mon dernier entretien chez Ranetan hier s’est bien passé, je redoute le pire. Ne pas avoir le choix de partir. Repousser cette option à plus tard, et peut-être, à jamais. Je suffoque.
Je guette la fenêtre basculante. Elle a beau être ouverte, l’air parvient à peine à mon visage. Il est chaud. Nous sommes en fin septembre, et il fait aussi lourd qu’en été. Je maudis ma cravate mais ne me résous pas à l’enlever. Alors, je déboutonne le haut de ma chemise et étire le col. Une vaine tentative d’offrir à ma peau quelque fraîcheur inexistante. Je n’ai pas quitté les souterrains parisiens depuis mon arrivée à la gare Montparnasse. Je viens à la capitale pour la première fois et je n’en verrai rien. Je veux y revenir pour laver cet affront, la découvrir enfin et y trouver tout ce qu’elle a à m’offrir et que Provins-sur-Mer n’a pas. Une ville pleine d’opportunités, parmi lesquelles il doit bien y en avoir une pour moi.
Je me laisse porter par l’escalator, les yeux rivés vers la lumière que me promet la fin de cette machinerie sous-terraine, tandis qu’un flot incessant me double, pressé de courir après un temps dont ils paraissent tous manquer. Dehors, la fournaise est plus intenable encore. L’air sec pénètre mes narines et s’empare de mes poumons. Le croisement dénudé qui me fait face accuse bien moins de passage que la voie souterraine où les voitures s’engouffrent avec frénésie. Les klaxons se répondent, de part et d’autre, tandis que le feu derrière moi, avec sa sonnerie de compte à rebours, annonce qu’il ne sera bientôt plus possible de traverser. Je me dépêche d’emprunter le passage piéton qui me conduit à l’avenue de la République. La Banque Géniale est là, à une cinquantaine de numéros d’ici. Je suis tenté de faire le tour du propriétaire dès maintenant mais la chaleur m’accable. À quoi bon m’assurer d’être à l’heure si c’est pour arriver plus dégoulinant encore ?
Je préfère le refuge d’un café où je passe les dernières heures dans un bar, sous la climatisation, à regarder les courses hippiques sur l’écran sans son. Des échanges glanés autour du comptoir, je comprends que les autres clients sont des habitués, et qu’ils s’y connaissent bien plus en chevaux que moi. Mon regard se perd sur le numéro 7 pendant que les autres se chargent de faire les commentaires que la télévision ne nous offre pas. J’apprécie ce calme avant la tempête. Avant ce retour dehors, sous les foudres caniculaires. Avant l’entretien.
Mon téléphone vibre, et ma gorge se noue à la vue du numéro. Ranetan. Ou plutôt Suzanne, celle qui sonne le gong de la nouvelle tant redoutée. Ils sont heureux de me proposer une place au sein de leur équipe de commerciaux. Il y aura le temps de la formation, mais ils sont sûrs qu’en sortira une belle collaboration. Je la remercie pour son offre. Je ne sais pas si elle a compris que je me forçais.
« Je vais prendre le temps d’y réfléchir, je reviendrai vers vous d’ici… »
Combien de temps faudrait-il à la Banque Géniale pour aller au bout de ce processus de recrutement ?
« Je vous laisse revenir vers nous alors. »
Suzanne a raccroché et avec elle s’est envolée l’illusion de calme qui m’habitait depuis que j’étais entré dans ce café. Et même si je réussis l’entretien, le saurai-je à temps ?
Je descends aux toilettes me rafraîchir une dernière fois la nuque, m’assurer que ma cravate est bien ajustée et que j’ai la gueule de quelqu’un qu’on voudrait embaucher. Je découvre horrifié des cheveux graissés par la sueur et des yeux gonflés par la fatigue. J’ai beau m’asperger le visage d’eau, me cambrer sous le sèche-mains pour sauver mon col que je viens d’inonder au passage, rien n’y fait : j’ai mauvaise mine.
Je dois décrocher ce boulot.
Je commande un dernier café avant de partir, le quatrième depuis ce matin. Avec celui-ci, je découvre une réalité à laquelle je devrai m’habituer ici : pour deux expressos consommés sur place, je paie le même prix qu’une tournée chez Gertrude. Je cache ma surprise et tends mon billet, en me mordant la lèvre. Par-dessus le bar, je vois l’ardoise avec le prix des consommations « au comptoir ». « À table », il est doublé. Je comprends mieux les habitués, qui préfèrent rester debout ou sur les chaises hautes, et lèvent à présent les bras pour encourager leur cheval dans la dernière ligne droite.
Je referme la porte du bar frais avec un goût amer, avant d’oublier la contrariété de l’addition. Dehors, le soleil impétueux frappe encore. Au-dessus du goudron, l’air se déforme, mirage ardent de l’enfer qui brûle sous nos pieds. Maudits soient les hommes qui ont décidé qu’il faut porter un costume en entretien, et que cette règle ne souffrirait d’aucune exception. Je sens ma chemise qui colle à la peau, en viens à me dire que la veste, finalement, n’est pas tant de refus.
Je ne m’étais jamais rendu à un siège social avant, pas plus que je n’avais vu Paris, mais je ne peux m’empêcher d’être surpris. Je ne m’attendais pas à ça. Au milieu de cette avenue de la République grise avec ces bâtiments des années 60, les titans de la Banque Géniale s’imposent. Cinq tours vitrées. Avec leur forme triangulaire qui pointe vers l’extérieur, elles forment l’étoile filante du monde français de la banque moderne. J’ai le souffle coupé. Vais-je vraiment passer mon entretien si haut ? Y penser me pétrifie et pourtant, je ne parviens pas à détourner mon regard de ces colosses vertigineux. Il n’est pas question de faire marche arrière. Pas pour ça.
À côté d’eux, le bâtiment de l’accueil semble ratatiné, dominé par la haute puissance des branches de l’étoile. Je me demande si l’architecte a prévu cela ainsi, lorsqu’il a dessiné cette entrée et son étrange toit, une vague de tôle blanche qui ondule au-dessus des murs. Voulait-il que toute personne étrangère à la banque se sente insignifiante face à ses géants ? Si tel était le cas et qu’il lit ces quelques lignes, je tiens à lui dire que l’effet est réussi.
« Je peux vous renseigner ? »
Derrière le comptoir, une femme me fixe, tandis que son collègue pianote sur son clavier sans faire attention à moi. Elle a un sourire assez discret pour que je sois certain qu’il ne s’agisse que d’une politesse.
« C’est pour un entretien. Je dois rencontrer… » Je sors mon téléphone pour mieux lire ma note. « Madame Northwood et Monsieur Melian. J’ai rendez-vous à quinze heures.
— Installez-vous je vous prie, je vais les prévenir de votre arrivée. »
Je prends place dans l’un des fauteuils, à côté de la baie vitrée, et guette d’un œil discret la première tour qui s’ancre à quelques mètres. Depuis l’accueil, je n’en vois que les deux premiers étages. Derrière les vitres, des bureaux. La tête posée sur son poing, un homme consulte un document dont il fait valser les pages. Face à lui, une femme passe d’un écran à un autre, happée par ce qu’elle y lit. Aux autres fenêtres, il y a tant de sièges vides... Certains ne sont pas occupés du tout tandis que d’autres ont été désertés par leurs occupants dont il ne reste qu’une veste sur la chaise, un sac sur le sol. Plus haut, la tour paraît se perdre dans l’infini, et protège derrière ses vitres qui reflètent le soleil éclatant la fourmilière qui y vit.
Je me souviens alors de cet article que j’ai lu et des signes que renvoie un candidat lorsqu’il attend et me ressaisis. Je me tourne vers l’accueil et adresse un sourire poli à l’homme derrière le comptoir qui regarde dans ma direction. Parlera-t-il de moi à Thierry Melian ou à Nina Northwood ? « Il suait comme un bœuf et regardait les tours comme un enfant. » Non, il ne dirait pas cela. L’homme a croisé les mains et patiente, inflexible, les yeux rivés sur le mur. Tout compte fait, je ne suis pas certain qu’il leur parlera. Il attend certainement que le temps passe tout autant que moi.
Au-dessus de l’accueil, l’horloge affiche 15h15. Et si Thierry Melian et Nina Northwood m’avaient oublié ? Je réajuste ma cravate pour mieux me donner un peu d’air. J’ai chaud. Même la climatisation ne peut plus rien y faire.
J’aimerais sortir mon téléphone pour tuer le temps mais il est bientôt 15h20. À chaque seconde qui passe, mes recruteurs menacent de plus en plus d’arriver. Je ne saurais même pas les reconnaître. Je n’aurai pas un signal pour paraître irréprochable. Je dois l’être dès à présent, même si l’attente est de plus en plus laborieuse. Je m’efforce de rester droit, de relâcher mes épaules, de garder le menton haut. Je guette la porte côté tours, qui me trompe plus d’une fois. Un employé avec un café. Un groupe de gens qu’une autre est venue raccompagner avant de repartir. Un homme et une femme qui traversent le hall. Eux ?
Elle pose son regard sur moi. Je lui rends un sourire crispé, soulève mes hanches pour me relever et lui serrer la main au moment où elle sera devant. Mais la paire continue jusqu’à la sortie, s’arrête à l’ombre et sort une cigarette. Je soupire.
Il est 15h28 quand la dame de l’accueil s’avance enfin dans ma direction. Elle commence à articuler, et je me prépare déjà à ce qu’elle m’annonce que mes interlocuteurs ne peuvent plus me recevoir. Que je suis venu jusqu’ici pour rien, et que son collègue de l’entrée a de toute façon remarqué que je n’étais pas fait pour le poste.
« Monsieur Melian et Madame Northwood sont prêts à vous recevoir, je vous invite à me suivre. »
Je ne décroche pas un mot jusqu’à la salle de réunion. Les tours s’élèvent autour de nous tandis que nous traversons le jardin au centre des cinq tours. Je n’ai pas le temps de m’arrêter, une fois au milieu, pour profiter de la perspective de ces colosses qui s’affrontent sur ce parvis infernal. Les vitres brillent des éclats du soleil et nous irradient dans leur fournaise. Au centre de l’étoile de fer de la Banque Géniale, il fait une chaleur comparable aux enfers.
Les gouttes déferlent dans mon dos jusqu’à ce que l’air réfrigéré m’encage, une fois arrivé dans l’entrée du bâtiment C. Nous prenons l’ascenseur, et je guette avec appréhension ma guide qui presse le bouton de notre destination finale. 26.
Je lui adresse un énième sourire poli avant de reporter mon attention sur ces chiffres qui s’emballent. 4, 5, 6…
Je ne crois pas être déjà monté aussi haut, et cette tour comporte cinquante-deux étages. 10, 11, 12…
J’ai le vertige. Je ne sais pas ce qu’il se passera une fois que les portes s’ouvriront, mais je dois tout faire pour rester calme. Ce n’est pas comme si mes recruteurs allaient me suspendre dans le vide pour tester mon aptitude à intégrer la banque. À moins que… 18, 19, 20.
Mon cœur s’emballe. J’inspire, j’expire. Rester calme. La dame me jette un regard rapide, elle doit me croire fou. Puis elle me sourit. Pour de vrai, cette fois. Alors je fais tout pour relâcher mes épaules et chasser de mes esprits la peur. 26.
« Nous y voilà » ponctue-t-elle tandis que les portes s’ouvrent enfin.
Je sors de l’ascenseur pour découvrir un air nouveau. Aseptisé. Froid. La moquette grise peine à adoucir le mobilier de l’étage. Blanc. Cru. Saillant. Épuré et strict à la fois. La dame me conduit à travers les couloirs dont les vitres nous séparent de la grande salle avec ses bureaux communs et les salles de réunion avec leurs grands écrans. Les portes fermées garantissent la confidentialité des échanges, mais ils travaillent à la vue de tous. Dans cet espace mis à nu, dépouillé de toute intimité et de tout calme. Je repense au bureau de ma mère, à la Chambre du Commerce et de l’Industrie de Provins-sur-Mer. Si je ne le trouvais pas si grand, il a l’avantage d’être sien. Ici, personne ne semble épargné. Les autres étages sont-ils tous comme celui-ci ?
La dame m’indique la salle C2611. À travers la vitre, j’en aperçois déjà l’occupante. Une jeune femme aux cheveux brun foncé, noués dans une queue-de-cheval stricte. Sa veste de costume est parfaitement ajustée à sa taille, et retombe sur un pantalon noir. Nina Northwood se lève aussitôt, et contourne la table centrale d’un pas impérial. Elle me tend la main, comprime la mienne et me remercie pour avoir répondu présent pour cet entretien. Je pensais d’abord qu’elle s’excuserait pour leur retard, pour l’absence encore notable de Thierry Melian, mais elle ne fait rien de cela.
Elle m’invite à m’asseoir et me demande si je veux boire quelque chose. Je ne sais pas s’il s’agit d’un énième piège de recruteurs mais je suis trop déshydraté pour refuser. Quand elle revient, Thierry Melian l’accompagne. Il a pris un café, et salue dans le couloir une collègue avec qui il semblait s’être entretenu. Il n’est plus l’heure de me demander si leur retard est dû à une urgence ou à une simple épreuve du feu, pendant qu’ils sirotaient tranquillement un café. Je me lève pour accueillir le recruteur à qui j’adresse une poignée de mains plus vive que la précédente. Il doit avoir l’âge de mon père, mais ne me renvoie pas du tout le même effet. Monsieur Melian a le visage mince, les rides camouflées sous son teint hâlé, et le maintien de ceux qui n’ont jamais cessé de faire du sport.
« Bien, Monsieur Bougrade, commença Nina Northwood. Prenez place, je vous prie, il est plus que temps de commencer. »
Je ne sais comment réagir à cette phrase. Elle n’a visiblement pas voulu prendre cette opportunité pour s’excuser, mais je sens de l’impatience dans sa voix. Comme un reproche. Considère-t-elle déjà que je lui fais perdre son temps ?
« Commencez donc par nous parler de vous, un peu. »
J’ai eu beau répondre à cette question plusieurs fois lors de mes candidatures, les mots ont du mal à sortir. L’université, mon stage dans le secteur des croisières. Paris. Ma volonté d’essayer autre chose. De voir plus grand que ce que Provins-sur-Mer a à m’offrir. À mes motivations pour intégrer leur entreprise, je leur oppose le prestige et la sécurité d’un grand groupe.
« J’apprends vite » précisé-je.
Thierry Melian en revient aux faits. Il est à la tête de l’unité, et veille à ce que les opérations financières soient effectuées. Il n’est pas le référent direct sur le poste, mais a tenu à prendre ce recrutement en main. Une candidate avait déjà été sélectionnée et avait même signé son contrat. Puis, elle n’avait plus jamais mis les pieds au siège ni donné signe de vie.
« Et en plus, elle nous avait demandé de l’attendre deux mois… ponctue Nina.
— Nous n’avons pas le temps pour un recrutement traditionnel. Si j’en avais chargé les RH, je conduirais mes premiers entretiens dans six mois… »
Je ne suis pas certain de comprendre ce qu’ils essaient de me dire. Que j’ai le poste, ou que le prochain candidat retenu n’avait pas intérêt à leur faire faux bond. Je me contente de hocher la tête, comme si je comprenais tout à leur logique inaccessible. Nina repart sur des bases plus pragmatiques. Ma maîtrise d’Excel, le travail d’équipe, main dans la main, pour tenir les délais. Je fais de mon mieux pour décrisper leur visage, leur montrer qu’ils peuvent avoir confiance, que je suis le candidat idéal pour ce métier que je ne connais pas.
« Vous avez indiqué une adresse à Provins-sur-Mer…
— Très joli coin, ajoute Thierry Melian.
— Vous avez déjà un logement, à Paris ?
— Pas encore. »
Nina ne semble pas satisfaite de ma réponse. Je vois le coin de sa lèvre s’étirer, tandis qu’elle se saisit de son stylo pour raturer quelque chose sur mon CV.
« Et vous seriez disponible à partir de ?
— Maintenant. »
Elle lâche un rire qu’elle étouffe tout aussitôt.
« Vous savez combien de temps il faut pour trouver un appartement, ici ? »
Je ne le sais pas mais je n’ai pas envie qu’elle me l’apprenne. Rien ne peut se mettre sur le chemin de cette nouvelle vie que je veux décrocher.
« Dès que j’aurai un travail, je chercherai quelque chose. Entretemps, je m’arrangerai.
— De toute façon, sans travail, il ne trouvera rien » marmonne Thierry.
Les deux collègues s’échangent un rapide regard dont je ne perçois que des bribes. Thierry a fusillé Nina d’un œil appuyé, et elle resserre sa queue-de-cheval d’un air pensif. Je décide alors de plaider ma cause. De tenter de convaincre Nina qui, des deux, semble la plus inflexible.
« Je ne connais rien de Paris, j’ai tout à y découvrir. Je n’ai pas encore de pied-à-terre ici, je ne connais pas le métro et suis arrivé à midi dans le quartier pour être sûr d’être à l’heure pour vous rencontrer. » À quinze heures, je me retiens d’ajouter. « Mais si j’ai la chance de pouvoir y vivre, de travailler ici, alors je suis prêt à déménager dès demain s’il le faut. Et quoi qu’il en coûte. »
J'adore le contraste entre le prologue et ce premier chapitre, j'étais totalement pris.e par la narration. Tout ce qui touche à Provins-sur-mer et les sentiments du personnage à son égard sonnent très vrai et très touchant, à la fois un peu énervé mais on sent quand même de l'affection pour cette terre natale, c'est très bien dosé et intégré au récit. Et alors tout ce périple à Paris, oh la la, mais je suis en empathie totale ! (coucou le petit provincial qui part à la grande ville haha, je suis passé par là, et le stress des entretiens et touut, c'est trop bien retranscrit, j'étais stressé pour lui et en même temps il y a le détachement suffisant en tant que lecteur pour être attendri et se demander vraiment sur quoi toute cette épreuve du feu va déboucher pour le reste de l'histoire ! (grande déception, grande victoire, quel suspense !)
Hâte de continuer !
J'ai aimé écrire ce contraste entre le rythme pressant du prologue et ce sentiment d'ennui du premier chapitre, comme une mer qui oscille entre la tempête et le calme plat (ohoho).
Quant à l'épreuve du feu de venir à Paris, BON COURAGE A LUI ! Passer par Paris n'est jamais anodin, quel que soit l'expérience vécue ^^
Merci pour ton retour :)
Excellent premier chapitre, on comprend la lassitude du narrateur coincé dans la même ville depuis son enfance, la désillusion de ses chagrins d'amour, les perspectives faibles d'un emploi intéressant chez lui et surtout l'attrait de Paris, la capitale...
Tout ça paraît d'autant plus tragique quand on connaît la suite (quoique, il n'a pas encore sauté, peut-être que la fin sera plus heureuse) et qu'on devine que toutes ses illusions vont s'effondrer. Cet entretien d'embauche promet, son futur job ressemble à l'archétype d'un job boulot métro dodo, j'ai peur qu'il s'en lasse bien vite.
On comprend carrément son stress, c'est toujours comme ça que se passent les entretiens d'embauche que l'on veut vraiment xD
Un plaisir,
A bientôt !
Pour le coup, ce chapitre a fait l'objet d'un gros retravail sur la motivation du personnage. A te lire, cette réécriture n'était pas vaine et a fonctionné. Merci pour ton commentaire !
A bientôt
Provins-sur-Mer. J'adore ce nom. Y a tout dedans xD Et en plus il fait crédible ! Un peu comme chaque nom des personnages et des choses déjà citées. En vrai c'est pas évident, donc chapeau !
La négociation de la temporalité m'a parfois laissé perplexe ; parfois j'avais l'impression d'être dans l'immédiateté (quand le prota commence ses recherches par ex, et bien sûr la fin) puis dans un flou total des jours qui passent, imprécis. Mais finalement, en y réfléchissant, ça ne m'a pas dérangé, je pense que c'est aussi une question d'habitudes de lecture, dernièrement ce que j'ai lu était plus tranché dans les temporalités. A voir ce que ça donne au fil du texte !
J'aime beaucoup cette recherche d'emploi : tu postules tellement que tu sais plus ce que tu as fait, c'est carrément réel comme sensation. Je l'ai trouvée fort bien retranscrite. ça m'a bien fait rire que le perso commence carrément une série sur le sujet xD il est déter ! (comme la série se passe en Allemagne, dans ma tête il regarde Arte xD (je dis ça sans jugement, j'adore Arte))
Plein de bisous !
Le coup d'Arte est trop beau alors j'ai presque honte de casser ce mythe : c'est sur Netflix >< Et connaissant Ulysse, il ne doit pas regarder beaucoup Arte (moi aussi j'adore Arte).
Pour la narration c'est vrai que l'effet immédiat / temps qui avance ressort moins bien au présent que dans une narration passé simple / imparfait qui plante directement une temporalité différente.
Quant à cette ville de Provins-sur-Mer... Si irréelle et vivante dans ma tête ! Dès que j'ai trouvé le nom, c'était une évidence. Ce devait être xD
Merci pour tes retours :)
Un ptit détail : quand Ulysse revient de son entretien téléphonique, tu dis que Yacine a déjà fini son verre, mais quelques lignes plus loin il lève son verre à la santé de son ami.
Pour ce qui est de l'action, même si c'est un parti-pris de montrer cet avant Paris, j'ai conscience cela dit que dynamiser davantage certaines scènes pourraient être mieux pour donner plus de place au lecteur pour le connaître. Pour l'instant je n'ai pas encore la réponse à cette question, mais je ne me résous pas non plus à enlever cet ancrage natal avant le grand déménagement. Les joies de la réécriture...
En tout cas, merci pour ton retour !
Me revoici !
Il y a quelque chose de très vrai dans ton texte, cette envie quand on a toujours vécu en province, à un moment où un autre quand on est assez jeune, d’aller à Paris où ailleurs que dans sa petite bourgade qui n’a pas des masses d’avenir. Quelque part, je le comprends Ulysse.
Du côté écriture, je pense que tu as parfois des idées qui se répète et je ne sais pas si c’est volontaire ou non, pour créer un sentiment d’ennuis ? Par exemple « Je ne veux pas ressembler à mon père, qui fuit sa famille » c’est une idée qui est déjà fort explicite quelques lignes plus haut lorsque tu évoques la relation bâteau-de-pêche/le paternel ou « Je n’ai jamais envisagé aucun des métiers auquel je postule, et j’ai encore du mal à m’imaginer à quoi ils pourraient ressembler. » quelques lignes plus haut, cette idée est déjà introduite, qu’Ulysse ne sait pas ce qu’il veut dans la vie.
Je suis assez conquise par le nom « Banque Géniale » ça me fout des frissons un peu post-apo, haha.
En tout cas, j’ai beaucoup aimé ce chapitre, l’installation et le côté très mélancolique qui s’en dégage. L’atmosphère est un gros point fort de ton récit jusqu’à présent !
A bientôt,
Soah.
Déjà, je vais reprendre ce chapitre avec ta vigilance sur les répétitions d'idées. Je suis contente si l'identification prend.
(Oui j'ai triché, j'ai lu tes 4 retours avant d'y répondre)
Et du coup j'ai l'impression que, dans ton ressenti, ce chapitre n'a pas l'aspect lent que tu as pu ressentir sur les autres ? Même s'il est à reprendre, bien sûr
Quant à la Banque Géniale, merci de le dire, eh bien je ne sais pas quoi en faire. Car à la lecture, soit les gens adorent et voient tout de suite pourquoi j'ai pu prendre un nom comme celui-ci, soit ils tiquent dessus et le notent vraiment comme un point "à charge" qui dessert mon propos. Dur dur dur...
Merci encore, et bien à toi,
Hylla
# Le personnage est attachant, dans sa persévérance, son idéalisme, sa superstition.
# J'adore le nom de Banque Géniale, parce que tout de suite je les déteste et je me méfie d'eux. Ça me fait penser à l'Ecorp de la série Mr Robot.
# C'est chouette que tu utilises le vrai vocabulaire du monde de la finance dans lequel on va entrer. J'ai senti que t'avais fait des recherches, et ça ajoute de l'authenticité et de l'immersion au récit. Comme c'est un monde que je connais très peu, ça me donne l'impression d'apprendre à connaître un univers.
# La structure du chapitre marche. L'exposition est fluide, et le cliff est efficace.
Tes commentaires tombent très bien. Certaines BL m'ont conseillé de changer le nom de Banque Géniale car ils le trouvent trop décalé, et qu'il dessert mon propos. Je l'aime bien... Du coup je suis contente de voir qu'au contraire, le nom prend chez d'autres !
Pour l'exposition : quand tu dis efficace, parles-tu de ce chapitre en particulier, ou des deux premiers plus généralement ?
Je me pose en ce moment la question de l'opportunité de conserver mon chapitre 1 ou de commencer par celui-ci, d'où ma question...
Merci pour ta réponse :)
Je suis contente de voir que le personnage a pris pour toi et que ces thèmes trouvent écho. Je me suis pas mal censurée il y a quelques mois sur une version ultérieure en pensant que personne ne voudrait lire de telles choses... Alors comme je l'ai dit au début, vraiment, merci pour ce retour !