Chapitre 1

Par CE-236

La carlingue de l'habitacle grinçait horriblement à mesure que l'appareil s'enfonçait dans l'épaisse atmosphère de Topan. Le bouclier thermique était quant à lui mis à rude épreuve pendant que les écrans de contrôle affichaient une température externe de plus de 2100 °C sur les surfaces de la navette. Sacha était recroquevillé sur lui-même, ne réussissant pas à gérer l’angoisse qui le tétanisait.

 

- 25 kilomètres avant de passer en dessous de cette satanée tempête ! cria une voix féminine au milieu du fracas de la coque mise à rude épreuve.

- Bien compris Lisa, comment se portent les boucliers thermiques ? lui répondit une voix forte mais étrangement sereine malgré la situation.

- C'est pas fameux, deux des six boucliers frontaux sont quasi-détruits, les boucliers ventraux semblent tenir le coup mais le régulateur atmosphérique commence à surchauffer, le thermomètre de l'habitacle affiche 39°C et ça continue d'augmenter, on va pas tarder à cuire de l'intérieur ! répondit Lisa avec une voix trahissant de l'appréhension et une pointe d'excitation.

- Clora, redirige l'énergie du condensateur sur le régulateur atmosphérique, surcadence le générateur pendant trente secondes, il faut refroidir l'habitacle ou on n'atteindra pas la surface.

- Je sais comment fonctionne ce tas de ferraille Mark, lui répondit une voix légèrement dédaigneuse. Le générateur est overclocké depuis le début de la manœuvre d'entrée. Par contre le régulateur atmosphérique est mort, le système ne capte même plus sa présence… L'informatique à dû griller avec la fournaise de dehors. Va falloir mettre les combinaisons pour éviter de mourir avec du charbon à la place des poumons.

- Merde... jura silencieusement Mark. À toute l'escouade : enfilez vos combinaisons de combat et pressurisez-les le plus vite possible, on va faire le vide pour éviter un incendie dans l'habitacle.

Sacha restait recroquevillé, complètement dépassé par les événements. Quand soudain il ressentit une tape sur sa tête.

- T'as pas entendu Clora ? Qu'est-ce que tu fiches ? Dépêche-toi de mettre ce casque que je t'aide à pressuriser ta combinaison, lui dit un jeune homme qui semblait avoir la vingtaine. Sacha s'exécuta en regardant à travers la visière le garçon en train de l'aider à fixer les plaques de blindage de sa combinaison. Il était assez grand, brun aux yeux marron, son visage métissé ne semblait trahir aucune angoisse mais une concentration à toute épreuve. Sacha voulut lui demander son nom quand soudain il sentit sa combinaison se plaquer contre son corps pendant que de l'air frais arrivait par l'oxygénateur de son casque.

- C'est bon, ta combinaison est pressurisée, mets-toi sur ce siège est accroche toi fermement. Ça va pas mal secouer.

Sacha ayant repris ses esprits, il verrouilla son armure sur le siège et activa l'ATH de son casque. Une panoplie d'informations apparut soudain devant ses yeux.

> Armadilla Arsenal. Pour un univers pacifié.

> Démarrage... OK

> Analyse de l'hôte... Bienvenue Sacha Wagner. Soldat N°AL-T236 de la division 2978. Armée Interstellaire de l'OSU.

> Attention : taux de cortisol pouvant affecter l'efficacité du soldat, injection d'une microdose de kétamine.

Sacha sentit son stress s'évaporer en un instant, il se concentra sur sa respiration et regarda autour de lui. l'ATH affichait une quantité impressionnante d'informations comme le rythme cardiaque, le groupe et la pression sanguine, mais aussi l'identité précise de chacun de ses coéquipiers lorsque son regard se posait sur eux.

L'homme qui l'avait aidé à enfiler sa combinaison s'appelait Kolt Fermi, il avait dix-neuf ans et était originaire du système Trappist. La pilote de la navette se nommait Lisa Aberdeen, elle était âgée de dix-huit ans. Elle avait un visage doux muni de grands yeux bleus très expressifs, une mèche blonde tombait sur son front laissant deviner la couleur de ses cheveux cachés par le casque, sa fiche d'identité indiquait qu'elle était originaire du secteur des Pléiades. La mécanicienne de bord : Clora Cevtek avait quant à elle aussi dix-huit ans, mais sa fiche d’identité n'affichait que très peu d'informations. Elle avait, par ailleurs, désactivé la fonction évolutive, cachant complètement son visage derrière la visière devenue opaque, néanmoins sa démarche laissait deviner une force physique importante.

Le chef d'équipe, Mark Tharsis se tenait au centre de l'habitacle. Il avait déjà fini de revêtir son armure et vérifiait que tout l'escadron ait fait de même. Il était grand et athlétique, malgré son visage assez enfantin et ses cheveux blonds. C’était l'aîné du groupe du haut de ses vingt-et-un ans. Sacha fut surpris de découvrir qu’il était originaire de Luna, le satellite naturel de la Terre, la Planète Mère. Même un Solien n'était pas à l'abri de l'Épuration songea Sacha.

- Toutes les combinaisons sont-elles pressurisées ? demanda Mark.

- Affirmatif répondirent en chœur tous les membres de l'escadron.

- Parfait. Clora, lance le processus de dépressurisation de l'habitacle.

- Lancement de la dépressurisation confirma-t-elle.

Les lumières de l'habitacle devinrent rouges pendant qu'une alarme stridente retentissait. Un fort bruit d'aération suivit et en l'espace de quelques secondes, le vacarme de la coque ne devint qu'un bruit sourd, perceptible uniquement au travers des vibrations traversant toutes les surfaces.

- Dépressurisation terminée, informa Clora à travers la radio de son casque.

- Entendu, répondit Mark. Lisa, où en est-on avec la tempête ?

- Dans moins de deux kilomètres on passera en dessous, j'ai déjà identifié un point d'atterrissage plus ou moins adéquat dix kilomètres plus loin, le problème est que l'on va devoir temporiser en vol atmosphérique pendant quelques minutes pour ralentir la navette et l’atteindre. Or cette planète est un enfer pour s'amuser à jouer les avions. Les fortes turbulences risquent de nous faire décrocher.

- Il n'y a pas de point d'atterrissage plus proche qui ne nécessiterait qu'un freinage avec les rétro-propulseurs ? demanda Mark.

- La surface de cette planète n'est qu'une agglomération de millions de grottes superposées les unes sur les autres, les scanners de surface n'ont repéré qu'un seul point susceptible de ne pas s'écrouler sous le poids de la navette à 50 kilomètres à la ronde.

- Sans parler du fait que les rétro-propulseurs ont complètement fondu à cause de l'entrée atmosphérique... ajouta Clora.

- Quelle idée d’entretenir un conflit sur ce genre de planète... murmura Mark. Très bien, on compte sur toi Lisa, essaye de nous garder en vie.

- Je ne compte pas crever sur ce caillou, répondit Lisa avec un sourire narquois. Accrochez-vous je redresse !

Soudain Sacha fut plaqué sur son siège, l’axe de l’appareil étant maintenant perpendiculaire au sol, la navette planait sur la dense atmosphère Topanienne. Arrivé en dessous des nuages, il jeta un coup d'œil à travers le hublot à côté de lui.

L'horizon avait une teinte vert foncé. Une sorte de brouillard permanent semblait recouvrir toute la surface de la planète, l'atmosphère était dense et lourde, ne laissant passer que peu de lumière au travers, rendant le paysage aride et inquiétant. De plus, la surface de Topan n’était quasiment constituée que de pierres de lave sombres et de volcans ; de grands océans d'hydrocarbures recouvraient une partie de la planète, faisant d'elle une aubaine économique et stratégique pour les superpuissances se la disputant.

Les volets hypersustentateurs tentaient tant bien que mal de stabiliser l’appareil dans l'axe de descente quand un craquement sinistre se fit entendre au niveau de l'aile droite.

- C'est la merde... commenta Lisa à voix basse.

- Que se passe-t-il ? demanda immédiatement Mark.

- On a perdu le contrôle de l'aile droite, intervint Clora. L'hydraulique a dû se faire la malle pendant la descente et cette saloperie d'atmosphère vient d'arracher un volet... J'aimerais bien savoir comment c'est possible de se taper du matériel aussi merdique en étant dans l'armée d'un gouvernement qui brasse des trilliards chaque jour ! s'emporta-t-elle.

- On se concentre, coupa sèchement Mark, Lisa, les propulseurs de manœuvre suffiront-ils pour atterrir ?

- Ça va être tendu, ils sont faits pour manœuvrer uniquement dans le vide, en atmosphère, une poussée prolongée pourrait fortement les endommager. Surtout avec une telle pression atmosphérique.

- Je ne pense pas que nous ayons véritablement d'autres choix dans l'immédiat, rétorqua Mark. On continue la descente.

- Bien reçu... répondit Lisa avec une voix trahissant cette fois une véritable angoisse.

Sacha voyait la surface de Topan se rapprocher dangereusement vite ; malgré la dose de kétamine injectée par son armure, il ne pouvait cesser de s'imaginer carbonisé et déchiqueté parmi les débris de la navette, asphyxiant sur une planète morte, dans l'indifférence universelle la plus totale.

Cette vision le fit frissonner, il détourna le regard du hublot, prit sa tête entre ses mains et commença à respirer lentement, essayant de chasser cette image de sa tête.

- Accrochez-vous ! cria Lisa au travers de sa radio.

Les propulseurs ventraux de la navette furent tous poussés à pleine puissance, Sacha sentit sa colonne vertébrale craquer sous son propre poids à cause de la perte soudaine de vitesse. Les vibrations produites par les propulseurs se ressentaient jusque dans l'habitacle.

Soudain la navette tanga, la perte de vitesse avait fortement réduit sa portance, elle était sur le point de se retourner quand Lisa vidangea en urgence le réservoir de carburant auxiliaire pour corriger le centre de gravité. La navette se tenait maintenant quinze mètres au-dessus de son point d'atterrissage. Les propulseurs ventraux atteignaient quant à eux une surchauffe catastrophique, maintenant difficilement en l'air la navette de cinquante tonnes.

Lisa sortit les trains d'atterrissage, dans l'habitacle tout le monde retenait son souffle. Mais alors qu’ils étaient quasiment déployés, l’un des cinq propulseurs ventraux cessa de fonctionner, déstabilisant immédiatement la navette qui commença à se pencher dangereusement vers l’avant. Lisa décida alors de couper tous les propulseurs afin d'éviter de la retourner. Pendant une seconde ils tombèrent en chute libre, avant de s'écraser au sol dans un bruit de torsion métallique. Une deuxième secousse due à la rupture d’un train d’atterrissage vint ébranler l’habitacle puis après quelques secondes d'incertitude la navette s'arrêta enfin de bouger.

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Gardar
Posté le 27/03/2024
Ça sent les connaissances sur l'espace. Peut-être un peu long pour un simple atterrissage mais j'aime beaucoup. C'est précis, clair. Simple opinion, manque de concision et je trouve étrange de mettre directement ce chapitre maintenant. Tu aurais pu garder le crash pour plus tard. Après c'est mon opinion donc fais-en ce que tu veux.
Merci pour ce nouveau chapitre CE-236
Gardar
Art of You
Posté le 07/10/2022
Pfffffff... vraiment chaud !
Tu as l'art de nous mettre directement dans l'ambiance.
Tes descriptions des combinaisons intelligentes et de cette entrée dans l'atmosphère sont superbes.
CE-236
Posté le 07/10/2022
Merci beaucoup ! Le premier chapitre est celui que j'ai le plus retravaillé et j'avais peur d'avoir trop atténué cette ambiance d'urgence. Content de lire que ce n'est pas le cas !
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