— Chapitre 1 —

Notes de l’auteur : N'hésitez pas à laisser un petit retour ☺️

Le froid venait engourdir les jambes de cette pauvre demoiselle qui se battaient dans la neige afin de se rendre jusqu'à la Cour du Palais. Cette femme à la chevelure ardente et à l'accoutrement discret tremblotait dans cette éternelle tempête, le ciel s'assombrissait à mesure qu'elle avançait. Elle n'en voyait bientôt plus la fin. Elle se croyait périr, pourrir dans cette vaste étendue, et la dernière chose qu'elle souhaitait était de se retrouver autour d'un feu.

Elle avait parcouru un long voyage jusqu'aux portes du château, là où elle espérait un avenir plus radieux. Elle pourrait enfin songer à de meilleurs vêtements, plus d'un repas par jour, et enfin assez d'argent pour entretenir son frère et sa mère. Sa tendre famille qu'elle chérissait tant, elle pourrait parcourir trois fois le tour du globe si cela suffisait à les nourrir. Plus jamais, elle ne laisserait un proche mourir, elle se battra jusqu'au bout même si cela signifiait se sacrifier.

– Halte-la ! interpelle un garde. Qui êtes-vous ? 

La jeune femme se présenta d'une faible voix :  

– J'ai été assignée en tant que Femme de chambre pour la famille royale. Sa Majesté m'attend.

– Montre nous ton visage. 

S'exécutant, elle ôta la têtière de son chaperon pour croiser le regard des deux gardes. Ils se firent un signe de tête avant de la laisser passer, escortée par un autre garde. 

Traversant les innombrables couloirs, elle examinait leurs décorations, les portraits de la famille Royale, les gravures en coin, leur richesse s'étalait jusqu'au sol en marbre. Les tableaux resplendissants qui représentaient la famille Royale brillaient de mille feux mais l'un des tableaux sortaient du décor : celui du Second Prince. Elle pouvait sentir son regard la transpercer à travers cette peinture, on croirait qu'il était soudainement devenu réel. Il l'aurait attiré puis traîné jusqu'à ce qu'elle le supplierait d'abréger ses souffrances, qu'elle pleurera de douleur et il l'observera se vider de son sang tandis que sa tête roulera entre ses pieds tout en souriant. Le caractère du Second Prince ne passait pas inaperçu, même au delà des frontières, il était connu pour ses actes cruels.

Elle n'aurait jamais imaginé être si proche de la Couronne ni même un jour être à son service. Les vampires étaient les créatures qu'elle redoutait le plus ; on lui avait tant conté les atrocités que les Humains avaient endurées à la mort du Roi Zrôg. Des êtres sanguinaires assoiffés par le sang et le pouvoir, autrefois, ils se terraient dans les bas-fonds, désormais, ils rayonnaient de cruauté et d'arrogance.

Les deux gardes postés devant la salle du Trône tirèrent les lourdes portes permettant le passage de la femme. Celle-ci s'avança dans la pièce, mortifiée par la présence du Second Prince et celle du Roi qui la scrutaient minutieusement. Grelottant, elle fit une révérence avec maladresse, posant son regard sur celui du Roi, elle le salua.

– C'est un honneur pour moi de...  

– Ne devrait-elle pas être un valet ? Elle me serait sans aucun doute, inutile et faible, interrompt Harlow.

– Enfant ingrat ! s'écrit le Roi. Quand cesseras-tu de te plaindre ? 

La rumeur disait donc vraie. La famille Royale rejetait le Second Prince, non seulement, il n'était pas apprécié de ses domestiques et du Peuple. Toutefois, une seconde rumeur courrait, celle qui affirmait explicitement le fait que le Second Prince n'est autre qu'un bâtard, la Reine Léonor aurait eu une histoire d'un soir, la nuit suivant son mariage. Reluquant le Roi Astaroth et Harlow, ils ne se ressemblaient absolument pas ; l'un avait un teint lumineux dont la chevelure d'or dépassait légèrement tandis que l'autre avait le teint blafard et des cheveux aux couleurs de la nuit... 

– Votre nom. crache Harlow sèchement, il s'était avancé de quelques pas – sûrement pour l'intimider davantage –. Baissez votre regard, vous n'aimeriez pas être brûlé pour insubordination. 

– Evelyn ! balbutie-t-elle, Evelyn Linston... 

Harlow fixa la jeune femme, il soupira discrètement avant de s'élancer dans les couloirs. Il ne se retourna pas une seule fois pour saluer le Roi. Tandis qu'Evelyn demeurait hésitante, il fallu que le Roi la gronde du regard pour qu'elle file à toutes vitesses aux trousses de Harlow. Evelyn cavalait, le Second Prince se montrait bien plus imposant et rapide qu'elle. Cette fois-ci, elle n'avait plus le temps d'inspecter les couloirs, les contempler ne serait-ce qu'une seconde. De plus, la présence du Second Prince l'intimidait, il se révélait indifférent et distant que ce soit autant en sa présence ou bien même celle du Roi ! Elle aurait pensé qu'il se montrerait avec plus d'admiration envers lui. 

Evelyn ne savait pas si le fait qu'il ne soit pas un grand bavard la rassurerait davantage. 

Aussitôt, Harlow s'arrêta dans sa course, Evelyn manqua de lui rentrer dedans. Elle n'osait pas demander la raison de leur arrêt, par chance, elle n'eut pas à le faire. 

– Ceci sera votre lieu de vie, le temps que vous resterez au Palais, explique-t-il d'un geste de main tendue vers une porte. Je vous transmettrai les détails de mon emploi du temps ultérieurement. 

Evelyn acquiesça d'un hochement de tête, elle, qui espérait déjà pouvoir s'affaler dans son lit, Harlow lui indiqua en tout premier lieu qu'elle devait connaître l'emplacement de ses appartements et qu'il était impératif de s'y rendre avant de commencer la journée de demain. Sans broncher, elle suivit Harlow. Ils n'étaient même pas arrivés à la moitié du couloir que celui-ci demanda :

– Evelyn, avez-vous été suivi lors de votre entrée au Palais ? 

Elle afficha un air étonné sur son visage, pourquoi se ferait-elle suivre ? Laissant s'écouler un petit moment de blanc, elle lui affirma : 

– Non, je ne crois pas. Je l'aurai sûrement remarqué... 

Des pas, plus lourds que les siens provenaient d'au moins une vingtaine de mètres. Cela ne pouvait pas provenir d'un garde ordinaire, ils étaient un peu plus légers tandis que ceux d'un servant fusaient à toute allure. Quelque chose ou quelqu'un... S'est introduit dans le Palais, ces pas étaient méconnaissables. Harlow ne laissait rien transparaître, bientôt, ils arriveraient à ses appartements, où d'innombrables passages secrets s'y trouvaient, il y en avait bien un où ils pourraient se dissimuler.

Quelques fois, il tournait à gauche, puis à droite, on pouvait croire qu'il tournait en rond. 

— Est-ce que tout va bien votre Majesté ? s'inquiète Evelyn. Vous pensez que quelqu'un nous suit ? 

Écoutant d'une oreille distraite les pas qui semblaient se rapprocher dangereusement de leur position, il était un peu déconcentré par les paroles de sa servante. Si bien que sa conscience cherchât parfois des réponses à ses questions stupides. 

Bientôt, ils se rapprocheraient d'un couloir beaucoup plus étroit, invisible si on ne prêtait pas attention aux détails. Harlow pouvait entendre cette chose se perdre dans les virages qu'il a empruntés. Il saisit l'humaine par un bout de sa manche et la poussa à l'intérieur de ce couloir étroit sans aucune délicatesse. Il prit tout de même soin de plaquer une main sur ses lèvres, car il connaissait bien ces humains incapables de se taire. Il s'engouffra avec elle dans le passage, contraint d'abaisser sa tête, leurs corps se frôlaient. Cette proximité le rendait malade, il pouvait se sentir soulagé qu'elle ne jouait pas les hystériques.

Dès l'instant où il l'avait traîné dans ce passage, son cœur s'est soudainement accéléré, terrorisée par ce qu'il pouvait se produire. Ses yeux sautillaient de peur, elle parvint à se maîtriser lorsqu'elle posa son regard sur celui du Second Prince. Ses petites perles émeraudes avaient viré au rouge, Evelyn, impressionnée par la beauté remarquable de son regard. L'une des caractéristiques les plus redoutables des vampires restait la séduction, ils avaient ce halo naturel qui pouvait attirer n'importe quel être vivant ! Contre son gré, des pensées intrusives firent surface ; elle se surprenait à s'interroger sur la texture de ses cheveux elle voulait y entremêler ses doigts, caresser ses traits fins, enfin, toucher du bout de ses doigts ses lèvres mordues jusqu'au sang.

Par réflexe, elle porte une main à sa bouche déjà couverte par la main d'un autre.

De retour à la réalité, elle secoua légèrement sa tête lorsque Harlow se raidit pour retirer brusquement sa main, il lui chuchota un message préventif. 

– Pas un bruit. Ou je m'assurerai moi-même que vous ne parlerez plus jamais. Ne me touchez plus.

Ses menaces lui donnaient toujours autant de frissons, par ailleurs, ses pensées néfastes ne cessaient de la hanter, cette proximité qu'il partageait avec lui ne l'aidait pas à s'en débarrasser ce qui terminera par la rendre malade. Evelyn se perdait dans son esprit, désormais, elle ne savait plus si elle devait être davantage impressionnée ou terrifiée. Les vampires l'ont constamment écoeuré, pourquoi était-ce aujourd'hui qu'elle devrait se sentir attirée par l'un d'entre eux ? Cet aspect de sa personne l'effrayait, une véritable vision d'horreur, ce n'était pourtant pas intentionnel ! Evelyn s'engourdit pour détourner le regard comme fâchée alors qu'il ne lui avait encore rien dit. Toutefois, sa patience avait des limites.

Déterminée, elle prit son courage à deux mains en tapotant son épaule, elle lui fit comprendre par quelques gestes qu'elle était confuse par la situation qui se dressait devant elle. Il se pencha en avant pour chuchoter à son oreille :

– Intrus. Restez discrète. Je tiens à ne rien salir. 

Il aurait pu conclure cette affaire en la jetant dans la fosse aux lions, après tout, son rôle en tant qu'humaine était de mourir pour les plus nobles. Cependant, il n'aimait pas se réduire à ces sauvages, il détestait par-dessus tout salir ses vêtements, même de son propre sang. 

À peine eut-il le temps de terminer sa phrase qu'il sentit une main se poser sur sa nuque prête à la tordre. Il ne manquerait plus qu'il meure comme un simple humain ! En une fraction de seconde, il asséna un coup de coude en pleine tête de son agresseur avant de pouvoir lui faire face. Une main se planta dans son poignard qu'il gardait toujours à sa ceinture, il dégaina son arme pour viser la tête en guise de projectile. Il en déduit rapidement que son projectile avait trouvé sa cible suite aux hurlements qui résonnèrent le long du couloir. 

Un léger sourire satisfaisait se dessina sur son visage, fier de son coup. Il était Harlow Von Eler, Second Prince du royaume de Krima ! L'adversaire le plus redoutable !

La confiance qu'il avait acquise en quelques secondes, s'évanouit lorsque cette Bête lui saisit les cheveux pour l'attirer dans l'obscurité et finir par le traîner comme un vulgaire déchet. La Bête se retrouvait à être plus robuste que lui. Il ne s'en sortirait pas tout seul. 

– EVELYN ! LES GARDES ! MAINTENANT. s'exclame-t-il avant de s'enfoncer plus loin.

Elle, qui jusqu'à maintenant, était horrifiée par ce qu'elle entendait, cela la paralysait complètement. Evelyn parvint à sortir de sa cachette grâce à l'appel de Harlow, elle s'enfuit à toutes jambes, cherchant du regard des gardes. 

– Le Prince... ! Le Prince Harlow ! Il a besoin d'aide, une... Bête ! Une créature l'attaque. tente Evelyn d'expliquer aux gardes la situation, elle eut à peine le temps de conclure que les gardes la dépassèrent. 

Elle se précipita avec eux à la recherche du Second Prince.

Harlow se débattait dans l'obscurité totale, cette Bête l'assommait de coup sans jamais lui laisser un temps de répit. Harlow divaguait, il était en train de se faire achever, une terrible douleur le prit de court au niveau de son dos. Comme si on l'avait transpercé jusque dans ses entrailles, il sentait son corps se vider de son sang. Durant l'espace de quelques secondes, il avait l'impression d'avoir dormi une éternité, ce n'est seulement lorsqu'il se ressaisit qu'il se souvînt du combat périlleux qu'il menait. Il inspecta les lieux autour de lui et ses yeux s'écarquillèrent en observant la mare de sang qui venait de se créer autour de lui. Il se traîna difficilement contre un mur pour s'adosser à celui-ci. De ses yeux fatigués, il étudia l'environnement. Certainement blessé quelque part, son corps entier le brûlait tellement qu'il serait incapable de décrire d'où provenait cette quantité astronomique de sang. 

Il espérait qu'avec la traînée de sang, quelqu'un le retrouverait, peut-être bien cette humaine Evelyn.

Si seulement on le cherchait... Il devait s'y résoudre, le Second Prince était honni de tous, personne ne viendra. 

Tentant de se relever, il réussit à tenir debout, dépendant du mur. Ses jambes ne lui avaient jamais paru si impuissantes. Il devait s'efforcer de partir, se soigner au plus vite, mais la seconde d'après, un rideau noir s'écroula devant ses yeux. Plongeant de nouveau dans cette mare qui avait repeint la salle. 

Affolée, elle s'imaginait la sentence qu'on lui attribuerait lorsqu'on apprendra qu'elle a été incapable de garder le Prince en vie, ne serait-ce que 10 minutes ! Evelyn farfouillait le couloir de fond en comble jusqu'à y apercevoir des taches de sang qui l'amenèrent vers un couloir angoissant et sombre. Au bout de celui-ci, elle distinguait deux petites perles dorées, son esprit s'embrouillait et elle se sentait prendre en courage. 

– Hé, toi !

La Bête s'échappa de son champ de vision, Evelyn part à sa poursuite. Avant qu'elle n'eût le temps de la rattraper celle-ci se défenestra, elle se précipita au rebord de la fenêtre pour se pencher en avant. Toutes traces de la Bête venaient de se volatiliser. Désorientée, elle ne comprenait pas comment elle avait pu disparaître ! Laissant s'écouler quelques minutes, elle se détacha du bord pour retourner sur son chemin. Elle se rassura en se disant que le Prince ne devait plus être très loin, ce qui l'inquiétait, c'est ce qu'il en restait. Suivant la traînée de sang, elle n'en fut plus qu'horrifiée de découvrir le Second Prince, comédien principal de cette mascarade.

Il fallut moins de quelques heures pour semer la pagaille au sein du château, les médecins se bousculaient dans les couloirs. Les gardes commencèrent déjà une fouille acharnée du périmètre pour retracer la Bête. Les parents du Second Prince plus inquiets que jamais s'étaient précipités dans sa chambre, les heures s'enchaînaient sans jamais en voir la fin. "Est-ce qu'il s'en sortira ?", cette question résonnaient dans les esprits de tous. 

Son bien-aimé frère, Harker, s'empressa de rejoindre les gardes. Il s'était juré de ne pas revenir avant d'avoir ramené la tête de ce monstre. Oser s'attaquer à un prince si prestigieux revenait à dire que l'existence de Dieu s'avérait n'être qu'un conte de fées.

Hélas, nous étions dans le monde réel, il n'y avait pas l'ombre d'un dieu, les miracles n'existaient pas, la Terreur était le grand Maître du jeu.

Le Second Prince eut l'aide de deux pauvres gardes pour le mettre dans son lit. Un seul médecin fut appelé, et c'est à se demander si celui-ci avait osé lui jeter un coup d'œil. Personne ne se préoccupait véritablement de lui, personne ne daignait se tourner vers lui, rejeté de tous. Il était devenu celui que les autres craignaient. Dans la pénombre, Harlow se reposait dans son lit, chacune de ses inspirations lui paraissaient comme une épée qui le transcendait dans le dos. 

De l'autre côté de la porte, sa Femme de chambre se faisait un sang d'encre. Elle tressautait, se demandant à plusieurs reprises : que dira le Roi ? Le Second Prince, que fera-t-il une fois réveillé ? Sera-t-il en colère contre elle ? 

Evelyn se sentait torturée, elle devait en avoir le cœur net ! Empruntant un chemin jusqu'à la chambre du Second Prince, lorsqu'elle arriva devant la porte et qu'elle posa sa main sur la poignée, quelqu'un en ressortit. Harker, le prince héritier, celui dont on entendait parler au-delà des frontières, des mers et océans ! Evelyn recula embarrassée. 

Au premier abord, il lui jeta un regard plein de mépris et de méfiance. Son visage s'éclaircit en observant la couleur ardente de ses cheveux, il avança d'un pas en avant, en ouvrant la discussion : 

– C'est donc toi. La nouvelle Femme de chambre de mon frère.

Désemparée, elle croyait avoir commis une faute grave. Elle fut accablée au même moment par la pensée de ne pas s'être inclinée à sa venue ! Cela paraîtra étrange aux yeux du prince héritier lorsque soudainement, elle se pencha en avant, tête baissée au visage mortifié. Le mépris qu'il lui a fait transparaître avait désormais plus de sens pour elle. Evelyn se confondit en excuses, elle avait déjà assez honte. 

– Redresse-toi, lui ordonne-t-il en déposant une main sur son épaule. Je te remercie. 

Un visage confus se dressait face à ces mots, pourquoi cherchait-il à la remercier ? 

– Tu aurais pu t'enfuir et laisser mon frère périr. Puis-je connaître au moins le nom de la gardienne de mon frère ? 

Son imbattable frère, le plus grand stratège du royaume avait réussi à être vaincu par cette Bête. Harker ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Pour une fois, son frère a pu goûter à l'échec, à la faiblesse et l'erreur qu'il était. Peut-être que cela serait une occasion pour lui en tant que prince héritier pour rayonner, être celui que le peuple prétendait qu'il soit. Il pourrait enfin espérer qu'aux yeux de son père, il passerait pour autre qu'un simple prince héritier. Harker voulait la gloire, la réussite et la suprématie ; sa soif de pouvoir n'était jamais assouvie. 

 

– Evelyn... Balbutie-t-elle. 

Il saisit sa main pour lui faire un baise-main tout en remontant son regard vers le sien. 

– C'est un charmant prénom tout comme vous mademoiselle.

Evelyn se retira, la présence de Harker la mettait mal à l'aise. Elle s'excusa pour rejoindre la chambre du Second Prince, mais Harker l'interrompit une dernière fois :

– Ne lui dis pas que je suis passé. Il va encore croire que je m'inquiète beaucoup trop pour lui. 

Evelyn hocha la tête de haut en bas avant de soigneusement refermer la porte. Plongée dans la pénombre, Evelyn prit le temps d'allumer quelques cierges, elle se passait ses mains sur ses bras en frissonnant. Le pauvre s'éternisait dans ce froid glacial, les rideaux fermés ni même un fin tissu pour le recouvrir. Elle s'approcha du lit pour constater le Prince encore endormi, à côté, une table avec les différents instruments pour soigner un malade. Jetant un coup d'œil de plus près, elle fut étonnée lorsqu'elle remarquera le Prince qui n'avait pas encore guéri de ses blessures ! Son haut blanc se faisait envahir par la couleur vermeil de son sang, ce qui était assez intrigant — c'est un vampire — ne devrait-il pas se rétablir plus vite ?

Il n'était pas question de cela, désormais, elle devait s'occuper de lui en toute hâte avant que cela ne s'infecte. S'asseyant sur la chaise en face des soi-disant remèdes, elle se mit à les inspecter.

– Thym, mélisse... Comment puis-je le soigner ? Aucun de ces remèdes ne peut aider à cicatriser. 

Evelyn creusait un peu plus et jugeait qu'il était plus judicieux de s'infiltrer dans le cabinet d'un médecin pour lui emprunter quelques antidotes. C'est avec discrétion qu'elle se faufila dans l'un de ses bureaux, farfouilllant parmi les nombreux contenants en verre qui se ressemblaient tous. Ni une ni deux, elle s'éclipsa pour rejoindre à nouveau la chambre en espérant que le Prince dormait toujours. 

À présent, Evelyn pouvait se contenter de le soigner, préparant un large tissu imbibé d'alcool, il ne manquait plus qu'à lui retirer son haut. 

Douleurs, souffrances, supplices, combien de temps devait-il endurer ces misères ? Agacé par la lumière qui venait déranger son sommeil bien plus lorsqu'il sentit une présence rôdait autour de lui. Son frère lui jouait de nouveau un sale coup, cette fois-ci se fera-t-il empoisonner ou pouvait-il déjà faire ses adieux ? Il récupéra ses dernières forces pour se redresser en un éclair pour saisir la main de son agresseur en lui plantant son poignard sous la gorge. Le regard noir, il n'hésiterait pas un seul instant. 

Mortifiée, elle eut le réflexe de se cacher le visage avec son autre main. Evelyn avait à peine déboutonné trois de ses boutons et voilà qu'il menaçait de l'étriper. Est-ce tout ce que l'on peut mériter en faisant preuve de bonne foi ? 

– Arrêtez-vous, implora-t-elle, je suis Evelyn, votre femme de chambre ! 

– Ah, ce n'est que vous, Eline.

Il relâcha la femme dans l'immédiat, baissa son couteau avant d'inspecter les alentours. Bon sang, que pouvait-elle mijoter ? Harlow dévisagea la jeune femme bien qu'elle semblait fragile, cela ne voulait pas dire qu'elle n'était pas dangereuse.

– Qu'est-ce que vous cherchiez à faire ? 

– Evelyn, je cherchais à vous soigner. Cela me paraît clair pourtant, fit-elle ennuyée. 

– Vous étiez en train de retirer ma chemise. Pourquoi ? 

– Car j'essayais de vous soigner ! 

– Qu'est-ce que vous avez sur votre tissu Éméline ? Il continuait à l'assassiner de questions, il ne pouvait pas lui faire confiance. 

– Evelyn, de l'alcool. C'est comme cela qu'on désinfecte. 

– Inutile, je n'en ai pas besoin.

Contrariée, Evelyn n'allait pas s'avouer vaincue. Elle saisit le flacon rempli d'alcool pour ingurgiter une gorgée d'un trait, elle manqua de le faire tomber au sol lorsqu'elle se mit à tousser abondamment. Elle sentit sa gorge brûlée pendant plusieurs secondes tandis que Harlow l'observait avec stupeur. 

Après tout, c'était une humaine, plus fragile que n'importe quoi au monde, un amas de chair animé par la cupidité et la vanité. Il n'avait pas à supporter ses sauts d'humeurs et ses bavardages. 

– Ma parole, vous êtes complètement folle et dénuée de toute logique. 

Dubitatif, il ne croyait pas à son jeu d'acteur, elle pouvait faire ce spectacle à d'autres. Tiens, sûrement son frère qui se ferait un plaisir de la reluquer, lui qui a tant besoin d'attention. Soufflant, il dénoua les boutons manquants, peut-être bien était-ce de la pitié qu'il ressentait ? D'autre part, il savait qu'il ne se régénérait pas aussi vite qu'un vampire. Malgré cette faveur, il suffisait d'un geste louche pour lui trancher sa petite gorge d'humaine.

Soulagée, les mains quelque peu tremblantes, Evelyn appliquait la compresse contre la plaie. Elle se sentait surveillée, son rythme cardiaque s'accélérant de peur qu'elle commette une erreur. À cet instant, elle s'en voulait d'avoir franchi le pas de cette porte, il valait mieux pour elle et sa survie de rester cloîtrée dans sa chambre de bonne. Ce fut, sans aucun doute, les minutes plus longues de son existence, un silence malaisant planait tandis qu'Evelyn s'empressait de soigner le Prince. 

– J'ai terminé...

– Bien.

– Pour le devant. Vous vous êtes fait transpercer alors je dois...

– Un mauvais geste et vous mourrez.

Hochant de la tête, elle se munit d'un long bandage et d'une seconde compresse. Evelyn fit le tour du lit pour se dresser face à son dos.

Harlow n'avait qu'une idée en tête, au premier coup d'œil, il s'était dit qu'elle était recouverte de crasse qui s'éparpillait dans son lit. Heureusement pour lui qu'il n'était pas adepte du sommeil, en revanche, il devra quand même faire changer ses draps définitivement. Alors qu'il s'impatientait, il retient son souffle lorsqu'il sentit les bras de la jeune femme l'entourer, baissant le regard : ce n'était autre qu'un bandage. 

Tous ses bleus et cicatrices, il ne tenait pas sa réputation de grand guerrier pour rien. Même une montagne n'oserait pas se dresser devant lui qu'il la fendrait en deux. Pas étonnant qu'il fasse trembler les murs et terrifie autant les domestiques, sa peau n'était même plus lisse, on croirait qu'il avait vécu la moitié de sa vie.

– Avez-vous d'autres douleurs ?

Évidemment, son corps, parsemé de bleus et d'entailles, ne demandait qu'une nuit de plus. Sa tête tambourinait et ses yeux le lâchaient, Harlow avait l'habitude, il n'existait pas de remède. Seule la mort pouvait le libérer de ses maux. 

Dès qu'elle eut fini, Harlow se leva pour enfiler une nouvelle chemise et se diriger vers la porte. Il perdait trop de temps sur ses affaires et ne tolérait pas plus de retard. 

– Disposez. 

Evelyn encore sous le choc, se remettait à peine de son entrevue. Pas l'ombre d'un "merci", ni même un seul regard. De toute manière, elle ne pouvait pas s'attendre à grand chose de sa part, il correspondait aux rumeurs. 

Dehors, Evelyn partit prendre l'air afin de se dégonfler. 

– "Mais moi, je suis un prince que tout le monde craint alors je me permets de manquer de respect à tout le monde. Pas de bonjour, pas d'au revoir et pas de merci !" Se moquait-elle. 

– Vous osez manquer de respect à Son Altesse le Prince, énonça une voix grave et sérieuse.

Dans la neige, tandis qu'Evelyn faisait les cent pas, elle se retrouvait pétrifiée en entendant ces mots. Deux jours suffisaient à la faire d'ors et déjà l'expulser. Sous le regard peureux d'Evelyn, le garde se mit à lui rire au nez. 

– Vous n'êtes pas la première. Je suis le garde qui surveille ses appartements. Dieu seul sait, s'il existe, qu'il peut être de mauvais poil. 

– Vous m'avez fait peur ! Durant un instant, j'ai cru entendre un vampire me parler. 

– Veuillez m'excuser, je me présente Hakan et vous ? 

Le garde s'avançait vers elle s'enfonçant de plus en plus dans la neige. Un sourire chaleureux à ses lèvres, de légers cheveux blancs dépassaient et les rides se dessinaient sur ses joues. Il retire sa lourde veste pour la tendre à Evelyn. 

– Evelyn. 

– Enchantée Dame Evelyn, prenez ma veste et ne restez plus longtemps dehors. Les tempêtes de neige se font courantes. 

– C'est gentil, je pense que je vais retourner à l'intérieur. Merci Hakan.

À petit pas, rassurée d'avoir rencontré une bonne âme, Evelyn retourna dans l'enceinte des bonnes. Elle arpentait dans les couloirs lorsqu'elle surprit une discussion entre une femme et un homme : 

– Est-ce que tout est prêt pour son arrivée ? 

– Sa chambre est prête, le cuisinier a reçu les dernières livraisons pour le dîner. Il ne nous reste plus qu'à lui attribuer des bonnes. 

– Bien, je reviendrais vers vous Elda. 

La femme sénile quitta la conversation et Evelyn réalisait à peine qu'elle gênait le passage. Elda, la gouvernante, prise de fureur en voyant Evelyn plantée là, la saisit par le poignet. 

– Bonté divine, qu'est-ce que tu fais là ? Tu dois subvenir aux besoins du Second Prince ! Il doit être prêt pour dans cinq jours ! 

Tourmentée, cinq jours, peut-être, avait-il un rapport avec cette mystérieuse venue ? Un autre prince peut-être ou bien cette fois-ci une princesse d'un autre pays. 

Cette femme qui lui arrachait le poignet, qui était-elle ? Evelyn ne semblait pas l'avoir vu auparavant, sûrement sa gouvernante si elle se permettait de lui crier dessus. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez