J’étais perdue devant ta porte dans mes bottines en daim. Vaillante et, c’est vrai, vacillante, je cherchais en vain les dernières effluves de vin qui – qui sait ? – me donneraient peut-être le courage d’entrer. Dans la cage d’escalier, vaste piège de marches dans la nuit déjà avancée, j’ai entendu mon nom. Mon nom à peine écorché par ta langue qui n’était pas la mienne. Et tout d’un coup, tu étais trois marches au-dessus.
Des boucles blondes jusqu’en dessous des épaules, un corset, une jupe à volants définitivement trop courte, des bas. T’étais un scandale à toi tout seul.
Tu es venu à ma rencontre comme un météore, comme une de ces figures phosphorescentes accrochées au plafond de ta chambre que je n’avais pas encore vue.
On est montés jusqu’au deuxième étage. Mes espoirs grandissaient à chacun des regards que tu jetais sur moi. Dans la lumière chaude et enfumée de ton appartement, la musique m’a emprisonné les oreilles. Il y avait de la peinture un peu partout sur les murs et sur ton visage aussi.
- Can I show you something?
Il y avait un joli balcon avec une vue plutôt moyenne sur la ville. Il pleuvait encore. Je crois que tu avais envie de fumer, mais comme je ne l’ai pas fait, tu es resté là. J’ai observé tes mains, tes doigts aux ongles vernis de noir qui tambourinaient sur la rambarde. Puis on est rentrés. Tu m’as proposé à boire mais j’ai dit non parce que c’était un peu trop important. Parce que ce qui était en train de se passer était légèrement trop grandiose pour tomber dans l’oubli.
Chacun des garçons dans cette pièce rivalisait de splendeur et de féminité. Ils portaient des robes à fleurs et des talons hauts, ils étaient maquillés et tout dans leur attitude faisait ressentir qu’à l’intérieur de cette sphère intimiste et révolutionnaire, les normes n’avaient plus de place. Ils étaient beaux et souriants. On aurait pu se sentir mal à l’aise si nous n’avions pas tous eu l’esprit tellement ouvert. Je me sentais libre et confuse. Genders were in trouble. Et pourtant, c’est leur aspect si féminin qui les rendait désirables par un contraste saisissant. Ils ne jouaient pas, ils étaient, du moins le temps d’une soirée. Et demain tout aurait disparu.
Pour ne pas y penser je t’ai cherché des yeux. Tu étais assis sur un sofa qui avait dû connaître des heures plus glorieuses. Je t’ai rejoint.
Trois secondes, ta main sur mon genou et je t’ai embrassé.
On a dû rire. On a sans doute parlé musique et dansé un peu.
Aucune importance, car à partir de cet instant, tout n’était plus que détours jusqu’au moment où
- Do you wanna see my room?
Deux grands posters de Van Gogh, des étoiles en plastique qui brillent suspendues par des fils de nylon et sur le mur, une centaine de photos polaroïdes.
Encore une fois, ton texte est sacrément bien écrit ! Le rythme semble très naturel, à la fois fluide et contemplatif et retranscrit très visuellement l'ambiance. J'aime beaucoup ton style et les alchimies de tes personnages.
Un grand merci pour ton commentaire élogieux.
Au plaisir de te lire !
Ton texte est addictif ! IOn se laisse porter dès les premières phrases jusqu'à la fin, puis on regrette que cela finisse si vite ! À quand la suite ?
Merci beaucoup pour ce retour. Une suite ? Elle n'existe malheureusement pas encore.
En regardant les nouveautés, je suis tombée sur ce texte.
Tu as une très belle manière de jouer avec les mots et les sons. Avec des phrases simples, tu crées des images colorées et troublantes. Ton récit passe comme un rêve, beauté éphémère au goût d’inachevé.
Coquilles et remarques :
les dernières effluves de vin [les derniers effluves ; effluve est masculin]
une jupe à volants définitivement trop courte [Dans cette acception, définitivement est un anglicisme (voir ici : http://www.academie-francaise.fr/definitivement) ; je propose : décidément, nettement, vraiment, franchement...)
une centaine de photos polaroïdes [polaroïd n’est pas un adjectif ; il est donc invariable]
des étoiles en plastique qui brillent suspendues par des fils de nylon et sur le mur, une centaine de photos [J’ajouterais une virgule avant « suspendues » et une autre avant ou après « et ».]
Grand merci pour tes remarques ! Il semblerait que ma langue française s’emmêle ces derniers temps...
J'apprécie ton temps passé à corriger les petites imperfections.
Je vois que tu as retiré de PA certains de tes poèmes. Tu comptes les réécrire ?
Liné
Je ne sais pas trop quoi rajouter après cette première lecture.
Merci pour cette parenthèse !