Le flou. L’ombre. Le froid de la nuit entre en moi jusqu’à atteindre mes os. La dernière chose dont je me souviens, c’est la lumière bleue des phares de l’ambulance reflétée sur les murs sombres de la ruelle. Puis, le noir complet. La chaleur d’une couverture chauffante me réconforte et je me laisse aller dans un sommeil profond sous les appels des ambulanciers.
Lorsque mon regard s’éveille à nouveau, le blanc stérile de la chambre où je me trouve m’éblouit. Aucun doute possible : je suis à l’hôpital et l’odeur particulière me le confirme. Dans les premiers instants, je suis assez confus. Puis, la douleur dans mes côtes et mon visage pointe le bout de son nez. Je grimace et me ravise aussitôt : je souffre encore plus ainsi. A la place, je grogne comme un animal endormi. Mon bras droit va bien, l’autre semble enveloppé. Bien sûr, il doit être cassé. Bon sang, c’était quand la dernière fois que je me suis pris une raclée pareille ? J’espère au moins que mon adversaire était aussi mal en point. L’image de sa silhouette vacillant jusqu’à en tomber me revient à l’esprit et je souris comme un con, grognant encore à cause de la douleur.
Le temps que j’émerge un peu plus, je constate que je ne suis pas seul dans cette chambre. Un garçon est endormi dans le lit d’à côté, caché par un rideau. Je peux voir son ombre grâce à la lumière du jour. Et il a l’air d’être seul, alors je ne me gêne pas pour tirer ce rideau, non sans discrétion, pour voir le visage de mon nouveau colocataire. Je ne sais pas trop combien de temps je vais rester ici, mais je pense en avoir pour quelques jours. Me mettre debout est déjà un effort en soi, je me suis redressé trop vite et ma tête se remplit de vertiges. Je reste alors sans bouger pendant quelques instants, le temps de reprendre mes esprits. Et cette fois, je me lève, plus lentement, prudent.
Lorsque je tire le tissu, je tombe sur un mec vraiment amoché. Si bien que j’en grimace à m’en faire mal. Il a l’air encore plus mal en point que moi. Bon sang, moi qui pensais m’être pris une raclée… Lui, c’est encore pire. Il en est même défiguré. Si ça se trouve, il est dans le coma. Non, c’est impossible, il serait en soins intensifs, sinon. Mais il doit être sous morphine ou un truc qui le shooterait trop pour se réveiller.
Il bouge pour se replacer et cela confirme mes soupçons. Au moins, ses bras vont bien. Mais je ne peux pas en dire autant de sa jambe, plâtrée jusqu’en haut du genou. Dans ma tête, j’essaie d’imaginer ce qui a bien pu lui arriver. Pour être dans un état comme celui-là, il a dû être frappé au visage, forcément. Un accident de voiture ? Un bus ? Non. Je suis bien trop habituée aux combats pour savoir que pour être aussi défiguré, il faut avoir été latté.
Sa voix résonne en un gémissement plaintif. Il doit douiller, lui aussi. Il bouge encore et je referme le rideau pour le laisser tranquille. Je me remets dans mon lit, de toute façon, je n’ai plus d’énergie pour rester debout. Quand ma tête touche l’oreiller, une fatigue m’accable et je soupire longuement, les yeux fermés. Je pensais que mon colocataire allait se réveiller, finalement, il ne bouge plus. Tant pis, moi aussi, j’ai sommeil.