La personne devant moi venait d'y entrer. La prochaine place libre serait donc la mienne. D'un réflexe je remontai ma manche droite, et caressais la veine qui ressortait entre l'avant-bras et le bras, à la pliure du coude. Il n'y avait plus de trace de la dernière piqûre qui remontait à quelques semaines déjà. L'infirmière, dans son habit traditionnel – blanc – me fit un signe pour que j'aille m'allonger sur le lit qui venait de se libérer.
« Bonjour, me dit-elle avec le sourire un peu forcé d'une personne qui ne fait que ça toute la journée. Pourriez-vous me dire votre nom, prénom et date de naissance ?
Tout en m'allongeant, je vérifiais qu'elle regardait bien son écran, où tout devait déjà être inscrit – jusqu'au jours de mes premières dents.
« Anthem LOPAN, 15 terr-ans et des brides.
- Je vois que vous avez été mobilisé. Dans ce cas, vous n'avez plus l'obligation de venir ici. Vous le saviez, n'est-ce pas ?
- Oui, mais cela me permet de louper mon dernier cours de Science Économique et Politique. Et, vu le professeur, ce n'est pas un luxe ! »
Ma tentative d'humour devait avoir rebondi sur son uniforme trop blanc, car elle ne m'accorda aucun regard. Une fois ses tubes préparés, elle s'avança vers le creux de mon bras droit, l'empoigna, et approcha son aiguille.
Malgré ma première approche ratée, je ne comptais pas m'arrêter en si bon chemin.
« Je voulais surtout vous demander, lui fis-je avec mon plus beau sourire. Vu que je suis mobilisé, je risque d'en avoir besoin de ces poches, si je suis blessé. Il serait possible de me la mettre de côté ? On n’est jamais trop prévoyant. »
J'avais prévu de continuer encore un peu mon discours. Mais l'infirmière, sans se départir de son sourire, me planta l'aiguille sans prévenir ni délicatesse – arrêtant ferme mon flot de parole. Un éclair de joie éclaira son visage, au spasme de douleur qui m'avait parcouru. Puis elle se détourna vers un autre futur donneur.
Le tube accroché à l'aiguille se remplit de rouge, avant de déverser mon sang dans la poche de prélèvement. Autant d'espoir de survie pour certains blessés sur le front de guerre.
* * *
Vingt minutes plus tard, je ressortis, la tête légèrement étourdie par le surplus de prélèvement que l'infirmière avait – étourdiment – laissé faire. Je me dirigeais alors vers le dernier cours de la journée, et de ma vie de lycéen.
Toute la classe était en ébullition. Comme un tiers de la classe j'avais été mobilisé sur le front, dès le lendemain. C'était le moment des adieux, des grandes tapes sur les épaules pour se souhaiter bonne chance, de comparaison des unités d'affectation. C’était le réconfort, donné à ceux qui n'avaient pas la chance de partir.
Notre armée avait mis au point il y a peu, des armes et des vaisseaux encore plus performants. La formation spéciale réservée aux jeunes mobilisés promettait de nous amener tous à notre meilleur niveau. Le Haut Chancelier promettait une génération de soldats taillés et armés pour arracher la victoire finale.
J’étais installé à côté de de Xian, et notre table concentrait le plus les petites jalousies. Il faut dire que nous étions les seuls amis à être mobilisés sur la même unité, et au sein d’une formation longue de haut niveau : l’ENOS. Nous aurions le droit à neuf mois de formation avant de partir sur le front, tandis que les autres devaient se contenter d'entre deux et quatre mois. C'était totalement injuste.
Et effectivement ! J'avais fait jouer les relations de ma mère, figure politique majeure de l'opposition, pour avoir les deux : une formation supérieure et Xian avec moi. En tant que fils d'une opposante majeure, j'étais certains d'être mobilisé avant même de recevoir la lettre. Mes parents avaient donc organisé cela à l'avance. Je pensais bien que Xian avait deviné la magouille. Mais il ne laissait rien paraître que l'étonnement d'une bonne nouvelle.
Le cours se passa dans une atmosphère d'euphorie, de grand départ, de veille de grandes vacances. Peu d'entre nous écoutèrent le professeur réciter une époque trouble de l'Expansion. Seuls ses mots de : voyages, planètes, vaisseaux, survitesse ; trouvaient un écho à nos rêveries.
Dès le lendemain, nous allions visiter l'univers ! Pas moins. Aussi c'est à peine si j'aperçus, à la fin du cours le professeur nous souhaiter tous ses vœux de courage et de chance, en nous saluant d'une main. Une béquille dans l'autre.
* * *
« Vous voyez cette place ? Je vous parie mon bac – que je ne passerais donc jamais – que nous nous retrouverons tous les quatre ici dans moins de quatre ans pour fêter la paix. »
La place, elle-même n'ayant aucun intérêt : aux abords du lycée, là où nos chemins quotidiens se séparait à Kalder, Jean et moi-même – Xian étant au pensionnat du lycée. Kalder nous regardaient tous les trois. Insistant de nouveaux, il nous incitait à surenchérir. Pour l'honneur. Pour la bravade. Pour, surtout, ne pas se prendre au sérieux. Nous étions là tous les quatre. Nous allions nous séparer. Mais quoiqu'il advienne nous serions encore et toujours : nous quatre.
« Quatre amis, quatre ans avant la paix. Qui dit mieux ? » renchérit-il.
Xian comme à son habitude ne prît pas la parole, mais le plaisir du jeu était visible au rythme fluide qui secouait vivement ses doigts, dans une discrète harmonie. On aurait pu croire qu'un piano silencieux était posé sur ses genoux. Le sourire de Kalder à ne voir personne surenchérir, trahissait un plaisir convoité.
Je ne tins pas longtemps avant d'annoncer à mon tour « Et le plus médaillé d'entre nous sera Jean, entre autres par la médaille du courage en opération spéciale. » Jean était le seul de nous quatre à ne pas encore avoir été mobilisé. Il était encore plus malingre que moi, peu de chance d'aller un seul jour en opération spéciale.
« Comme vous avez tous deux parié, lança Jean, et que je pense que vous allez perdre. Je demande mon gain de suite. Vous risquez de tout oublier à cause des coups que vous aurez reçus – par vos instructeurs bien entendu. Comme gain je réclame le nom de l'endroit où vous allez ce soir.
- Impossible ! Lançons-nous d'une même voix, avec Kalder et Xian.
- Il s'agit d'un endroit réservé au majeur. Et comme étant mobilisé dès demain, nous serons considérés comme majeur dès minuit heure standard. Nous pourrons y rentrer. Mais pas toi. » lançais-je à Jean, avec un sourire narquois.
Il avait été convenu de la faire mariner le plus longtemps possible.
* * *
La mère de Xian habitant loin, il avait eu l'autorisation expresse de passer sa dernière nuit chez mes parents. Nous étions donc accueillis tous deux par ma famille au grand complet qui s'était libérée pour le début de soirée : mes deux parents, Julie – ma petite sœur – et ma grand-mère. Ce fût un repas des plus étranges, on sentait la tristesse et la peur de mon père malgré ses efforts de ne rien montrer ; la lenteur de ma grand-mère, qui s'efforçait de rallonger chaque seconde. Ma mère ne me lançait que des regards en biais, dans lesquels se reflétait sa culpabilité : aurais-je été appelé si elle n'avait pas fait de politique. Xian et moi, n'avions qu'une hâte : que cette comédie se termine ; que nous puissions sortir. Julie, elle, nous regardait intensément – moi, pas plus que Xian – essayant certainement de fixer nos images dans sa tête pour les mois, ou les années à venir.
« Notre professeur nous a dit que quand on partait dans des vaisseaux, on vieillissait moins vite, que ceux restés sur les planètes. Ça se trouve, quand vous reviendrez, je serais aussi grande que vous ? » Une lueur de joie, d'espoir, brillait dans les yeux de Julie quand elle nous posa cette question – peut-être plus pour Xian, que pour moi-même.
Il est vrai qu'au début de l'expansion les différences temporelles étaient importantes, mais de nos jours la majeure partie du trajet se faisait en sous-espace. Il pouvait bien y avoir trois ou quatre jours de différences après de longs voyages, mais guère plus. Elle n'était pas près de devenir ma 'grande' sœur.
La fin du repas arriva finalement, au terme d'un dessert maison de ma grand-mère et ma petite sœur. Et c'est sans demander notre reste qu'avec Xian, nous montâmes dans ma chambre, pour choisir avec soins nos derniers vêtements civils, avant de nous apprêter.
« Alors, t'es-tu décidé sur la piste que tu voulais au final ? Où nous faudra-t-il tester les trois avant de choisir ? Je te rappelle Xian que nous n'avons qu'une nuit.
- Au Willow. Pas trop loin, pour ne pas perdre de temps. Puis un cousin de Kalder y est vigile, ça permettra d'arranger les choses au besoin. Depuis que le DJ du Kurter a été mobilisé, l'ambiance y est bien descendue. Donc le Willow.
- Tu ne comptes pas t'habiller comme ça ? Pour ta première, et peut-être dernière sortie en boite, tu ne peux pas y aller en T-shirt ! En plus ils vont te refuser l'accès. »
Xian étant bien plus grand, et musclé que moi, il dut emprunter une chemise à mon père.
* * *
Nous avions retrouvé Kalder, juste devant la maison de Jean. En bordure de forêt, elle ne se distinguait de ses semblables que par le rouge criard de ses volets. Ceux-ci n'étaient pas fermés en cette période chaude de l'année.
Dans un sac il nous désigna le matériel qu'il avait ramené : lampe, corde, chausson d'escalade, survêtements, gants, cagoule – il nous fallait faire un minimum réaliste.
« Il ne faudrait vraiment pas se faire prendre avec ça sur la tête, lança Xian tandis qu’il mettait sa cagoule.
- Quoi ?! rétorquais-je. Aurais-tu peur qu’on te prenne pour un illégal ?
- Ah ! surenchérit Kalder, on savait bien Xian que tu vivais en marge de notre société, sans être fiché, sans terminal personnel. Un sans visage ! »
Nous rigolâmes tous les trois, quand Kalder sortit sa phrase en éclairant sa cagoule suspendue dans le vide. Pendant que chacun se préparait, nous regardions alternativement nos montres, et de l'autre côté de la rue, la chambre de Jean. La lumière ne tarderait pas à s’éteindre. 22H30. L’oncle de Jean étaient exagérément strict.
« L'oiseau est dans son nid. Je répète l'oiseau est dans son nid. » Kalder ne pouvait s’empêcher de rigoler tout en lançant le signal de l'opération : « Premier envol en action, je répète premier envol en action ».
Nous nous élançâmes alors tous les trois : traversant la rue, une courte échelle, une main tendue par-dessus la grille, et nous étions rentrés dans le jardin. L'herbe encore verte, grâce à l'arrosage automatique, camouflait le son de nos pas. Je remerciais d'un coup d'œil Kalder d'avoir pensé aux survêtements – il s'agissait d'arriver propre ce soir.
La porte d'entrée devant nous, le 'nid' – la chambre de Jean – était située sur le côté, juste au-dessus du garage. Son oncle discutait via le réseau dans le salon. Nous avancions dans le jardin, à moitié accroupis, évitant les zones trop éclairées, jetant de brefs coups d’œil à l’ombre de M. Djones.
Ce fût Xian qui réagit le plus vite, la lumière de l'entrée s'était à peine allumée, qu'il me poussa sur le côté, faisant signe de me cacher. La porte d'entrée s'ouvrit dessinant le contour métallique d’un tech’, un paquet entre deux de ses bras. Le projecteur de l'entrée, éclairait suffisamment pour nous faire voir.
Je sentis Kalder partir devant, se cacher vers le garage. J'attrapai sa manche pour l'arrêter, nous glissâmes sur l'herbe mouillée. Je réussis à trouver un semblant d'équilibre, le temps de nous envoyer, l'un accroché à l'autre, rouler sous les buissons. Mon cœur battait à tout rompre. Mais le tech’ continuait tranquillement de rouler sur ces deux roues. Il n'avait pas fait plus attention à nous, qu'à une bagarre entre chats et sauverges.
Le tech’ venait de descendre dans l'entrée, et se dirigeait vers le garage à travers les allées pavées, sur ses deux roues silencieuses. Cachés par un buisson, toujours accrochés l'un à l'autre, Kalder et moi-même, je lui soufflai à l'oreille :
"Il se dirige vers le compost, près du garage. Attendons un peu.
- Tu vois Xian ?
- Nulle part, lui répondis-je après un long moment à le chercher des yeux. Le tech’ ne devrait donc pas le voir. Il a allumé les lumières, et ne doit donc pas avoir de détecteur infra-rouge. Attendons qu'il soit parti pour continuer l'opération. »
J'espérais juste que Xian, ne s'était pas caché près du garage. Mais le tech’ ne le vit pas plus que nous. Il s'approcha du compost, une cuve en métal circulaire, identique à celle de la majorité des maisons. Le compost ouvrit son couvercle, suite à un ordre invisible du tech’, et ce dernier y déversa les épluchures, et autre reste organique.
Kalder et moi-même ne respirions que par à-coup. L'excitation de notre mission, la peur de nous faire prendre, et les racines du buisson qui nous rentrait dans le dos. Sur le qui-vive, nous étions prêts à tout : continuer vers la chambre de Jean, ou partir en courant vers la rue.
Au départ du tech, le compost se mis à ronronner discrètement en faisant tourner ses anneaux. Le tech’ était à peine rentrée, qu'on vit M. Djones se diriger vers l'escalier. Son fauteuil glissa en montant. Les lumières du rez-de-chaussée s’éteignirent toutes seules.
La seule lumière provenait des maisons alentours, et de la pâleur verte de Grön, seule lune à être présente ce soir-là. Xian n'était toujours pas en vue.
« Anthem ! me chuchota Kalder, tandis que nous avancions vers la chambre de Jean. Tu crois que Xian s'est taillé ?
- Nous l'aurions vu escalader la barrière non ? Et le tech’ aussi. Je ne sais pas où il est ».
J'avais à peine fini ma phrase, qu'un cri retentit derrière moi. La voix de Kalder à peine sortie qu'elle fût étouffée. Le temps que je me retourne, je vis Kalder suspendu par une ombre, elle-même accroché à l'arbre derrière nous. Sans prendre le temps d'y réfléchir je fonçai dans le tas, et d’un coup sec décrochai l'agresseur de l'arbre. Et tandis que celui-ci se raccrochait à moi, nous tombâmes tous trois à terre. Ce n'est qu'en agrippant les cheveux du mystérieux agresseur – long et lisse dépassant d’une cagoule – que je compris qu'il s'agissait de Xian.
Accompagnés par les jurons de la part de Kalder – tandis que Xian se marrait sans retenu – nous préparions la phase suivante de la mission : monter dans la chambre de Jean par l'extérieur. Après deux essais chacun, la corde s'était accrochée à la balustrade du premier étage. Pendant que je me réjouissais que notre quatrième ami ne soit pas au second, Xian était déjà parvenu en haut. Avec Kalder nous le suivîmes de près.
Jean dormait toujours avec sa fenêtre ouverte, d'autant plus durant la saison chaude, nous glissâmes en silence donc tous les trois dans la chambre. Lors de la préparation nous avions au départ prévu de sauter tous les trois sur notre ami endormi. Mais devant le risque de bruit, et de se faire surprendre par son oncle ou ses cousins nous nous étions ravisés. Je pointais donc la lampe torche vers ce qui devait être sa tête, Xian prêt à prendre la photo du siècle.
J'alluma la lampe, l'appareil pris la photo : il n'y avait rien. Juste un lit vide, et défait. Nous eûmes le temps de nous regarder tous les trois, avant que la lumière de la chambre nous aveugle.
« Vous comptiez vraiment m'avoir avec le boucan que vous faîtes. Je ne sais même pas comment mes cousins ne vous ont pas entendu. Et dire qu'il s'agit de – je cite : la jeunesse dernier espoir et rempart de nos valeurs. » Jean était là debout, nous regardant tous les trois, avec nos cagoules sur la tête. Nous dûmes tous nous retenir de rire pendant cinq minutes, avant que Kalder ne brise le silence.
« Puisqu’on n’a pas eu le plaisir de te réveiller, dépêches-toi au moins. On t’emmène.
- Vous n'auriez pas pu simplement m'envoyer un message. Les militaires, ça ne connaît plus la technologie ?
- Mission spéciale du Lycée Albert. Aucun enregistrement ne peut être fait. Aucune donnée ne doit transiter par le réseau. Phase 2 : direction le Willow. »
* * *
Au Willow la musique battait son plein. Sur la piste à moitié vide, les danseuses et danseurs s'enchaînaient, se déchaînaient au rythme des dernières nouveautés, et parfois de celle de la grande époque – l'avant-guerre. Mes camarades et moi-même nous mêlions doucement à ce flot, sans rencontrer la moindre résistance de la part de ces danseurs – tous plus âgés que nous – supprimant ainsi toutes les craintes du vigile.
A notre arrivé à tous les quatre à l'entrée de la boite, nous avions prévus tout notre arsenal : un argumentaire convainquant – il s'agissait de notre dernière nuit de liberté – et les papiers en bonne forme, convocation militaire et certificat d'émancipation – signé à la main par la gouverneure elle-même. Bien entendu ceux de Jean était faux – mais dans la lumière faiblarde des lampadaires, le vigile ne pouvait distinguer mon travail d'orfèvre et maître copiste. Et malgré nos sourires, la réponse du vigile – qui ce soir-là n'était pas le cousin de Kalder – était simple à comprendre :
« Non.
- Mais Monsieur le vigile…
- Non ! ».
Son regard étant plus loquace que ses mots, nous nous éloignâmes le temps d'une retraite stratégique. Après deux minutes de discussion, Kalder revint à la charge, avec l'argument fatal : « Mon cousin qu'est vigil avec vous ... ».
Le résultat dénotait déjà une nette amélioration : trois mots au lieu d’un : « Dégage et vite ! ». Autant dire que nous déchantâmes, et déjà nous envisagions des plans de secours. Jean était pour se trouver un coin de bois, assis autour d'un feu, dénoncé par Kalder comme étant « inenvisageable d'accepter pareille débâcle. » Xian regardait le plan pour partir au Kurter.
C'est là, au plein milieu de nos discussions aimables et polies à souhait, que nous entendîmes le groupe de jeune, qui comme nous essayait de rentrer au Willow. Une bonne part venait de notre lycée, et certain même de notre classe. Et c'est avec joie qu'ils acceptèrent notre renfort, pour forcer la main à cet intraitable vigile. Le vigile ne céda point, mais le patron entendant le bruit que nous faisions tous, préféra nous faire rentrer que de risquer des plaintes des voisins, puis l'arrivé des drones miliciens.
Nous étions donc arrivés, la bande de quatre que nous formions, et certains de nos ex-camarade de lycées – futurs compagnons d'armes – à l'intérieur de la salle principale.
Je m'accoudais au bar, bien déterminer à regarder les autres danser – et principalement Xian – avant de m'y lancer moi-même plus tard. Jean et Kalder étaient déjà au milieu de la piste, se mouvant au rythme, plus ou moins accordé, de la musique que crachaient les différentes enceintes près de la loge du DJ. Xian regardait l'écran situé à côté, où s'affichaient les titres des musiques que la DJ avait prévu pour la suite. Chacun pouvant voter pour une chanson, afin de faire la faire passer devant d'autre.
Au troisième « Hum, hum » insistant, je me résignai à me retourner, pour me retrouver face au barman.
« Alors, le nouveau mobilisé, tu veux boire ? Un lait fraise ? »
Je regardai en vitesse la carte, avant que le barman ne prît mon silence pour un oui. Ne connaissant pas le quart des cocktails et alcool, j'en pris un au hasard – pour ma dernière soirée, je voulais en profiter. De sa main droite il prit le shaker, le rempli de diverses liqueurs inconnue. Et toujours de sa main droite, dans un geste démontrant une grande maîtrise, me le versa dans un verre, qui prit la teinte d'un joli dégradé de bleu au blanc. Il me fallut un temps pour comprendre que de main gauche il n'en avait plus.
« Eh ouais gamin, Bataille de la lune d'Afoulger ! Souviens-toi de ça : quand t'es dans un vaisseau, en plein cœur d'une bataille, n'oublie jamais de t'harnacher. Moi j'ai pas eu le temps : une secousse, je me suis fait valdinguer prêt du réacteur. La seconde d'après, le moteur qui implose sous leurs tirs, me déchire le bras. La combi ne peut rien faire dans ce cas. Ce fût une bataille terrible. Ma première, et ma dernière.
- Vous n'avez pas eu une prothèse ?
- Les prothèses, gamin, sont rares et chères. Quand tu es gravement blessé, les termes d'engagement disent que tu as le droit d'être démobilisé. Mais si tu choisis ça, l'armée ne te donnes pas de prothèse. Si tu veux une prothèse, tu signes pour dix ans de plus. »
Sur ce, il leva sa main droite, tenant un godet et bu. Je fis de même avec le cocktail, buvant à sa santé. Je failli m'étouffer à la première gorgée.
« Eh ! Barman ! Y a pas d'alcool, là-dedans ?! »
Il me regarda avec un sourire désolé, et un haussement d'épaule.
« Le patron, il a dit pas d'alcool fort pour les jeunots. Il ne veut pas de problème avec l'amirauté, si vous êtes trop saoul pour votre premier jour. »
Je me retournai vers la piste, tandis qu'un nouveau tube arrivait, et profitait de mon 'lait-fraise' regardant les danseurs. On y voyait des crinières de toutes couleurs balancer en rythme, des bras monter vers le ciel, d'un seul mouvement. Prises dans la lumière chaotique, les silhouettes s'imprimaient en contraste dans mes pupilles. Puis la musique changea, accélérant pour atteindre un rythme trop élevé pour la plupart des danseurs. Ils semblaient alors en transe, en sommeil comparé à la musique qui ordonnait les lumières.
Peu à peu, un cercle moins dense se fit au milieu de l'arène, et je devinai, avant même de voire la chemise verte se mouvoir, que Xian était rentré en jeu. Je me mis à la recherche d'un élévateur mural, afin de mieux profiter du spectacle. A côté de moi, un étudiant me voyant arriver, m'accosta pour me demander si je connaissais ce gars qui dansait si bien.
Je faillis lui faire la réponse que j'avais écrit, quand en primaire, dans un essai on nous avait demandé de décrire notre meilleur ami : « Nous connaissons tous les grandes légendes des danseurs et danseuses : Michael – le premier homme qui dansa sur une lune – Georgica – la femme qui dansait dans l'eau – et bien sûr Siann Bel – qui lui dansait sur la lumière. En vérité, je vous le dis, car je l'ai vu, c'est lui, Xian, qui a inspiré ces légendes. » Je me contentai de lui répondre que oui, la musique était trop forte pour rentrer dans les détails. Et je n'allais pas non plus déclamer mes textes d'il y a six ou sept ans.
Xian, lui se donnait à fond, enchaînant les pas et figures. Mêlant les différentes danses les unes aux autres, avec un seul mot d'ordre : surprendre. D'une pirouette fouettée, il s'élançait en arrière pour terminer ses rotations en coupole lotus.
Ses deux mains partirent en saccades métriques, tandis que du reste il exécutait une onde. Un pointé bas, suivis d’une roulade arrière. Lors d’un six pas, une tornade circulaire, Se relevant en un tendu, d'où il partit en pont arrière.
La différence avec les autres danseurs était frappante. Comme sur toute piste de danse, ils pouvaient être séparées en deux groupes : ceux qui ne savaient pas danser, se contentant de bouger corps et membres s'accordant du mieux possible au rythme de la musique. Les gestes accordés, répétés cents fois, par les mêmes mains, par des corps différentes, l'originalité n'était pas de mises.
Le second groupe moins nombreux était les bons danseurs. Le rythme était suivi, les mouvements synchronisés. Chaque pas parfaitement exécuté. Je n'étais moi-même, malgré tous les conseils de Xian, pas certain d'appartenir à ce second groupe. Xian, lui, était hors catégorie. Tandis que les danseurs s'adaptaient à la musique, lui la devançait. Chacun de ses pas n'avait pour but que d'amener le suivant.
La danse qui suivit se dansait en couple, je le vis choisir une partenaire parmi toutes celles et ceux qui se proposaient. Le connaissant il ne lui a pas glissé plus de trois mots. Plus la musique déroulait, et plus la différence de niveau se faisait visible, frappante si l'on faisait attention au tout petit détail. En vue d'ensemble ils auraient pu être classés meilleur couple, sans hésiter. Pour qui le connaissait un peu, il était évident que Xian se refrénait, il anticipait les mouvements de sa partenaire, les bons comme les moins bons. La fille, plus âgée de trois ou quatre ans était bien plus à l'aise sur certains mouvements. Habituée aux danses de boite, elle n'avait aucune réticence quant à la sensualité qui y était jouée, mimée, puis vécue.
Sur ces mouvements sensuels, on sentait l'hésitation, le choix légèrement différents de Xian en réponses à chacun d'eux. Il avait pris des cours de danse en couple, bien entendu, et connaissait tous les pas. Les placements étaient là, mais il lui fallait se lancer.
Je fus arrêté dans mes réflexions par l'arrivée de Kalder, qui n'ayant trouvé de partenaire s'était mis également à observer notre danseur presque professionnel.
« Dis donc, qu'est-ce qu'elle le chauffe ?! Encore faudrait-il qu'il réponde. Il attend quoi Xian ! ».
Kalder et son esprit de synthèse, en trois phrases il avait résumé la situation.
Chlankar ? euh .... je sais plus. ll me fallait un nom, alors je l'ai pris/modifié de je ne sais plus où.
Pourquoi ? cela fait-il pour toi référence à quelque chose ?
Chapitre où on comprend un peu plus ce qu'il se passe, mine de rien tu mets en avant les côtés sombre de ce monde (la rencontre avec le client du bar ou quand les amis rigolent à propos des "illégals").
Le narrateur est encore naïf et ne se rend pas encore compte de la réalité. On le sent innocent, jeune, il a envie de s'amuser, d'aventure.
Il me tarde déjà de le voir grandir et mûrir !
Niveau style, grammaire et ortho, note que je suis pas un as, cependant, j'ai soulevé :
-« Alors, t'es-tu décidé sur la piste que tu voulais au final ? Où nous faudra-t-il tester les trois avant de choisir ? Je te rappelle Xian que nous n'avons qu'une nuit : Cette phrase m'a perturbé, elle fait un peu trop formelle pour une conversation entre potes... je trouve...
-Xian étant bien plus grand, et musclé que moi. Il dut emprunter une chemise à mon père : vu qu'il y'a pas de verbe dans la première phrase, je mettrais une virgule et pas un point entre les deux.
-En bordure de forêt, elle ne se distinguait de ses semblables que par le rouge criard de ses volets. Ceux-ci n'étant pas fermés en cette période chaude de l'année : idem et je l'ai revu plusieurs fois après aussi.
-Je senti Kalder partir devant, se cacher vers le garage : Je sentis*
-J'attrapa sa manche pour l'arrêter : J'attapai*
-Je réussi à trouver un semblant d'équilibre : Je réussis*
-Je failli lui faire la réponse que j'avais écrit : Je faillis
Merci pour les coquilles relevés, que je corrige immédiatement. Je retravaillerais certainement ces phrases du dialogue, car tu as raison cela fait un peu trop formel.
Les moeurs effectivement ont un peu évolué en plusieurs siècle.
J'espère que la suite te plaira