Chapitre 1 : Derniers jours d'innocence

 

Le parchemin vierge me fait face, vide, plein de promesses et si effrayant à la fois. Depuis combien de temps mes yeux sont-ils posés sur lui, emplis d’images et de sensations ? Des minutes ou des heures, je l’ignore.

Je relève la tête et regarde par la fenêtre, mais les paysages que je contemple se situent bien loin d’ici, séparés par l’espace et le temps ; certains n’existent plus qu’au fond de ma mémoire. Je soupire, trempe ma plume dans l’encrier, la maintiens encore un peu en suspens. Je sais qu’après le premier mot plus rien ne pourra m’arrêter : mon cœur se souvient, mon être aspire à rétablir la vérité, à gommer les exagérations de la légende, à rendre justice au petit garçon que je fus vraiment. Mais pour cela, je devrais tout revivre, intensément, du début à la fin, guérir sans doute un peu aussi, et ce n’est pas si simple.

Aliésin s’allonge sur le bureau près de moi, il ne comprend pas l’intérêt de ma démarche, mais il est là, comme toujours. Alors qu’il se met à ronronner, apaisant une part de mes peurs, je prends une grande inspiration et plonge tout entier dans notre récit.

 

**

 

Les premiers rayons du soleil éclairèrent mon visage et je fermai plus étroitement les paupières. Je voulais retenir le songe avant qu’il ne s’efface, mais je me sentais déjà incapable de le rattraper. Un souffle d’air frais passa par la fenêtre entrouverte ; elle grinça.

Souplement, le félin se libéra de mon étreinte et s’étira des pattes aux oreilles. Son nez humide se posa un instant sur mon front puis il s’assit, droit comme une flèche, dardant sur moi son magnifique regard d’ambre.

— Bonjour, FaiseurDeVoix.

— Bonjour, Aliésin.

J’ouvris les yeux pour le découvrir baigné de lumière. Vu ainsi, on aurait presque réussi à le prendre pour un chat, mais la comparaison tombait dès qu’on poussait l’examen. Ses oreilles trop rondes, son museau trop long et l’ensemble de son corps trapu le distinguaient du matou ordinaire. Sous mes doigts, le pelage dense et soyeux ne ressemblait à aucun autre.

Quand il bondit souplement à terre, il grandit jusqu’à atteindre la taille d’un fauve et pouvoir poser sans difficulté ses pattes avant sur la poignée de la porte. Il déverrouilla le montant et retrouva son corps frêle en un battement de cil. Aliésin était un être étrange, rare, et l’histoire de son espèce se mêlait autant à celle des sorciers que la sienne à la mienne. Il était apparu quelques heures à peine après ma naissance ; le plus naturellement du monde, il s’était allongé près de moi et n’était jamais reparti.

Immobile près de l’ouverture, il battit d’un coup nerveux de la queue avant de se tourner vers moi. Nos esprits ne faisaient qu’un, mais il n’avait pas toujours besoin d’échanger des mots, des images, des sons ou ses sentiments pour que je le comprenne. Je repoussai la couverture et me levai.

Le printemps revenait, mais le plancher était encore froid sous mes pieds nus. Je m’habillai et rattrapai Aliésin qui se faufilait déjà hors de la pièce.

Une fois dans la salle, je m’assis à ma place, les bras croisés sur la table pour observer le ballet matinal de mon père. Je le voyais faire si souvent que le moindre de ses gestes devenait prévisible. Il suspendit la marmite au crochet, y plongea une large louche et imposa à la bouillie épaisse un mouvement circulaire, hypnotique. Ensuite, il attisa les braises à l’aide de son soufflet et le déposa contre la pierre de l’âtre.

Je ne ressemblais pas à mon père, du moins, pas selon mes critères. Nous partagions incontestablement le même visage, mais il avait des cheveux d’or qui descendaient en vagues souples jusqu’à ses épaules, et différaient radicalement des miens, aussi raides que noirs. Il avait les traits fins et la taille élancée, une carrure que je ne posséderai pas avant de nombreuses années.

Aliésin profita de notre inattention pour bondir sur la table et se planter devant mon bol vide avec un air de reproche. Mon père tenta bien de le chasser, mais la petite peste, rapide, insaisissable, obtint gain de cause.

La vapeur du repas me fit relever le nez. Capitulant, mon père posa un troisième bol juste à côté du mien avant de prendre place. Le félin lui jeta un regard mi-arrogant, mi-satisfait.

— J’ai pas mal de préparatifs, aujourd’hui, tu pourrais peut-être aller chercher de quoi réapprovisionner ta réserve de flèche avec Aliésin. Je m’occuperai des animaux.

Il cligna d’un œil et mes lèvres s’étirèrent en un très large sourire. Je ne me souvenais même plus à quand remontait notre dernier moment de liberté, et je m’empressai d’avaler mon petit-déjeuner avant qu’il ne lui prenne la mauvaise idée de changer d’avis. En temps normal, il était un père des plus arrangeants, mais l’imminence du départ chamboulait notre quotidien. Ici, isolés comme nous l’étions, nous avions toujours vécu en sécurité, mais ce serait différent une fois sur les routes, et il tenait à ce que j’y sois bien préparé. Ces dernières semaines, il m’avait contraint à de sévères entraînements à l’arc, testé mes compétences en matière de survie et vérifié jusqu’à mes connaissances en géographie, alors même qu’il serait là pour s’assurer du bon itinéraire. Je connaissais si bien les contours d’Atharian que je ne voyais plus qu’eux en fermant les yeux, et mes bras se remettaient encore difficilement de leurs courbatures. J’avais autant besoin de nouvelles hampes que de légèreté, et mon père le devinait très bien.

— Maylan ?

Au ton de sa voix, je relevai la tête avec appréhension et le regardai vraiment. Il semblait soucieux, rien de plus normal avec ce qui nous attendait, et pourtant, je me demandais si c’était la seule raison. Peut-être l’approche de mon anniversaire lui pesait-elle aussi, tout simplement. Dans deux jours, non seulement nous partirions, mais je franchirais un cap des plus importants : j’atteindrais la première majorité sorcière. Le premier nonmage venu ne m’aurait pourtant pas donné plus de douze ans. Nos corps grandissaient plus lentement que les leurs, nos esprits évoluaient selon un cheminement différent.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

Son regard lourd et légèrement brillant, ses épaules voûtées firent trembler chaque parcelle de mon être. Avec Aliésin, il était mon point de repère depuis la mort de ma mère ; ma seule constance, et mes émotions répondaient aux siennes comme à un miroir. Je commençais à me demander si je ne sous-estimais pas la cause de son comportement quand il se reprit.

— Amusez-vous, mais faites attention, ne vous éloignez pas trop.

— Papa ?

— Filez. Oust ! Et que je ne vous revois pas avant ce soir.

Le félin bondit en se léchant une dernière fois les moustaches et ayant tout retrouvé de mon humeur légère, je me redressai.

 

*

 

— Poisson?

Je ris et resserrai la cape sur mes épaules en frissonnant. Aliésin n’attendit pas ma réponse, il grandit et me devança en direction du ruisseau. Je dus presser le pas pour ne pas le perdre et j’ajustai mon arc d’un mouvement brusque avant de me lancer à sa poursuite.

Asin !

Je sentis son amusement alors qu’il accélérait. Je courrai tant bien que mal à sa suite, essayant de ne pas m’accrocher dans les branches basses avec mon encombrant bagage. J’étais rompu à l’exercice depuis le plus jeune âge, mais son indulgence diminuait avec ma croissance et il ne prenait plus autant la peine d’adapter son pas à ma propre allure. Juste avant de perdre la clairière de vue, taquin, il m’envoya rouler à deux reprises sur le sol encore couvert de rosée. Il me laissa à peine le temps de me relever et fuit de nouveau en avant, attendant son prochain aller-retour pour me sauter dessus.

 Trop lent, FaiseurDeVoix!

Il partait avec un avantage certain, mais lorsqu’il s’agirait de pêcher, il redécouvrirait toute mon utilité : il détestait l’eau. Il tenta de me surprendre encore, mais son esprit le trahit et je fis un brusque écart, roulant au sol avant de me redresser. Les mains sur les genoux, haletant, j’essayai de reprendre mon souffle entre deux rires.

La liberté m’avait manqué, je la redécouvrais avec un réel plaisir et l’innocence oubliée s’empara de moi, chassant les soucis de ce trop long hiver et l’inquiétude des demains.

Je dois chercher du bois pour mes flèches, mais ensuite, je te pêche tout le poisson dont tu rêves!

Aliésin ronronna et se frotta contre ma jambe, menaçant de me faire perdre l’équilibre. Il atteignait ma hanche, mais il pouvait grandir davantage, jusqu’à devenir suffisamment haut pour me regarder droit dans les yeux. Je me souvenais d’une fois où, face à toute une harde de sangliers, il nous tira d’affaire en me portant sur son dos. Mon poids ne l’avait pas gêné un seul instant, mais le voyage s’était avéré très inconfortable, et à moins d’y être obligé, je préférais encore courir derrière lui.

Le temps s’adoucit et je finis par m’installer près de la berge avec mes trouvailles. Aliésin s’allongea juste à côté de moi, m’observa un moment puis posa son énorme tête entre ses pattes. Il me restait encore quelques heures avant que son estomac m’assaille de reproches, j’en profitai pour tirer mon couteau et me mettre au travail.

Les bruits forestiers rythmaient mon ouvrage et les copeaux s’accumulaient sur le sol de feuilles à demi désagrégé. Guidé par le chant des oiseaux, les murmures de l’eau et le bruissement des feuilles dans le vent, j’inspirai profondément et laissai mes souvenirs me ramener à une très ancienne promesse.

Autrefois, non loin d’ici, ma mère s’était accroupie à ma hauteur pour me dévisager. Peut-être avais-je six ou bien sept ans, quelle importance ? Son visage se serait estompé dans ma mémoire sans les trop rares autoportraits qu’elle nous avait légués. Elle aimait dessiner. Il suffisait qu’elle voie un paysage un bref instant pour réussir à lui donner vie, à le rendre parfois encore plus beau que la réalité. Mais cette fois-ci, elle ne s’était pas arrêtée pour l’une de ses œuvres, mais bel et bien pour moi. Les mots qu’elle avait prononcés s’étaient inscrits au fer rouge dans ma mémoire : « Tu es la vie, May, le cours de l’eau, le soleil, les arbres de la forêt et le vent. Les oiseaux qui chantent, le lapin qui bondit et le prédateur qui rôde. Promets-moi, mon cerf, n’oublie jamais qui tu es ni où est ta place. » Et j’avais promis.

Une grosse patte sur la hampe à demi achevée me ramena au présent, et le bâillement du fauve m’arracha une grimace. Ses crocs en feraient frémir plus d’un, mais ce n’était rien comparé aux relents de viande ancienne. Je repoussai mon travail au grondement de son estomac et me retrouvais bien vite accroupi en équilibre sur une pierre.

Les manches retroussées jusqu’aux coudes, je scrutais les mouvements du courant. L’impatience d’Aliésin m’amusait : il dansait d’une patte sur l’autre, répartissant son poids tantôt à droite, tantôt à gauche. Soudain, je sentis sa tête s’abaisser, aux aguets. Il l’aperçut en même temps que moi et, vif comme l’éclair, mon bras s’enfonça sous la surface. Ma paume glissa légèrement contre les écailles avant de resserrer sa prise. Le fauve goba la proie.

Nous ne retrouvâmes la clairière que le soir, et malgré l’appétit d’Aliésin, plusieurs prises pendaient à ma ceinture. Sous la lumière déjà faiblissante, j’observai mon domaine avec un sourire reconnaissant.

Mon chez-moi n’était pas très grand, mais sa beauté compensait largement l’humilité de sa taille. Il se situait au plein cœur de la forêt d’Emodal, au sud-ouest de l’île. Plus au sud encore, dissimulée par d’inhospitalières montagnes, Lounia, la seule ville sorcière du comté bordait l’océan. Étriquée et presque sans terre arable, on y survivait principalement grâce aux produits de l’océan. Personne ne s’y serait installé si elle avait été accessible autrement que par un réseau de grottes et de souterrains dont aucun chasseur de sorciers ne parvint jamais à ressortir vivant. Le fleuve qui parcourait cette partie d’Atharian se jetait dans la mer non loin de la citadelle, bien après avoir coupé ma forêt en deux. Pour rejoindre le plus proche village à partir d’ici, il fallait également longer les berges du Kézin, mais cette fois en orientant ses pas au nord.

La clairière en elle-même ne constituait qu’une modeste trouée au sein de cette nature luxuriante. Notre chaumière en occupait la partie est, et l’écurie ainsi que la remise lui était directement attenante. Un grand potager s’étendait légèrement en retrait de l’habitation.

Tu connais ta leçon.

Je souris à Aliésin et tournai mon regard dans une autre direction. Bien à l’écart de ses congénères trônait un chêne immense : Andoss. Je vis le jour au pied de son tronc gigantesque et, d’après de nombreuses légendes, il serait l’arbre le plus ancien d’Atharian. Six hommes se tenant par la main n’auraient pas réussi à en faire le tour.

 

*

 

J’entendais comme une mélodie, à la fois douce et lointaine. Elle réveillait en moi des sentiments oubliés, effacés, sur lesquels je n’arrivais pas à mettre de mots. Le son imaginaire apaisait mes craintes enfouies, me rassurais, et quand j’ouvris les yeux, le ronronnement du félin s’y mêla jusqu’à ce qu’il ne subsiste plus que ce dernier. J’avais l’impression de me tenir debout, en équilibre devant le seuil de l’avenir alors que rien ne changerait vraiment. Bien sûr, il y avait ce long voyage vers Ethenne, des mois de routes et de chevauchées, la découverte du monde et de la capitale magique, sûrement des rencontres, mais ce ne serait que provisoire. Je n’étais pas celui qu’ils recherchaient, et dès qu’ils s’en rendraient compte, nous entamerions le trajet du retour, reprendrions le cours de nos vies. Je ne souhaitais rien d’autre, à part, peut-être, ensuite quand mon père saurait qu’il pouvait vraiment se fier à moi, l’accompagner à Karnag ou à Lounia. Élargir de temps en temps mon univers me suffirait.

Je n’avais jamais quitté la clairière, trop dangereux d’après mon père qui partait nous ravitailler au moins une fois l’an et qui avait besoin de moi pour s’occuper des animaux en son absence. Alors, je rêvais du voyage depuis des années : papa, Sinji, Aliésin, moi et les vastes paysages que je ne pouvais encore imaginer qu’avec les cartes. Mais nous finissions toujours par rentrer. J’aimais beaucoup trop cet endroit pour songer à le quitter définitivement.

Dès mon entrée dans la salle, ce matin-là, je vis les sacs appuyés le long du mur et marquai un arrêt. Malgré tous les entraînements, les leçons, l’approche de l’échéance, le départ ne m’avait jamais paru si réel. Alors que je déjeunais, je n’arrivais pas à détourner les yeux des bagages.

— J’ai préparé tes rechanges, ta nouvelle tenue est dans ton coffre.

Il y avait aussi la cape aux patères et les bottes au cuir odorant déposé juste en dessous. Mon père nous avait équipés à grands frais.

— Emporte quelques souvenirs, si tu veux, mais rien de trop encombrant.

— Pour quoi faire ? Nous reviendrons de toute façon.

Dans ses yeux, je vis passer la même ombre que la veille et mon cœur s’affola.

— Maylan… Même si c’est le cas, ça reste un très long voyage. Nous serons probablement absents plus d’un an.

Je m’apprêtai à répondre que l’essentiel m’accompagnerait déjà puisqu’ils seraient avec moi, mais mon attention s’arrêta sur la première partie de sa phrase : « Même si c’était le cas ». C’était donc ça, son inquiétude. Il croyait que j’avais des chances d’être l’Adjahïn, que nous ne reviendrions pas. Un instant, mon monde trembla sur ses bases, mais je me rendis compte que c’était impossible. L’Adjahïn serait un très grand magicien, et ce n’était pas du tout mon cas. Il était décrit comme un enfant aux yeux bleus nuit quand les miens étaient noirs, et d’après mon père lui-même, la prophétie ne mentionnait pas de quatrepas pour l’élu. Je repris mon équilibre, il s’agissait sans doute d’espoirs de parents : des histoires de ma mère et de mon parrain, j’avais retenu qu’il était courant de surestimer sa progéniture. Mais aussitôt rassuré, une autre crainte me traversa.

— Tu serais déçu, si ce n’était pas moi ?

— Maylan, non ! Non, bien sûr que non. Tu es le plus merveilleux des fils que je pouvais souhaiter, qu’importe ton destin.

Il sourit et moi en retour, pourtant, il restait un dernier souci.

— Et Sinji ? Tu avais dit qu’il passerait quelques jours avec de nous avant le départ, mais c’est demain et il n’est toujours pas rendu…

C’était la première fois que mon parrain avait du retard : lui était-il arrivé quelque chose ? Serait-il là à temps ? Mon père grimaça et posa un instant les yeux sur la table avant de répondre.

— Oui, je l’espérais aussi. Mais il a dû voyager à la saison froide, cette fois-ci. Ne t’en fais pas : il fera en sorte d’être là pour demain.

— Et si ce n’est pas le cas ?

Il croisa ses mains et ne put retenir un regard furtif en direction de la fenêtre.

— Alors nous aviserons, nous le rejoindrons sur la route.

— Dans la forêt, nous aurions des chances de le dépasser sans le trouver…

— Pour ça, aucun risque. Tu comprendras demain, fais-moi confiance.

Je hochai la tête. J’étais encore inquiet et sa réponse m’intriguait plus qu’elle me rassurait, mais j’avais l’habitude de m’en remettre à lui.

Nous passâmes la journée à finir nos bagages et à ranger la maison, faisant semblant, l’un comme l’un, de ne pas jeter des coups d’œil réguliers à la fenêtre en espérant voir Sinji apparaître. Finalement, j’ajoutai bien un souvenir à mon sac, l’un de mes dessins favoris de ma mère que je protégeai d’un étui hermétique. Tout ce que nous n’emportâmes pas fut mis à l’abri, soigneusement entreposé dans une cache sous le parquet de la maison. D’après mon père, il était préférable qu’il n’y ait aucun signe de notre vie ici si quelqu’un venait à visiter la chaumière en notre absence. À part mon parrain, nous n’avions pourtant jamais de visiteurs. À la fin, il ne resta plus dans les différentes pièces que les meubles, les objets dont nous aurions encore l’usage, et mon désarroi face à ce terrible vide. Je fus des plus heureux quand nous sortîmes pour nous charger des poules.

Mon père avait confié notre vache au village avant l’hiver, nous avions dû nous passer du lait, mais il n’y avait personne d’assez proche pour s’occuper des animaux en notre absence. Ç’aurait été trop compliqué de faire pareil avec les poules, alors, celles qui avaient survécu à la mauvaise saison étaient venus grossir nos provisions. Nous pourrions toujours acheter des poussins sur le chemin du retour.

La journée fila à une vitesse folle et je me retrouvai bientôt dans mon lit, à me tourner et me retourner, incapable de trouver le sommeil. Résigné à veiller, je quittai ma chambre à l’atmosphère étouffante, traversai le potager envahi d’ombres et le reste de la clairière.

Éclairé par les astres nocturnes et guidés par l’habitude, je me hissai le long de l’arbre Andoss, aussi haut que la prudence me le permit.

Aliésin m’observait en silence, allongé le long d’une branche, les pattes pendantes dans le vide, la tête plaquée contre l’écorce. Son doux ronronnement emplissait la nuit seulement troublée par le cri d’un hibou en chasse.

Le froid me rattrapa, je me recouvris de ma vielle cape, repliai mes jambes contre ma poitrine, les enserrai de mes bras et y déposais ma tête.

Dors, FaiseurDeVoix.

— Et si quelque chose se passait mal, Aliésin? Et si nous ne revenions pas? Sinji n’est même pas encore là et je me demande comment papa peut être aussi sûr que nous le retrouverons en route au lieu de seulement le croiser.

— Ferme les yeux.

Son ronronnement s’intensifia et il clôt les siens avec tendresse. Des larmes d’inquiétude dévalèrent mes joues, ruisselèrent le long de mon menton.

Si je fais ça, alors, nous serons demain et nous partirons.

Finalement, ce voyage n’avait plus l’allure d’une aventure. J’allais quitter mon monde, ma sécurité pour une période si longue que j’avais du mal à la concevoir. Plus tôt dans la journée, mon père m’avait offert des flèches, m’indiquant que celles-ci ne seraient pas pour chasser, mais pour me défendre ; mes mains avaient tremblé en les rangeant dans mon carquois. Dehors, une fois passée la sécurité des arbres, il y aurait les chasseurs de sorciers. Et leurs proies préférées étaient sans conteste les potentiels Adjahïn en route vers Ethenne.

— Demain n’existe pas. Maintenant est ici. Maintenant, c’est toi, moi, et le monde endormi.

Il retrouva son corps de chat, se faufila sous mon vêtement et glissa sa tête sous la mienne. Il émanait de lui une paix qui finit par assourdir mes peurs. Tout était si calme autour de nous. L’heure d’entre les heures. Celle où la nuit s’approche du silence total au point d’abrutir nos sens, où sa profondeur insondable nous pousse à redouter que le soleil ne reparaisse jamais.

— Dors.

Bien malgré moi, je finis par obéir.

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MrOriendo
Posté le 31/05/2023
Hello Lionne !

Ce premier chapitre vient confirmer la bonne impression laissée par le prologue de ton histoire. Le personnage de Maylan est immédiatement sympathique, Aliésin est mystérieux mais d'agréable compagnie. J'aime sa manière de l'appeler FaiseurDeVoix, est-ce une référence au fait que Maylan raconte ici son histoire ? Sans doute, la suite viendra le confirmer.
En tout cas, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'il passe l'épreuve et soit bel et bien l'Adjahin, ce qui n'enlève rien à l'intérêt de l'intrigue que tu poses efficacement ici.

Je reviendrai lire la suite avec plaisir.
À bientôt donc,
Ori'
LionneBlanche
Posté le 27/06/2023
Coucou Mr Oriendo ! Oui, je suis totalement à la bourre sur tout (c'est à cause d'un lionceau à venir qui m'a rendu bien malade, dsl ^^) Ouf ! J'ai toujours peur quand les gens arrivent au premier chapitre parce que tout le monde à l'air de bien accrocher sur Zoren et qu'il n'est pas le personnage principal. ^^ Non, pour FaiseurDeVoix, c'est juste ce qu'est Maylan pour Aliésin : il fait des voix dans sa tête, ça ne va pas plus loin, pour le coup. ^^ J'ai voulu gardé un bon côté animal pour Asin, et ça m'étonnerais que les animaux s'embêtent à désigner les choses et les gens de manière compliqué, si jamais ils les désignent, ce qui là, est le cas d'Asin, lié à un humain. ^^ Tu es sure pour l'épreuve ? moi, je ne sais pas... ^^ Merci pour ton com et ta lecture, on se revois bientôt, sur ton histoire aussi (dès que j'arriverai à tenir assise plus d'une heure sans le payer méchamment ^^ non, je vais tenter de m'y remettre doucement, je suis tellement à la bourre que c'est scandaleux ^^
Elly Rose
Posté le 16/12/2022
Bonsoir LionneBlanche,
Chose promis, chose dûe! Me voilà embarquée dans ton histoire et en toute honnêteté, c'est un vrai régal!
J'aime énormément la façon dont les choses sont amenées, la douceur qui émane de Maylan et son innocence!
Aliésin m'interpelle énormément et j'aime avoir le loisir d'imaginer ce félin hors du commun!
C'est un premier chapitre fort réussi et partir avec eux à l'aventure est une véritable chance!
A très vite pour la suite
LionneBlanche
Posté le 20/12/2022
Merci beaucoup Elly Rose :) Tes commentaires me font un bien fou et me motive à antidoter et posté le livre 1 :)
Edouard PArle
Posté le 06/09/2022
Re !
Je ne vais pas être original, mais dans la lignée du prologue, une introduction qui tient son rôle. Les (premiers) personnages principaux sont introduits efficacement, on cerne assez vite qui est qui, ce qui compte pour la narrateur. Tu évoques sa mère disparue, même si on ignore encore ce qui a causé sa mort.
Pas de réponses à la majorité des questions du prologue mais quand même quelques éléments intéressants. Une prophétie évoqué un élu qui sera désigné au cours d'une sorte d'épreuve auquelle va participer le héros. Son père pense qu'il peut la gagner mais pas lui^^
Je trouve qu'on est pas débordés d'infos et et de mots de vocabulaire de ton univers, c'est très digeste ! Mais les quelques mots de vocabulaire arrivent à deux reprises un peu tous en même temps. Je pense qu'il y a moyen de diluer, voir même de supprimer ceux qui ne servent pas tout de suite.
Sinon, le premier paragraphe avant l'astérisque m'intrigue pas mal. Est-ce le narrateur dans le futur qui écrit son histoire ? Un flashback ? Je penserais plutôt pour la première option, qui expliquerait la narration à la première personne.
Mes remarques :
"il s’était allongé près de moi et n’était jamais repartit." -> reparti
"Immobile près de l’ouverture il battit d’un coup nerveux" virgule après ouverture ?
"il battit d’un coup nerveux de la queue" "de" en trop
"à quand remontait notre dernier moment de pleine liberté," j'enlèverais "pleine", la liberté est forcément pleine non ? (ça se débat^^)
"j’atteindrais la première majorité sorcière. Il devait redouter de voir son fils devenir un demi-âge, pourtant, le premier nonmage" trois mots de vocabulaire d'un coup, ça fait beaucoup
"Avant même de perdre la clairière de vue, taquin, il m’envoya rouler à deux reprises sur le sol encore couvert de rosée." -> Taquin, il m'envoya (....) avant même... ?
"Il n’était pas très grand mon chez-moi," -> mon chez-moi n'était pas très grand ?
"Emodal, au sud-ouest de l’île d’Atharian. Plus au sud encore, dissimulée par les inhospitalières montagnes de Marainés, Lounia," encore une fois, beaucoup de vocabulaire en peu de lignes
"Ç’aurait été trop compliqué de faire pareil avec les poules, alors, celles qui avaient survécu à la mauvaise saison vinrent grossir nos provisions." j'aurais laissé au plus que parfait, comme le début du paragraphe
Un plaisir,
A très bientôt !
LionneBlanche
Posté le 07/09/2022
Re ! ^^
Eh oui, pas de réponse au prologue, comme dit dans ma précédente réponse, ça va prendre du temps. Mais la scène est pourtant loin d’être inutile et va servir au long de l’histoire.
Comme tu l’as compris, il s’agit là avant tout d’un chapitre d’introduction. Il me paraissait important de montrer qui était mes personnages, leur vie ordinaire afin de comprendre l’impact que les événements à venir vont avoir sur eux, et de les connaitre un minimum.
Ah oui, il n’y croit pas le petit ^^ Mais si tu continus, tu verras plus tard qu’il y a aussi un peu plus que ça.
Je suis très contente pour les informations, parce qu’il m’a vraiment fallu du temps pour arriver à ce résultat, pour ne pas raconter mon monde en un seul chapitre. J’espère que c’est aussi digeste pas la suite, et compréhensible. C’est un peu compliqué de s’en rendre compte soi-même.
L’intro… Oui, tu es le premier à comprendre qu’il s’agit de l’explication de ma narration à la première personne et je ne vais pas te gâcher grand-chose en confirmant qu’il s’agit bien de Maylan adulte qui raconte. Ça va très vite devenir évident. ^^ Évidement, ces intros, passablement pénibles à écrire, ont aussi d’autres utilités.
C’est très gentil de relever les fautes et l’avalanche de termes, ça va beaucoup m’aider et je vais reprendre ça tout de suite.
Tu risques d’avoir les yeux qui piques un peu si tu passes au chapitres suivant, car je l’ai entièrement repris et qu’il n’y a pas eu de correction extérieur dessus. Après ça devrait aller mieux…:/
Encore merci de m’avoir lu et consacré du temps à ton retour.
À bientôt ;)
Edouard PArle
Posté le 07/09/2022
Pas de soucis, je te remonterai les petites coquilles que je croise.
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