Chapitre 1 - La famille Henley

Par Belara

Alors que le soleil se couchait sur la ville, Charlie se demandait à quelle sauce elle allait être mangée. Les dîners du vendredi soir étaient l’occasion idéale pour sa grand-mère de déverser la totalité de sa frustration hebdomadaire. La plupart du temps, Charlie était sa cible favorite.

Du haut de ses 18 ans, elle n’avait de cesse de décevoir Ellen qui s’offusquait chaque semaine de chacun des agissements de sa petite-fille. Elle s’en était accommodé mais ce soir, elle n’était pas d’humeur à écouter les sempiternels reproches de la vieille femme. Non, ce soir elle avait besoin de calme.

 

Le matin même, alors qu’elle achevait sa deuxième semaine en tant qu’étudiante en sciences humaines au sein de l’une des plus prestigieuses universités du pays, elle avait du quitter précipitamment l’amphithéâtre. Le message reçu en provenance de sa cousine n’était composé que de trois lettres : « SOS ».

Au téléphone, Blair lui avait demandé de la rejoindre au plus vite à son appartement. Le manque de détails sur la situation laissait présager à Charlie une catastrophe familiale : un accident, un décès, ou pire, la grande Révélation.

En ouvrant la porte du luxueux appartement situé en plein campus, Charlie vit sa cousine debout sur la table, un balais à la main. S’en était suivi une série de hurlements sur-aigus ponctués d’insultes et de mouvements malagiles qui fouettaient l’air au rythme des « Quatre Saisons » de Vivaldi.

La catastrophe pressentie n’était finalement qu’une araignée qui avait eu la mauvaise idée de se balader au beau milieu du salon en parquet massif. Une fois le problème résolu à coup de Valentino et la matinée étant déjà bien avancée, Charlie avait accepté, la mort dans l’âme, de rentrer avec sa cousine pour le week-end. En temps normal, elle trouvait les meilleures excuses possibles pour éviter de passer plus de cinq minutes seule avec Blair. Ne vous méprenez pas, leur relation était ce qui se rapprochait le plus de celle que peuvent avoir deux sœurs mais il faut dire que sa cousine avait le don de l’exaspérer.

Elle avait donc passé l’heure et demie qui séparait l’université du domicile de ses parents à l’écouter parler de la vétusté de son appartement et de l’incompétence flagrante du service d’entretien mais aussi des potins du cercle mondain du campus. Autant de sujets pour lesquels Charlie ne portait aucun intérêt et qui avaient toujours le don de lui coller la migraine.

Blair, en plus d’être la personne la plus naturellement belle qu’elle connaissait, faisait partie de l’élite de l’université. Elle vivait dans un bâtiment où les loyers concurrençaient aisément ceux de la capitale, faisait partie de tous les clubs qualifiés de « select » et côtoyait les plus riches héritiers du pays. Sa vie contrastait cruellement avec celle de Charlie qui louait une petite maison au sud du campus et qu’elle partageait avec huit autres étudiants. Cette vie, c’était ses parents qui l’avaient choisie.

 

Alors qu’elle s’apprêtait à sortir de son lit, la porte de la chambre s’entre ouvrit.

— Oh Charlie ! soupira sa mère. Pourquoi faut-il toujours que tu nous mettes en retard ? Veux-tu vraiment offrir davantage de raisons à ta grand-mère de se plaindre ?

 — J’arrive maman, dit-elle d’un ton las. Je suis déjà habillée, il ne me reste plus qu’à retrouver mes chaussures.

En se levant, Charlie exhiba fièrement sa tenue du jour composée comme à l’accoutumée d’un sweat couleur kaki à la coupe beaucoup trop large pour elle et d’un jean noir légèrement délavé. De tout évidence, Eleonor n’avait pas envie de se battre avec sa fille et ne releva pas le contraste avec sa propre tenue digne d’une soirée de gala.

Le domicile de ses grands-parents se trouvait à seulement trois rues de leur appartement. Charlie se disait souvent qu’il n’en fallait pas plus pour différencier le monde réel de celui édulcoré de paillettes dans lequel vivaient ses grands-parents, son oncle, sa tante et sa cousine.

Son grand-père, héritier des Henley, avait baigné dans le luxe dès son plus jeune âge. Cela ne l’avait pas empêché de prospérer dans le domaine de la banque. Maintenant retraité, il continuait à superviser l’entreprise dans l’ombre par le biais de sa fille aînée, Abigail, qui avait repris son poste de Directeur Général. Charlie pensait qu’Archibald aurait été plus enclin à profiter pleinement de sa retraite si son père avait accepté de reprendre les rênes de l’entreprise. Celui-ci possédait un sens des affaires hors du commun ce qui lui avait valu, à plus petite échelle, de s’épanouir dans la gestion de son épicerie.

    En arrivant au pied de la maison, Charlie prit une profonde inspiration. Elle ne se laissait plus impressionner par l’architecture géorgienne typique des beaux quartiers mais son père prenait toujours plaisir à s’arrêter quelques instant pour admirer la bâtisse dans laquelle il avait grandi.

Ellen ouvrit la porte d’entrée, mettant un point final au songe de Harry.

— Vous entrez, oui ou non ?

— Bonjour à toi aussi maman, souffla-t-il.

Sa grand-mère les invita à la rejoindre dans le grand salon. Le parquet en pointe de Hongrie craqua sous leurs pieds alors qu’ils s’asseyaient sur les fauteuils tapissés. Sa tante Abigail, son oncle James et Blair étaient déjà installés et semblaient les attendre avec impatience.

— Mais dites donc, c’est un exploit ! railla Abigail. Nous n’en sommes qu’à la seconde coupe de champagne.

Personne ne releva, habitués à entendre encore et encore les mêmes sarcasmes chaque vendredi soir. Blair et Charlie échangèrent un regard complice tandis que la gouvernante déposait amuse-bouches et flûtes de champagne sur la table basse en marbre blanc.

Archibald choisit l’arrivée du mousseux pour faire son entrée, les bras chargés de vieux bouquins. La famille Henley était au complet, la soirée pouvait commencer.

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Contesse
Posté le 13/02/2021
Je viens de commencer à l'instant à lire ton livre et je dois avouer que je suis très curieuse ! J'ai eu le même sentiment qu'HarleyWarren ici ; celui d'être perdue face à tous ces noms mais finalement en relisant les lignes passées je me suis rendue compte que non, en fait je ne m'étais pas mélangée ahah ! Donc ce n'est pas si grave, tout le monde peut y arriver je pense xD
Le cadre est bien posé avec ce chapitre, et j'ai hâte d'en apprendre plus sur la famille Henley !
Contesse
Posté le 13/02/2021
P.S. "Elle s'en était accommodé" il me semble qu'accommodé prend un e au féminin, mais à vérifier je peux me tromper :)
Belara
Posté le 13/02/2021
Hello ! Merci beaucoup pour ton retour :)
C’est effectivement un des gros problèmes de ce chapitre, qu’il ne me tarde vraiment pas de retravailler parce que c’est un vrai casse tête ahah.
J’ai aussi eu le doute pour accommodé mais ça s’accorde avec « s’en ».
A nouveau un grand merci !
Contesse
Posté le 13/02/2021
Je ne pense p
Contesse
Posté le 13/02/2021
Oh là là ! je suis désolée, je n'arrive pas à écrire sur ce site ahah
Je voulais dire : je ne pense pas que ce soit à retravailler vraiment ! Je t'assure, on s'y retrouve assez bien, rien de compliqué ;) Et merci pour l'information sur l'accord, je ne savais pas !
HarleyAWarren
Posté le 02/02/2021
Je dois avouer que je me perds encore dans tous ces noms, mais c'est sans doute beaucoup parce que je suis super naze pour les retenir x) En vrai, au début, à cause du début qui donnait un petit côté médiéval, je m'attendais à rester dans ce cadre donc j'ai été surprise de voir des éléments modernes avant de comprendre qu'on ne se situait pas particulièrement à la même époque.
Mais en dehors de ça, j'ai bien apprécié ce chapitre où, certes, il ne se passe pas encore grand chose mais qui place bien le cadre.
Belara
Posté le 02/02/2021
En même temps je n’ai pas facilité la tâche aux lecteurs en présentant une famille de 8 personnes en un seul et même chapitre :(
J’avais vraiment envie de décrire cette famille si particulière parce que ça me semblait important pour la suite mais après réflexion je pense qu’il va me falloir trouver un autre moyen de le faire...
Tant de travail restant ahah
HarleyAWarren
Posté le 03/02/2021
En vrai, je pense qu'au fur et à mesure qu'on les verra, on se familiarisera plus avec eux mais mon petit cerveau a eu un mouvement de recul en voyant autant de personnages d'un coup. "Trop de noms, trop de noms !" xD
AnonymeErrant
Posté le 14/01/2021
Hop, me revoilà !

Ce chapitre foisonne d’informations sans pour autant nous perdre. C’est appréciable de découvrir peu à peu les membres de la famille Henley (rien à voir, mais ça me rappelle un poète au patronyme identique). Ils n’ont pas l’air triste, ça promet de jolis moments.

Je situerais bien ton histoire quelque part en Angleterre. L’ambiance, les noms, mais peut-être que je suis à côté de la plaque et qu’on est aux USA ou même totalement ailleurs.

Une petite chose, (et ce n’est que mon impression) mais le saut me semble un poil brusque au début, lorsqu’on passe de Charlie qui fait le voyage avec sa cousine au moment ou elle sort de son lit. J’étais encore dans la voiture moi, à ce moment-là, pas arrivée à destination x) Peut-être faudrait-il signifier ce passage par une * entre les paragraphes ou quelque chose du genre pour montrer la transition ? Ou alors mentionner par une phrase supplémentaire que, dans l’idée : le trajet s’est achevé.

Mini coquille : un balais => pas de « s », même si on déteste les araignées et qu’on aimerait bien une armée de balais pour les exterminer.
Belara
Posté le 14/01/2021
Tu situes très bien :p encore une fois pour ne pas prendre trop de risques, je n’ai pas souhaité nommer de lieux. Je reste très réaliste dans mes descriptions mais il s’agit parfois de lieux dans lesquels je ne suis jamais allée et malgré mes nombreuses recherches, j’ai parfois peur de faire des erreurs...
C’est d’ailleurs peut être ce qui va poser problème avec ce projet : l’absence de prise de risque.

Tu as raison pour le saut entre les deux scènes, merci pour le conseil :)
dcelian
Posté le 13/01/2021
me revoilà !
j'aime bien la famille Henley, pour le peu que je la connais. c'est amusant de voir tous les contrastes que tu as peins, et visiblement leur histoire a l'air maîtrisée au vu des détails que tu laisses sur leurs professions à chacun.

hâte de voir comment va se passer le dîner, même si je crains le pire...

voici quelques remarques en bonus :

"elle avait du quitter précipitamment l’amphithéâtre"
dû ;)

"Ne vous méprenez pas, leur relation était ce qui se rapprochait le plus de celle que peuvent avoir deux sœurs mais il faut dire que sa cousine avait le don de l’exaspérer."
cette remarque est sans doute beaucoup moins pertinente que les autres, mais comme plume d'argent sert aussi à donner son avis, voilà le mien : je préfère ne pas être pris à parti par l'auteur. en tant que lecteur, j'aime mieux me sentir comme un infiltré qui regarde la scène depuis un petit endroit spécial, c'est pour ça que j'aime moins les passages où l'auteur s'adresse directement au lecteur.
encore une fois, ce n'est que mon avis, il y a sans doute des gens que ça ne dérange pas !

"Alors qu’elle s’apprêtait à sortir de son lit, la porte de la chambre s’entre ouvrit."
plutôt s'entrouvrit ! le verbe existe, même s'il a une drôle de tête

voilà voilàà, la suite au prochain chapitre !
Belara
Posté le 13/01/2021
Tu a touché juste, je cherchais justement à savoir si cette « implication » du lecteur était pertinente. A vrai dire, c’est sorti tout seul et je ne le reproduis plus pour la suite.
Je suis contente d’avoir ton opinion là dessus, il va falloir que je retravaille la phrase.

A nouveau merci, tu es un précieux lecteur :p
dcelian
Posté le 14/01/2021
aucun problème, ça me fait plaisir si je peux t’apporter du soutien, et je sais comme c’est difficile de se livrer comme ça, en public, sur un site ouvert à tous !
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