Chapitre 1 : Le début de la fin

>

Chapitre Un : Le début de la fin

 

«Â Le bonheur sans histoires, ça me paraît très chiant »

 

 

Paris, juin 2015.

Jérémy et Paul savouraient leur délicieuse victoire. Celui d’avoir réussi à introduire une généreuse dose de cocaïne dans l’enceinte de leur lycée. Celui de profiter de l’absence d’un professeur pour fumer, fumer, fumer depuis le début de la matinée. Jérémy et Paul, cachés dans un coin (très) oublié du lycée, étaient ravis. Ils ne ressentaient que du dégoût à l’égard du règlement intérieur, et violer les règles faisait naître en eux un sentiment presque jouissif.

 

–       Imagine la tête du Dirlo s’il savait ça… fit rêveusement Jérémy d’une voix rauque.

 

Il était déjà loin, Jérémy. Il planait, Jérémy. Son collègue, Paul, volait encore plus haut que lui.

 

–       Ce gros connard ? Pff, laisse-moi rire !

 

Dieu que c’était bon.

 

–       Hé, tu m’en fais tirer une ? murmura une troisième voix, très basse, derrière eux.

 

Ils ne réagirent pas. Ne tournèrent pas la tête. Ne s’interrogèrent pas du regard une seule fois. Aspiraient, expiraient, aspiraient, expiraient…

 

–       Allez, juste une…

 

Jérémy et Paul semblèrent redescendre petit à petit de leur nuage toxique. L’un d’eux n’hésita pas à prêter son joint à la main fine qui s’était faufilée entre eux.

 

–       Merci.

–       Hey, ça s’appelle «Â reviens »Â ! marmonna Jérémy, trente secondes plus tard, alors que le joint ne faisait toujours pas demi-tour.

–       Hélas, très cher, je crois que mon point de vue diffère assez du tien, observa la voix sadique.

 

Les deux lycéens comprirent enfin. Ils se tournèrent aussi rapidement que leur corps ankylosé le leur permit, et leurs systèmes nerveux réalisèrent la présence de la Pionne la plus redoutable du lycée : Camille Laurier. Leurs bouches s’ouvrirent en un O énorme, et le rouleau de papier à la lèvre de Paul se décolla avec mollesse pour tomber.

 

–       Merci, répéta la jeune femme, en ramassant le joint sur le sol.

 

Elle le jeta dans un petit sachet en plastique où se trouvait déjà le premier, le referma avec un air satisfait et l’enfourna dans sa sacoche. La meilleure solution restante, pour Jérémy et Paul, était de prendre la fuite. Seulement, en plus d’avoir ses capacités de réflexion intactes, la rouquine était plus rapide qu’eux. Elle empoigna le cou des deux drogués et y enfonça ses ongles dans leurs peaux moites pour les dissuader de bouger. Ils crurent suffoquer et tentèrent vainement de se dégager.

 

–       Chut, on se calme, les morveux. Il serait dommage que deux si beaux garçons comme vous finissent à l’infirmerie… Je pourrais accidentellement vous étrangler ou vous couper une oreille. Ce serait regrettable, n’est-ce pas ? Puisque vous avez l’air d’accord avec moi, je vous propose de m’accompagner chez le «Â gros connard » qui nous sert de Proviseur.

 

 

–       Je vais finir par en tuer un ! rugit Camille en déboulant dans l’appartement qu’elle partageait avec son compagnon. Grrrr ! Les prochains qui jouent avec la bouffe, je les fais saigner jusqu'à ce que mort s'ensuive !

 

À côté de l’aquarium, depuis son bureau enseveli sous la paperasse, Joël Ajacier lui fit signe de se taire. Il était au téléphone avec son père, qui l’avait interrompu au milieu de sa consultation du Code pénal. Elle ne l’écouta pas et se dirigea tout droit vers la cuisine.

 

–       Y’a rien à manger ?! continua-t-elle, énervée, en ouvrant tous les placards désespérément vides. Il faut que je mange !

–       Hmm… Hmm… fit Joël à l’attention de son père, comme à chaque fois où celui-ci se lançait dans un long discours juridico-politique.

 

Camille dénicha une boîte de Granola que Joël avait visiblement cachée derrière un paquet de riz. Elle ne se pria pas pour lui lancer un regard assassin et s’acharna sur l’ouverture de l’emballage en carton qui renfermait les biscuits fondants nappés au chocolat. Après en avoir avalé trois d’affilée (Granola, ne pariez jamais que vous n’en mangerez qu’un !), elle revint dans le salon et prit place sur les genoux de l’étudiant pour essayer de se calmer. Camille enroula ses bras autour de son cou, nicha sa tête dans le creux de son épaule, et continua à manger ses biscuits tout en prenant bien soin de marmonner quelques insultes à l’attention des lycéens qui la mettaient hors d’elle. Les miettes de Granola tombaient au fur et à mesure sur la peau de Joël et le chatouillaient gentiment. Il fit un demi-sourire, serra sa copine contre lui et caressa sa nuque pour la détendre. Ça marchait à tous les coups. Ses muscles se relâchèrent et elle ferma les yeux tout en continuant de grignoter ses biscuits et grogner un petit peu contre ses élèves. Joël en profita pour lui en piquer deux. Cela faisait bien longtemps qu’il avait perdu le fil de la conversation avec son père. Sauf que dès fois, il ferait mieux d’être plus attentif.

 

–       Hmm, hmm… Attends, attends une minute, de quel décret tu parles ? réagit aussitôt l’étudiant, comme s’il se venait de se réveiller. Mais il y a eu une réforme l’an dernier, tu ne vas pas me dire que…

–       Bande de petits cons de merde, je leur en foutrai, moi, de balancer les p’tits suisses aux quatre coins du réfectoire…

–       Hein ? Ah. Non, elle a travaillé au lycée toute la journée, c’est demain qu’elle retourne à l’EGE. Ouais, ne quitte pas, je lui dis, fit Joël en tournant la tête vers Camille, amusé. Cam’, mon père te fait remarquer qu’il t’entend manger des biscuits jusque dans le téléphone… et que tu pourrais arrêter de marronner et crier à chaque fois que tu rentres à la maison.

–       Hé ! brailla la jeune femme, scandalisée, qui releva la tête et fit de grands moulinets avec ses bras (l’effet zen avait disparu d’un coup). Ça se voit que c’est pas lui qui s’est tapé la cantine à midi ! J’ai distribué dix colles, deux rendez-vous chez le Dirlo, et j’ai étranglé cinq casse-couilles en moins d’une demi-heure ! Et la perm’, c’est lui qui l’a faite, la permanence ?! Non, c’est moi ! Quatre heures avec ces petits merdeux ! Alors hein, il est bien gentil, ton père, mais il se la ferme avec tout le respect que je lui dois ! Et je mange quand je suis contrariée, bordel ! Et où est Douceur d’abord ?!

–       Chez le toiletteur, je vais la récupérer dans une demi-heure. Bon, voilà, Papa, t’as entendu ? Et dis-toi qu’elle est comme ça à chaque fois qu’elle rentre du boulot… Comment veux-tu qu’on ne descende pas en une soirée toutes les bières que tu rapportes quand tu descends d’Amsterdam ?

 

Au même moment, aux Pays-Bas, Pierre Ajacier soupira. S’il avait su que Joël et Camille vidaient bouteille sur bouteille pour tenir le coup entre les études et les petits jobs, il n’aurait jamais commencé à leur amener des bières la première fois qu’il était revenu en France après son départ. Ces deux garnements ne manquaient pas de lui dire, à chacune de ses visites, «Â de pas oublier les Heineken la prochaine fois, parce que sinon, on te promet de foirer les prochains partiels. Oh et tu pourras aussi rapporter du genièvre au cassis et des spéculoos pour Douceur tant qu’on y est ? ». Monsieur Ajacier trouvait parfois que son fils et sa belle-fille abusaient un peu trop de la boisson à son goût, mais sa position géographique ne lui permettait pas de les sermonner comme il l’aurait voulu.

 

Voilà déjà deux ans que son mandat de sénateur avait pris fin et qu’il était parti à l’étranger avec son épouse, Flavie, sur les conseils de Camille qui craignait pour leur sécurité. Les Espions, disait-elle, pouvaient revenir à tout moment et selon l’humeur de Michaël, le grand patron, ils pourraient finir tous décapités, «Â ce qui serait bien dommage ». Qu’à cela ne tienne, Madame Ajacier avait eu un coup de cœur pour Amsterdam lors d’un voyage en amoureux avec son mari, et c’est ici qu’ils avaient décidé de s’installer. Pierre était aujourd’hui député européen et possédait un abonnement au Thalys, le train qui reliait Paris à la Belgique, aux Pays-Bas et à l’Allemagne en quelques heures seulement. Pour le plus grand malheur de Joël, qui voyait donc ses parents débouler dans son appartement rue Mouffetard une fois par mois… ce qui était déjà trop.

 

–       Bon, allez, je vais bosser moi, marmonna Camille, tandis que Joël abrégeait la conversation avec son père et raccrochait. T’as fini avec l’ordi ?

–       Ouais, vas-y.

–       Argh ! Tu es encore sur cette monstruosité en page html ?!

 

Après s’être assise plus correctement sur les genoux de Joël, elle avait ouvert l’ordinateur portable qu’ils partageaient sur un site internet qui lui faisait tant horreur : Légifrance.

 

–       Vade retro Légifrance ! s’écria Camille, non sans faire un signe de croix pour repousser le mal. Ferme tout de suite cette fenêtre, je ne m’approche pas de cette chose immonde !

–       Cam’, tu ne crois pas que tu exagères ? C’est juste un site internet !

–       Un site internet gouvernemental, rempli à ras bord de lois, de décrets, de règlements, de codes… Tout ce que je déteste du plus profond de mon âme ! Ce site, en plus d’être offensant pour l’Espionne que je suis, est un labyrinthe sans issues qui te ronge la cervelle jusqu’à ce que tu deviennes complètement barjo ! Il suffit de voir comme il t’a transformé, chéri – ne te vexe pas, hein ! Sans rire, cet endroit est pire que mon sac !

 

Joël frissonna à la seule pensée du sac de Camille. Il s’était juré de ne jamais s’en approcher et redoutait toujours le moment où la jeune femme lui demanderait de sortir quelque chose de ce sac infernal. Mettre autant de choses dans une sacoche aussi modeste était effrayant comme irréaliste. D’autant plus que les affaires de Camille n’étaient pas toujours typiquement féminines, mais plutôt flippantes dans leur genre.

 

En effet, en plus de son porte-monnaie, son chéquier et téléphone portable, on y pouvait trouver une bombe lacrymogène, un cutter, ses lunettes de soleil, une pelote de corde solide, un mini plan de Paris et un couteau suisse. C’était sans compter les «Â essentiels »Â : le Labello, le gel antibactérien et la petite trousse à maquillage. Car oui, aussi incroyable que cela pût paraître, Camille se maquillait. Mais juste trois fois rien. Joël lui avait une fois demandé l’utilité de la corde dans son sac, ce à quoi elle avait répondu, d’un ton neutre : «Â Qui sait si certains toits peuvent être inaccessibles… Sinon, je peux toujours m’en servir pour pendre un Espion ». Bref, le sac de Camille était tout sauf rassurant.

 

Malgré la vitrine effrayante que faisait d’elle sa sacoche, l’Espionne exilée de son groupe s’était assagie depuis qu’elle avait quitté Bobigny pour vivre avec Joël. Assagie dans le sens où, si elle n’était pas beaucoup plus sociable, elle s’efforçait tout de même de saluer les connaissances de son compagnon (même si faire la bise à Martin, l’ami avec un grand A de Joël, relevait du supplice). Au lieu d’être désagréable, elle prenait sur elle et plaçait même un ou deux mots pas forcément ironiques dans la conversation (sauf avec Martin, bien entendu, il ne fallait pas trop lui en demander). Ce qui était déjà un énorme progrès en soi.

 

Physiquement, Camille avait aussi changé tout en restant la même. Les mêmes cheveux acajou, rouge sang (les cheveux rouge Dalloz, comme disait Joël, toujours très fier de placer une blague de juriste dans les conversations), la même bouche pamplemousse, les mêmes yeux noisettes en forme d’amande, les mêmes taches de rousseur, mais aussi et surtout des rondeurs et quelques kilos en plus bien mérités, ainsi qu’au moins un bonnet et deux tailles de soutien-gorge fièrement gagnés. Un jackpot fort apprécié par Joël.

 

Camille attendait que le jeune homme fermât tous les sites internet qu’il avait utilisés pour ses révisions lorsque le téléphone vibra et annonça un message. Joël essaya de l’attraper au plus vite, mais elle s’en empara avant lui et il devina sans problème la suite des évènements.

 

–       Salut. T’as révisé le pénal ? Bisous. Virginie, lut Camille, dont les joues se colorèrent aussitôt en rouge. Hé ! C’est qui cette pétasse ?!

–       Une copine de promo, et rien de plus.

–       Non mais je rêve, pour qui elle se prend ?! En quel honneur elle t’envoie des textos ?!

–       Cam’, je t’en prie, c’est juste pour les cours !

–       Tu parles ! Je veux son nom, tout de suite !

 

Comme il ne répondait pas, trop blasé pour dire quelque chose, elle agrippa l’ordinateur et se connecta sur la session Facebook de Joël. Facebook était devenu en quelque sorte le moteur de recherche officiel de Camille quand il s’agissait de pister les connaissances de son homme. Furieuse, elle tapa «Â Virginie » dans la rubrique des amis de Joël et vit qu’il ne connaissait qu’une seule Virginie, qui étudiait elle aussi à l’Institut d’Etudes Judiciaires Jean Domat Sorbonne, qui était belle et blonde, et qui faisait au moins un 95C en tour de poitrine. Camille disposait donc de tous les éléments pour haïr la jeune femme en question, la maudire et provoquer une dispute entre Joël et elle. Car il n’y avait plus jalouse et possessive que Camille, à part Joël lui-même qui réagissait à peu près pareil quand la situation inverse se produisait. À la différence que Joël n’utilisait pas Facebook, mais procédait à un interrogatoire très serré visant à déterminer la culpabilité de Camille (eh oui, on pressentait déjà un futur avocat en lui). Par chance, la jeune femme n’était pas d’humeur à créer une dispute. Le 95C de Virginie avait suffi à la troubler, voire l’attrister, et c’est avec un air désolé qu’elle lorgna sur sa propre poitrine.

 

–       Evidemment que tu ne la remballes pas, elle a de plus gros arguments que moi…

–       Oh Camille, je t’en prie, tu vas pas recommencer avec ça… C’est quoi cette fixette que tu fais depuis quelque temps sur tes seins ?

–       C’est depuis que je t’ai vu rire aux blagues d’une brune avec d’énormes nichons l’année dernière, quand je t’espionnais, se lamenta l’intéressée en reniflant.

–       Mais enfin Cam’, arrête un peu, t’es en train de te comporter comme les autres filles et tu sais que ça me plaît moyen ça ! Tu vaux plus qu’une paire de nichons, et au passage les tiens sont juste comme il faut et me donnent pas envie d’aller voir ailleurs, alors maintenant s’il te plait, cesse de m’espionner, oublie ces filles qui ne me font ni chauds ni froids, et viens là que je te fasse un câlin !

 

Recroquevillée contre Joël, Camille se laissa bercer, tout en continuant bien de bouder de façon à se faire plaindre un peu plus et faire durer le câlin plus longtemps. Au bout d’une dizaine de minutes, le jeune homme lui rappela tout de même qu’elle avait ses devoirs à faire et que lui-même devait aller récupérer Douceur au Paradis Canin. Elle convint qu’il avait raison et promit qu’ils reprendraient ça plus tard. Joël embrassa une dernière fois ses mains et la laissa partir dans leur chambre, emportant avec elle l’ordinateur portable pour travailler. À son tour, il rangea son bureau à la va-vite et partit chercher Douceur chez le toiletteur.

 

Trois-quarts d’heure plus tard, Camille entendit la porte d’entrée s’ouvrir, ainsi que le cliquetis des griffes de Douceur sur le carrelage qui s’approchait de plus en plus vers la chambre où elle se trouvait, assise en tailleur sur le lit. La jeune femme leva un instant la tête de l’ordinateur et vit son labrador blanc comme neige entrer dans la pièce et faire un aller-retour devant elle avec la prestance d’un mannequin lors d’un défilé de haute couture, pour que sa maîtresse pût admirer son énorme nœud en velours rouge.

 

–       Ma fifille, tu sens bon à des kilomètres à la ronde ! Qu’est-ce que t’es belle, ça alors !

 

«Â N’est-ce pas ? » affichait l’expression de Douceur, visiblement très fière du travail de son toiletteur. Joël les rejoignit dans la chambre juste au moment où Camille replongeait son nez sur le site internet qu’elle visitait.

 

–       Alors, combien ça nous a coûté ?

–       Soixante euros, grogna le jeune homme, qui lança un regard contrarié à Douceur. C’est abusé, sérieux.

–       Bah, on est à Paris, chéri… Mais la fille est super douée, c’est une championne du monde dans le toilettage, et puis tu dois bien avouer que Douceur en avait pas mal besoin aussi.

–       Ouais, mais Douceur avait-elle vraiment besoin d’une championne du monde pour s’occuper d’elle ? C’est qu’elle commence à nous revenir un peu cher, Cam’ ! Surtout depuis que Madame refuse les croquettes discount ! Alors nous, on mange discount sept jours sur sept, mais elle, il lui faut sa marque, c’est trop injuste ! Elle devient un peu précieuse par les bords, ta chienne, tu sais ça ?!

 

Blasé, il suivit des yeux Douceur qui, après un reniflement dédaigneux, partit vers le salon en trottinant noblement, la tête haute. Cet idiot de maître ne comprenait vraiment rien à la haute coiffure canine, il ne valait mieux pas insister. Elle se coucha dans son panier en faisant bien attention à ne pas froisser son pelage tout brillant, ni défaire son beau nœud de velours rouge, et s’accorda un peu de repos. De son côté, Joël s’installa confortablement sur le lit, enlaça la taille de Camille, et l’observa voguer d’un site internet à l’autre. Il avait toujours été intrigué par ses activités scolaires.

 

–       Qu'est-ce que tu fais ?

–       Je fais des recherches sur l’intranet d’une grosse entreprise.

–       Ok, je rectifie. Qu'est-ce que tu trafiques ?

 

Camille se contenta de sourire d'un air mauvais. Elle double-cliqua sur le bureau pour exécuter un logiciel inconnu aux yeux de Joël, et y entra l'adresse internet de l'entreprise en question.

 

–        Qu'est-ce que c'est ? demanda à nouveau l'étudiant, curieux.

–        Un aspirateur de site. Non ! arrêta Camille, alors qu'il ouvrait la bouche, choqué. Ne me sors pas le texte qui m'interdit formellement d'utiliser ce procédé pour espionner ma victime et fouiller dans sa base de données.

–        Mais c'est illégal !

–        Et ne dis pas «Â illégal » en ma présence… Tu sais que je n’ai pas l'habitude de respecter les lois, Ajacier. Je m'en fous, que ça soit interdit. Puis c'est un devoir que j'ai à faire pour mon école.

–        Ton école est une école de tarés hors la loi, Camille.

–        Mon école est une école très sérieuse. La concurrence n'est en rien illégale. Au contraire, tout repose sur elle en matière d'économie.

–        Peut-être, mais on peut faire de la concurrence sans utiliser un aspirateur de site.

–        J'approuve. Mais c'est rudement efficace. Regarde cette note interne, on dirait qu’ils sont en pleine phase de restructuration. Roh, ce que je peux être géniale parfois !

–        Camille…

–        Qu'est-ce que tu as contre l’intelligence économique enfin ?

 

En vérité, elle savait très bien ce qui le dérangeait. Ce n’était pas tant le sujet de ses études, mais plutôt son zigzag universitaire. En cinq ans, Camille Laurier pouvait se vanter d’avoir touché de très près à pas mal de choses pour une jeune femme de son âge. Et, ce qui effrayait Joël, c’est qu’elle ne comptait pas s’arrêter là.

 

–        J’ai rien contre ça, Camille, j’ai même rien contre ton école, c’est juste que… Enfin, Cam’, tu as toujours été sûre de toi concernant ton projet professionnel. Tu rêvais de devenir professeur des écoles, il te manquait juste ta dernière de Master pour entrer à l’IUFM ! T’étais à deux doigts de faire un sans-faute, t’as même trouvé un boulot d’assistant d’éducation. Et du jour au lendemain… Tu bifurques radicalement. Tu t’inscris à l’Ecole de Guerre Economique, et tu finis tes études dans un secteur d’activité à la limite de la légalité !

–        L’intelligence économique n’est pas illégale, répondit paisiblement Camille. Au contraire, c’est très intéressant, instructif, et ça se développe.

–        C’est vrai, mais les moyens que tu utilises pour parvenir à tes fins le sont, eux.

–        Espèce de rabat-joie, c’est le principe, sinon, ce serait pas aussi excitant.

–        Camille, tu me désespères !

–        Je sais. Mais tu étais le premier à me dire que je ferais un carton dans ce domaine. Et tu as eu raison, je suis la première de ma promo, je te l’ai déjà dit ?

–        Tous les jours, grogna Joël.

–        C’est parce que je suis géniale et incroyablement douée.

–        De toute façon, qui peut mieux espionner qu’un Espion ?

–        Personne. Les anciens militaires en cours avec moi n’ont jamais eu ma chance, ni mon expérience. Et du coup, je suis meilleure qu’eux.

–        Mouais, et ton passage à l’armée, comment tu l’expliques ?

–        Ah Joël, mon cher Joël…

 

Camille roula des yeux et tapota compatissante la main de son copain. Elle se souvenait parfaitement de la tête qu’il avait tirée lorsqu’elle lui avait annoncé, après un an de vie commune, son engagement en tant que réserviste dans l’armée pour l’été. Avant qu’il ne pût dire quelque chose, elle le quittait pour partir en formation militaire, toute fière dans son treillis.

 

–        Un bon Espion est un Espion qui a une bonne expérience, expliqua Camille patiemment. L'armée fait partie de celles qui sont très utiles. Outre la formation militaire de base, elle forge le savoir-être : discipline, rigueur, obéissance, droiture. Tellement de qualités, mon bon Joël, qui font de moi une Espionne tout à fait exceptionnelle si tu veux mon avis.

–        Tes chevilles, Camille, tes chevilles ! alerta le jeune homme, ironique. Elles vont devenir aussi grosses que la tête de Douceur.

–        Tu sais, plus je réfléchis, et moins je regrette d’avoir abandonné mes études dans les sciences de l’éducation. Je suis pas faite pour être instit’. J’ai pas assez de patience avec les mômes. Quoiqu’avec moi, ils marcheraient au pas et se mettraient au garde-à-vous devant leurs parents… Mais est-ce que je ne peux pas me rendre utile ailleurs ? J’aime être une Espionne, et je voudrais trouver un boulot qui me permettrait de faire ce que j’aime. L’intelligence économique, c’est bien.

–        Hmm. Et tu m’en réserves encore des surprises dans ce genre ?

–        Je ne sais pas, nous verrons bien… hésita Camille. Je ne me vois pas faire la même chose toute ma vie… Donc oui, des surprises, je crois qu’il y en aura encore.

–        Et c’est là qu’un jour tu m’annonces que tu te reconvertis en cheminot. Si ça devait arriver, je crois que ce serait la fin des haricots. Tu m’auras tout fait.

 

Ils rirent de bon cœur et plaisantèrent sur ce sujet quelques minutes encore. Puis Camille annonça qu’elle avait terminé son travail de recherches, et quand ils jetèrent un œil sur le réveil, ils virent qu’il était l’heure de s’inquiéter du repas. Sauf que Joël n’était pas d’humeur à cuisiner, Camille ne cuisinait pas du tout, il n’y avait plus rien dans le frigo et ils avaient déjà mangé une pizza au fromage la veille. Il ne restait pour ainsi dire plus qu’une seule solution : le MacDo. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le couple mit à exécution sans attendre le plan B (Bouffe) et partit en quête du MacDo le plus proche. À leur retour, Douceur se douta qu’on lui cachait quelque chose et vint renifler du côté du sachet aux couleurs du célèbre fast-food où elle devina sans mal, à l’odeur de friture, ce qu’on lui dissimulait.

 

Pendant que Joël déballait l’énorme sac en papier marron de McDonald’s, Camille débarrassa le canapé des feuilles de cours et sachets de bonbons. Ils finirent par s’installer tous les deux confortablement, jambes recroquevillées, prêts à dévorer Bic Mac, Croque MacDo, nuggets et potatoes. Douceur bondit aux côtés de Joël et se lova contre lui, sans cesser de fixer les nuggets qu’elle goûterait très volontiers avec un peu de sauce barbecue. Enfin, pour achever la préparation d’une soirée pépère, Camille alluma la télévision au moment où le générique du journal télévisé retentissait.

 

–       Oh non Cam’, change de chaîne sinon on va encore se disputer et je ne suis pas d’humeur ce soir.

–       Désolée pour notre couple, mais je tiens à me tenir au courant de l’actualité au cas où les Espions auraient la mauvaise idée de revenir sur scène.

 

Joël soupira et lança un regard accusateur à Harry Roselmack, le présentateur qui annonçait les grands titres, comme s’il était responsable de son malheur. L’ennui, il fallait le savoir, quand on vivait avec une Espionne et qu’on se destinait à devenir un avocat juste, c’est que justement on n’avait pas la même notion de justice que sa colocataire. La dispute éclatait aussitôt que Camille lançait «Â Qu’on le décapite ! » quand un homme avait commis un crime qu’elle jugeait assez atroce pour mériter ce sort, ce qui faisait réagir systématiquement Joël, fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort. Et malheureusement, ce soir-là, Harry Roselmack annonça que le corps de la petite fille disparue depuis trois mois avait été retrouvé au fond d’un lac, torturé et souillé.

 

–       Rappelle-moi, ça fait combien d’années en taule un meurtre ? demanda Camille, innocente, qui trempait tranquillement sa patate dorée dans la sauce barbecue.

–       Trente ans de réclusion criminelle, répliqua Joël à contrecœur. Dans ce cas-là, meurtre avec coups, blessures et viol sur mineur de moins de quinze ans, c’est la perpétuité assurée. Sauf s’il a un bon avocat.

–       Mouais ben franchement, l’Etat me mandaterait pour le tuer que je m’en donnerais à cœur joie ! Tu crois que je devrais écrire pour qu’ils m’accordent cette faveur, puisqu’ils ne sont pas foutus de dépoussiérer la guillotine ?

 

Pour toute réponse, Joël mordit dans son Bic Mac. Camille s’étonna de son manque de réaction inhabituel, et s’enquit de la raison de son silence.

 

–       Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? marmonna l’étudiant. Oui, Camille, tu as raison comme toujours, trouvons-le et descendons-le ?! Excuse-moi, mais c’est même pas la peine d’y penser !

–       Une petite fille est morte dans d’atroces souffrances, insista l’Espionne, très sérieuse.

–       J’ai bien entendu.

–       Et c’est tout ce que ça te fait ?

–       Je suis aussi retourné que toi par la nouvelle. Seulement, tu sais ce que je pense de la peine de mort.

–       Tu voudrais que le mec qui a fait ça s’en sorte indemne ?! s’écria Camille, choquée.

–       Non. Je voudrais qu’il croupisse en taule pour toujours, et qu’il crève tout seul comme un grand avec ses putains de remords.

–       C’est bien ce que je dis ! Tu veux qu’il s’en sorte indemne, quoi ! La taule, c’est des vacances à côté du reste ! T’es nourri, logé, blanchi, et t’as une promenade programmée tous les jours au soleil ! C’est le Club Med, quoi !

–       Vu les conditions de vie difficiles dans pas mal de prisons dans lesquelles ils sont enfermés, je peux t’assurer que je n’aimerais pas me retrouver à leur place ! Les journées sont longues, elles passent et se ressemblent toutes, t’es tout seul avec ton crime, t’as peu de visites, tu comptes les taches au plafond et surtout tu es privé de liberté… Ce n’est pas ce que j’appelle des vacances.

–       Pour un gars qui n’a pas grand-chose à se reprocher, c’est la punition parfaite. Mais pour un meurtrier, Joël ! Où est la justice, hein, elle est où la justice de ce pays merdique ? Partie au Club Med, elle aussi ?! À chaque fois que je vois ce genre de nouvelles à la télé, j’ai honte ! Au fait, je t’avais raconté l’histoire où Michaël a surpris un jour un homme en train de violer une jeune fille ? Il l’a tué de ses propres mains ! Voilà ce que j’appelle une justice juste ! Qu’est-ce que tu dis de ça, hein ?

–       J’en dis que Michaël a souvent raison et moi tord. Dis-moi, Laurier, qu’a-t-il fait de la pauvre fille qui a été témoin de la scène ? Il l’a poignardée, elle aussi, pour qu’elle se taise tout jamais ?

 

Il n’en fallut pas plus pour faire tomber Camille de son piédestal. Piquée au vif, elle devint toute rouge et ne sut quoi répondre. Le chef des Espions était son cauchemar vivant. Il lui arrivait parfois de revenir la hanter pendant son sommeil. Voilà cinq ans qu’il l’avait poignardée et laissée pour morte dans la gare désaffectée de Bobigny, pour avoir choisi le parti de Joël plutôt que le sien. Si le jeune homme était impartial dans son jugement et ne voyait en Michaël que le mal personnifié, Camille ne pouvait s’empêcher parfois de le citer en exemple à suivre ou de vanter ses bonnes actions. Ce qui revenait à la logique que Michaël fut le deuxième sujet de dispute le plus répandu au sein du couple.

 

–       Michaël est bon. Au fond.

–       Oui, bien sûr, il est tellement bon, au fond, qu’il a fait tuer ton père, s’énerva Joël, alors que l’Espionne accusait sans broncher la gifle mentale qu’elle venait de se prendre. Ecoute Camille, Michaël est déjanté. Il est malade ! Ce type a un grave problème, je suis très sérieux.

 

Voyant Camille plus ébranlée par ses propos qu’il ne l’aurait voulu, il s’arrêta et l’attira contre lui pour la réconforter. Douceur profita de l’inattention du jeune homme pour s’approcher du dernier nugget de poulet. Elle le poussa du museau jusqu’à la sauce barbecue étalée sur la boîte en carton pour le faire tremper, et l’attrapa subtilement entre ses dents avant de n’en faire qu’une bouchée. Joël, trop occupé à caresser les cheveux de Camille, n’y vit que du feu.

 

–       Le pire dans tout ça, c’est que tu n’as pas tout à fait tort… fit la jeune femme d’une petite voix. Je sais que Michaël a franchi la limite en faisant tuer mon père, et qu’il devra me rendre des comptes un jour, mais tout de même, il a fait de bonnes choses dans sa vie. De toute manière, je ne suis jamais arrivée à le percer, mais je reste persuadée qu’il a un bon fond. Mais juste le fond, quoi.

–       Mouais. En tout cas, ce que je voulais te faire comprendre, moi, c’est que tuer des gens qu’on croit coupables n’est pas une solution. Tu ne vois dans la peine de mort que ce que tu veux voir, Camille. Mais de quel droit pouvons-nous décider de la vie d’une personne ? Qui sommes-nous pour décider si un homme doit crever ou pas ? C’est juste un moyen de se débarrasser d’un gars, et dès fois, ce gars-là n’est pas aussi méchant qu’on le croit. Je t’ai déjà raconté l’histoire du détenu qui avait demandé une grâce présidentielle à l’époque de la peine de mort ?

 

Camille secoua la tête et se cala un peu plus contre Joël, prête à l’écouter. Elle avait toujours manifesté un grand intérêt à ses anecdotes toujours très instructives. Sa préférée était sans doute «Â le cas de la femme grecque assassine », une prévenue qui, à l’époque de la Grèce Antique, s’était dénudée lors de son procès. Les juges, plus sensibles à la beauté des femmes qu’au meurtre dont il était question, l’avaient aussitôt acquittée. Camille ne se lassait jamais d’entendre cette histoire.

 

–       C’était un garçon très simplet, et un peu débile pour être honnête, qui avait commis un crime sans mesurer toutes les conséquences de son geste. Il a été jugé en cour d’assises pour une affaire de meurtre dont je ne connais pas les détails, et la cour l’a condamné à la peine de mort. Sa mère s’était déjà bien endettée pour essayer de sauver son fils, mais cela n’a pas suffi. L’avocat de la défense a bien tenté un pourvoi en cassation, mais là encore, la chambre criminelle a rejeté la demande. Il ne restait plus qu’une seule solution pour échapper au pire : la grâce présidentielle.

–       Et ? demanda Camille, impatiente.

–       Et ça n’a pas marché non plus. Un après-midi, on appelle l’avocat et on lui dit que voilà, l’exécution aura lieu à quatre heures du matin. Imagine le désespoir de la maman quand l’avocat l’a appelée pour lui annoncer qu’on allait couper son fils en deux, au nom de la justice et de la République. Ce n’est pas le pire… L’avocat pouvait être présent à l’exécution, et lui n’a pas voulu abandonner son client. Alors quand on a réveillé le détenu à quatre heures du matin, et qu’il a vu son avocat devant sa cellule, il était content. Tu comprends, à l’époque, les détenus étaient avertis de leur mise à mort au tout dernier moment… Son visage s’est éclairé et il a dit «Â ça y est, Maître, je suis gracié ? ». Bon sang, Camille, ça m’aurait tué si j’avais été à la place du pauvre type qui s’est vu entendre ça. Ils l’ont amené, lui ont donné de quoi écrire une dernière lettre à sa mère, dernière clope, dernier verre d’alcool, puis ils l’ont guillotiné. Comme ça. Ça a pris trente secondes, en tout et pour tout.

–       Hmm.

–       Tu vois, Cam’, si la justice c’est la peine de mort, et que je devais assister à ça, et ben honnêtement, je préférerais travailler dans les égouts plutôt que d’être avocat. Comme je disais à mon père quand tu as trahi Michaël, personne ne mérite de mourir quelque soit sa faute. Le punir, oui, certainement, il le faut. Mais lui ôter la vie, c’est monstrueux. Enfin, moi, en tout cas, ça me répugnerait de représenter une justice qui a du sang plein les mains et qui a coupé la tête à un pauvre type qui ne comprend rien, et qui n’a même pas eu conscience de son crime.

 

Perdue dans ses pensées, Camille ne lui répondit pas. Quand elle redescendit de son nuage et qu’elle se rendit compte que Joël, les larmes aux yeux, avait été assez secoué par l’histoire du simplet guillotiné, elle l’attira dans ses bras pour s’excuser.

 

–       Si j’avais su que ça te mettrait dans de pareils états, je ne t’aurais pas embêté autant avec cette histoire de peine de mort. Promis, j’arrêterai de te chambrer sur ça. Mais je te mets en garde, Ajacier : tu feras un avocat un peu trop sensible, et si c’est un atout, c’est aussi une faiblesse. Tu sais que si je devais avoir un avocat comme toi un jour, je te croquerais si bien que tu serais hypermanipulable, et les avocats hypermanipulables, ils sont nuls. Fais-moi plaisir, apprends à prendre du recul et à tenir tête à tout le monde. T’es trop gentil.

 

Camille marqua un temps d’arrêt et glissa un regard malin sur Douceur, qui essayait vainement de faire disparaître avec sa grande langue la sauce barbecue salissant son museau toiletté dans l’après-midi.

 

–       Tu pourrais commencer par l’estomac sur pattes à côté de toi, tiens, lança-t-elle, amusée, à Joël qui avait enfoui sa tête dans le creux de sa nuque.

 

Etonné, le jeune homme leva les yeux, observa Douceur, puis sa boîte de nuggets désormais vide, et encore Douceur, avant de réaliser soudainement.

 

–       Mon nugget, bordel ! Douceur, c’était le dernier !

 

Une fois le dessert avalé et la météo regardée, Camille amena Douceur faire sa promenade du soir, car Joël, rancunier, en voulait toujours à la chienne de lui avoir mangé le dernier nugget de poulet et avait refusé de la sortir. Pendant leur absence, Joël en profita pour jeter les déchets de MacDo, faire la vaisselle de la journée et ranger un peu la cuisine. Au retour de Camille et Douceur, Joël interpella l’Espionne :

 

–        Hé Laurier !

–        Ouais ?

–        Ça te dit une soirée entre deux adultes responsables ?

–        Entre deux adultes responsables, répéta Camille, sceptique. Depuis quand on fait partie de cette catégorie ?

 

Elle fit son entrée dans la cuisine et vit Joël qui l’accueillit, les bras grands ouverts, une bouteille de vin dans chaque main. La jeune femme haussa un sourcil et considéra gravement le Bordeaux.

 

–       Soirée pinard ? corrigea le jeune homme avec un sourire carnassier.

 

Pas même deux heures plus tard, les deux bouteilles gisaient vides à même le carrelage et une troisième avait été ouverte. Camille était vautrée sur Joël, et ils riaient à gorge déployée en se racontant des âneries, légèrement ivres. Dans son panier, la pauvre Douceur ne parvenait pas à trouver le sommeil et lançait de temps en temps des coups d’œil agacés au canapé.

 

–       Attends, attends, j’en ai une autre ! Quel est le pire ennemi de l’homme ?

–       La femme !

–       Mais nooon ! brailla Camille. Roh, mais vous êtes tous pareils, ma parole ! Ils me répondent la même chose à l’EGE !

–       Bah, c’est bien connu, une femme, c’est source d’emmerdes !

–       Espèce de macho !

–       Ouais bon, allez, vas-y, c’est quoi la réponse ?

–       Le croque-monsieur !

–       Pfft, ohlala mais Camille, c’est quoi cette blague pourrie enfin ? Ah non, mais là, je suis déçu, tu m’as habitué à mieux !

 

La blague n’était pas peut-être pas très drôle, mais le couple pouffa de rire quand même. En général, ils tenaient plutôt bien l’alcool. Cependant, la fatigue et les révisions les rendaient un peu plus vulnérables au Bordeaux.

 

–       Tu sais, Joël, reprit Camille en commençant à défaire les premiers boutons de la chemise de l’intéressé, j’ai réfléchi à ton histoire de tout à l’heure, tu sais, celle sur le simplet guillotiné.

 

Un léger sourire au coin des lèvres, le jeune homme la regardait s’appliquer dans sa tâche avec des yeux brillants. Si l’anecdote en question l’avait beaucoup ébranlé quelques heures plus tôt, c’était désormais un lointain souvenir.

 

–       Ça t’a fait changer d’avis ?

–       Pas du tout ! répondit-elle franchement. Même si, entre nous soit dit, j’aurais gracié ce petiot, et guillotiné à la place le violeur et assassin de petites filles.

 

Sans trop savoir pourquoi, Joël éclata de rire pendant que Camille s’installait à califourchon sur lui pour mieux terminer de déboutonner sa chemise. Elle essayait vainement de camoufler son air coquin avec le peu de sérieux que le vin ne lui avait pas ôté.

 

–       Mais j’ai au moins compris ce qui me plaisait chez toi.

–       Ah ouais ? railla-t-il en glissant ses mains sous son débardeur.

–       Ouais. Tu es bon. Et moi, tu me connais, mauvaise comme je suis, j’ai un faible pour les bons garçons.

–       Comme on dit, les contraires s’attirent.

–       Oui, mais a-t-on jamais vu un étudiant en droit sortir avec une hors-la-loi ?

 

Pour toute réponse, il lui retira son débardeur et le jeta à côté du panier de Douceur, qui grogna un peu plus à leur attention. Les prunelles chocolatées du jeune homme s’arrêtèrent un instant sur la longue cicatrice blanche qui fendait la poitrine de Camille. Un souvenir laissé par Michaël qui ne la quitterait jamais. Joël connaissait cette cicatrice par cœur et pouvait la caresser les yeux fermés tant il l’avait suivie du doigt auparavant.

 

–        Qu’est-ce que tu veux ? C’est le Truc.

 

Joël ne répliqua plus rien par la suite. Camille avait d’elle-même mis fin à la conversation en scellant ses lèvres aux siennes. Cette nuit encore, Douceur ne rejoindrait pas ses maîtres dans leur chambre.

 

 

Au petit matin, tout allait bien encore. Le réveil sonna, mais Joël et Camille eurent bien du mal à s’extirper de leur couette. Ils s’y enfoncèrent davantage et se blottirent de leur mieux l’un contre l’autre. Malheureusement pour eux, ils ne gagnèrent que cinq minutes de sommeil car Douceur, qui avait entendu la sonnerie du réveil, poussa la porte de la chambre avec son museau et sauta sur le lit pour leur rappeler que, oui-oui, Camille, tu dois aller à l’EGE aujourd’hui, et toi, Joël, t’as des examens à passer, alors hop-hop-hop, debout et que ça saute.

 

Comme ses maîtres grognaient de mécontentement, mais ne se levaient pas pour autant, le labrador glissa sa tête sous la couette, bien décidée à les embêter, et les dénicha au fond du lit, dans la position du fœtus. Comme Douceur s’était mise à aboyer, Camille réagit aussitôt, presque sur le même ton :

 

–       C’est bon, c’est bon, Douceur ! On va se lever, oui ! Et fais pas genre tu t’inquiètes pour nous, c’est pas vrai, tu ne penses qu’à ta promenade-pipi ! – Douceur se permit d’aboyer un peu plus – Mais oui, on se lève, bordel !

 

Douceur continua son sermon jusqu’à ce qu’une main bâillonnât sa gueule, qui se referma aussitôt dans un grand clac étonné. La chienne écarquilla les yeux dans la pénombre, devinant bien qu’une forme humaine rampait jusqu’à elle, et sentit un nez s’écraser sur sa truffe humide et la pousser hors des draps. Contrainte, Douceur sortit la tête de dessous la couette, et loucha quand elle vit Camille à deux centimètres d’elle, le regard noir. Très vite, une masse de cheveux bruns en bataille apparut derrière l’Espionne, en la personne de Joël Ajacier, complètement explosé par sa courte nuit au passage, qui écrasa ses lèvres sur l’épaule de Camille et menaça de se rendormir tel quel. La jeune femme se leva la première et enfila son T-shirt Rafale pour errer comme une âme en peine dans la demeure. Puisque Joël avait un peu plus de difficultés pour l’imiter, Douceur se chargea de son cas et lui donna quelques petits coups de museau. La mauvaise haleine du labrador eut raison de lui, et dès qu’il posa le pied au sol, il s’habilla décontracté pour amener la chienne à sa promenade matinale.

 

Dans le couloir, c’est une Camille à moitié endormie, sortant des toilettes, qui le percuta sans même s’en rendre compte. Elle continua sa route vers la salle de bain en titubant, comme un zombi, et Joël, pas plus réveillé qu’elle, partit nourrir ses poissons en faisant un grand détour dans l’appartement. L’aquarium de Joël, jouxté à son bureau, comptait aujourd’hui une quarantaine de poissons, tous d’une variété différente, et que Camille détestait plus que tout au monde depuis que l’un d’entre eux, Vanille-Fraise (VF pour les intimes), avait tenté de lui gober le bout du doigt. Il n’était pas nécessaire de rajouter qu’elle avait fait amèrement et funestement regretté à Vanille-Fraise son geste.

 

–       Et merde, y’en a encore un qui a crevé ! s’écria Joël, dégoûté. Qu’est-ce qu’ils ont tous en ce moment ?!

 

Un silence assoupi lui répondit, et il fallut attendre dix secondes pour que Camille décryptât l’information et donnât son avis sur les décès en masse des poissons de Joël :

 

–       Bon débarras !

–       Tu n’y serais pas pour quelque chose par le plus grand des hasards ?

–       Voyons, tu me connais, je ne ferais pas de mal à une mouche !

–       Mais oui, bien sûr, où avais-je la tête ? ironisa l’étudiant, en repêchant le petit corps du poisson pour le jeter à la poubelle.

 

Une fois le défunt enterré sous les restes de MacDo, Joël attrapa la laisse de Douceur sur l’étagère à côté de la porte d’entrée, l’accrocha à son collier, et ils quittèrent ensemble l’appartement, bien contents de prendre l’air frais de l’aube. Chaque matin, c’était le même rituel. Pendant que Joël promenait Douceur dans la rue Mouffetard, où elle prenait bien soin de marquer son territoire, et qu’il achetait des pains au chocolat à la boulangerie du coin, Camille préparait le café et faisait sa toilette. Dès qu’ils rentraient, ils prenaient le petit-déjeuner ensemble, tous les trois, puis c’était au tour de Joël d’aller prendre sa douche et à la rouquine de s’habiller. À ce stade, quand le jeune homme ouvrait le robinet du lavabo précisément, éclatait toujours le même coup de gueule :

 

–       Putain, Laurier, j’y crois pas, t’as encore bouché le siphon avec tes cheveux ! Ça te viendrait pas à l’esprit de les enlever une fois que t’as fini de te coiffer ?!

–       Eh oh, calme tes nerfs, Ajacier !

–       Non, je calme rien du tout, tu fais chier à la fin !

 

S’en suivait, un quart d’heure plus tard et une fois sur deux, un nouveau coup de gueule, mais cette fois plus porté sur la jalousie que sur la plomberie. Joël, fin prêt, tout beau tout propre dans son costard tout neuf, attendait patiemment Camille, qui finit par arriver avec son redoutable sac (d’autant plus redoutable qu’elle avait réussi à y faire entrer son bloc-notes et sa trousse).

 

–       Bon sang, Cam’, c’est une blague ? Tu ne vas tout de même pas aller comme ça à l’EGE ?!

 

Il pointa du doigt la robe combinaison citron-vert qu’elle portait si bien et ses chaussures à talons hauts qui lui faisaient des jambes de sauterelle.

 

–       Bah quoi ? s’étonna Camille, naïve.

–       C’est trop court. Va te changer.

–       Trop court ? Comment ça, trop court ?! Espèce de taliban !

 

Mais comme Joël insistait sur les anciens militaires présents dans sa promo qu’il trouvait un peu pervers, et qu’il n’avait pas envie que sa copine leur servît d’objet d’analyse, elle partit se changer en vitesse. Elle revint deux minutes après, vêtue d’un jean, un gilet et un débardeur serré à la peau (citron-vert lui aussi) au décolleté encore trop échancré aux yeux de l’étudiant, toujours aussi scandalisé («Â J’hallucine ! T’as pas mis de soutien-gorge ?! »). Blasée, Camille finit par le pousser hors de l’appartement, prétextant qu’ils allaient se mettre en retard, ce qui obligea Joël à se faire à l’idée que le voisin de table de la rouquine ferait mine de s’intéresser de très près à sa cicatrice.

 

Comme le jeune homme avait encore un peu de temps devant lui, il accompagna Camille jusqu’à la station de métro la plus proche. En effet, si l’Institut d’Etudes Judiciaires se situait sur la place du Panthéon, et donc pas très loin de la rue Mouffetard, c’était une autre histoire pour l’Espionne et son école, établie de l’autre côté de Paris, entre les Invalides et l’Ecole Militaire. Quand elle ne travaillait pas dans un lycée parisien, Camille prenait donc régulièrement ses deux lignes de métro pour rejoindre l’EGE et se forger un avenir aussi redoutable qu’elle.

 

Quand Joël laissa Camille disparaître derrière le tourniquet du métro, juste après l’avoir embrassée une dernière fois et fait promettre qu’elle cognerait les hommes de sa classe s’ils lorgnaient trop son décolleté, tout allait bien encore.

 

Oui, ce matin-là, tout allait bien encore.

 

 

Le lendemain, pourtant, tout bascula. Joël et Camille avaient passé une bonne soirée à jouer au Monopoly, puis à promener Douceur en amoureux. Le matin qui suivit une nouvelle nuit d’amour, à l’heure du petit-déjeuner, ils avaient prévu d’aller au marché de la rue Mouffetard pour acheter quelques provisions de nourriture fraîche. Ce samedi-là était très ensoleillé et l’air sentait déjà les vacances d’été. C’était un jour tout à fait banal : Joël retrouva un paquet de cheveux rougeoyants dans le siphon du lavabo et Camille regarda Bob l’Eponge.

 

Par la suite, le dernier souvenir que retiendrait Joël serait le moment où sa petite amie avait beuglé qu’elle se chargeait d’ouvrir les volets, et où elle lui annonça, lorsqu’elle réapparut devant lui avec son sac plus ballonné que jamais, en trois mots :

 

«Â Je te quitte »

 

Mal lui avait pris d’en rire. Vexée de ne pas être prise au sérieux, car elle l’était plus que tout au monde, Camille lui avait débité des monstruosités, des paroles dignes d’un cauchemar : qu’elle avait réfléchi, qu’il n’était pas l’homme qu’elle recherchait, que seul Michaël hantait ses pensées, qu’il y avait toujours quelque chose d’indéfinissable entre eux, et qu’elle le quittait pour lui.

 

Bien entendu, il avait essayé de la rattraper, Douceur avait même mis la patte à la pâte. Mais passé la porte de l’immeuble, l’affluence de la rue Mouffetard et la popularité de son marché l’avaient piégé et Camille avait tôt fait de se fondre dans la foule.

 

À partir de ce jour, Camille disparut de la circulation. Joël avait eu la naïveté de croire qu’elle reviendrait au bout d’une semaine, comme la fois où elle était partie après une grosse dispute. Mais non. Force fut de constater, les jours, les semaines, les mois, les années passants, que Camille Laurier ne revenait pas. Et qu’elle ne reviendrait plus jamais.

 

«Â Tu me tues, insolente poupée »

 

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Keina
Posté le 15/02/2011
Bon, ben ça y est, j'ai lu... snif ! Ça m'a fait plaisir de retrouver ces deux tourtereaux, même si je savais que ça allait mal finir (on le sait dès le premier prologue, d'façon, que va y avoir un truc horrible...).
Douceur était troooop mignonne ! Quoi, c'est pas elle l'héroïne de l'histoire ? Flûte... xD
Bon, Camille est toujours aussi vacharde, je l'adore prendre position pour la peine de mort sans réfléchir, et le contenu de son sac est... édifiant. Avec elle comme pionne, tu m'étonnes qu'il doit régner un régime de terreur dans l'école où elle est ! Et puis ses études... rien de surprenant, finalement. Ça existe vraiment, comme études ? 
Joël est devenu (presque) responsable, ça fait bizarre de le voir étudiant en droit alors qu'il avait l'air de se ficher de tout quand il était au lycée. Leur dynamique de couple est toujours aussi explosive mais en même temps ils se complètent bien.
Alors, pourquoi Camille est-elle partie ? J'imagine que ça a à voir avec l'arrivée de Mickaël... Je commence à m'imaginer des théories : Mickaël doit avoir un moyen de pression sur elle pour la pousser à quitter Joël à tout jamais, comme un genre de chantage. Un rapport avec les parents de Joël ? En tout cas, je n'imagine pas Camille partir comme ça, simplement parce qu'elle a revu Michaël. Il lui a dit quelque chose, il lui a forcément dit quelque chose et ce quelque chose a fait basculer la vie de Camille, et lui a fait prendre une décision irrémédiable. Mais qu'est-ce que c'est ? J'espère que Joël va mener son enquête pour tenter de le découvrir... ^^ Vivement le chapitre 2 !
La Ptite Clo
Posté le 15/02/2011
Moh, ma petite Keina... T_T Il fallait bien que ça arrive, de toute manière, Joël et Camille n'ont pas la vie de rêve de Douceur après tout... :( Disons qu'il faut que Camille parte pour que l'histoire commence vraiment. :) Ca a bien entendu un rapport avec Michaël, mais je pense que je vais te laisser cogiter pendant un petit moment. Tout ce que je peux te dire pour t'aider dans tes théories, c'est que selon le chapitre, Camille ne serait visiblement pas entrée en contact avec Michaël les derniers jours avant qu'elle ne décide soudainement de partir... ;)
Oui, j'imagine que la grosse surprise de cette deuxième partie, c'est bien Joël, radicalement plus sérieux qu'à 17 ans ! ^^ Je pense que ce qu'il s'est passé avec Camille, ainsi que les années en plus, lui ont permis de prendre un peu plus de la graine. Pour faire ses études en droit, il a dû travailler pas mal, mais c'était sans compter Camille qui le soutenait et le poussait un peu plus pour ne pas qu'il abandonne, pour la petite histoire. ^^ Et Camille, qui sème la terreur au lycée et qui perce dans l'intelligence économique. À ce propos, oui, ces études existent réellement, et j'ai même pu toucher à l'I.E. l'année dernière en licence pro. (C'est là que j'ai appris son existence en fait ^^ c'était l'un de mes cours préférés) Ca se développe de plus en plus, et la vérité, ce qui le différencie de l'espionnage industriel, c'est que l'IE fait appel à des moyens légaux de collecte d'informations. Dans le cas de ce chapitre, Camille s'en fiche bien pas mal et utilise un aspirateur de site, et ça, par contre, c'est pas très très très légal. =D
Enfin voilà, à part ça, je suis contente que ce chapitre t'ait plu, ne t'inquiète pas, je te réserve encore BIEN DES SURPRISES, si bien que tu ne remarqueras même pas l'absence de Camille ! ^^ Merci beaucoup beaucoup pour ton commentaire et tout plein de bisous douceriens ! ^^ 
PS : Un jour, j'écrirai une histoire sur Douceur rien que pour toi. Le premier chapitre s'intitulera : Douceur aux Jardins du Luxembourg et racontera ses aventures avec l'oiseau dont elle est devenue la meilleure amie. :D
Seja Administratrice
Posté le 14/02/2011
Clochette, c'est quoi CA ?!!!
Naméoh !!! Camille qui ne va pas revenir "des années" ?!!! DES ANNEES ?! Mais... mais... mais... :'( Monstre !
Mis à part ça, je l'ai bien aimé ce chapitre. C'est le quotidien, mais ce n'est pas ennuyeux. Parce que c'est Camille. Parce que c'est Joël. Et parce que, tous les deux, ils sont tout bonnement excellents.
Mais oh ! C'est quoi cette fin ?! Tu as intérêt à les réunir de nouveau, un jour, sinon tu finiras très mal.
Arrêtons les menaces...
Je t'ai déjà dit que j'aimais Popo ? C'est frais, c'est pétillant... T'arriverais presque à me faire voir Paris sous un autre jour. Presque, hein, moi et Paris, on est pas copains.
Et Camille là, elle a vu Michaël dans la foule du marché, hein ? Le Michael qu'on voit dans le premier prologue ? Hein, hein, hein ?
Tiens, au passage, miss-qui-aime-pas-la-SF, la SF, c'est un récit qui se passe au futur. Mais que vois-je ici ? 2015 ? Haha, Clochette, tu as basculé du côté sombre de la Force xD
La Ptite Clo
Posté le 14/02/2011
I'm siiiiinging in the rain, I'm siiiingiiiing in the raiiiiin... lalaaaaa lalalalaaaa
Hmm ? On m'appelle ? =D Ah ? Caaaa ? =D
*tousse*
Eh bien oui, Camille ne reviendra pas avant des années, et même plus du tout si on se fie à la fin du chapitre... (et puis zut, vous étiez prévenus, c'était écrit dans le résumé qu'elle allait disparaître rolalala scrogneugneu enfin ^^). C'est dramatique, je sais, mais le gnan-gnan (pour reprendre le terme de Kalten pour parler des romances) ça va un peu, après il faut de l'action ! ^^ Euh, par contre, les réunir un jour, ne nous avançons pas trop vite en besogne parce qu'au jour d'aujourd'hui, c'est pour l'heure impossible. =D En tout cas, je suis contente que les petites scènes de leur quotidien t'aient plu... Il fallait au moins ça avant le grand patatra de la fin, hein ? ^^
Pour l'hypothèse sur Michaël, je te laisse cogiter un peu, c'est rigolo. Deux solutions possibles : soit Camille a vraiment pété un câble et est parti retrouver Michaël, soit il s'est passé quelque chose (mais quoi) à la fin de Bob l'Eponge...  
Alors OUAIS NON je proteste sur ton truc SF là. OUI, ça se passe en 2015 parce que j'allais pas continuer en 2011 sinon on aurait attendu longtemps avant le retour de Michaël, et oui, ça se passera même encore plus dans le futur que 2015 (genre 2020 quoi). Mais SOYONS REALISTES Sejounette : c'est exactement le même quotidien qu'en 2011, et tant que Michaël ne maîtrisera pas l'art de se désillusionner, que Camille ne sautera pas aussi haut que les PowerRangers, que Joël ne se fera pas enlever par des ETs, et que Douceur ne se transformera pas en orang-outan mutan monstrueux avec les yeux en-dehors des orbites, alors Polichinelle sera pas de la SF parce que Polichinelle continuera d'être une "histoire fictive ancrée dans la réalité, avec un métro, des TGV, et des méchants, mais pas de voitures volantes et lutins sanguinaires". ;) (Ou alors tu dis ça pour te venger du sale coup que j'ai fait à la fin du chapitre, mais c'est pas du tout gentiiiiiiil T_T) ^^
Ouais enfin bref voilà, en tout cas, merci pour ton commentaire, adorable grenouille. *love* 
Vous lisez