Interlude : Ça dure
Camille et moi, ça fait longtemps que ça dure. Ça dure, et ça dure bien.
Elle lève son majeur dans les embouteillages Un joli doigt rageur à l'entrée du péage Elle fouille dans mes affaires, elle me traite de papy Elle me bat au bras d'fer et m'envoie au tapis
C’est la plus géniale des petites copines. D’abord, parce que Camille, elle répare la plomberie en deux-deux, et elle refuse totalement que je m’en charge. C’est un peu l’homme de la maison, façon de parler. Quand ma mère a vu ça, elle a failli s’évanouir. Parce que si Camille répare tout, elle ne cuisine rien. Et là, ma mère, qui pensait qu’elle se serait prise en main depuis qu’on vivait ensemble, a carrément tourné de l’œil.
Mais honnêtement, je préfère que ce soit moi qui porte la toque du chef. Au moins, je sais que ce qu’il y a dans nos assiettes, c’est bon et comestible. La bouffe de Camille, faut l’avoir goûtée pour savoir que c’est vraiment dégueulasse. Mais vraiment, vraiment dégueulasse.
Elle me déséquilibre d'une tape dans le dos Et lance, imprévisible, son poing dans mes abdos Elle casse le péroné de la moindre "machine" Qu'est venue claironner un peu trop près d'mon jean
Avec Camille, quand on s’engueule pas, on se moque l’un de l’autre. Camille a une façon particulière de se foutre de la gueule des gens. Je crois que c’est comme ça que je suis tombé amoureux d’elle la première fois (parce qu’en fait, je suis tombé deux fois amoureux d’elle : la première fois, parce qu’elle se fout de la gueule des gens, la deuxième fois, après notre rupture, parce que j’aime le danger et qu’elle est dangereuse). C’est aussi pour ça que je cuisine. Je suis jamais rassuré de la voir avec un couteau à la main. Ce qui me pousse même à lui faire ses tartines de Nutella, le matin. Sait-on jamais.
J'suis comme un chien mouillé Qui peut s'prendre tous les coups Les plus belles dérouillées Et suivre son maître partout Regarde ces hématomes Tu vois, j't'ai dans la peau Et ce mercurochrome Dessine ton drapeau
Mais de toute façon, qu’on s’engueule, qu’on se moque, qu’on se provoque, qu’on s’arrache les cheveux, ça finit toujours pareil : au lit.
Camille et moi, on aime bien sortir le soir. On n’est pas du genre à sortir en boîte ou au resto, non. Nous, on sort plutôt la chienne. Et tout le monde est content. Douceur, parce qu’elle peut se soulager dans le Tout-Paris des toutous ; Camille, parce qu’au moins, elle ne découvrira pas une mauvaise surprise dans la cuisine le matin ; et moi, parce que je profite d’une demi-heure tranquille avec Camille (et le chien, certes).
J'viens te chercher le soir dans les commissariats Tu chantes comme une baignoire et tu sens la vodka Soirée entre copines ou virée de mat'lots Ne change que la comptine les mecs tous des salauds
Avec Camille, c’est difficile de se faire des amis. J’ai renoué avec Martin, un ancien pote de Bobigny que je vois de temps en temps, mais Camille m’a saoulé pendant trois mois avec ça. Elle ne comprenait pas pourquoi je tenais tant à avoir un ami puisqu’elle était là, elle, et qu’elle-même pouvait très bien s’en passer (d’amis).
« Puis Joël, t’as vu ce que c’est, les amis… Souviens-toi, t’as cru que j’étais ta pote, au début, et je t’ai fait un gosse dans le dos ».
Je ne le nie pas. Mais c’était Camille (et c’est facile à dire pour elle, ça l’ennuie tellement l’amitié, elle s’en tape comme le dernier CD de Yannick Noah !). Et Martin n’est pas Camille. Dieu merci. D’ailleurs, ils ne peuvent pas se blairer, ces deux-là. C’est vraiment la merde quand il vient à la maison. Camille se fout de sa gueule… mais il le lui rend bien. Et moi, je me marre. Il est cool, Martin. Bon, après, forcément, Camille tire une tête incroyable, mais ça vaut vraiment la peine. Puis tant pis si on s’engueule à cause de ça, je vous l’ai dit, on s’enverra toujours en l’air l’heure d’après.
Puis je te déshabille dans notre lit, chez nous Je pose mes béquilles, souv'nir de ton genou Dans les bras de Morphée tu dors tout en douceur Dans mon bras, la morphine atténue la douleur
L’essentiel, quand même, c’est que Camille et moi, on s’aime. OK, c’est pas demain la veille que je l’épouserai, mais le gosse dans le dos, moi, je le veux bien. Ne serait-ce au moins que pour avoir le plaisir de le concevoir. Quand j’ai dit ça à Camille, elle s’est barrée. Et elle est revenue une heure après avec un gamin de trois mois. C’était celui de la voisine d’en dessous, celui qui brame à trois heures du mat’, oui, celui-là même que j’ai tout le temps envie de jeter par la fenêtre. Camille le lui avait emprunté pour la matinée, comme si un bébé pouvait s’emprunter comme une bagnole. En location, le môme.
Bon, après ça, j’avoue que j’ai revu mon souhait d’avoir un gosse. Mon Code pénal rouge Dalloz n’a plus jamais été pareil. Je garde un souvenir bien ancré dans ma mémoire de cette chose qui gigotait et braillait sans cesse s’immobiliser d’un coup et dégueuler tout le lait de la dernière tétée sur le chapitre concernant l’extinction des peines. Camille s’est payé un fou rire incontrôlable pendant que, vous l’aurez compris, j’ai dû me démerder tout seul avec le môme.
J’ai bien compris la leçon : je ne suis pas fait pour être père. Enfin, pas encore. Je pense.
Camille non plus, je crois. Elle disparait souvent dans la nature, elle continue son petit trafic d’informations, et dès fois, elle finit la nuit sur un toit. Sachant cela, si elle tombait enceinte, je serais pas rassuré. Pas pour elle, mais pour le gosse.
J'suis comme un chien mouillé Qui peut s'prendre tous les coups Les plus belles dérouillées Et suivre son maître partout Regarde ces hématomes Tu vois, j't'ai dans la peau Et ce mercurochrome Dessine ton drapeau
Camille, elle est loyale et elle tient toujours ses promesses.
Avec Camille, si ça doit durer, ça durera.
M'enfin, à travers ce second prologue, on entrevoit déjà un peu mieux la vie quotidienne de Camille et Joël, c'est déjà ça. :) J'aime beaucoup la façon dont tu l'as raconté, on dirait une comptine. C'est mignon comme tout, très joliment tourné. J'avais raison, Camille n'a pas changé, mais par contre je trouve dans ce texte que Joël semble avoir vraiment mûri ! Il l'a dans la peau, sa petite Camille, ça, c'est sûr. J'aime bien le passage sur "les amis", c'est bien Camille, ça ! xD
Bref, je suis conquise par ce début. Après le prologue "in medias res", voici un interlude un plus doux, et c'est ce que j'adore dans tes histoires : le mélange entre les petites joies et les tracas du quotidien et les événements extraordinaires qui viennent bouleverser ce quotidien. Bravo !
Merci pour tous tes commentaires et encouragements, ça fait super chaud au coeur ! Mouuuwaaak !
Même si j'aime bien ces prologues de prologues de prologues :P Celui-là en particulier est mignon tout plein. Ca donne bien un aperçu de la vie du couple et ça remets doucement dans le bain.
Joël, il change pas des masses finalement. Et la Camille non plus. Et c'est finalement tant mieux. Cinq ans, c'est pas rien, et j'ai bien envie de voir ce que tu nous prépares pour la suite.
A bientôt, je l'espère, Clochette :))
Joël ne change pas des masses pour le moment, parce qu'il n'a que 23 ans... quand il en aura attrapé 27, je crois que ce sera légèrement différent. :D Mais j'ai l'intention de faire passer la cellule doucement. :D
Promis, je fais de mon mieux pour le chapitre. Merci tout plein et gros bisous rien que pour toi ! ^^