Deux mois après l’ENOS, il me semblait que rien n’avait changé, ou presque. Nous avions toujours des cours, des entrainements, et des tests grandeurs natures. Pourtant tout y avait changé : la taille, l’intensité, nos complicités.
Nous avions des cours des langues de la GRUP. Nous nous entrainions à partir d’un coup d’œil à savoir le nombre de personnes armées dans une pièce. Pour les tests nous étions infiltrés dans les plus hautes institutions de l’armée, les restaurants des états-majors, où leurs hôpitaux.
Il y avait un côté ludique amusant dans tout cela. La tension était palpable. La peur, le risque de se faire prendre étaient réels. Mais nous étions au sein de l’UEI. Si nous nous faisions arrêté cela créerait juste un grand malentendu. Nous ne risquions pas notre peau. N’est-ce pas ?
La tension permanente qui m’habitait depuis le début de l’ENOS s’amenuisait peu à peu. Il y avait des obstacles à surmonter, des risques à prendre. Mais les objectifs de nos missions étaient clairs. Je n’avais pas à décortiquer les paroles d’un civil, pour comprendre comment je devais agir. Je ne craignais aucun coup bas. Nous n’étions en rivalités avec personne – étant la seule brigade sur notre camp de base.
* * *
Deux mois auparavant, nous arrivons sur une île, où trois bâtiments se cachaient parmi les arbres. Une tour de contrôle prit les commandes de Brunach, qui s’affola un instant. Et nous pûmes admirer la falaise qui entourait l’île, jusqu’à une grotte qui cachait une courte piste d’atterrissage.
« Je vous l’avais dit ! asséna Swann, tandis que nous sortions du pinson. Une vraie base secrète, comme dans les films. Nous voici vraiment devenus des espions. »
J’échangea un regard avec Xian, qui comme moi aurait aimé un peu de retenu. Nous ne savions qui nous allions rencontrer, ni ce que nous devrions faire. La plateforme était vide, et la grotte plongée dans les ténèbres, exceptés les projecteurs de notre pinson.
Dès notre atterrissage tous avaient commencé à s’éparpiller partout, autant pour découvrir où nous étions que pour se dégourdir les jambes. La plateforme métallique faisait claquer chaque pas. Le bruit résonnait dans la grotte, à peine atténué par le clapotis de l’eau. Déjà certains criaient pour s’appeler d’un bout à l’autre, se lançaient des vannes, s’extasiaient devant leurs découvertes.
Nous ne voyions rien. Nous ne savions où nous étions. Et nous n’avions même pas d’arme ! J’attrapais Brunach qui passait à côté de moi.
« Tu remontes dans le pinson, et tu te tiens prêts ! »
Il prit une demi-seconde à interpréter ce que je disais, à comprendre que nous n’étions peut-être pas en sécurité. Puis il obéit en courant. Et déjà je lançais d’une voix que je voulais grave et puissante « A vos tasers ! »
Ce qui en réalité fût assez ridicule. D’une part car ma voix grave et puissante fut en réalité tremblotante. D’autre part car personne ne m’entendit, à part Matt – qui partit dans un fou-rire. Et surtout nous n’avions rien de mieux pour nous protéger que nos fameux tasers. En temps de guerre, ne pas avoir mieux comme arme était simplement fatal.
Après une seconde tentative, plus convaincante – mais qui ne résolut pas plus le problème de nos armes – le silence se fit. Je savais toute l’équipe aux aguets.
La lumière s’alluma d’un coup, nous aveuglant de toute part. Et une voix féminine dans un microphone se fit entendre.
« Deux minutes avant de se poser des questions ! Bougre de gamins ! C’est pas si mal ! si vous ne tenez pas trop à vos peaux. Maintenant vous pouvez baisser vos tasers. Je n’aime vraiment pas, ça me picote un peu trop les artères. Et s’il y en a un olibrius qui me tire dessus, il en fera l’expérience lui-même. Et plus d’une fois ! »
Nous fîmes ainsi connaissance de la capitaine ETRON – et de son vocabulaire fleuri – qui allait nous former et diriger nos opérations. Elle était assez petite. On aurait pu la croire menu, jusqu’au moment de la voir courir – plus vite que certains de mes camarades.
Après avoir ordonné de décharger le pinson, et de la retrouver dans la salle de réunion, elle partit sans se retourner pour vérifier que ses ordres étaient suivis. Je pensais que nous n’en n’aurions pas pour longtemps jusqu’à ce que Brunach ait l’idée d’ouvrir la cale du pinson. Elle était pleine à ras bord de matériel.
Une partie du matériel était pour notre propre installation : il y avait des lits, des bureaux et des armoires. Rien n’était joli, tout y était purement fonctionnel, mais cela mit un peu de vie dans nos chambres, qui à notre arrivée étaient vides avec juste des sols et des murs en béton céllulosé.
Le reste du matériel par contre n’avait rien d’anodin. Je remarquai du matériel que même ni Matt, ni Maro ne connaissaient de vue. Certaines caisses étaient estampillées des laboratoires de recherche en armement de l’armée. Je voulus vérifier leurs provenances sur mon term, mais la base ne contenait aucun réseau.
« Pourquoi ne recevons-nous pas le réseau, m’ouvris-je à Swann. Nous ne devons pourtant pas être à plus de 400 bornes du continent, n’est-ce pas ?
- Regarde me dit-il, après quelques secondes. »
Il me tendait son propre term, avec un écran de diagnostic du réseau – auquel je n’y compris rien. Après un soupir, il se mit à me traduire.
« Nous recevons bien le réseau, nous devrions donc bien être dans les 400km. Mais il y a un brouillage en plus autours de la base. Nous ne pourrons rien recevoir de l’extérieure.
- On pourrait le forcer ?
- Oui, si Lou a récupéré ses anciennes données sur son term – ce que je doutais vu que je n’avais pas encore récupéré les miennes
- Pourquoi brouiller le réseau, si il peut être forcé ?
- Pour ne pas y accéder par erreur. Dès qu’on y accède, le réseau nous localise. Si la base n’existe pas dans les plans, il suffit de nous connecter pour que toute l’armée connaisse l’existence de la base. Les plans sont mis à jour automatiquement par le réseau. En un seul instant la base rentrera dans tous les schémas logistique, d’hébergement, ou d’entrainement de l’armée. »
* * *
« Alors les Ostrogoths des plaines. Faut savoir qu’ici, ça n’existe pas. Cette base n’existe pas. Cette ile non plus. Et vous encore moins. »
C’est ainsi, que notre capitaine nous accueillit pour notre premier briefing.
« Comme nous tenons à ce que rien de tout ça n’existe : le réseau principal n’est pas accessible. Vous avec un réseau secondaire, privé, et protégé. Pour les mordus du pianotage – et notre capitaine fixa intensément Lou et Swann – merci de ne pas le pirater. A moins que nous ne souhaitiez voir ces corsaires de la police militaire débarquer. »
La capitaine nous décrit tout le fonctionnement de l’île en un quart d’heure – c’était simple à retenir tout y était secret, rien ne devait bruiter. Au point tel que pour la grande majorité des bâtiments il s’agissait de salle souterraine, sans vu dehors.
La capitaine nous décrit le fonctionnement que nous aurions avec elle. Moins de cinq autres officiers vivaient sur la base. A tour de rôle ils nous formaient à des techniques et des technologies que nous n’avions pas vues à l’ENOS.
Le plus intéressant, pour moi, était l’étude des comportements humains. J’y apprenais les réflexes qu’adopte les gens en général quand ils sont menacés. Comment en quelques phrases nous pouvions établir une atmosphère de confiance. Connaitre les comportements à adopter pour se faire remarquer, ou se faire oublier. C’est dans ces exercices que nous avions tous le plus l’impression d’être des agents secrets.
A côté nous avions droit à une formation au gruplun – le nom officiel de cette langue spécifique aux échanges à l’intérieur de la GRUP était bien plus barbare : Langage Uniformisé Nominal à l’intérieur de la GRUP. Ayant plusieurs dizaines de planètes, les accents variaient énormément. C’était un effort en moins à faire. Déjà qu’au sein de la brigade nous avions déjà eu quelques difficultés avec les accents dans notre propre langue – je n’arrivais d’ailleurs toujours pas à comprendre Cicé dès qu’elle se mettait à crier.
Nous avions également un nouveau camarade intégré à notre brigade. Il ne sortait pas de l’ENOS, mais d’une formation en médecine de guerre. Bien que très jeune pour avoir déjà fait cette formation, Adam était légèrement plus vieux que chacun d’entre nous.
« C’est la seule discipline qui manquait en sein de votre groupe, expliqua notre capitaine. Sur le terrain, il saura s’occuper des urgences, et programmera les doctonaumes si besoin. »
J’avais tenté à un moment de comprendre comment fonctionnaient ces doctonaumes, ces grosses boites capables de réaliser presque n’importe quelle opération chirurgicale. Pourvu qu’on sache les manipuler – et ce n’étaient pas mon cas, je n’y avais rien compris.
Mais lors de ce très brefs intérêts de ma part, j’avais surtout appris une autre spécialité de la médecine militaire qui m’intéressait bien davantage.
« Et les hormones, drogues, et autres substances ? lui demandais-je.
- Je sais préparer et doser la plupart d’entre-elles, répondit-il prudent. Mais toutes ont leurs effets secondaires. Parfois dévastateur. »
Il avait pris le temps de répondre, jugeant ma réaction à chacun de ses mots, comme pour mieux contrôler sa réponse.
C’est Maro, qui posa la seconde question qui me brulaient les lèvres.
« Alors Adam : Médecin ou Militaire ? »
Ce dernier partit d’un léger rire. Sans répondre toutefois.