Chapitre 1 : Noire Flamme

Par Rouky

Du feu pénétra dans les sombres couloirs de l’orphelinat. Il avait déjà pris place devant les entrées et sorties, empêchant quiconque de fuir sa rage brasillant. Des hurlements retentissaient, se répercutant entre les murs.

Le chaleur intense faisait fondre les peaux, consumait les chairs, brûlait les nerfs... Le feu montait, s’élevait, emplissait la bâtisse d’une fumée étouffante, d’une odeur âcre. Mais il restait piégé à l’intérieur de ces murs en bois, ne pouvant s’échapper. Du moins plus pour longtemps car, tout comme les chairs qu’il dévorait lentement, il ne tarderait pas à s’emparer du bâtiment tout entier.

En attendant, destructeur enflammé, il s’emparait de tous ceux qui s’offraient à lui, ceux n’ayant pas eu le temps de s’enfuir. Piégés entre ses bras flamboyant, des femmes, des hommes, des enfants, nombre d’entre eux se retrouvèrent prisonniers du bûcher.

Certains se jetèrent des étages supérieurs, venant s’écraser sur les dalles de béton. Des mains sanguinolentes tapaient vainement contre les barreaux du bâtiment insalubre, criant et hurlant pour que Dieu leur vienne en aide.

Mais Dieu brillait par son absence.

Le petit garçon de 10 ans qui contemplait la scène depuis l’entrée du bosquet, lui, voulait leur venir en aide. Lui, le seul rescapé du massacre. Ou, du moins, pensait-il être le seul à cet instant, avant de découvrir quelques jours plus tard qu’un surveillant avait lui aussi survécu, malgré être tombé dans le coma des suites de ses brûlures.

Le garçonnet tremblait.

A côté de lui, une vieille femme, qui résidait à quelques pâtés de maison de l’orphelinat, contemplait à son tour le spectacle horrifique.

Lentement, elle s’accroupit devant l’enfant, prit son menton entre ses doigts.

- Je n’ai rien fait, pleurait le garçon. C’est pas moi, c’était un accident. Je voulais pas, j’le jure. J’ai pas fait exprès !

- Allons, allons, dit la dame d’une voix attendrie. Moi, je te crois. Mais ceux qui viendront, eux, ne te croiront jamais. Tu dois fuir, mon enfant. Il y a des hommes cruels qui risquent de te faire payer très cher ce que tu as fait.

- Mais j’ai rien fait ! C’était un accident !

- Ta parole ne vaudra rien face à eux. Leur colère s’abattront sur toi, et ton jeune âge ne te sauvera pas. La justice n’existe pas dans la campagne où nous vivons. Des hommes et des femmes viennent de perdre des proches, et c’est toi qui a causé ce feu. Ils ne te pardonneront jamais. Ils te feront beaucoup de mal. Tu dois t’enfuir, maintenant.

Le garçonnet secoua la tête, mais la vieille dame le poussa doucement vers l’entrée des bois.

- Pars, mon petit. Pars avant qu’ils n’arrivent. Vite !

Alors, le garçonnet tourna les talons, et détala aussi vite qu’il put. Ces hurlements, ces odeurs de chairs calcinées, ces visions sanguinolentes, la chaleur extrême... De tout cela, il s’en souviendrait pour le restant de sa vie.

 

J’ouvris lentement les paupières, réveillé par un bruit étrange.

Je vis Gallant assis sur son lit, le souffle court, la sueur perlant à son visage. Il respirait vite, et serrait les poings sur ses draps froissés.

Je me levais du fauteuil où je m’étais assoupi la veille, et vint m’assoir à côté de lui. Je lui posai une main rassurante sur l’épaule, mais il se dégagea doucement. Il avait du mal à respirer, et gardait les paupières closes.

- Gallant ? dis-je doucement. Qu’est-ce que tu as ?

- Ri... rien, balbutia-t-il en essayant de reprendre son souffle. J’ai juste fait un cauchemar...

- Ce devait être un terrible cauchemar, pour qu’il te réveille aussi brusquement. Tu veux m’en parler ?

Il secoua vigoureusement la tête et, soulevant enfin ses paupières, ses yeux me supplièrent de ne pas lui en demander davantage.

- Très bien, dis-je. Le soleil est déjà levé. Tu descends avec moi au salon ? Je vais nous préparer du café.

- Oui, je te rejoins dans un instant. Je vais d’abord me passer un peu d’eau sur le visage...

Il se leva et partit s’enfermer dans le cabinet de toilettes.

Perplexe, je le laissais toutefois tranquille. Je descendis au salon, profitant de cette nouvelle maison de campagne qu’était la nôtre. Grande, dotée de plusieurs chambres, elle était excentrée de Paris, nous offrant une magnifique vue sur des champs fleuris, et bercé dans un silence seulement rompu par le chant des oiseaux.

Mon père avait engagé à notre service quelques domestiques pour s’occuper du ménage, du jardin et de la cuisine. Tout ce que nous avions à faire, c’était enquêter, puis nous reposer.

Ce décor aurait pu être idyllique si, dans le salon, je ne retrouvais pas Red Sharp, le nez plongé au dessus d’une tasse de café.

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Carl
Posté le 02/05/2025
La tension dramatique est très bien écrite dans la première partie ! J'aime beaucoup la personnification que tu as fais avec l'incendie, ça rend les flammes encore plus terrifiante !
La deuxième partie est plus énigmatique forcément... Hâte de lire la suite !
Rouky
Posté le 02/05/2025
Bonjour !
Merci pour ton passage ici, et pour ton commentaire !
Oui j'ai essayé de rester sur une personnification du feu, pour créer un personnage "antagoniste" de Gallant !

A bientôt j'espère !
Eyram
Posté le 02/05/2025
Ce premier chapitre capte vite l’attention avec une scène marquante et pleine de tension! L’alternance entre le drame passé et le réveil brutal de Gallant fonctionne bien, et on sent que le récit va explorer un traumatisme profond. Entrée en matière efficace, qui donne envie de lire la suite!
Rouky
Posté le 02/05/2025
Salut !
Merci pour ton commentaire encourageant ! Je voulais une introduction qui aille dans le vif du sujet !

Peut-être à bientôt pour les prochaines chapitres !😉
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