Est-ce que vous connaîssez cette sensation ? Ce sentiment de tristesse qui devient si amère qu’il semble vous ronger de l’intérieur, qui est si fort que la douleur devient physique ? Cette tristesse si forte qu’elle semble vous écraser au sol, vous abattre telle un balle de fusil en plein cœur ?
Sauf qu’une balle de fusil tue. Et tout est fini. Mais le chagrin ne tue pas lui, non. Il fait mal, abat, ronge de l’intérieur, donne envie de mourir, mais ne tue pas. Et finalement, rien n’est finit, et on tombe encore plus bas, dans un puits de tristesse.
On pense que le puits a un fond. Il en a peut-être un. Il en a forcément un. Et on rebondira sur le fond, non ? Mais le fonds met trop de temps à arriver. Et on a l’impression qu’il n’arrivera jamais. Que l’on continuera à tomber, et qu’un ne sentira jamais le fond. Jamais la fin.
C’était ce que Louisa ressentait.
Julia Mirabeau, assistante sociale ayant passé la trentaine passa la porte coulissante de l’hôpital des Chartreux. Elle se dirigea vers l’accueil, et demanda le numéro d’une chambre au « type de l’accueil », dont personne ne connaissait le vrai nom.
L’homme au nez crochu comme celui d’un aigle lui donna le numéro qu’elle cherchait et lui expliqua comment se rendre dans cette chambre, avant de la laisser repartir en lui adressant un clin d’œil avide et un « à bientôt j’espère, ma jolie », qui dégoûta la jeune femme.
Elle lui adressa un bras d’honneur certes peu élégant, mais mérité et s’avança vers l’ascenseur.
Julia n’était pas idiote. Elle savait qu’elle était jolie, avec ses cheveux noirs corbeau, sa peu foncée, ses yeux étonnement bleus, sa taille fine et son corps élancé.
Mais elle ne considérait pas les regards appuyés et les propositions déplacées comme des compliments.
Julia monta dans l’ascenseur, et appuya sur le bouton du troisième étage. Quand la machine, arrivée au bon étage ouvrit ses porte, la jeune femme pris le premier couloir à gauche, et marcha jusqu’au bout de celui ci.
D’après ce qu’on avait expliqué à Julia, cette jeune fille qu’elle devait aujourd’hui emmener au Foyer des Trois Ours, auquel elle travaillait depuis dix ans était la fille d’un grand propriétaire d’usine de restauration, mort la veille dans une émeute.
La mère de la petite, une diplomate suédoise était décédée des années auparavant, et sa famille semblait inexistante. Personne ne pouvait la prendre sous tutelle, si bien que la jeune héritière serait placée en foyer, dans une situation dite temporaire, mais qui ne l’était absolument pas : on avait remué ciel et terre, et elle n’avait pas de famille encore vivante. Pour ce qui était de l’adoption, personne ne voudrait d’une jeune fille déjà âgée d’une quinzaine d’années, tout juste orpheline, et, en tant que fille d’un homme riche, sûrement pourrie gâtée.
Chambre 906. C’était bien là.
Appuyée contre la porte, la jeune fille était recroquevillée sur le sol.
Elle tenait sa tête contre ses genoux, et ses bras autour, si bien qu’il était impossible de voir son visage. Julia l’estima âgée d’une quinzaine d’années. Un sac US vert kaki complètement défraichi traînait sur le sol à côté d’elle, et elle se tenait à sa sangle des deux mains comme à une bouée de sauvetage.
« Louisa ? » appela Julia.
Le nom résonna dans le couloir comme un appel, qui sembla aller chercher la jeune fille rousse, la dénommée Louisa très, très loin.
La jeune fille releva la tête et fixa son regard vert émeraude sur Julia.
Maintenant, on pouvait voir son visage. La jeune fille possédait de grands yeux verts entourés de grands trais d’ eye-liner, qui lui donnaient coté théâtral, surmontés de sourcils et de cils rouges et ébouriffés qui accentuaient un air déjà farouche, une bouche aux lèvres gercées, et un nez légèrement épaté, constellé de taches de rousseurs qui formaient des constellations sur ses joues. Ses joues et ses yeux étaient rougis par les pleurs.
« Je suis l’assistante sociale, dit Julia d’une traite. Je viens pour t’amener au foyer. »
Louisa renifla un coup, et essuya ses yeux, étalant son maquillage et laissant de grosses traînées noires sur son visage. Elle se releva, lentement, et Julia put maintenant voir qu’elle était petite et toute mince. Elle s’avança, d’un pas aérien, presque fantomatique, et vint se planter devant Julia.
« Je suis prête. Dit Louisa.
- Veux-tu repasser chez toi reprendre des affaires ? Demanda Julia, répétant son discours habituel.
- Surtout pas, répondit la petite fille, j’ai tout ce qu’il me faut là dedans ( elle montra son sac d’un signe de tête). Allons y. »
Julia hocha la tête, et, Louisa à sa suite, refit tout le trajet qu’elle venait de faire en sens inverse.
Louisa marchait derrière elle, la tête haute.
Pourtant, elle n’était pas aussi indifférente qu’elle voulait le laisser paraître.
Garde toujours la tête haute lui répétait la voix de son père dans sa tête. Toujours. Ne pleure pas devant les gens, quoi qu’il arrive. Alors Louisa garda la tête haute et ne pleura pas. Elle obéissait toujours à son père.
Julia marcha jusqu’à sa voiture, une vieille deux-chevaux orange, qui lui venait de son père. Elle ouvrit la portière arrière, et adressa un petit sourire à Louisa pour l’inviter à s’asseoir sur la banquette. Une fois sûre que la jeune fille s’était bien assise, et attachée, Julia s’installa devant le volant, et démarra sa voiture.
Elle avança tout droit, tourna à droite sur la roue Rousseau, monta la pente de la rue Victor Hugo, en encourageant sa vielle voiture, qui avait de plus en plus de mal à monter les pentes.
Enfin, la vieille deux-chevaux s’arrêta devant un bâtiment semblable à une école, à la façade notée du nom Foyer Des Trois Ours . Les fenêtres étaient recouvertes de dessins d’enfants, et le lieu semblait fait pour paraître joyeux. Mais c’était faux. Tous les enfants présents étaient là pour une seule et bonne raison : les seules personnes aptes à s’occuper d’eux n’était plus en moyen de le faire, ou ne voulaient plus le faire.
« Les Trois Ours, c’est à cause du conte ? Demanda Louisa.
Avant que Julia n’ai répondu à cette question, un jeune garçon bondit devant les deux jeunes femmes et s’écria.
« Exactement, gente dame ! En référence au magnifique conte pour enfants, faisant l’apologie du vol par effraction ! Je m’appelle Joffrey, ou le garçon aux souris et j’ai été nommé pour vous faire visiter notre château, que dis-je, notre palais, notre hôtel quatre étoiles, le foyer des Trois Ours ! "
Je viens voir ton début d'histoire. C'est intéressant de commencer en prenant le point de vue de l'assistante sociale, ça attise la curiosité pour Louisa. Le personnage est intéressant.
Il y a quelques coquilles je sais que c'est pas évident de les chasser toutes quand on est dans l'histoire :
- au début "vous" et pas "vus"
- "fini" au lieu de "finit"
- "dégoûta"
- "ciel et terre"
- "défraichi" au lieu de défranchi
et je crois que c'est à peu près tout ce que j'ai pu identifier.
Bonne continuation et à bientôt
Claire
Merci beaucoup pour ton retour ! Je n'avais effectivement pas remarqué ces fautes, et je viens de les corriger.
J’espère que la suite de l'histoire te plaira !
À bientôt,
Luna