Chapitre 1 (Partie 2/3) (édit du 26/08/20)

Notes de l’auteur : Ceci est un deuxième jet. Le texte a été légèrement modifié dans le but de rendre mon histoire plus cohérente. Une chasse aux fautes d'orthographes a aussi été menée, mais n'hésitez pas à m'indiquer les proies qui m'auraient échappées.

J'ai également décidé de diviser mes chapitres pour faciliter la lecture.

J'espère que vous apprécierez ce chapitre, et n'hésitez pas à laisser des commentaires, ils me seront utiles pour m'améliorer.
Bonne lecture !

Tandis que le soleil se couchait derrière la brume de l’Océan Wess, Victor rentrait de son excursion dans le parc. Assis à l’envers sur le dos de Prunelle, il pouvait contempler la diffusion de l’astre rougeoyant dans sa totalité. Mais rapidement les arbres lui bouchèrent la vue et il reprit la position conventionnelle des cavaliers.  

Il trouva son père dans le petit salon.  

Debout près du piano à queue, Jacob Rivell discutait avec M. Rafford. Dès qu’il aperçut son fils, il se tourna vers lui en écartant les bras :  

-Te voilà Victor ! J’étais sur le point d’envoyer William te chercher, dit-il toutes dents dehors. Toujours est-il que M. Rafford a pris sa décision. Même s’il a refusé de me la transmettre tant que tu n’étais pas arrivé. 

-M. Rivell, commença le professeur d’un ton froid et hautain tout en ponctuant chacune de ses phrases par un silence amer, j’ai intégralement lu votre parchemin et je dois dire que vous m’avez surpris… par votre manque de concision ! Vous êtes encore trop loquace dans vos justifications malgré mes nombreux avertissements et cela me déplait. 

» Cependant… vos résultats étaient tous justes. Ce qui est chose rare parmi mes élèves. (Il enfila ses gants de cuir, puis s’adressa à Jacob sans quitter Victor des yeux) M. Rivell, si vous me permettez mon absence au dîner de ce soir, je m’en vais de ce pas écrire ma lettre de recommandation pour votre fils. Elle partira pour la capitale demain à l’aube. 

Il quitta la pièce et on l’entendit appeler son cocher. Victor ne put retenir sa joie. Deux aussi bonnes nouvelles, c’était inespéré ! Non seulement il présenterait sa candidature à Galdur, mais il pourrait s’en réjouir autour d’une table dénuée de la condescendance de M. Rafford ! Cet abominable personnage avait le don de sans cesse rabaisser ses élèves mais la qualité de son enseignement contrebalançait tant ce défaut qu’il était considéré comme l’un des meilleurs professeurs du pays, et ses tarifs le rappelaient constamment à ses clients. 

Les yeux pétillants de satisfaction, le regard de Victor croisa celui de son père. Un subtil mélange de fierté et de soulagement se lisait dans ses prunelles. Son sourire n’avait pas quitté son visage depuis que Victor était entré dans la pièce mais celui qu’il adressait à son fils ne contenait aucune once de l’hypocrisie destinée à M. Rafford. Au contraire, il resplendissait de toute la générosité et l’affection que Jacob réservait à ses enfants.  

-Allons célébrer cette réussite autour d’un bon plat chaud, déclara Jacob. William ! Le repas est-il prêt ? 

-Il l’est, Monsieur, répondit le majordome en rentrant dans la pièce. Votre fille est déjà à table, Monsieur. Elle vous attend. 

-Je t’ai déjà demandé d’arrêter avec tes « Monsieur », William. Tu peux être poli sans tomber dans l’excès, le sais-tu ? 

-Oui Monsi… Pardon. J’y ferai plus attention à l’avenir. 

-Bien, allons-y Victor. Je crains que ta sœur ne nous reproche d’avoir laissé le repas refroidir si nous tardons trop. 

La salle à manger était la pièce la plus somptueuse de l’édifice. Après avoir traversé le hall d’entrée dans sa longueur, en laissant les deux salons sur sa droite, chaque invité en découvrait l’immensité, dont seul un avant-goût était apercevable à travers la grande porte de noyer. Exposée plein sud, elle offrait une vue imprenable sur les allées d’arbres et de fleurs du parc. La lumière qui pénétrait à travers le verre des fenêtres faisait resplendir les larmes de cristal qui pendaient du lustre en fer forgé, et l’or chatoyant des motifs floraux aux murs semblait donner vie au rouge pourpre de la tapisserie tandis que la table en bois de cerisier ruisselait de multiples éclats.  

Confortablement installés dans leurs fauteuils aux hauts dossiers, les Rivell chuchotèrent les bénédicités d’une même voix :  

-Notre Père qui êtes si bon, usez de votre toute-puissance pour nos âmes misérables. Dans votre splendeur éternelle, bénissez ce repas, celle qui l’a préparé, et donnez du pain à ceux qui n’en ont pas. 

Jacob saisit promptement les couverts d’argent qui siégeaient près de son assiette. 

-Ce ragoût de lapin m’a l’air délicieux. J’en ai l’eau à la bouche ! s’exclama-t-il en coupant sa viande. 

-Mais il serait encore meilleur s’il était plus chaud, soupira Léna. Tout ça parce que Victor a attendu le coucher de soleil pour rentrer. J’espère au moins que M. Rafford t’a donné une réponse positive… 

-C’est le cas ! Il a bien été obligé puisque toutes mes réponses étaient justes. Mes efforts sont enfin récompensés ! 

Victor planta sa fourchette dans une pomme de terre. Croustillantes sur le bord et tendres à l’intérieur, Marie les réussissait toujours à la perfection. 

-Tu sembles oublier que tu n’es pas encore admis. Je te rappelle qu’il y a près de quatre-vingts lettres de recommandation qui partent pour Galdur chaque année. Très peu sont retenues. 

Jacob se pressa d’avaler sa bouchée. 

-Léna ! Epargne donc à Victor ton pessimisme permanent ! Tu devrais au contraire le féliciter, M. Rafford est l’un des plus exigeants des cent-vingt agrégés. 

-Laisse, papa… Léna a raison. M. Rafford a dit qu’il écrirait une lettre, pas qu’elle serait convaincante.  

Jacob plongea son regard dans celui de son fils. 

-Ne pars pas battu d’avance comme ça. M. Rafford n’est pas très agréable mais il n’en reste pas moins juste dans ses décisions. S’il écrit cette lettre c’est que tu le mérites et il le fera savoir, crois-moi !  

-Dans le pire des cas, tu pourras toujours rejoindre les rangs de la marine marchande… 

-Léna ! 

Trop occupés à satisfaire leurs papilles, ils n’abordèrent plus le sujet du repas. Le lendemain, Jacob fit ses bagages pour Rozeberg. Victor l’accompagna jusqu’à la lisière du bois, et regarda son père et les soldats de l’armée royale qui l’escortaient s’enfoncer dans la forêt de Bramoncelle. 

Puis il passa ses journées dans l’attente. Quand allait-il recevoir la réponse de Galdur ? Il n’en savait rien. Les heures passaient lentement sans le travail et les rappels à l’ordre de M. Rafford 

Victor les occupait à se promener, mais il connaissait déjà les moindres recoins du parc sur le bout des doigts. Alors il participait plus encore que d’habitude à la vie du domaine. Il brossait les chevaux de l’écurie, leur donnait à boire et à manger, ramassait leurs selles et nettoyait leurs boxes, soulageant ainsi les efforts du palefrenier boiteux.  Il assistait Marie à la cuisine, taillait les haies avec les jardiniers, prenait part aux récoltes de fruits et aux plantations de fleurs. 

William ne cessait de lui rappeler que les tâches ménagères et d’entretien étaient destinées au petit personnel, pas aux personnes de sa stature ; mais Victor lui répondait alors qu’il n’était pas noble et qu’il ne le serait jamais. Il n’était que le fils d’un marchand. Richissime et nommé maître des coffres par le roi en personne certes, mais sans la moindre goutte de sang noble dans les veines.  

Victor persistait donc dans ses activités manuelles. L’aide qu’il fournissait était appréciée de tous, car il ne rechignait pas à la tâche et finissait toujours ce qu’il avait entamé. Jacob lui avait transmis le goût de l’effort et de la chose bien faite, et Victor faisait honneur à son éducation.  

Le temps qu’il n’utilisait pas à travailler, il le passait à lire et à relire les récits des mages célèbres. Il les connaissait par cœur depuis longtemps, mais il ne pouvait s’empêcher de s’y replonger dès que l’occasion se présentait. Bien qu’il eût conscience que l’exagération était monnaie courante dans les sagas, il ne pouvait s’empêcher d’admirer la diplomatie dont avait fait preuve Karl Bajer pour mettre fin aux siècles de guerre qu’avait subi le continent. 

Ainsi s’écoula un mois.  

Puis deux.  

Puis trois.  

Ces mois de vingt jours s’enchaînaient si facilement qu’ils semblaient inarrêtables.  

Au fur et à mesure que les lendemains remplaçaient les veilles, le doute s’emparait de plus en plus de Victor. Pourquoi n’avait-il toujours pas de réponse ? Galdur avait-elle seulement reçu la lettre de Mr Rafford ? Peut-être que les recalés n’étaient pas prévenus de la décision prise à leur encontre… A moins que Galdur n’ait pas su trancher parmi toutes les candidatures. Serait-elle encore en période de réflexion ? Après trois mois ? Victor en doutait fortement. Mais le cas contraire eut supposé qu’une réponse eut été émise. N’est-ce pas ? 

Il ne savait plus quoi penser. Alors il continuait les mêmes besognes, encore et encore, pour oublier son attente et ses doutes. 

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Xanne
Posté le 01/09/2020
Salut Romiklaus!

Je me suis fait un plaisir de relire cette partie du chapitre (pour la troisième fois je crois XD).

Il y a un tout petit détail qui m'a interloqué (mais c'est vraiment ridicule comme détail): la monture de Victor s'appelle Prunelle et plus loin dans le texte tu écris "Un subtil mélange de fierté et de soulagement se lisait dans ses prunelles" en parlant de Jacob. C'est la "répétition" de prunelle qui m'a tapé dans l’œil. Mais comme dit, ce n'est qu'un détail.

Il me semble que dans la phrase "Croustillantes sur le bord et tendres à l’intérieur, Marie les réussissait toujours à la perfection.", Marie est évoqué pour la première fois? Je n'avais pas tout de suite compris qu'il s'agit de la cuisinière.

J'aime beaucoup les remarques de Léna, c'est typiquement le genre de sœur attachante, mais un poil agaçante ^^

La fin du chapitre est toujours aussi belle a lire :) Je m'envole pour la suite!
Romiklaus
Posté le 02/09/2020
Salut Xanne !

Pour la troisième fois ? Tu sais comment me faire plaisir !
De même pour ton ressenti à propos de Léna, c'était le but recherché.

Marie est effectivement évoquée pour la première fois à ce moment-là. J'essaie (et j'essaierai de plus en plus) de fournir des informations au travers des personnages (avec leurs biais personnels lorsqu'ils ont une vision faussée du monde) pour rendre l'expérience de lecture plus immersive.
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